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19/02/2013 | FRANCE | N°12-81925

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 février 2013, 12-81925


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Marie-Laurence X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 2012, qui, pour discrimination syndicale, l'a condamnée à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 § 1 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 6 § 2 de la

Convention européenne des droits de l'homme, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2146...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Marie-Laurence X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 2012, qui, pour discrimination syndicale, l'a condamnée à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 § 1 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2146-2 du code du travail, 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, préliminaire, 6, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable de discrimination syndicale ;
"aux motifs qu'il ressort non seulement des constatations de M. Y... mais aussi des auditions des personnes entendues que les deux dirigeants du groupe Marne et Champagne ont pris en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale de celui-ci pour limiter son accès au réseau informatique de l'entreprise, modifier ses fonctions et le priver des documents d'information interne ; que les cadres de direction mis en place par la nouvelle équipe dirigeante expliquent que la situation résulte du comportement de la partie civile qui faisait que les dirigeants n'avaient plus confiance et qu'il fallait donc organiser différemment les choses ; que les agents de maîtrise expliquent clairement que M. Y... a été purement et simplement mis à l'écart, même s'il n'y a eu aucun ordre écrit de ne plus le mettre dans le circuit normal d'information ; que les dirigeants du groupe Marne et Champagne se sont en fait enfermés dans une défiance envers M. Y... dès lors que celui-ci a manifesté au plan syndical une opposition aux projets de la direction et que celle-ci n'a jamais trouvé de solution pour sortir de la situation de conflit qui en est résulté, sinon en cherchant vainement d'abord à le licencier puisque l'inspection du travail s'y opposait puis ensuite en tentant d'acheter son départ, ce qu'il a toujours refusé, puis, face au blocage en résultant, cristallisant la situation, d'une part, par un contournement du poste de directeur de production de Reims Courlancy qu'il occupait notamment en plaçant au-dessus de nouveaux interlocuteurs incontournables pour les salariés et notamment ceux placés hiérarchiquement sous son autorité et, d'autre part, par une mise à l'écart de celui-ci de toutes les décisions rentrant dans la mission inhérente à ses fonctions ; que les décisions prises entre autres par Mme X... mettaient à l'écart du circuit de décision le directeur de production en organisant son contournement et en ne l'associant plus aux réunions ni aux groupes de réflexion, ni aux audits, ce qui revenait de fait à lui retirer ses fonctions et à figer sa carrière en lui fermant toute possibilité de promotion ; que s'il on peut comprendre que le licenciement d'un salarié protégé est une chose complexe et si on peut envisager de comprendre que la préoccupation première des dirigeants était de rendre rentable l'activité en réorganisant la production et sa commercialisation pour pouvoir faire face aux charges financières de la reprise par la société Marne et Champagne de plusieurs maisons grâce à des concours bancaires, les dirigeants et employeurs de M. Y... ne pouvaient ignorer qu'aux termes de l'article L. 122-45, alinéa 1, devenu L. 1132l du code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure de discrimination notamment en matière de rémunération et de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales et que l'article L. 412-2, alinéa 1er, devenu L. 2141-5 du code du travail, interdit par ailleurs à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'avancement et la rémunération ; qu'il y a lieu encore de constater que M. Y... a présenté plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, lesquels laissent supposer effectivement l'existence d'une telle discrimination d'autant qu'ils sont confortés par les témoignages précédemment exposés ; que l'employeur, auquel il incombe de le faire (article L. 122-45, alinéa 4, devenu L. 1134-l du code du travail), n'a pas prouvé ni tenté de prouver que les décisions prises cristallisant dans le temps le conflit et la mise à l'écart de M. Y... étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, se contentant d'invoquer la défiance créée par lui au motif qu'il avait saisi la justice pour défendre ses droits ; que d'ailleurs, le comportement de la prévenue est parfaitement révélateur de la situation créée par elle et son défunt mari, à savoir déclarer leur défiance à l'encontre de M. Y... qui avait le tort de cumuler les fonctions de représentant syndical en sus de ses fonctions de direction et de n'avoir pas choisi de privilégier les secondes lors d'un conflit syndical et organiser son contournement et son isolement alors qu'il convient de rappeler que M. Y... n'a fait l'objet d'aucune remarque sur son travail et n'a jamais été taxé d'inaptitude ou d'incapacité professionnelle, que l'employeur ne perd ni son droit disciplinaire ni le droit de licencier pour des raisons économiques le salarié protégé même si ce droit est encadré par l'inspection du travail pour s'assurer du sérieux du motif et que la « perte de confiance » peut même constituer un motif de licenciement pour un cadre de direction, ce qui était le cas de M. Y..., mais cette perte de confiance doit alors se fonder sur des faits incontestables, par exemple le refus d'appliquer la stratégie de l'entreprise, ce qui n'est pas avéré en l'espèce puisqu'il n'est pas établi que ce salarié ait refusé de la mettre en oeuvre ni été mis en demeure d'avoir à le faire, ce explique sans doute que l'employeur ne se soit pas engagé dans cette voie ; que, dès lors, en l'absence de tout autre fondement possible au comportement dénoncé, il y a bien lieu de considérer que le motif du sort réservé à M. Y... tient à ses fonctions syndicales ;
"1°) alors qu'un même fait ne peut donner lieu contre le même prévenu à deux actions pénales distinctes ; qu'en l'espèce où selon ses propres constatations, elle avait déjà condamné la prévenue du chef de discrimination syndicale au préjudice de M. Y... par un arrêt devenu définitif à raison de faits commis entre mars 1995 et mars 1998, la cour d'appel, en déclarant de nouveau Mme X... coupable de discrimination syndicale envers M. Y... sans constater l'existence de décisions discriminatoires prises postérieurement au mois de mars 1998, n'a pas justifié sa décision ;
"2°) alors qu'en tout état de cause que l'article L. 2141-5 du code du travail concernant le délit de discrimination syndicale n'institue aucune dérogation à la charge de la preuve en matière pénale ; que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu'en se fondant, pour déclarer la prévenue coupable de discrimination syndicale, sur la circonstance que M. Y... avait présenté plusieurs éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et que, de son côté, l'employeur, qui en avait pourtant la charge, n'avait pas prouvé ni tenté de prouver que les décisions prises étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a statué par des motifs impliquant un renversement de la charge de la preuve et méconnu ainsi les textes et les principes ci-dessus énoncés ;
"3°) alors qu'en toute hypothèse que le délit de discrimination syndicale ne peut être reproché qu'à l'employeur ; qu'en déclarant Mme X... coupable de ce délit tout en faisant état de «l'absence, au moins apparente, de fonctions d'employeur de la prévenue», la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;
Vu l'article L. 412-2 du code du travail devenu l'article L. 2141-5 dudit code, l'article préliminaire du code de procédure pénale et l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que les articles susvisés du code du travail concernant le délit de discrimination syndicale, n'instituent aucune dérogation à la charge de la preuve en matière pénale ; qu'il résulte des deux derniers textes visés que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité incombe à la partie poursuivante ;
Attendu que, pour dire caractérisé le délit de discrimination syndicale, l'arrêt retient que la partie civile, directeur de production affirmant avoir été mis hors d'état d'exercer ses fonctions, a présenté plusieurs éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et qu'il incombait à la prévenue de prouver ou de tenter de prouver que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que les juges du second degré concluent qu'en l'absence de tout autre fondement possible au comportement dénoncé, il y avait lieu de considérer que celui-ci tenait aux fonctions syndicales exercées par la partie civile ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs impliquant un renversement de la charge de la preuve, alors qu'il lui appartenait de rechercher l'existence d'une relation de causalité entre les mesures jugées discriminatoires et l'appartenance ou l'activité syndicale de la partie poursuivante, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 17 janvier 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-81925
Date de la décision : 19/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 17 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 fév. 2013, pourvoi n°12-81925


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.81925
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