LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 21 juillet 2005, M. Pierre X... a fait assigner devant le tribunal de grande instance Mme Y..., veuve X..., sa belle-fille, tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs, aux fins notamment de voir condamner celle-ci au paiement d'une somme de 42 685, 72 euros au titre d'une facture correspondant à la cession de matériel agricole et d'un cheptel vif au profit de son fils Denis X..., décédé en 2001 ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Attendu que Mme Y..., veuve X... fait grief à l'arrêt attaqué d'accueillir une telle demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, ces prétentions étant fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions des parties ; de sorte qu'en affirmant que " l'authenticité de la pièce fondant l'action en paiement présentée par M. Pierre X... ne saurait plus désormais faire débat ", quand Mme Y... soutenait pourtant que cette pièce était en réalité un habile montage et sur l'authenticité de laquelle l'expert judiciaire avait émis des doutes, en relevant dans son rapport que " nous ne pouvons déterminer si le document présenté en photocopie est le fidèle reflet de l'original ", la cour d'appel a méconnu les termes du litige et, ce faisant, violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que la dénaturation d'un acte consiste à lui faire dire une chose qu'il ne dit pas ; si bien qu'en considérant que la copie de la facture litigieuse présentait les caractéristiques d'une reproduction fidèle et durable de l'original au sens de l'article 1348, alinéa 2, du code civil, quand l'expert judiciaire avait au contraire constaté une différence à prendre en considération entre la signature du « preneur » et les signatures de Denis X..., mais surtout relevé la qualité médiocre de cette reproduction qui ne lui permettait pas d'orienter sûrement son diagnostic, pour en conclure que " nous ne pouvons déterminer si le document présenté en photocopie est le fidèle reflet de l'original ", la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire et violé, ce faisant, l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, sans méconnaître l'objet du litige, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain pour apprécier la portée du rapport d'expertise judiciaire dont elle n'a pas dénaturé les termes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1325 du code civil ;
Attendu que pour condamner Mme Y..., veuve X... au paiement d'une somme 42 685, 72 euros au titre de la cession de matériel agricole et d'un cheptel vif, la cour d'appel retient que la preuve par écrit de la convention peut parfaitement résulter d'une copie, dès lors qu'elle présente comme en l'espèce les caractéristiques d'une reproduction fidèle et durable de l'original au sens de l'article 1348, alinéa 2, du code civil s'agissant d'une photocopie parfaitement lisible sans que son détenteur soit tenu de démontrer les circonstances qui l'auraient empêché de conserver un double original ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la copie produite ne contenait pas la mention du nombre des originaux qui avaient été faits de la convention synallagmatique et ne pouvait dès lors valoir que comme commencement de preuve par écrit exigeant d'être complété par un élément extrinsèque, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Y..., veuve X... tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs, Elora et Florian, à payer à M. X... la somme 42 685, 72 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2005, l'arrêt rendu le 15 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Pierre X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., veuve X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Madame Jennifer Y... veuve X... tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice de ses enfants mineurs, Elora et Florian, à payer à Monsieur Pierre X... la somme 42. 685, 72 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2005,
AUX MOTIFS QUE, tout d'abord, l'authenticité de la pièce fondant l'action en paiement présentée par Monsieur Pierre X... ne saurait plus désormais faire débat, l'expert judiciaire ayant conclu que l'écriture figurant sur ce document entièrement manuscrit était « très certainement » de la main de Denis X... et qu'il existait des similitudes importantes entre la signature figurant sous la mention « preneur » et la signature de M. Denis X... dans les pièces de comparaison ; que les réserves exprimées par l'expert en raison de la nature du support livré à son analyse ne sauraient toutefois infirmer le sens général de ses conclusions en l'absence de tout autre élément de nature à en faire douter de l'authenticité du document, Mme X... soutenant en défense que celui-ci avait été établi pour l'octroi de certaines aides ou formalités administratives ; que se pose ensuite la question de la valeur probatoire de ce document, déniée par l'appelante qui oppose les dispositions de l'article 1325 du Code civil ; qu'il est constant en effet que la convention datée du 31 mars 1996 dont le défaut de production de l'original a été constaté par le juge de la mise en état du 25 avril 2006, a pour objet explicite la cession de matériel et de cheptel vif et constitue un acte synallagmatique pour une valeur de la transaction excédant la somme de 762. 25 euros, montant au-dessus duquel un écrit était exigé à la date de sa rédaction ; que ce document ne fait état d'aucune rédaction en double original et qu'il n'est établi aucune exécution déjà réalisée des obligations de M. Pierre X... à la date de sa signature ; que la preuve par écrit de la convention peut parfaitement résulter d'une copie ainsi que le soutient à bon droit M. X..., partie à l'acte, dès lors qu'elle présente comme en l'espèce les caractéristiques d'une reproduction fidèle et durable de l'original au sens de l'article 1348 alinéa 2 du Code civil s'agissant d'une photocopie parfaitement lisible sans que son détenteur soit tenu de démontrer les circonstances qui l'auraient empêché de conserver un double original ; que s'agissant enfin du sens de l'obligation souscrite par Denis X... aux termes de ce document, il convient de relever que l'intitulé « facture de cession de reprise capital d'exploitation » d'un écrit daté, portant l'identité, le nombre ainsi que la valeur des biens cédés et doit être mis en relation avec un bail à ferme signé entre les mêmes parties 6 jours plus tôt avec effet au 1er avril à titre onéreux et concernant l'exploitation en terres et bâtiments appartenant à M. X... dont il n'est pas contesté qu'il était admis à faire valoir ses droits à la retraite ; qu'il est constant que Denis X... a disposé en propriétaire de ce bétail et de cet outillage pour l'apporter quelques mois plus tard au GAEC TROISEL dans lequel il est entré ; que le caractère gratuit d'un acte ne se présume pas et qu'en l'absence de stipulation de terme pour le paiement du prix total de la cession mentionné à l'acte, le cédant est en droit d'en réclamer le paiement dans le délai de prescription de la dette ; que Madame Y... n'établit aucune intention libérale ni aucun paiement libératoire ; que spécialement sur ce dernier point, l'intimée n'apporte strictement aucun élément sur l'identité des dettes d'exploitation de M. Pierre X... et les modalités de leur apurement par son fils, autant d'éléments qui devraient figurer dans la comptabilité de l'entreprise agricole de Denis X... qu'elle seule est en mesure de produire ; que la copie d'un contrat de prêt non daté pour une stabulation au nom de Pierre X... ne peut y pallier et contribue à tout le moins à justifier l'intérêt d'une cession à titre onéreux du capital d'exploitation ; qu'en outre les circonstances de la revendication du prix de cession qui seront évoquées ci-après lors de l'examen de la demande en paiement de dommages intérêts et qui sont présentées comme réactives à la volonté de l'héritière à disposer du patrimoine du défunt en demandant le remboursement des parts détenues dans le GAEC familial sont indifférentes à la qualification juridique du contrat et au bien fondé de la demande en paiement ; qu'en conséquence il convient de réformer le jugement de première instance qui avait débouté M. Pierre X... de ses demandes et qu'il y a lieu de condamner Mme Jennifer X... tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale d'Elora et Florian, la somme de 42. 685, 72 euros qui est bien visée dans les motifs des conclusions de M. X... nonobstant l'erreur matérielle affectant cette somme dans le dispositif de ces mêmes conclusions ; que cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2005 conformément à la demande étant précisé que la lettre valant mise en demeure conditionnelle du paiement de l'intégralité de la dette est datée du 21 juin 2005 et signifiée par voie d'huissier le 22 juin 2005,
ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, ces prétentions étant fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions des parties ; de sorte qu'en affirmant que « l'authenticité de la pièce fondant l'action en paiement présentée par Monsieur Pierre X... ne saurait plus désormais faire débat », quand Madame Y... soutenait pourtant que cette pièce était en réalité un habile montage et sur l'authenticité de laquelle l'expert judiciaire avait émis des doutes, en relevant dans son rapport que « nous ne pouvons déterminer si le document présenté en photocopie est le fidèle reflet de l'original », la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et, ce faisant, violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct ; que l'inobservation de l'article 1325 du Code civil prive l'écrit de sa force probante et une photocopie de cet écrit ne peut faire foi du contenu de l'original, dès lors qu'il est dénié par celui auquel on l'oppose ; si bien qu'en affirmant que la preuve par écrit de la convention synallagmatique prétendument conclue entre Monsieur Pierre X... et son fils, aux droits desquels se trouvent son épouse et ses enfants, pouvait parfaitement résulter d'une copie dès lors qu'elle présentait les caractéristiques d'une reproduction fidèle et durable, après avoir pourtant relevé, d'une part, que la convention dont le défaut de production de l'original constituait un acte synallagmatique ne faisait état d'aucune rédaction en double original et, d'autre part, qu'aucune exécution des obligations de Monsieur Pierre X... n'était intervenue à la date de sa signature, de sorte qu'aucune photocopie de cet acte ne pouvait faire foi de son contenu qui était dénié par l'exposante, la Cour d'appel a violé les articles 1325 et 1334 du Code civil, ensemble l'article 1348 du même Code,
ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'exigence de la preuve littérale d'un acte dans les conditions posées par l'article 1341 du Code civil trouve exception lorsqu'une partie n'a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable au sens de l'article 1348 alinéa 2 du code rural ; de sorte qu'en affirmant que la copie de la facture litigieuse, intitulée « Facture de reprise Capital d'exploitation » présentait les caractéristiques d'une reproduction fidèle et durable de l'original, au seul motif qu'elle était parfaitement lisible, sans vérifier, ainsi que l'exposante le lui demandait, si une telle photocopie ne constituait pas un habile montage, compte tenu de sa qualité médiocre relevée par l'expert judiciaire, qui n'avait pas permis à ce dernier de déterminer notamment les provenances des traînées d'encre conjointes au « C » de la signature de Denis X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 du Code civil,
ALORS, EN OUTRE, QUE la dénaturation d'un acte consiste à lui faire dire une chose qu'il ne dit pas ; si bien qu'en considérant que la copie de la facture litigieuse présentait les caractéristiques d'une reproduction fidèle et durable de l'original au sens de l'article 1348 alinéa 2 du Code civil, quand l'expert judiciaire avait au contraire constaté une différence à prendre en considération entre la signature du « preneur » et les signatures de Denis X..., mais surtout relevé la qualité médiocre de cette reproduction qui ne lui permettait pas d'orienter sûrement son diagnostic, pour en conclure que « nous ne pouvons déterminer si le document présenté en photocopie est le fidèle reflet de l'original », la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire et violé, ce faisant, l'article 1134 du Code civil,
ALORS ENFIN QU'en exigeant des héritiers qu'ils rapportent la preuve d'une intention libérale ou d'un paiement libératoire d'une somme de 42. 685, 72 euros, alors au contraire qu'il appartenait à Monsieur Pierre X... de rapporter la preuve, compte tenu des éléments versés au dossier qui laissaient présumer d'une telle intention, que la cession du cheptel et du matériel de son exploitation à son fils dans le cadre de son installation sans exiger de contrepartie financière, ne constituait pas un acte de donation, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 894 du même Code.