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13/02/2013 | FRANCE | N°11-27856

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 février 2013, 11-27856


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2011), que Mme X... engagée à temps partiel par contrat du 24 septembre 2003 par la société Curdis en qualité de caissière employée commerciale, a été licenciée pour faute grave par lettre du 6 mai 2005 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de retenir sa faute grave et de la débouter en conséquence de ses demandes à ce titre alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige se

bornait à lui reprocher d'avoir refusé d'effectuer une tâche et d'avoir appelé ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2011), que Mme X... engagée à temps partiel par contrat du 24 septembre 2003 par la société Curdis en qualité de caissière employée commerciale, a été licenciée pour faute grave par lettre du 6 mai 2005 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de retenir sa faute grave et de la débouter en conséquence de ses demandes à ce titre alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige se bornait à lui reprocher d'avoir refusé d'effectuer une tâche et d'avoir appelé les services de police en accusant son supérieur hiérarchique de l'avoir frappée et harcelée moralement et sexuellement ; qu'en retenant pour justifier sa faute grave qu'elle avait provoqué un esclandre qui avait perturbé le fonctionnement du magasin, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1232-1 du code du travail ;
2°/ qu'à l'appui de ses conclusions d'appel faisant valoir qu'elle avait été victime d'une agression par son chef de magasin, elle produisait un procès-verbal des services de police du 25 mars 2005 à 16 h 45 indiquant " constatons que la victime présente des traces rougeâtres au niveau du cou et du visage côté gauche " ainsi que l'attestation de M. Y..., agent de sécurité du magasin, certifiant que le 25 mars 2005 vers 16 h 30, il avait constaté " une conversation aigue provoquée par le gérant du magasin envers l'employée ", que le gérant avait convoquée quelques minutes plus tard dans son bureau, d'où il était sorti " trop nerveux et juste derrière lui la salariée avec ces vêtements déplacés et des traces rouge sur son cou, très choquée et en pleurant " ; qu'en s'abstenant de toute explication sur ces documents produits démontrant la réalité de l'agression dont elle avait été victime le 25 mars 2005 pour juger qu'elle avait commis une faute grave, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, qui ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; qu'en considérant qu'elle avait commis une faute grave en appelant les services de police auprès desquels elle avait porté plainte pour accuser son supérieur hiérarchique de l'avoir agressée, dès lors que la plainte n'avait pas été poursuivie pénalement et que les faits dénoncés n'étaient pas établis, sans relever en quoi elle aurait été de mauvaise foi, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-2 du code du travail ;

4°/ que la cour d'appel, qui constatait qu'engagée en qualité de caissière, elle était affectée à des tâches de ménage, ne pouvait, au prétexte qu'elle n'était pas la seule salariée à effectuer de telles tâches, retenir que son refus " d'aller en caisse " après qu'il lui ait été initialement demandé de « " faire le nettoyage " du magasin constituait une faute grave ; qu'elle a ainsi violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle écartait, a par motifs propres retenu l'insubordination réitérée de la salariée de prendre la caisse du magasin à la demande de son supérieur hiérarchique et par motifs adoptés non critiqués, la mauvaise foi de la salariée qui avait porté des accusations mensongères de harcèlement à l'encontre de son supérieur hiérarchique pour échapper aux remontrances de ce dernier ; qu'ayant caractérisé une faute rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et sans excéder les limites posées par la lettre de licenciement, elle a ainsi justifié légalement sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Z... de l'intégralité de ses demandes dirigées contre son employeur ;
Aux motifs que « la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est ainsi rédigée :
« Le 25/ 03/ 2005, vous vous êtes présentée au magasin, particulièrement bien maquillée et coiffée. L'adjoint vous a demandé de faire le ménage puisque c'était votre tour conformément au planning affiché en magasin.
Vous avez commencé à faire le ménage, mais de manière superficielle.
Ayant du monde en caisse, votre chef de magasin vous a demandé de cesser momentanément le ménage et de prendre donc une caisse. Vous avez délibérément ignoré sa directive et avez continué votre ménage comme si de rien n'était.
Votre chef de magasin, afin d'éviter de vous réprimander sur la surface de vente, vous a aussitôt convoqué dans son bureau et vous a informée qu'il n'hésiterait pas à vous mettre un avertissement si vous persistiez à ne pas aller en caisse. Vous lui avez alors répondu que « vous n'en aviez rien à foutre et qu'il pouvait vous mettre 10 avertissements ».
Puis vous avez arraché votre blouse de travail en hurlant que c'était votre chef de magasin qui vous l'enlevait et qui vous frappait.
Le vigile et un manutentionnaire ont accouru et ont constaté que vous n'aviez strictement aucune trace de coups hormis cette blouse arrachée.
Votre responsable vous a redemandé d'aller en caisse mais vous avez refusé et êtes partie en salle de pause. Votre chef de magasin a été contraint de prendre la caisse à votre place ! Une heure et demi plus tard environ, la police à qui vous aviez téléphoné entre-temps est arrivée au magasin. Vous vous êtes présentée totalement décoiffée, toute rouge, démaquillée et avec des traces sur le cou et avez prétendu avoir été frappée et harcelée moralement et sexuellement par votre responsable.
Votre chef de magasin, très choqué, a souhaité déposé plainte pour diffamation.
En outre, vous avez déjà fait l'objet d'un avertissement dont vous n'avez manifestement pas tenu compte, à savoir :
Avertissement du 20/ 01/ 2004 : durant le mois de décembre 2003, vous avez fait des erreurs de caisses pour un montant de 27, 98 euros.
Les observations qui vous ont été faites sont restées sans effet et l'entretien préalable n'a apporté aucun élément nouveau. Aussi, nous nous voyons dans l'obligation de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre entreprise. Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au service de l'entreprise même pendant un préavis ».
Que l'employeur fait ainsi en substance grief à Mme Z... d'avoir le 25 mars 2005 refusé d'effectuer une tâche, en l'occurrence prendre une caisse, comme le directeur du magasin le lui demandait, de lui avoir manqué de respect et d'avoir porté à son encontre des accusations diffamatoires de nature à porter atteinte à sa réputation et au bon fonctionnement de son établissement ;
Que Mme Z... soutient tout au contraire que l'incident a débuté, après que le directeur lui eut enjoint de faire le nettoyage, par le reproche de ne pas faire correctement le ménage, qu'il lui était en effet interdit depuis plusieurs mois d'exercer ses fonctions de caissière et qu'elle n'était plus cantonnée qu'à des tâches de ménage lesquelles n'entraient pourtant pas dans ses fonctions de caissière ; qu'elle verse les témoignages de Mmes A... et B... toutes deux caissières ainsi que celui de Mme C..., se déclarant « collègue de travail » ; qu'elle fait ensuite valoir qu'elle a été physiquement agressée par M. D... dont elle subissait depuis plusieurs mois des faits constitutifs de harcèlement ;
Mais, que Mme A... confirme qu'il n'y avait pas d'autre caissière que Mme Z... dans le magasin le 25 mars 2005 ; que partant, son témoignage sur le déroulement d'un incident auquel elle n'a pas assisté est inopérant ; que Mme B... est pour sa part entièrement revenue sur les termes de sa première attestation et a établi un second témoignage en sens contraire ; que ces deux attestations seront donc écartées du débat ; que le témoignage de Mme C... ne porte pas sur l'incident du 25 mars 2005 ; qu'elle atteste en substance que Mme Z... était assignée à des tâches de femme de ménage au lieu d'exercer son emploi de caissière ;
Que la société Curdis justifie néanmoins que Mme Z... n'était pas assignée à des tâches exclusives de ménage, puisqu'elle produit les documents intitulés « différences de caisses » émis semaine par semaine, individualisant le résultat journalier de chaque salarié, signés pour la partie la concernant par Mme Z..., de l'examen desquels il résulte que cette dernière a bien tenu la caisse tout au long de son activité au service de la société Curdis les mercredis, vendredis et samedis, et ce jusqu'à la rupture de la relation contractuelle ;
Qu'également, si la cour reste dans l'ignorance de la date d'établissement de la fiche poste « contrat caissier employé commercial » et que ce document n'est pas signé de Mme Z..., la société Curdis établit néanmoins, par les témoignages qu'elle produit, que non seulement Mme Z... n'était pas la seule caissière à être affectée à des tâches de ménage, mais encore que ces tâches étaient effectuées par l'ensemble des salariés, sans qu'il puisse être considéré que Mme Z... aurait accompli plus de temps de nettoyage que ses collègues ; qu'ainsi, M. F..., également caissier, a attesté que « le nettoyage du magasin et de la réserve est fait par tous les salariés à tour de rôle … Zoubida faisait aussi le nettoyage quand c'était son tour, pas plus que les autres … » ; que Mme G... témoigne pour sa part : « il n'y a pas de femme de ménage et on s'occupe tous du ménage à tour de rôle » ; que M. H..., employé commercial, a attesté de la même manière ;
Que par ailleurs, M. I..., employé commercial et adjoint du responsable du magasin, M. D..., a attesté que c'était lui qui avait demandé à Mme Z..., le 25 mars 2005, de faire le nettoyage parce que c'était son tour le vendredi, et qu'à son arrivée, M. D... avait demandé à Mme Z... « d'aller en caisse » ce qu'elle « a refusé catégoriquement » ;
Que si les versions des parties sont contraires en fait sur la relation de l'incident qui a ensuite opposé Mme Z... à M. D... dans le bureau de ce dernier, hors la présence de tout tiers, de sorte ainsi que la preuve n'est pas faite de ce que Mme Z... aurait alors manqué de respect envers son supérieur hiérarchique, il est néanmoins constant que Mme Z... a ensuite accusé ce dernier de l'avoir molestée et a appelé les services de police dont l'intervention a conduit à ce que les protagonistes soient conduits au commissariat, et qu'un tel incident a nécessairement perturbé la bonne marche du magasin, alors que le certificat médical délivré le même jour à 23h30 par les services de l'hôtel Dieu de Paris conclut à l'absence de lésion cutanée visible au niveau de l'ensemble du corps de Mme Z... dont l'état anxio-dépressif était antérieur au 25 mars 2005 ainsi que son médecin traitant l'indique, ce qu'elle ne le discute d'ailleurs pas, et que la plainte déposée pour violences volontaires légères n'a pas été poursuivie pénalement ;
Qu'il résulte de ce qui précède que Mme Z... a, le 25 mars 2005, fait montre d'insubordination, provoqué un esclandre qui a perturbé le fonctionnement du magasin, et accusé son supérieur hiérarchique de violence physique à tort à raison de faits non établis ; que de tels faits sont constitutifs d'une faute rendant impossible le maintien de cette salariée dans l'entreprise ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme Z..., étant ici rappelé que les faits de harcèlement moral invoqués reposent sur le fait, dénoncé par Mme Z..., d'avoir été assignée à des tâches de nettoyage n'entrant pas dans ses attributions, qui a été ci-avant jugé inexact » ;
Alors que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige se bornait à reprocher à Mme Z... d'avoir refusé d'effectuer une tâche et d'avoir appelé les services de police en accusant son supérieur hiérarchique de l'avoir frappée et harcelée moralement et sexuellement ;
Qu'en retenant pour justifier la faute grave commise par Mme Z... qu'elle avait provoqué un esclandre qui avait perturbé le fonctionnement du magasin, la cour d'appel a violé les articles L 1232-6 et L 1232-1 du code du travail ;
Alors en outre que à l'appui de ses conclusions d'appel faisant valoir qu'elle avait été victime d'une agression par son chef de magasin, Mme Z... produisait un procès-verbal des services de police du 25 mars 2005 à 16 h 45 indiquant « constatons que la victime présente des traces rougeâtres au niveau du cou et du visage côté gauche » ainsi que l'attestation de M. Y..., agent de sécurité du magasin, certifiant que le 25 mars 2005 vers 16 h 30, il avait constaté « une conversation aigue provoquée par le gérant du magasin envers l'employée », Mme Z..., que le gérant avait convoquée quelques minutes plus tard dans son bureau, d'où il était sorti « trop nerveu et juste derrière lui Mme Z... avec ces vêtements déplacés et des traces rouge sur son cou, très choquée et en pleurant » ;
Qu'en s'abstenant de toute explication sur ces documents produits démontrant la réalité de l'agression dont avait été victime Mme Z... le 25 mars 2005 pour juger qu'elle avait commis une faute grave, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors au surplus que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, qui ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;
Qu'en considérant que Mme Z... avait commis une faute grave en appelant les services de police auprès desquels elle avait porté plainte pour accuser son supérieur hiérarchique de l'avoir agressée, dès lors que la plainte n'avait pas été poursuivie pénalement et que les faits dénoncés n'étaient pas établis, sans relever en quoi elle aurait été de mauvaise foi, la cour d'appel a violé l'article L 1152-2 du code du travail ;
Alors enfin que la cour d'appel qui constatait qu'engagée en qualité de caissière, Mme Z... était affectée à des tâches de ménage ne pouvait, au prétexte qu'elle n'était pas la seule salariée à effectuer de telles tâches, retenir que son refus « d'aller en caisse » après qu'il lui ait été initialement demandé de « faire le nettoyage » du magasin constituait une faute grave ; qu'elle a ainsi violé les articles L 1234-1, L 1234-5, 1234-9 et 1235-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-27856
Date de la décision : 13/02/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 fév. 2013, pourvoi n°11-27856


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.27856
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