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13/02/2013 | FRANCE | N°11-21925

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 février 2013, 11-21925


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses cinquième et sixième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Laurent X... a été engagé le 10 décembre 2007, par contrat à durée indéterminée, par la société Eurofred groupe en qualité de commercial itinérant ; que le 20 mai 2009, il a saisi la juridiction prud'homale pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que le 22 juillet 2009, il a pris acte de la rupture de ce contrat et a alors demandé à la juridiction saisie de dire que cet

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses cinquième et sixième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Laurent X... a été engagé le 10 décembre 2007, par contrat à durée indéterminée, par la société Eurofred groupe en qualité de commercial itinérant ; que le 20 mai 2009, il a saisi la juridiction prud'homale pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que le 22 juillet 2009, il a pris acte de la rupture de ce contrat et a alors demandé à la juridiction saisie de dire que cette prise d'acte devait avoir les effets d'un licenciement et de condamner son employeur à diverses sommes en conséquence ainsi qu'à des dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de primes et d'indemnités de préavis et de licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail ou par l'engagement unilatéral de l'employeur ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter le salarié de ses demandes, que la société Eurofred groupe avait adressé au salarié le détail des ventes effectuées et les retards de paiement des clients concernés, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par le salarié, si ce dernier n'avait pas été laissé par son employeur dans l'ignorance des remises, dont dépendait le montant de la partie variable de sa rémunération, accordées par la société Eurofred groupe à ses clients, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que lorsque le calcul de la rémunération du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur relatifs aux défauts de paiement de la part des clients, l'employeur manque à ses obligations en communiquant des éléments erronés au salarié ; qu'en déboutant, dès lors, le salarié de ses demandes, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par le salarié, si les informations que lui avait communiquées son employeur au sujet des incidents de paiement de la part des clients n'étaient pas entachées d'erreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les taux moyens d'incidences critiqués n'avaient pas été modifiés par rapport à l'année 2008, que le salarié avait reçu le détail des ventes effectuées ainsi que les retards de paiements par courriers électroniques et s'était même plaint de sa moyenne des "incidences de paiement" proche de 10 %, sans en contester l'établissement mais en réfutant les conséquences et en sollicitant même la révision de son mode de rémunération, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, la cour d'appel retient, après avoir écarté certains des griefs avancés par le salarié, que celui-ci ne démontre aucunement un harcèlement de la part de son employeur ;
Qu'en statuant ainsi alors que lorsqu'un salarié allègue un ensemble de faits constitutifs, selon lui, d'un harcèlement moral, il lui appartient seulement d'établir que tout ou partie d'entre eux laisse supposer l'existence de tels agissements, et qu'il appartient alors au juge d'appréhender ces faits dans leur ensemble et de rechercher s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes tendant à la condamnation de son employeur à lui payer des sommes à titre d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une nouvelle attestation Pôle emploi, l'arrêt rendu le 27 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Eurofred groupe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eurofred groupe et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Laurent X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Eurofred groupe à lui payer la somme de 9 023,41 euros à titre de rappel de primes, la somme de 902,34 euros au titre des congés payés y afférents, la somme de 10 833,75 euros à titre d'indemnité de préavis, la somme de 1 083,37 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, la somme de 1 083,37 euros à titre d'indemnité de licenciement et la somme de 28 890 euros à titre de dommages et intérêts et à lui remettre une nouvelle attestation Pôle emploi, dans un délai de 8 jours à compter de l'arrêt à venir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la prise d'acte de rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que cependant, s'il appartient au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ; qu'enfin, une telle rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; / attendu que M. Laurent X... reproche à la Sas Eurofred groupe d'avoir des modalités de calcul de la partie variable de sa rémunération pour l'année 2009 incompréhensibles et totalement invérifiables, de ne pas avoir reçu de primes de janvier à avril 2009 et de recevoir des remarques injustifiées et incessantes, qualifiées d'harcèlement, depuis qu'il a saisi le conseil de prud'hommes ; / attendu que conformément à l'article 8 du contrat de travail liant les parties, M. Laurent X... a signé le 12 janvier 2009 les objectifs mensuels qui lui sont fixés pour cette année-là ainsi que les modalités de calcul de la partie variable de sa rémunération ; qu'il convient de relever que les taux moyens d'incidence, critiqués dans le présent litige, n'ont pas été modifiés par rapport à l'année 2008 ; qu'il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats que chaque commercial recevait le détail des ventes effectuées ainsi que les retards de paiement des clients concernés ; que M. Laurent X... ne peut prétendre que son employeur ne lui a pas adressé ces documents puisqu'ils lui ont été adressés par courriers électroniques ; que d'ailleurs, lorsque l'employeur était confronté à des problèmes informatiques, les services de l'entreprise sollicitaient aussi par courriers électroniques les commerciaux afin d'obtenir une vérification de leur part et de faire les rectifications nécessaires ; que de plus, dans un courrier électronique en date du 27 février 2009, M. Laurent X... se plaint de sa moyenne des "incidences de paiement" proche de 10 %, sans en contester l'établissement mais en réfutant les conséquences et en sollicitant même la révision de son mode de rémunération ; qu'enfin, la Sas Eurofred groupe démontre que M. Laurent X... n'a pas atteint des objectifs en 2009 et qu'il a reçu la part variable de sa rémunération lui revenant et ce, au mois de mai 2009 ; qu'il n' y a donc lieu de lui octroyer un rappel de primes ; que par ailleurs, M. Laurent X... ne démontre aucunement un harcèlement de la part de son employeur ; qu'au surplus, celui-ci a même été obligé de lui adresser le 1er juillet 2009 une nouvelle lettre recommandée lui rappelant qu'il ne transmettait plus de compte-rendu d'activité hebdomadaire et lui signifiant qu'il n'était pas dupe des manoeuvres du salarié qui faisait tout pour le contraindre à le licencier afin de lui permettre de travailler pour une autre société comme il s'en était vanté ; que dans ces conditions, les faits reprochés à son employeur par M. Laurent X... ne sont pas démontrés ; que le jugement déféré, qui a considéré que le licenciement s'analysait en une démission du salarié et qui a rejeté les demandes de ce dernier, sera alors confirmé » (cf., arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « M. X... a saisi le conseil de prud'hommes le 20 mai 2009 afin de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur au motif que ce dernier ne remplissait pas ses obligations notamment en ne lui donnant pas les éléments nécessaires au calcul de la part variable de sa rémunération ; / que la situation perdurant, M. X... devait rompre son contrat le 2 juillet 2009, précisant que l'imputabilité de la rupture était à la société ; / attendu qu'il convient de relever que si les éléments exposés par le salarié ne sont pas suffisamment graves, la rupture du contrat ne pourra être imputable à l'employeur ; / qu'en l'espèce, l'argumentation du salarié qui soutient que le manque d'éléments fournis par la société ne lui permettait pas de calculer la partie variable de son salaire puis la sanction de 2 avertissements sont de nature à justifier la rupture imputable à l'employeur ; / attendu cependant que les agissements de l'employeur ne répondent pas aux exigences de l'article L. 1152-1 du code du travail et ne caractérisent pas une intention malveillante de l'employeur ; / qu'alors, le conseil ne pourra que constater que les éléments ne sont pas constitutifs de harcèlement avéré et M. X... sera débouté de ses demandes sur ce point, la rupture du contrat devant s'analyser ici en démission du salarié » (cf., jugement entrepris, p. 5) ;
ALORS QUE, de première part, la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter M. Laurent X... de ses demandes, que M. Laurent X... ne démontrait aucunement l'existence d'un harcèlement de la part de son employeur, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS QUE, de deuxième part, en cas de litige relatif à l'application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et si le salarié apporte de tels éléments, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter M. Laurent X... de ses demandes, que les agissements de l'employeur ne répondaient pas aux exigences de l'article L. 1152-1 du code du travail et ne caractérisaient pas une intention malveillante de l'employeur et que, dès lors, les éléments n'étaient pas constitutifs de harcèlement avéré, quand ces motifs ne permettaient pas de déterminer si M. Laurent X... avait apporté des éléments qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, si la société Eurofred groupe avait établi que ses agissements n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS QUE, de troisième part, le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. Laurent X... de ses demandes, que les agissements de l'employeur ne caractérisaient pas une intention malveillante de l'employeur et que, dès lors, les éléments n'étaient pas constitutifs de harcèlement avéré, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS QUE, de quatrième part, le juge, saisi d'une demande d'un salarié fondée sur l'existence d'un harcèlement moral, doit prendre en considération tous les éléments invoqués par le salarié à l'appui de sa demande, rechercher si ces éléments sont établis et, dans l'affirmative, s'ils sont, pris dans leur ensemble, de nature à faire présumer un harcèlement moral ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. Laurent X... de ses demandes, que les agissements de l'employeur, tenant à l'absence de communication au salarié des éléments permettant de calculer la partie variable de sa rémunération et au prononcé de deux avertissements à son encontre, ne répondaient pas aux exigences de l'article L. 1152-1 du code du travail et que, dès lors, les éléments n'étaient pas constitutifs de harcèlement avéré, quand M. Laurent X... invoquaient, également, à l'appui de sa prétention selon laquelle il avait été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur, la circonstance qu'il a fait l'objet de remarques injustifiées et incessantes de la part de son employeur et de menaces de la part du directeur général de la société Eurofred groupe, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS QUE, de cinquième part, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail ou par l'engagement unilatéral de l'employeur ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter M. Laurent X... de ses demandes, que la société Eurofred groupe avait adressé à M. Laurent X... le détail des ventes effectuées et les retards de paiement des clients concernés, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. Laurent X..., si ce dernier n'avait pas été laissé par son employeur dans l'ignorance des remises, dont dépendait le montant de la partie variable de sa rémunération, accordées par la société Eurofred groupe à ses clients, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, de sixième part, lorsque le calcul de la rémunération du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur relatifs aux défauts de paiement de la part des clients, l'employeur manque à ses obligations en communiquant des éléments erronés au salarié ; qu'en déboutant, dès lors, M. Laurent X... de ses demandes, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. Laurent X..., si les informations que lui avait communiquées son employeur au sujet des incidents de paiement de la part des clients n'étaient pas entachées d'erreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-21925
Date de la décision : 13/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 27 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 fév. 2013, pourvoi n°11-21925


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.21925
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