LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Goldy's de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre la société KBC Lease France ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que la société Artys lui ayant donné en location un matériel de télésurveillance qu'elle restitua à la société Goldy's, distributeur de la société Artys, lors de la cessation de son activité, Mme X... a été assignée par la société KBC Lease France, cessionnaire du contrat de location, en paiement des loyers échus ; que la société Goldy's a été appelée en la cause ;
Attendu que pour condamner la société Goldy's à relever et garantir Mme X... des condamnations mises à sa charge, l'arrêt retient que la société Goldy's qui a procédé au démontage et à la conservation dans ses locaux d'un matériel qui ne lui appartenait pas et qui ne justifie pas avoir sollicité préalablement l'accord de la société KBC Lease France ni même l'avoir informée de son intervention, a ainsi commis une faute qui a fait perdre une chance sérieuse à Mme X... d'éviter d'avoir à payer la totalité des sommes mises à sa charge au titre de la période postérieure à la reprise du matériel ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que Mme X... ne pouvait mettre fin au contrat de location sans l'accord de la société KBC Lease France et qu ‘ elle s'était engagée à régler les loyers à échoir, de sorte que la chance prétendument perdue par Mme X... qui n'avait pas tenté de négocier la résiliation du contrat, demeurait hypothétique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Goldy's à relever et garantir Mme X... des condamnations mises à sa charge à hauteur de la somme de 5 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, l'arrêt rendu le 15 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Goldy's
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Goldy's à relever et garantir Mme X... des condamnations mises à sa charge à hauteur de 5. 000 €, augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'assignation de la société KBC Lease France par Mme Casteuble ;
AUX MOTIFS QUE suite à la restitution du matériel de télésurveillance à la société Goldy's, Madame X... a cessé de payer les loyers à la société KBC Lease France ; cependant que Madame X... ne pouvait mettre fin au contrat de location sans l'accord de la société KBC Lease France et s'abstenir de régler les loyers, ce dont elle avait d'ailleurs conscience puisqu'elle avait écrit spontanément dans son courrier du 1er mars 2007 qu'elle continuerait à régler la location jusqu'à la fin du contrat ; que par courrier recommandé du 18 septembre 2007 (AR signé le 20 septembre 2007), la société KBC Lease France l'a mise en demeure de lui régler les sommes dont elle était alors redevable, à savoir :
- somme des loyers impayés TTC 1. 672, 74 €, correspondant à 9 échéances de loyers impayés du 10 janvier 2007 au 10 septembre 2007 inclus,
- indemnité de retard 167, 27 € ce, sous huitaine, à peine de résiliation du contrat et d'exigibilité immédiate de l'intégralité des sommes dues dont : loyers à échoir (7. 062, 68 €) et indemnité de résiliation (590, 52 €), soit un total de 9. 493, 21 € ; que Madame X... ne démontre pas ni même n'allègue avoir régularisé sa situation dans le délai de huit jours ; qu'en outre, la société Goldy's a commis une faute :
- en récupérant le matériel sans attirer l'attention de Madame X... sur le fait qu'il était la propriété de la société KBC Lease France et l'inviter à se rapprocher de cette dernière pour une éventuelle restitution,
- en ne restituant pas le matériel démonté à la société KBC Lease France de façon à ce que celle-ci puisse en disposer comme elle l'entendait ;
que si elle n'avait pas récupéré le matériel dans ces conditions, Madame X... aurait pu négocier la résiliation du contrat avec la société KBC Lease France, effectué la restitution du matériel entre les mains de la société KBC Lease France, laquelle aurait pu le redonner en location ou le céder ; que la société KBC Lease France aurait également pu disposer du matériel, le redonner ou le céder s'il lui avait été remis dès après son démontage ; que la société Goldy's qui a procédé au démontage et à la conservation dans ses locaux d'un matériel qui ne lui appartenait pas et qu'elle avait cédé à la société KBC Lease France et qui ne justifie pas avoir sollicité préalablement l'accord de la société KBC Lease France ni même l'avoir informée de son intention a ainsi commis une faute qui a fait perdre une chance sérieuse à Madame X... d'éviter d'avoir à payer la totalité des sommes mises à charge au titre de la période postérieure à la reprise du matériel, soit les échéances à compter du 10 mars 2007, l'indemnité de retard y afférent et l'indemnité de résiliation, outre intérêts ; qu'en l'état des éléments du dossier, il y a lieu de condamner la société Goldy's à la relever et garantir des condamnations au titre des échéances échues et impayées à compter du 10 mars 2007, de l'indemnité de retard y afférent, et de l'indemnité de résiliation, à hauteur de la somme de 5. 000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance de la société KBC Lease France par Madame X... au besoin à titre de supplément de dommages et intérêts ;
ALORS QU'une perte de chance ne peut donner lieu à réparation que si la chance perdue était réelle et sérieuse et non simplement hypothétique ; que dès, en retenant, pour condamner la société Goldy's à qui le matériel avait été remis par Mme Casteuble à relever et garantir cette dernière, à hauteur de 5. 000 €, des condamnations prononcées à son encontre à l'égard de la société KBC au titre des échéances échues, des indemnités de retard et de l'indemnité de résiliation, qu'en procédant au démontage et à la conservation du matériel qui ne lui appartenait pas, la société Goldy's avait fait perdre une chance sérieuse à Mme Casteuble de négocier la résiliation du contrat et d'éviter d'avoir à payer la totalité des sommes mises à sa charge au titre de la période postérieure à la reprise du matériel, après avoir pourtant relevé que « Mme X... ne pouvait mettre fin au contrat de location sans l'accord de la société KBC Lease France et s'abstenir de régler les loyers, ce dont elle avait d'ailleurs conscience puisqu'elle avait écrit spontanément dans son courrier du 1er mars 2007 qu'elle continuerait à régler la location jusqu'à la fin du contrat », de sorte que la chance prétendument perdue par Mme X..., qui n'avait ainsi ni tenté de négocier la résiliation du contrat, ni même manifesté la moindre intention de le faire était simplement hypothétique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, en tout état de cause, QUE pour évaluer la perte de chance, les juges doivent mesurer la chance perdue et apprécier à quelle fraction du préjudice elle correspond ; que dès lors, en se bornant à affirmer qu'il y a lieu de condamner la société Goldy's, qui aurait fait perdre à Mme Casteuble une chance de négocier la résiliation du contrat avec la société KBC, à relever et garantir Mme Casteuble au titre des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 5. 000 €, augmenté des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive, sans rechercher quelles étaient les chances de Mme Casteuble de renégocier amiablement son contrat avec la société KBC et dans quelle mesure cette renégociation aurait pu entraîner la réduction de son préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.