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30/01/2013 | FRANCE | N°11-26464

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 janvier 2013, 11-26464


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2011), que, par acte notarié du 23 décembre 1999, la société Financière et foncière Eurobail, devenue la société Eurobail, a consenti à la société Médian un crédit-bail portant sur des locaux à usage d'hôtel-restaurant ; que la société JJW s'est portée caution solidaire de la société Médian ; que la société Eurobail a mis en demeure la société Médian de régler des loyers impayés, par lettre recommandée adressée au siège social de

la société Médian, service comptabilité, et réceptionnée sous le tampon de la société J...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2011), que, par acte notarié du 23 décembre 1999, la société Financière et foncière Eurobail, devenue la société Eurobail, a consenti à la société Médian un crédit-bail portant sur des locaux à usage d'hôtel-restaurant ; que la société JJW s'est portée caution solidaire de la société Médian ; que la société Eurobail a mis en demeure la société Médian de régler des loyers impayés, par lettre recommandée adressée au siège social de la société Médian, service comptabilité, et réceptionnée sous le tampon de la société JJW, puis l'a assignée en référé pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire ; que cette demande a été accueillie par une décision du 8 septembre 2010 ; que, postérieurement, la société Médian et la société JJW ont assigné la société Eurobail pour faire dire n'y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire, dire que les sommes versées à compter du 8 septembre 2010 s'imputeront sur les échéances restant à courir dans le cadre de l'exécution normale du crédit-bail ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Médian et de la société JJW :
Attendu que la société Médian et la société JJW font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la clause résolutoire du contrat de crédit bail prévoyait que le contrat pouvait être résolu de plein droit moyennant une lettre recommandée avec demande d'avis de réception demeurée infructueuse après le délai d'un mois et supposait donc que cette lettre soit adressée aux représentants légaux du crédit-preneur et non à son seul service comptabilité ; que la société Médian ayant soulevé l'irrégularité de la mise en demeure adressée le 27 janvier 2010 au seul service comptabilité de la société Médian, la cour d'appel n'a pu admettre que cette mise en demeure avait pu produire ses effets au motif inopérant selon lequel aucune règle n'imposerait que la mise en demeure soit notifiée au domicile du gérant de la société Médian quand une telle mise en demeure, non reçue par Médian, devait être adressée à celle-ci, prise en la personne de son représentant légal ; que, par suite, l'arrêt attaqué a violé l'article 1184 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel avait le devoir de rechercher si l'erreur d'adressage de cette mise en demeure à l'intention du seul service comptabilité de la société Médian n'avait pas initié les conditions de sa mauvaise réception par la société JJW France, de sorte que cette mise en demeure n'était pas parvenue au représentant légal de la société Médian ; que, partant, l'arrêt attaqué manque de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société JJW était la société-mère de la société Médian et relevé que ces deux sociétés avaient leur siège social à la même adresse, partageaient leurs locaux et leur personnel et, répondant aux conclusions de la société Médian prétendant que la mise en demeure n'avait pu produire effet dès lors qu'elle était destinée au "service comptabilité" de Médian alors qu'elle aurait pu être notifiée à sa gérante dont les coordonnées apparaissent nécessairement sur son K bis, qu'aucune règle n'imposait que la mise en demeure soit notifiée au domicile du gérant de Médian, la cour d'appel qui, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que la société Médian avait nécessairement été destinataire de la mise en demeure, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, procédant à la recherche prétendument omise, que la société Eurobail n'avait pas été de mauvaise foi et n'avait pas eu un comportement déloyal, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi provoqué :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter la société Eurobail de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation, l'arrêt retient que cette demande ne saurait être examinée dès lors que la société Eurobail n'a pas cru utile de la chiffrer ;
Qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Eurobail de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation, l'arrêt rendu le 20 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Médian représentée par M. X..., ès qualités, et la société JJW aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Médian représentée par M. X..., ès qualités, et la société JJW à payer à la société Eurobail la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour la société Médian représentée par M. X..., ès qualités, et la société JJW, demandeurs au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les sociétés MEDIAN et JJW FRANCE de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE les appelantes, qui soutiennent ainsi que l'intimée n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de crédit bail prétendent en premier lieu que la mise en demeure du 27 janvier 2010 n'a pu produire le moindre effet ; qu'elles font valoir que cette mise en demeure n'a pas été réceptionnée par MEDIAN, mais par JJW FRANCE qui a apposé son tampon humide sur l'accusé réception, qu'elle a été signée par Mmes Y... et Z..., lesquelles ne justifiaient pas du pouvoir de représenter EUROBAIL, et, enfin, qu'elle était destinée au « service comptabilité » de MEDIAN alors qu'elle aurait pu être notifiée à sa gérante dont les coordonnées apparaissent nécessairement sur son Kbis ; qu'elles ajoutent que l'intimée devait d'autant plus appliquer strictement les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire prévues au contrat que celles-ci dérogent aux règles plus sévères des baux commerciaux ; mais que MEDIAN dont JJW FRANCE est la société holding, a nécessairement été destinataire de la mise en demeure ; que les deux sociétés, qui ont leur siège social à la même adresse, partagent en effet leurs locaux et leur personnel, EUROBAIL démontrant, par les pièces qu'elle verse aux débats, que ce sont les mêmes personnes, qui se déclarent habilitées pour recevoir les actes de l'une ou de l'autre des sociétés ; qu'importe peu, dès lors, une simple erreur de tampon dont la société intimée ne saurait de surcroît être tenue pour responsable ; qu'ensuite, si les signataires de la mise en demeure avaient outrepassé leurs pouvoirs, seule EUROBAIL pouvait s'en prévaloir ; qu'enfin, aucune règle n'imposait que la mise en demeure soit notifiée au domicile du gérant de MEDIAN ;
ET, AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT ENTREPRIS, QUE MEDIAN n'ayant pas régularisé sa situation dans le délai de 30 jours de la mise en demeure adressée par EUROBAIL le 27 janvier 2010, EUROBAIL se trouvait fondée à demander l'application de la clause résolutoire avec effet à compter du 2 mars 2010 ;
1°) ALORS QUE la clause résolutoire du contrat de crédit-bail prévoyait que le contrat pouvait être résolu de plein droit moyennant une lettre recommandée avec demande d'avis de réception demeurée infructueuse après le délai d'un mois et supposait donc que cette lettre soit adressée aux représentants légaux du crédit-preneur et non à son seul service comptabilité ; que la société MEDIAN ayant soulevé l'irrégularité de la mise en demeure adressée le 27 janvier 2010 au seul service comptabilité de la société MEDIAN, la Cour d'appel n'a pu admettre que cette mise en demeure avait pu produire ses effets au motif inopérant selon lequel aucune règle n'imposerait que la mise en demeure soit notifiée au domicile du gérant de la société MEDIAN quand une telle mise en demeure non reçue par MEDIAN devait être adressée à celle-ci, prise en la personne de son représentant légal ; que, par suite, l'arrêt attaqué a violé l'article 1184 du Code civil ;
2°) ALORS QUE la Cour d'appel avait le devoir de rechercher si l'erreur d'adressage de cette mise en demeure à l'intention du seul service comptabilité de la société MEDIAN n'avait pas initié les conditions de sa mauvaise réception par la société JJW FRANCE, de sorte que cette mise en demeure n'était pas parvenue au représentant légal de la société MEDIAN ; que, partant, l'arrêt attaqué manque de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les sociétés MEDIAN et JJW FRANCE de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE le fait qu'EUROBAIL ait pu renoncer en 2007 à l'acquisition de la clause résolutoire n'autorisait pas MEDIAN à ne pas respecter dans l'avenir ses obligations contractuelles ; que MEDIAN, contrairement à ce qu'elle prétend, ne les a pas respectées comme le prouvent les mises en demeure des 14 février 2008, 17 février 2009 et 9 novembre 2009 ; que la société intimée n'a jamais laissé croire, au cours de la procédure pendante devant le juge des référés, qu'elle ne poursuivrait pas l'acquisition de la clause résolutoire ; que les renvois ont été demandés par MEDIAN, EUROBAIL expliquant que son conseil les a acceptés pour prendre ses instructions ; qu'il n'est produit aucun échange entre les parties permettant d'envisager un accord, étant observé que, dès le 1er juillet 2010, la société appelante était à nouveau devenue défaillante dans le paiement des loyers et que la société intimée, par sa nouvelle mise en demeure du 22 juillet 2010, réitérait clairement son intention de se prévaloir de la clause résolutoire ; qu'EUROBAIL n'a donc pas été de mauvaise foi et n'a pas eu davantage un comportement déloyal ; que l'intimée réplique justement à l'adage summum jus summa injuria par dura lex sed lex ; qu'elle fait encore justement valoir que l'équité ne saurait aboutir à un résultat contraire à la loi des parties, laquelle loi n'a, en l'espèce, rien d'injuste ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Et, AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT ENTREPRIS, QUE la société EUROBAIL n'a pas renoncé expressément à la clause résolutoire à l'occasion des différents règlements effectués pendant l'instance en référé qui lui était acquise conformément au contrat à compter du 2 mars 2010 ; que MEDIAN ne démontre pas qu'EUROBAIL en appliquant les dispositions contractuelles, ait fait dégénérer son action en abus de droit ;
ALORS QUE le contrat de crédit-bail constitue un contrat spécifique en tant qu'il autorise la possibilité pour le preneur de devenir propriétaire des lieux loués à l'issue d'une longue période de location de 15 années ; que, dès lors, la Cour d'appel, qui en était saisie par les conclusions d'appel de la société MEDIAN, devait examiner si la circonstance pour le crédit-bailleur de se montrer soudainement exigeant sur les conditions de paiement du loyer, soit à un moment se situant plus de douze années après la conclusion du bail, devait rechercher si un tel comportement n'était pas dicté par l'objectif de la société propriétaire de récupérer l'immeuble et le fonds à bon compte, de sorte que la clause résolutoire n'était pas invoquée de bonne foi ; que, partant, l'arrêt attaqué, qui s'est borné à considérer que les stipulations contractuelles avaient pu être revendiquées conformément à ce qui avait été signé entre les parties, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil.Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Eurobail, demanderesse au pourvoi provoqué.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société EUROBAIL de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation ;
AUX MOTIFS QUE la cour ne saurait examiner la prétention d'EUROBAIL relative au paiement d'une indemnité de résiliation dès lors que l'intimée n'a pas cru utile de chiffrer sa demande ;
1) ALORS QUE la société EUROBAIL avait sollicité dans ses conclusions la condamnation solidaire des sociétés MEDIAN et JJW FRANCE à lui payer « une indemnité égale à 70 % du montant des loyers cumulés restant à courir : de la date à laquelle la clause résolutoire est acquise, à savoir à compter du 2 mars 2010, et subsidiairement à compter du 26 août 2010, jusqu'au terme contractuel, c'est-à-dire jusqu'au 30 juin 2014 », tout en produisant un tableau récapitulant l'échéancier de tous les loyers dus ; qu'en affirmant que la demande de la société EUROBAIL au titre de l'indemnité de résiliation n'était pas chiffrée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisi ainsi que la pièce n° 1 produite par la société EUROBAIL en méconnaissance de l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'une demande en justice est recevable dès lors qu'elle est déterminable et le seul fait qu'elle ne soit pas chiffrée ne la rend pas, de ce seul chef, irrecevable ; qu'en énonçant, pour débouter la société EUROBAIL de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation, qu'elle ne saurait examiner la prétention de la société EUROBAIL dès lors qu'elle n'était pas chiffrée, la cour d'appel a méconnu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en déboutant la société EUROBAIL de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation, après avoir constaté qu'elle ne « saurait examiner la prétention d'EUROBAIL relative au paiement d'une indemnité de résiliation » dès que cette demande n'était pas chiffrée, et donc en considérant cette demande comme irrecevable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que la demande de la société EUROBAIL au titre de l'indemnité de résiliation n'était pas chiffrée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-26464
Date de la décision : 30/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 jan. 2013, pourvoi n°11-26464


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Laugier et Caston, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.26464
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