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30/01/2013 | FRANCE | N°11-20533

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 janvier 2013, 11-20533


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 17 mars 2011), que la société civile immobilière Bienvenue (la SCI), lotisseur professionnel dont la société Guisset conseil est associée, a vendu des lots de terrains à bâtir, sans avoir réalisé d'étude de sol ; que la société Castelord, chargée de leur commercialisation, a conclu avec les acquéreurs des contrats de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, stipulant qu' "en l'absence d'étude de sol transmise par le maître de l'ouvra

ge, tous les travaux de renforcement des fondations éventuellement exigés ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 17 mars 2011), que la société civile immobilière Bienvenue (la SCI), lotisseur professionnel dont la société Guisset conseil est associée, a vendu des lots de terrains à bâtir, sans avoir réalisé d'étude de sol ; que la société Castelord, chargée de leur commercialisation, a conclu avec les acquéreurs des contrats de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, stipulant qu' "en l'absence d'étude de sol transmise par le maître de l'ouvrage, tous les travaux de renforcement des fondations éventuellement exigés par la nature des sols sont exclus du prix convenu" ; que la mise à jour d'ouvrages maçonnés, de canalisations et divers matériels lui ayant imposé de nettoyer et dépolluer ces terrains et de procéder à des travaux de fondation plus importants, la société Castelord a assigné la SCI et la société Guisset conseil en réparation de son préjudice ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Castelord fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation n'impose pas au constructeur de procéder systématiquement à des études de sols préalables à la signature des contrats de construction et ne fait pas obstacle à ce que le constructeur réclame à un tiers fautif, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, les frais d'étude de sols qu'il ne peut réclamer au maître de l'ouvrage ; qu'en jugeant, pour rejeter les demandes de la société Castelord à l'encontre des sociétés Bienvenue et Guisset conseil, que la qualification du contrat de construction l'obligeait légalement, en sa qualité de constructeur, à supporter tout coût lié aux aléas techniques liés à la nature du sol, la cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ que le constructeur de maison individuelle est fondé à se fier aux informations délivrées par le lotisseur aux acquéreurs d'un terrain à bâtir ; qu'en écartant la responsabilité des sociétés Bienvenue et Guichet conseil, lotisseur du terrain, à l'égard de la société Castelord, constructeur, en raison du risque que cette dernière aurait pris en ne faisant pas réaliser une étude de sol, tout en constatant que les lotisseurs "se devaient d'informer les acquéreurs des vices affectant ce sol qui, sans nécessairement rendre les parcelles inconstructibles, enchérissaient les frais de construction", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences s'évinçant nécessairement de ses propres constatations, dont il résultait que la faute commise par le lotisseur était à l'origine du dommage subi par le constructeur, violant ainsi l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'ayant pas dit que l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation imposait au constructeur de procéder systématiquement à des études de sols préalables, ni qu'il lui interdisait de réclamer à un tiers fautif les frais d'étude sol qu'il ne pouvait réclamer au maître d'ouvrage, le moyen manque en fait ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la société Castelord, professionnelle de l'immobilier, qui avait connaissance de l'absence d'étude de sol effectuée par le vendeur, avait pris le risque de signer des contrats de construction de maison individuelle sans faire réaliser une telle étude et avait cru, de manière erronée, pouvoir faire supporter aux maîtres d'ouvrage le coût d'éventuels travaux supplémentaires imposés par la nature du sol, la cour d'appel a pu en déduire que le dommage invoqué n'était pas la conséquence de la faute commise par les sociétés venderesses qui n'avaient pas informé les acquéreurs sur l'état du sol ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Castelord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Castelord à verser la somme globale de 2 500 euros à la SCI Bienvenue et à la société Guisset conseil ; rejette la demande de la société Castelord ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Castelord
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société CASTELORD de ses demandes tendant à la condamnation solidaire des sociétés BIENVENUE et GUISSET CONSEIL à lui payer la somme de 73.927,96 € sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, outre 15.000 € en compensation du temps passé à l'occasion des travaux de construction du fait des désordres et celle de 5.000 € pour résistance abusive ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société CASTELORD soutient que la SCI BIENVENUE et/ou la société GUISSET CONSEIL en leur qualité d'investisseurs professionnels auraient dû prévenir les acquéreurs profanes de l'état du sol des terrains lotis, état qui nécessitait des fondations spéciales; que ce défaut d'information sur un vice caché du sol constitue une faute qui a eu pour conséquence directe les surcoûts de construction qu'elle a dû supporter en sa qualité de constructeur de maison individuelle ne pouvant répercuter le coût de l'étude de sols et des fondations spéciales aux maîtres de l'ouvrage ; que les intimées répliquent qu'elles étaient dans l'ignorance de l'état du sol, la date du remblaiement n'ayant pas pu être déterminée par l'expert judiciaire, qu'elles avaient inséré dans les contrats de vente des terrains une clause informant parfaitement les acquéreurs des risques auxquels ils s'exposaient et notamment de l'aléa tenant à la nature des sols ; qu'il appartenait en conséquence au constructeur, la société CASTELORD de conseiller les maîtres de l'ouvrage sur l'opportunité de réaliser une étude de sol ; que d'ailleurs, celle-ci avait une parfaite connaissance de l'absence d'une telle étude puisqu'elle avait inséré dans les contrats de construction une clause excluant du forfait tous les travaux de renforcement des fondations éventuellement exigés par la nature du sol, ce qui lui permettrait d'ailleurs aujourd'hui de se retourner contre les maîtres de l'ouvrage ; qu'elles justifient avoir confié la commercialisation des terrains lotis à titre exclusif à la société CASTELORD à un prix inférieur à celui du marché pour lui libérer une marge de manoeuvre en cas de difficulté à l'occasion de l'opération de construction ; qu'en tout état de cause, la réalisation d'une étude préalable de sol n'aurait pas révélé nécessairement la nécessité de fondations spéciales, compte-tenu de l'absence de continuité des ouvrages enterrés sur tous les lots ; que les sociétés intimées considèrent qu'elles n'ont commis aucune faute ; qu'ainsi que l'ont relevé justement les premiers juges, il est constant qu'un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en conséquence, il appartient à la société CASTELORD de démontrer que les intimées ont commis une faute contractuelle envers les acquéreurs des terrains et que cette faute lui a causé directement un préjudice ; qu'il est acquis que les quatre terrains allotis nécessitaient préalablement aux travaux de construction des habitations "un nettoyage et dépollution du sol et la réalisation de fondations plus profondes que les fondations habituelles" compte-tenu des objets et aménagements divers situés sous la couche de terre superficielle et qui les encombraient (cf rapport d'expertise) ; qu'il ressort également des pièces produites : - que la SCI BIENVENUE rachetée par la société GUISSET CONSEIL en 1995 est un lotisseur professionnel; en effet après avoir eu une activité dans l'immobilier locatif, elle s'est orientée dans le domaine de la création de lotissements à vocation d'habitation individuelle ou de zone d'activité ; elle a d'ailleurs choisi comme code NATAF, les activités de "construction d'autres ouvrages de génie civil" et de "promotion immobilière d'infrastructure"; - que la SCI BIENVENUE avait acquis en 1991 et 1994 de la Ville de Persan et de particuliers les parcelles sur lequel le lotissement litigieux a été réalisé ; - que la SCI BIENVENUE a obtenu par arrêté du Maire de Persan en date du 28 septembre 2005 l'autorisation de lotir ces parcelles d'une contenance de 1818 m2 ; - que le 12 mai 2005, la SCI BIENVENUE a confié à la société CASTELORD la commercialisation exclusive des 6 lots après l'avoir autorisée par lettre du 3 mars 2004 à "communiquer en vue de la commercialisation des terrains sur 4 lots" ; qu'en octobre 2005, la société CASTELORD a signé avec les acquéreurs de quatre des terrains lotis des contrats de construction de maison individuelle avec fourniture de plan ; dans la description technique des ouvrages figurait en caractères gras :"en l'absence d'étude de sol transmise par le maître de l'ouvrage tous les travaux de renforcement des fondations éventuellement exigés par la nature du sol sont exclus du prix convenu" ; que si la SCI BIENVENUE et la société GUISSET CONSEIL en leur qualité de lotisseur professionnel avaient l'obligation de connaître l'état du sol des terrains qu'ils avaient allotis en terrain à construire, obligation dont en tant que professionnelles, elles ne pouvaient se dégager contractuellement et en conséquence, se devaient d'informer les acquéreurs des vices affectant ce sol qui, sans nécessairement rendre les parcelles inconstructibles enchérissaient les frais de construction, il n'en demeure pas moins que ce défaut d'information n'est pas à l'origine des dommages dont la société CASTELORD demande réparation ; qu'en effet, la société CASTELORD également professionnelle de l'immobilier puisqu'ayant comme activité tant la commercialisation de terrains que la construction d'ouvrages était parfaitement informée de l'absence de toute étude de sol sur les parcelles en cause ainsi qu'elle l'a mentionné dans les contrats de construction ; que dès lors, en signant avec les acquéreurs des contrats de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, sans exiger une étude de sols du lotisseur avant la vente des terrains qu'elle commercialisait elle-même ou sans la faire réaliser à ses frais, ce qui lui aurait permis de détecter les vices du sol et d'évaluer à leur juste prix les fondations nécessaires, la société CASTELORD a pris un risque ; qu'à tort l'appelante croyait pouvoir faire supporter ce risque aux acquéreurs en excluant les "travaux de renforcement des fondations éventuellement exigées par la nature du sol" du prix convenu alors que la qualification du contrat de construction l'obligeait légalement à supporter tout surcoût lié aux aléas techniques liés à la nature du sol ; que le préjudice dont elle se prévaut aujourd'hui est en conséquence non la faute certes réelle des sociétés intimées mais celle de sa propre erreur juridique ainsi que de sa prise de risque ; qu'en conséquence et pour ces motifs, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société CASTELORD de ses demandes » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, le manquement d'une partie à ses obligations dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que le vendeur d'un terrain constructible atteint d'un vice caché doit donc indemniser le constructeur des frais rendus nécessaires par la mauvaise qualité du sol et du sous-sol et insusceptibles d'être réclamés au maître de l'ouvrage et acquéreur de l'immeuble ; encore faut-il que ce dernier eût lui-même pu mobiliser contre son vendeur la garantie des vices cachés (dont ce dernier n'est en l'espèce pas exonéré, la stipulation invoquée par les défendeurs n'étant pas une clause d'exclusion de la garantie qui était en outre expressément rappelée dans un autre paragraphe des contrats) ; qu'en application des articles 1641 et 1642 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ; qu'en l'espèce, les défauts affectant le sous-sol des terrains vendus n'ont pas rendu ces derniers impropres à l'usage qui en avait été convenu puisque la construction n'en a pas été impossible mais simplement plus onéreuse ; qu'il convient donc de déterminer si les acquéreurs ne les auraient pas acquis ou en auraient offert un prix inférieur s'ils avaient eu connaissance de ces défauts ; or, les défenderesses affirment sans être contestées que les deux autres terrains composant le lotissement et qui n'avaient pas été commercialisés par la société CASTELORD ont pu être vendus à un prix de 110.000 € chacun (le compromis de vente du lot numéro 1 est d'ailleurs versé aux débats), soit près de deux fois supérieur au prix du lot litigieux, alors même que la surface de l'un est inférieure à celle des lots numéros 4, 5 et 6 et que l'autre est affecté d'une importante servitude de passage ; que ces terrains ont certes été vendus plus d'un an et demi après les lots litigieux, mais cette importante différence de prix ne saurait s'expliquer par la seule évolution du marché de l'immobilier comme l'a soutenu la demanderesse dans un dire adressé à Monsieur X... qu'elle n'a pas repris dans ses écritures ; que cette différence de prix est supérieure au surcoût (rapporté à chacun des quatre lots) occasionné par le nettoyage et la dépollution ainsi que par l'approfondissement des fondations ; que le Tribunal considère donc que la preuve de ce que les acquéreurs n'auraient pas acquis ou auraient acquis à un prix moindre les lots litigieux s'ils avaient eu connaissance des vices les affectant n'est pas rapportée ; que la garantie des vices cachés n'est en conséquence pas mobilisable, de sorte que la société CASTELORD (qui eût été avisée de procéder à une étude de sol préalable à la signature des contrats, même si elle n'en avait pas l'obligation, ne serait-ce que pour ajuster le prix forfaitaire de sa prestation pour le paiement duquel les acquéreurs disposaient d'une marge de manoeuvre plus importante pour avoir acquis leurs terrains à bas prix) doit être déboutée de ses demandes» ;
1°) ALORS QUE l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation n'impose pas au constructeur de procéder systématiquement à des études de sols préalables à la signature des contrats de construction et ne fait pas obstacle à ce que le constructeur réclame à un tiers fautif, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, les frais d'étude de sols qu'il ne peut réclamer au maître de l'ouvrage ; qu'en jugeant, pour rejeter les demandes de la société CASTELORD à l'encontre des sociétés BIENVENUE et GUISSET CONSEIL, que la qualification du contrat de construction l'obligeait légalement, en sa qualité de constructeur, à supporter tout coût lié aux aléas techniques liés à la nature du sol, la Cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation ;
2°) ALORS QUE le constructeur de maison individuelle est fondé à se fier aux informations délivrées par le lotisseur aux acquéreurs d'un terrain à bâtir ; qu'en écartant la responsabilité des sociétés BIENVENUE et GUICHET CONSEIL, lotisseur du terrain, à l'égard de la société CASTELORD, constructeur, en raison du risque que cette dernière aurait pris en ne faisant pas réaliser une étude de sol, tout en constatant que les lotisseurs « se devaient d'informer les acquéreurs des vices affectant ce sol qui, sans nécessairement rendre les parcelles inconstructibles, enchérissaient les frais de construction », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences s'évinçant nécessairement de ses propres constatations, dont il résultait que la faute commise par le lotisseur était à l'origine du dommage subi par le constructeur, violant ainsi l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-20533
Date de la décision : 30/01/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 17 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 jan. 2013, pourvoi n°11-20533


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.20533
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