LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les époux de X... avaient acquis la nue-propriété du bien de M. Y... pour un prix inférieur au moins des deux tiers à son prix réel, moyennant une condition particulière visant à priver ce dernier, malgré son usufruit, des revenus que pouvaient lui rapporter son bien et sans autre contrepartie qu'une rente et un loyer aux montants dérisoires enlevant tout aléa à l'opération, les acquéreurs allant jouir totalement de la partie essentielle de l'immeuble durant la vie du vendeur et pouvant à son décès se retrouver en outre propriétaire d'un studio, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a pu déduire de ces seuls motifs, sans modifier l'objet du litige ni violer le principe de la contradiction, que l'acte de vente devait être annulé pour vileté du prix ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux de X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux de X... à payer aux consorts Y... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour les époux de X...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir annulé, pour vileté du prix, le contrat de vente des 11 février et 18 mars 2005 et ordonné la restitution des prestations réciproques ;
AUX MOTIFS QU'« en vertu des dispositions de l'article 1658 du Code civil, le contrat de vente peut être résolu par la vileté du prix ; que les parties s'accordent sur la rareté du bien, très peu de garages étant proposés à la vente sur la commune de PORT LOUIS ; qu'en l'espèce, Monsieur et Madame de X... ont acheté la nue-propriété d'un bien dont la valeur en pleine propriété avait été fixée à la somme de 13. 720 euros, conduisant, compte tenu de l'âge du vendeur et de sa réserve d'usufruit, à évaluer la nue-propriété du bien à la somme de 7. 366 euros, qui a été payée moyennant un bouquet de 6. 860 euros et une rente viagère, calculée sur la base d'un capital actualisé de 506 euros, de 36, 60 euros par an ; qu'ils soutiennent que l'ensemble de ces évaluations (y compris la valeur en pleine propriété au jour de la vente) avait été réalisé par Maître Z..., le notaire rédacteur de l'acte authentique et en veulent pour preuve une attestation de son successeur selon laquelle « d'après les notes de Maître Z..., relevées dans le dossier, l'évaluation faite du garage par Maître Z..., compte tenu de l'état de ce bien immobilier était de 13. 720 euros pour la totalité en pleine propriété, et le montant du bouquet avait été conventionnellement fixé à 6. 860 euros compte tenu de la réserve d'usufruit stipulée sur la totalité des biens au profit du vendeur » ; qu'ils versent aux débats, pour asseoir cette évaluation, un acte authentique dressé le 20 Août 2010 par lequel ils ont acquis un garage dans la même commune, moyennant un prix total de 10. 000 euros et rappellent d'une part que lors de la vente consentie par Monsieur Y... son bien était en mauvais état car il n'avait pas été enduit, d'autre part la précarité du droit d'utiliser le studio construit à l'étage, le permis de construire n'ayant jamais été accordé que pour un garage ; que l'acte du 20 Août 2010 souffre des mêmes suspicions que celui faisant l'objet du présent litige, s'agissant d'un achat en viager à une personne de 87 ans d'un garage dont le prix en pleine propriété a été évalué à la date de la vente au même prix que celui auquel l'avait acquis le vendeur en 1991 soit dix-neuf années auparavant, constituant ainsi le seul exemple connu de stabilité totale des prix et même baisse en francs constants d'une propriété située dans une commune du littoral breton ; qu'ensuite, le mauvais état du bien n'était que relatif puisque la simple pose d'un enduit a suffit à y remédier, tandis que s'il est certain que la possibilité de l'habiter est précaire, elle n'a pas été remise en question jusqu'ici, l'acte authentique passé entre les époux de X... et Monsieur Y... faisant même expressément référence à l'acquisition d'un bien à usage d'habitation et le notaire rédacteur ayant jugé nécessaire de respecter les formalités prévues par les dispositions de l'article 271-1 du Code de la Construction et de l'Habitation ; que pour sa part, Monsieur Y... verse aux débats une attestation d'un autre notaire de PORT-LOUIS, Maître A..., évaluant le bien (en pleine propriété) à la date de la vente à 60. 000 euros ou au minimum à 50. 000 euros, ainsi que l'acte authentique d'une vente conclue le 18 Décembre 2006 entre deux parties tierces au litige, portant sur la vente d'un garage situé à 500 mètres de celui de Monsieur Y..., décrit comme vétuste et couvert en tôle ondulée (à comparer avec la couverture d'ardoises du bien de Monsieur Y... et la présence du studio habitable), édifié sur 62 m2 (celui de Monsieur Y... est édifié sur 51 m2), pour un prix de 32. 000 euros ; qu'il résulte de ces deux pièces la preuve d'une sous-évaluation manifeste du bien de Monsieur Y... à, au plus, un tiers de son prix réel ; qu'ensuite, l'attestation du successeur de Maître Z... est fondée sur les simples notes de son prédécesseur et est contredite pour partie par l'avant contrat, rédigé par Monsieur de X... et proposé le 18 Septembre 2004 à la signature de Monsieur Y... moyennant une condition apparaissant l'une des conditions de la vente, sur laquelle il convient de se pencher ; que l'avant contrat manuscrit indiquait en effet : « usufruit du garage à Monsieur de X... 30 francs par mois » et cette clause a été transformée par le notaire en un paragraphe de l'acte authentique de vente intitulé « conditions particulières : il est en outre convenu entre les parties que le vendeur consentira à l'acquéreur un bail du garage du rez-de-chaussée sur la base d'un loyer mensuel de 4, 60 euros à compter de ce jour, lequel loyer sera indexé sur le coût de l'indice national du coût de la construction » ; que cette transformation démontre que les conditions initiales de la vente n'ont pas été déterminées par Maître Z..., qui a simplement donné une forme juridique à l'accord conclu entre les parties ; qu'ensuite, il résulte de ces clauses que la possibilité pour Monsieur de X... de pouvoir avoir l'usage du garage moyennant un prix mensuel de 30 francs ou 4, 60 euros par mois a été l'une des conditions de son achat, comme en témoigne le fait que ce droit d'usage est qualifié d'usufruit dans l'avant contrat puis de condition particulière de la vente dans l'acte authentique, et qu'ainsi Monsieur Y... ne lui a pas consenti un simple bail, révocable à tout moment moyennant un préavis conforme aux usages ; qu'or, ce garage était loué avant la vente par Monsieur Y... à Monsieur de X... moyennant un loyer mensuel de 53 euros, conforme à sa valeur locative selon Maître A... ; que dès lors, la démonstration est apportée que les époux de X... ont acquis la nue-propriété du bien de Monsieur Y... pour un prix inférieur au moins des deux tiers à son prix réel, et moyennant une condition particulière visant à priver Monsieur Y..., malgré son usufruit, des revenus que pouvaient lui rapporter son bien, sans autre contrepartie qu'une rente et un « loyer » aux montants dérisoires, et enlevant tout aléas à l'opération, les acquéreurs allant jouir totalement de la partie essentielle de l'immeuble durant la vie de Monsieur Y..., et pouvant à son décès se retrouver en outre propriétaire d'un studio ; qu'il en résulte que la vileté du prix est démontrée et que l'acte doit être annulé, le jugement déféré étant confirmé dans toutes ses dispositions ; » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Monsieur Y... vise enfin les dispositions de l'article 1591 du Code civil au terme duquel le prix de vente doit être déterminé et désigné par les parties et en vertu duquel il est habituellement jugé qu'est nulle la vente conclue en contrepartie d'un prix dérisoire ; que pour pouvoir apprécier si tel est le cas de la vente consentie par monsieur Y... aux époux de X..., il convient d'apprécier dans sa globalité le montage juridique adopté. Jusqu'à la vente, Monsieur Y... était propriétaire de l'immeuble en litige et percevait de Monsieur Marc de X... un loyer mensuel de 53 € pour la location du garage ; qu'il a vendu la nue-propriété en contre-partie de la somme de 6860 € et une rente annuelle et viagère de 36, 60 € par an soit 3, 05 € par mois ; que depuis la vente, il n'est plus propriétaire de l'immeuble mais usufruitier et perçoit pour la location du garage une somme de 4, 60 € ; qu'alors que de par les dispositions de l'article 595 du Code civil, l'usufruitier conserve le droit de donner à bail à tout locataire de son choix, monsieur Y... est tenu de par les conditions de l'acte de vente de donner à bail le garage à Monsieur de X..., mais surtout de lui consentir un bail à des conditions largement préférentielles puisque le bail passe de 53 € par mois à la somme dérisoire de 4, 60 € par mois ; que pour apprécier la vileté du prix, il convient nécessairement de prendre en compte cet élément qui réduit les droits effectifs de l'usufruitier à la seule jouissance du studio du premier étage, Monsieur de X... disposant non seulement de la nue-propriété de l'ensemble mais aussi de l'usage exclusif et permanent du garage que Monsieur Y... ne peut louer à personne d'autre, et ceci pour un prix de 6860 € majoré d'un versement annuel symbolique de 91, 60 € indexé, soit 7, 65 € mensuel rente viagère et loyer inclus ; que le caractère aléatoire de la vente avec rente viagère résulte de la réserve du droit d'usufruit du vendeur qui est lié à la durée de sa survie ; » ;
1°) ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en annulant l'acte de vente des 11 février et 18 mars 2005 sur le fondement de l'article 1658 du Code civil, relatif à la lésion, pour vileté du prix lésionnaire, cependant que l'action de Monsieur Y... était expressément fondée sur les articles 1116 et 1591 du Code civil, soit sur des dispositions relatives au dol et à la détermination du prix, la Cour d'appel n'a pas statué sur les demandes qui étaient formulées par Monsieur Y... ; qu'en se prononçant ainsi sur un autre fondement juridique que celui invoqué par les parties, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'EN OUTRE le juge qui décide de relever d'office un moyen est tenu en toute circonstance de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations sur ce point ; qu'en se prononçant sur le fondement de l'article 1658 du Code civil, la Cour d'appel a relevé d'office le moyen relatif au caractère éventuellement lésionnaire du prix de vente, sans inviter les parties à présenter leurs observations, en violation de l'article 16 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE n'est pas un vil prix celui qui représente le tiers de l'évaluation faite par le juge ; qu'en retenant que la vileté du prix était démontrée et que l'acte devait être annulé tout en constatant que le bien de Monsieur Y... avait été sous-évalué à un tiers de son prix réel, ce qui ne pouvait constituer un vil prix, la Cour d'appel a violé l'article 1591 du Code civil ;
4°) ALORS QU'ENFIN dans leurs dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 23 septembre 2011, les époux de X... faisaient valoir (p. 15), que l'acte de vente mentionnait seulement, au titre d'une condition particulière, que le « vendeur consentira à l'acquéreur un bail du garage sur la base d'un loyer mensuel de 4, 60 euros à compter de ce jour », sans qu'aucune durée du bail ne soit mentionnée et sans qu'il soit stipulé que le bail du garage était consenti jusqu'au décès de l'usufruitier ; qu'en relevant que l'acquéreur avait l'usage permanent et exclusif du garage, sans répondre au moyen formulé par les exposants, relatif à la possibilité pour le vendeur de mettre fin au contrat de bail, laquelle devait être prise en compte dans le cadre de la comparaison du montant de la rente à laquelle s'ajoutait le loyer du garage et des revenus qu'aurait pu procurer le bien à partir de sa valeur vénale au jour de la vente, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.