LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 21 septembre 2011), que Mme X..., propriétaire d'un moulin, a assigné M. et Mme Y..., propriétaires du fonds contigu, en revendication d'un droit de passage sur leur propriété en vue de l'entretien du bief aval de son moulin ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que Mme X..., propriétaire du bief du moulin en vertu de son titre de propriété, doit pouvoir assurer annuellement l'entretien du cours d'eau et qu'en conséquence elle doit avoir accès aux francs bords du canal ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme Y...qui soutenaient, d'une part, que la partie litigieuse du cours d'eau traversant leur propriété ne constituait pas un bief créé et aménagé pour l'exploitation du moulin mais un bras naturel de la rivière La Vonne, d'autre part, que Mme X...ne justifiait pas d'un intérêt à obtenir un passage sur leur propriété, dès lors qu'ils assuraient eux-mêmes l'entretien du cours d'eau et que, selon le rapport d'expertise, le seul fonctionnement de la vanne ouvrière du moulin, à l'arrêt depuis plus de dix ans, était suffisant pour assurer le curage de la rivière, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne Mme X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X...à payer à M. et Mme Y...la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X...;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Madame X..., propriétaire du bief du moulin de Marigny-Chémereau (Vienne), était fondée à vouloir entreprendre tous les travaux utiles de nature à désenvaser le fond du bief et d'avoir dit, en conséquence, que les époux Y..., propriétaires voisins, devront sous astreinte prendre toutes dispositions afin d'assurer, une fois par an, le passage à pied sur les berges, afin d'effectuer le curage du canal à charge pour Madame X...de prévenir trente jours à l'avance à compter du jour prévu pour les travaux et ce pendant six mois ;
AUX MOTIFS QUE le lieu du litige est situé à Marigny-Chémereau (Vienne), lieux-dits ...; qu'en vertu d'un acte reçu le 31 juillet 1996 par Maître Z...notaire associé à Poitiers, Madame X...a acquis des consorts A..., un moulin situé sur la rivière La Vonne avec ses meules, vannes et bief, composé d'une maison à usage d'habitation, d'un bâtiment et de dépendances, le tout d'une contenance de 56 a 48 ca cadastrée section D numéro 734 et section A numéros 625 et 843 ; que selon acte reçu le 30 avril 1998 par Maître B..., notaire à Vivonne, Monsieur et Madame Y...ont fait acquisition des dames E...-A...et A...-F...d'une maison d'habitation avec terrains au lieu-dit ..., section C numéros 774, 775, 824 d'une contenance totale de 52 a 40 ca ; que leurs terrains sont traversés par la même rivière qui alimente le Moulin de Madame X...; que Madame X...soutient que la partie de rivière traversant les terrains de ses voisins constitue le bief aval de son moulin et qu'en application de l'article R. 321-9 6° du Code de l'organisation judiciaire, elle a saisi le tribunal d'instance d'une action relative au curage des fossés et canaux servant au mouvement du moulin ; qu'il n'y a pas lieu de rechercher si le moulin est fondé en titre dans la mesure où le litige ne porte que sur l'entretien du bief ; que le litige ne porte pas sur la propriété des francs bords du bief puisque Madame X...ne conteste pas la propriété des époux Y...; qu'elle ne demande pas non plus une servitude de passage permanent mais seulement la possibilité d'effectuer le curage de son bief ; que Madame X...entend se prévaloir d'un avis donné le 2 avril 2009 par Monsieur J. M. C..., membre de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins, lequel rappelle une décision de la cour d'appel de Caen indiquant que la possibilité de passer par les francs bords pour permettre l'entretien du canal de fuite ne pouvait s'exercer qu'à pied, uniquement pour vérifier l'entretien et le curage du canal ; que Madame X..., propriétaire du bief du moulin en vertu de son titre de propriété, doit pouvoir assurer annuellement l'entretien du cours d'eau et qu'en conséquence elle doit avoir accès aux francs bords du canal ; que la configuration des lieux, telle qu'elle résulte des photographies versées aux débats, confirme qu'effectivement le curage du bief ne nécessite pas forcément l'usage d'engins et qu'en conséquence, afin de préserver les propriétés des riverains, il n'est pas nécessaire pour effectuer cette opération d'entretien de bénéficier d'une largeur de passage de six mètres ni de démonter les ouvrages enjambant le canal ou d'enlever les arbres ainsi que le demandait Madame X...dans sa lettre en date du 9 juillet 2007 (pièce n° 3) ; qu'en conséquence, les époux Y...devront permettre une fois par an le passage à pied sur leur propriété afin d'assurer le curage du bief du Moulin de Madame X...laquelle pourra confier cette tâche à un tiers, à charge de prévenir les époux Y...au moins trente jours à l'avance ;
1) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les exposants faisaient valoir, comme l'avait retenu le premier juge et constaté l'expert judiciaire, que la partie litigieuse du cours d'eau ne constituait pas un bief mais un bras naturel de la rivière La Vonne ; que, dès lors, en se bornant à considérer que Madame X..., propriétaire du bief du moulin en vertu de son titre de propriété, devait pouvoir assurer annuellement l'entretien du cours d'eau et qu'elle devait avoir accès aux francs bords du canal, sans avoir préalablement répondu aux conclusions des exposants contestant l'existence même d'un bief à cet endroit, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la Cour d'appel était saisie d'une contestation circonstanciée sur la nature de la partie de la rivière pour laquelle Madame X...demandait un droit de passage, les exposants soutenant qu'il ne s'agissait pas d'un bief mais d'un bras naturel de la rivière La Vonne, faute de création de tout aménagement comme l'expert judiciaire l'avait relevé ; que dès lors, en se bornant à déclarer, pour infirmer le jugement entrepris dont elle n'a pas réfuté les constatations, Madame X...« propriétaire du bief » à la seule vue des mentions de son acte d'acquisition, mais sans avoir en rien relevé les éléments permettant de caractériser l'existence d'un bief à l'endroit litigieux, la Cour d'appel s'est déterminée par voie de simple affirmation, en violation des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3) ALORS, AU SURPLUS, QUE, dans leurs conclusions d'appel, les exposants faisaient valoir que le bras de rivière litigieux, dont ils contestaient qu'il constituât un bief, se situait, de toute façon, « en dehors du bornage de sa propriété, du fait du plan d'alignement du 1899 intégré au POS de 1989 (annexe 6 du rapport d'expertise toujours opposable au tiers et inscrit dans l'acte de propriété de Madame X...page 14) » ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, l'arrêt infirmatif attaqué a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4) ALORS, EN OUTRE, QUE, se fondant toujours sur les constatations de l'expertise judiciaire et comme l'avait relevé le jugement entrepris, les exposants contestaient l'intérêt de Madame X...à demander un droit de passage sur la propriété de ses voisins pour l'entretien normal du bras de rivière litigieux, dès lors que ces derniers assuraient eux-mêmes régulièrement cet entretien, que l'envasement limité était dû à l'absence de fonctionnement du moulin depuis plus de dix ans et que l'ouverture de la vanne ouvrière, que Madame X...avait négligé de faire fonctionner, était suffisante pour assurer le curage du lit de La Vonne ; qu'en accordant pourtant un droit de passage à la propriétaire du moulin sans, là encore, préalablement répondre aux conclusions susvisées, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.