LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1382 et 1884 du code civil ;
Attendu, selon le second de ces textes, que celui qui emprunte une chose à titre gratuit est tenu de réparer les détériorations occasionnées par sa faute ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., propriétaire d'une parcelle de terre à Loeuilly cadastrée AB n° 3, acquise le 2 novembre 2004 de Mme Y..., s'est plaint de ce que la SCEA Flament Huyon (la SCEA) propriétaire de la parcelle contiguë, a empiété sur son fonds et qu'elle y a effectué des remblais avec des déchets provenant de chantiers de démolition ; qu'après expertise ordonnée en référé, M. X... a assigné la SCEA en indemnisation pour pertes de récoltes et du chef d'un empiètement opéré sur sa propre parcelle, avec retrait sous astreinte de matériaux de remblayage ayant généré une pollution ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce que dès lors que les dépôts de matériaux sur le reste de la parcelle appartenant à M. X... ont été effectués à une période où la SCEA était autorisée par la venderesse à l'usage de celle-ci, M. X..., qui l'a acquise en l'état en connaissance de cause, ne justifie d'aucun préjudice ; que par ailleurs, la venderesse ne lui a transmis dans l'acte de vente aucune action en responsabilité, à l'encontre de son occupant ; qu'aussi, la demande de remise en état de l'ensemble de la parcelle fondée sur l'article 1382 du code civil est rejetée ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que le précédent propriétaire de la parcelle acquise par M. X... avait autorisé à la fois l'usage de la parcelle lui appartenant et sa pollution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X... fondées sur l'article 1382 du code civil et notamment celles relatives aux déversements de différents matériaux et de l'affinat sur la parcelle AB n° 3 lui appartenant, l'arrêt rendu le 12 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne la société Flament Huyon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Flament Huyon, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté les demandes formées par Monsieur X... sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE sur les troubles anormaux de voisinage, dès lors que les dépôts de matériaux sur le reste de la parcelle appartenant à Monsieur X... ont été effectués à une période où la SCEA était autorisée par la venderesse à l'usage de celle-ci, Monsieur X... qui l'a acquise en l'état en connaissance de cause ne justifie d'aucun préjudice ; que par ailleurs, la venderesse ne lui a transmis dans l'acte de vente aucune action en responsabilité, à l'encontre de son occupant ; qu'aussi, la demande de remise en état de l'ensemble de la parcelle AB n° 3 fondée sur l'article 1382 du code civil est rejetée ;
1) ALORS QUE la cour d'appel qui a constaté que Monsieur X... avait acquis la parcelle en cause par acte des 22 et 29 octobre 2004, et que la SCEA FLAMENT HUYON avait procédé à des enfouissements de matériaux dans le sol de la parcelle entre mai et novembre 2004, soit après la vente, mais qui a écarté tout trouble anormal de voisinage en raison de l'antériorité du trouble, et rejeté la demande d'indemnisation formée par Monsieur X... n'a pas, en statuant ainsi, déduit de ses propres constatations de fait les conséquences légales s'en évinçant, et a en conséquence violé l'article 1382 du code civil ensemble les articles 544 et 545 du même code ;
2) ALORS QUE la Sté FLAMENT HUYON avait soulevé l'irrecevabilité de la demande formée par Monsieur X... en réparation du trouble subi du fait des déversements de matériaux et de produits polluants sur la parcelle lui appartenant, mais n'avait pas opposé à la demande l'antériorité du trouble subi par rapport à l'acquisition de la parcelle ; qu'en retenant néanmoins d'office que les dépôts de matériaux et les déversements de polluants avaient été opérés sur la parcelle à une date où la Sté SCEA FLAMENT HUYON avait été autorisée par le précédent propriétaire à faire usage de la parcelle, autorisation qui, elle-même, n'avait pas été invoquée par la SCEA FLAMENT HUYON, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et en conséquence, violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE celui qui dépose sur une parcelle de terre dont il a l'usage des matériaux et produits polluants est tenu de réparer le préjudice en résultant, l'usage à titre gratuit d'un fonds rural qui suppose nécessairement l'obligation de restitution du terrain dans son état initial ne comportant pas le droit de polluer le sol et de le détériorer ; qu'en rejetant toutefois la demande de réparation formée par Monsieur X..., la cour d'appel qui n'a pas constaté que le précédent propriétaire avait autorisé à la fois l'usage de la parcelle lui appartenant et sa pollution, a, en statuant ainsi, violé l'article 1382 du code civil ensemble l'article 1884 du même code.