LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 19 septembre 2011), que L'EURL Drouet patrimoine, qui avait fait part au Crédit foncier de France de ses difficultés à honorer les échéances du prêt que celui-ci lui avait consenti, a sollicité la substitution d'un taux fixe au taux révisable ; que le Crédit foncier de France lui a alors fait parvenir le 12 décembre 2008 un avenant au contrat de prêt prenant en compte la modification souhaitée, avant de lui adresser le 17 décembre suivant un courrier rectificatif en raison d'une erreur affectant le montant des mensualités ; que l'EURL Drouet patrimoine qui avait accepté le 22 décembre suivant la proposition du 12 décembre, ayant réglé les échéances mensuelles pour le montant indiqué dans celle-ci, le Crédit foncier de France a prononcé la déchéance du terme du prêt avant de lui signifier un commandement de payer ;
Attendu que l'EURL Drouet patrimoine fait grief à l'arrêt de constater que les conditions des articles 2191 et 2193 du code civil étaient réunies et de rejeter en conséquence sa demande tendant à déclarer nul le commandement de payer, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Drouet patrimoine faisait valoir, d'une part, qu'elle avait accepté l'offre faite par la banque le 12 décembre 2008 qui tenait compte de ses capacités de remboursement limitées, d'autre part, qu'elle n'avait pas été destinataire de la nouvelle offre que le Crédit foncier prétendait lui avoir adressée par courrier simple le 17 décembre 2008, contestant ainsi les conditions mêmes de la rétractation par la banque de sa première offre ; que dès lors, en retenant que l'offre faite par la banque le 12 décembre 2008 avait été retirée avant son acceptation « dans des conditions qui n'étaient pas critiquées », sans répondre à ces chefs péremptoires de conclusion, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que l'offre assortie d'un délai oblige celui de qui elle émane à ne pas la retirer avant l'expiration de ce délai ; qu'en retenant que l'offre du 12 décembre 2008 avait été régulièrement retirée par la banque en raison de l'envoi d'une nouvelle offre le 17 décembre 2008, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette offre du 12 décembre 2008 n'était pas assortie d'un délai expirant le 5 janvier 2009, ce dont il résultait que le Crédit foncier s'était engagé à maintenir son offre jusqu'à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1101 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la banque avait adressé à l'appelante un courrier transmis par courriel portant la mention " annule et remplace notre courrier du 12 décembre 2008 ", complété d'un autre courriel du même jour expliquant l'erreur commise, et que l'EURL Drouet patrimoine lui avait posé diverses questions par courriel du 28 décembre 2008, la cour d'appel, répondant aux conclusions invoquées, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, considéré que l'EURL avait eu connaissance du projet d'avenant rectifié avant qu'elle fasse connaître son accord ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable, en sa seconde branche, manque en fait en sa première branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'EURL Drouet patrimoine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'EURL Drouet patrimoine ; la condamne à verser au Crédit foncier de France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Drouet patrimoine
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté que les conditions des articles 2191 et 2193 du code civil étaient réunies et d'avoir, en conséquence, rejeté la demande de la société Drouet Patrimoine tendant déclarer nul le commandement de payer ;
AUX MOTIFS QUE : « Le 02 novembre 2011, l'EURL Drouet Patrimoine et la SA Crédit Foncier de France ont, par acte notarié, conclu un contrat dont l'économie peut être résumée de la manière suivante :- prêt de la banque à l'appelante de 429. 462 euros,- taux révisable tous les ans (page 3),- modalités financières (page 2) : " le présent prêt est un prêt transformable ",- conditions particulières du prêt (page 10) : clause intitulée " définition " : " le prêt transformable est un prêt in fine (…) qui pourra être transformé totalement ou partiellement en prêt amortissable ; clause intitulée " possibilité de passage à taux fixe " : cette option de conversion ne peut être exercée qu'une seule fois ; la conversion est irréversible " ; « Il n'est pas discuté que ce contrat a reçu le n°... ; Conformément aux dispositions qui y sont contenues et à la suite de la demande formée par l'appelante elle-même, acceptée par l'intimée, les modalités de ce contrat ont été modifiées en novembre 2006 : si le taux d'intérêt applicable restait révisable tous les ans, son caractère in fine disparaissait pour faire place à un remboursement entièrement amortissable ; « Par fax ou courriel en date du 12 décembre 2008 comportant en en-tête un numéro de prêt..., l'intimée écrivait à l'appelante pour lui indiquer ceci : " vous nous avez fait part de votre souhait de transformer le taux révisable de votre prêt en taux fixe. Conformément aux termes de votre contrat, nous avons le plaisir de vous indiquer ci-après les nouvelles conditions de remboursement de votre prêt " ; étaient ensuite précisées ces nouvelles conditions et notamment que les mensualités s'élèveront désormais à la somme de 1. 737, 78 euros ; une mention intitulée " important " y fait suite dans laquelle il est indiqué que " toutes les autres clauses et conditions du prêt demeurent applicables, sans novation " ; « Le 15 décembre 2008, le gérant de l'EURL Drouet Patrimoine accusait réception de cette offre ; il adressait alors à l'intimée deux courriels dans lesquels il posait diverses questions et demandait des précisions à la banque, mais dans lesquels il ne formulait aucune acceptation de la proposition qui lui était faite ; « Dès le 17 décembre 2008, l'intimée adressait à l'appelante un nouveau courrier, envoyé par courriel, portant la mention " annule et remplace notre courrier du 12 décembre 2008 " rédigé dans les mêmes termes que ce dernier, sauf le montant de la mensualité fixée à 4. 944, 84 euros ; ce courriel était accompagné d'un autre courriel portant la même date du 17 décembre 2008 dans lequel la banque informait sa client que " le courrier transmis le 12 décembre 2008 contenait une erreur au niveau de la charge mensuelle " et sa rectification se trouvait " ci-joint dans une nouvelle proposition rectifiée de passage à taux fixe " ; « Le 28 décembre 2008, l'appelante envoyait un nouveau courriel à la banque pour lui poser de nouvelles questions mais entre-temps, par courrier en date du 22 décembre 2008, le gérant de l'EURL Drouet Patrimoine avait écrit à cette dernière une autre lettre pour lui " confirmer son accord aux conditions proposées " ; « Le 04 février 2009, la banque accusait réception du mail reçu de l'appelante le jour même et lui " confirmait " que la proposition du 12 décembre n'est pas applicable à votre prêt " ; elle ajoutait que " seule la proposition du 17 décembre est contractuellement valable " ; « De ce qui précède, on doit déduire ceci : « D'abord, nul ne prétend, et en particulier pas l'appelante, que le passage, en 2006, du remboursement du prêt selon les modalités in fine à taux variable à des modalités amortissables à taux variable a emporté novation ; c'est bien le prêt originaire, souscrit en 2001, portant le n°..., qui s'est poursuivi en 2006, seules les conditions de remboursement étant modifiées ; au demeurant, l'opération en question n'entre nullement dans les prévisions de l'art. 1271 du code civil ; il n'est intervenu substitution ni d'un nouveau créancier, ni d'un nouveau débiteur, ni d'une nouvelle dette remplaçant l'ancienne qui se serait trouvée éteinte ; « Ensuite, l'offre faite par la banque à sa cliente le 12 décembre 2008 a été retirée avant son acceptation dans des conditions qui ne sont pas critiquées ; l'envoi le 17 décembre 2008 d'une nouvelle offre modifiant celle envoyée cinq jours plus tôt a, implicitement mais nécessairement, produit cet effet dès lors que la charge de remboursement mensuelle était modifiée pour être augmentée de près du triple ; « La première offre ayant été régulièrement retirée, l'acceptation exprimée le 22 décembre 2008 par l'appelante n'a pu y correspondre et la concerner ; « C'est donc à tort que l'appelante invoque cette première offre, laquelle ne s'est jamais concrétisée par une acceptation corrélative et la conclusion d'un accord susceptible de sortir à effet ; « Si l'on devait considérer que la seconde offre a, dans ses termes, donné lieu à un accord des parties, la novation ne se serait pas plus opérée ; « La numérotation d'un prêt n'emporte évidemment pas novation d'autant que les offres, tant du 12 que du 17 décembre 2008, excluaient formellement qu'un accord entre les parties puisse produire un tel effet ; d'ailleurs, ces offres ne visaient à apporter une modification qu'aux seules modalités de remboursement de l'emprunt contracté, à savoir taux variable transformé en taux fixe et montant de l'échéance ; « Pour faire bonne mesure, on notera, ici encore, que les conditions de la novation posées à l'art. 1271 précité ne sont en rien réunies ; « Le contrat en vigueur au jour de la délivrance du commandement de payer valant saisie délivré le 30 septembre 2010 était bien celui en date du 2 novembre 2001 ; c'est donc régulièrement que ce contrat a été visé dans cet acte ; « Le décompte établi par la banque, arrêté au 16 mai 2011, prend en considération les versements mensuels à hauteur de 1. 737, 78 euros faits par l'appelante qui, contre l'évidence et en dépit des courriers échangés entre parties, a voulu continuer à croire à l'efficience de l'offre du 12 décembre 2008 ; « L'appelante ne soutient pas que certains de ses paiements n'auraient pas été pris en compte ; « Elle ne soutient pas non plus que son acceptation du 22 décembre 2008 puisse concerner l'offre qui lui a été faite le 17 décembre 2010 ; « Il s'en déduit que le tableau d'amortissement en vigueur au jour de la délivrance du commandement était celui appliqué à compter du mois de novembre 2006 lorsque le remboursement in fine à taux variable a fait place à un remboursement amortissable à taux variable ; il est constant que ce tableau d'amortissement a, en son temps, été mis à la disposition de l'emprunteur ; « La lettre adressée le 26 mars 2010 valant déchéance du terme à défaut de règlement de l'arriéré au cours du mois suivant ne peut, malgré son en-tête mentionnant un numéro de prêt ..., que concerner le prêt n°..., aucun autre que celui-là n'étant en vigueur entre les parties à cette date ; « Les dispositions de l'art. 2191 et 2193 du code civil sont réunies : le créancier est effectivement muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible fondant son commandement de payer ; la saisie pratiquée porte bien sur des immeubles appartenant à la débitrice ; « Le tableau d'amortissement précité permet, avec le décompte produit (du 16 mai 2011 arrêtant la créance à cette date), de reconstituer le montant de la créance ; « La procédure suivie étant régulière, il y a lieu de rejeter les prétentions contraires de l'appelante » (arrêt, p. 4, sixième et septième alinéas, p. 5, p. 6, premier à treizième alinéas) ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Drouet Patrimoine faisait valoir, d'une part, qu'elle avait accepté l'offre faite par la banque le 12 décembre 2008 qui tenait compte de ses capacités de remboursement limitées, d'autre part, qu'elle n'avait pas été destinataire de la nouvelle offre que le Crédit foncier prétendait lui avoir adressée par courrier simple le 17 décembre 2008, contestant ainsi les conditions mêmes de la rétractation par la banque de sa première offre ; que dès lors, en retenant que l'offre faite par la banque le 12 décembre 2008 avait été retirée avant son acceptation « dans des conditions qui n'étaient pas critiquées », sans répondre à ces chefs péremptoires de conclusion, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'offre assortie d'un délai oblige celui de qui elle émane à ne pas la retirer avant l'expiration de ce délai ; qu'en retenant que l'offre du 12 décembre 2008 avait été régulièrement retirée par la banque en raison de l'envoi d'une nouvelle offre le 17 décembre 2008, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de la société Drouet Patrimoine, p. 4, quatrième alinéa), si cette offre du 12 décembre 2008 n'était pas assortie d'un délai expirant le 5 janvier 2009, ce dont il résultait que le Crédit foncier s'était engagé à maintenir son offre jusqu'à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1101 du code civil.