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15/01/2013 | FRANCE | N°12-17553

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 janvier 2013, 12-17553


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Haulotte Group, qui exerce une activité de fabrication et de commercialisation d'engins de manutention et de levage, était depuis 1996 en relation de sous-traitance avec la société Soudacier, à qui elle confiait la fabrication d'éléments de ces engins ; qu'en octobre 2007, la société Haulotte Group a mis fin à la relation ; que la société Soudacier l'a fait assigner en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établi

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Sur le premier moyen :
Attendu que la société Haulotte Group fait gr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Haulotte Group, qui exerce une activité de fabrication et de commercialisation d'engins de manutention et de levage, était depuis 1996 en relation de sous-traitance avec la société Soudacier, à qui elle confiait la fabrication d'éléments de ces engins ; qu'en octobre 2007, la société Haulotte Group a mis fin à la relation ; que la société Soudacier l'a fait assigner en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Haulotte Group fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité dans la rupture de ses relations contractuelles avec la société Soudacier et de la condamner à payer à cette dernière la somme de 1 568 109 euros en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, la rupture de relations commerciales établies n'est brutale que si elle intervient sans préavis écrit ; que l'exigence d'un préavis écrit est respectée dès lors qu'il résulte des éléments de la cause que la rupture des relations a été notifiée sans équivoque et que son auteur a respecté un préavis avant de rompre les relations commerciales ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société Haulotte group a notifié à la société Soudacier le 1er juin 2007 la rupture des relations commerciales et a confirmé à celle-ci cette rupture, par écrit, les 5 et 22 juin 2007 puis a continué, jusqu'au 10 octobre 2007, à lui passer commande ; qu'en affirmant que la société Haulotte Group avait mis fin, de façon brutale, aux relations commerciales quand elle avait elle-même relevé qu'à la suite de la notification de la rupture, celle-ci avait continué à passer commande auprès de la société Soudacier pendant plus de quatre mois, ce dont il résultait qu'elle avait, sans équivoque, mis fin aux relations commerciales liant les deux sociétés et avait respecté un préavis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
2°/ que l'existence d'une négociation, postérieurement à la notification de la rupture de relations commerciales établies, tendant à déterminer la durée du préavis exclut le caractère brutal de la rupture dès lors que durant cette négociation, les relations commerciales se poursuivent ; qu'en jugeant brutale la rupture quand il résulte de son arrêt qu'après la notification de celle-ci, des négociations se sont engagées visant à déterminer la durée du préavis de la société Soudacier, négociations durant lesquelles les relations commerciales se sont poursuivies au moins jusqu'au 10 octobre 2007, date de la dernière commande passée par la société Haulotte Group, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
3°/ que durant le préavis, les relations commerciales se poursuivent jusqu'à leur rupture effective ; qu'en affirmant, par motifs adoptés des premiers juges, que la société Haulotte Group aurait eu une « attitude ambivalente » dès lors qu'elle avait notifié à la société Soudacier l'arrêt des relations commerciales pour ensuite augmenter ses commandes quand ces commandes, intervenues postérieurement à la notification de la rupture, n'étaient que la simple exécution d'un préavis précédant l'arrêt définitif des relations commerciales, la cour d'appel a derechef violé l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Haulotte Group soutenait, en se référant à cet égard à deux lettres que lui avait adressées la société Soudacier les 7 et 12 juin 2007 et à une lettre qu'elle avait adressée le 13 juin 2007 à l'un de ses fournisseurs, la société Profilafroid, que la société Soudacier avait elle-même fixé la date de la cessation des relations commerciales à la fin du mois d'octobre 2007 et avait en prévision, dès le mois de juin 2007, cessé de passer commande auprès de ses fournisseurs avant de se rétracter et de prétendre que la rupture des relations commerciales avait été brutale ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'une quelconque de ces lettres qui démontraient pourtant qu'un préavis avait bel et bien été fixé par la société Soudacier, avant d'être remis en cause par celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate qu'à l'occasion d'une réunion entre les dirigeants des deux sociétés, le 1er juin 2007, la société Haulotte Group a informé la société Soudacier qu'elle souhaitait mettre un terme à la relation commerciale, ce qu'elle a confirmé par un message électronique du 5 juin 2007 dans lequel elle s'engageait à respecter un délai raisonnable pour lui permettre de s'organiser, que par une lettre recommandée du 22 juin 2007, elle a renouvelé son intention de respecter ses engagements contractuels sans toutefois fixer de délai de préavis, que les parties ont échangé plusieurs courriers, la société Soudacier revendiquant, le 13 juillet 2007, un préavis de 18 mois que la société Haulotte Group a refusé le 2 août 2007 toujours sans proposer de préavis ; qu'il relève encore que, bien qu'un message électronique du 19 novembre 2007 fît état d'une réunion du 29 octobre 2007 ayant eu pour objet de reconduire certaines livraisons pour l'année 2008, l'ultime commande de la société Haulotte group est intervenue le 10 octobre 2007 ; que l'arrêt en déduit que la société Haulotte Group, non seulement n'a pas donné de préavis écrit mais, en annonçant officiellement l'arrêt de la relation puis en poursuivant la demande de production, a eu une attitude ambivalente qui a empêché la société Soudacier de prendre les mesures adéquates pour faire face à la situation, notamment pour chercher de nouveaux partenaires ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la société Haulotte Group s'est abstenue de notifier la durée du préavis qu'elle entendait octroyer et a, postérieurement à la notification de la rupture, entretenu l'incertitude sur son intention de rompre, mettant la société Soudacier dans l'impossibilité de mettre à profit le préavis finalement exécuté, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu estimer que la rupture avait été brutale ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
Attendu qu'après avoir retenu que la rupture avait été brutale, l'arrêt alloue à la société Soudacier une somme de 200 000 euros pour des investissements très importants réalisés en 2005 et 2006 dans le cadre de ses relations avec la société Haulotte Group ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l'absence de préavis avait été de nature à engendrer un préjudice à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, statuant sur les demandes d'indemnisation de la société Soudacier au titre des conséquences de la fermeture du site du Creusot, du coût des licenciements et de celui des stocks inutilisés, l'arrêt lui alloue diverses sommes en réparation de la perte des chances de déménager, de mettre fin à la convention d'occupation de manière non précipitée et de trouver une solution de rechange, comme d'organiser la restructuration sociale pendant la durée du préavis ainsi qu'une parfaite gestion des stocks ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen tiré de ce que les préjudices allégués par la société Soudacier consistaient en des pertes de chance, sans inviter préalablement les parties à s'en expliquer, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu des statuer sur le dernier grief :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Haulotte Group à payer à la société Soudacier la somme de 1 568 109 euros en réparation de son préjudice, l'arrêt rendu le 23 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Soudacier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Haulotte Group une somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Haulotte group

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR retenu la responsabilité de la société HAULOTTE GROUP dans la rupture de ses relations contractuelles avec la SAS SOUDACIER et d'AVOIR condamné la société HAULOTTE à payer à la société SOUDACIER la somme de 1.568.109 euros en réparation de son préjudice, outre 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la SA Haulotte Group, alors dénommée Pinguely-Haulotte, qui a pour activité la fabrication et la commercialisation d'engins de manutention ainsi que de levage, a confié à !a SARL Berry Soudure et Peinture Industrielle (BSPI) la sous-traitance des éléments de ces engins, notamment des ciseaux, depuis 1996 ; qu'en fin 2003 la SA Oxymétal et sa filiale, la SAS Soudacier, créée à cet effet, ont repris les salariés et les actifs, y compris les éléments incorporels du fonds de commerce, à savoir la clientèle, le savoir-faire, les dossiers techniques et le nom commercial de la SARL BSPI placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bourges ; qu'ainsi contrairement aux allégations de la société appelante la SAS Soudacier a continué et même amplifié cette sous-traitance malgré quelques difficultés mineures sur la qualité et les prix, rencontrées en 2005 et début 2006 ; que malgré ces difficultés, selon la société intimée et ces chiffres ne font pas l'objet de discussion sérieuse, la part de son chiffre d'affaires avec la SA Haulotte Group est passé de : en 1998 : 23 % du chiffre d'affaires, en 1999 : 54 % du chiffre d'affaires, en 2000 : 63 % du chiffre d'affaires, en 2001 : 73 % du chiffre d'affaires, en 2002 : 69 % du chiffre d'affaires, en 2003 : 77 % du chiffre d'affaires ; qu'à l'occasion d'une réunion entre les dirigeants des sociétés Soudacier et Haulotte, qui s'est tenue le 1er juin 2007, ces derniers ont fait savoir qu'ils mettaient un terme à leur relations commerciales, décision confirmée par un message électronique du 5 juin 2007 ainsi libellé : « Haulotte Group confirme par la présente son choix d'orientation stratégique ainsi que sa volonté d'arrêter toute relation commerciale avec la société Soudacier. Nous souhaitons souligner que Haulotte Group tiendra tous ses engagements contractuels. Nous restons à votre disposition pour vous recevoir dans nos murs afin de définir ensemble tes modalités pratiques de cette fin de relation contractuelle. Haulotte Group s'engage à respecter un délai raisonnable permettant à votre société de s'organiser. Sincères salutations" ; que ce message a été confirmé par lettre recommandée du 22 juin 2007 par laquelle la société appelante renouvelle son intention de respecter ses engagements contractuels mais ne fixe aucun délai de préavis ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juillet 2007 la société intimée fait état de l'importance du préjudice résultant de la rupture brutale et injustifiée des relations commerciales existant entre les parties et demande à la SA Haulotte Group « de bien vouloir revenir vers nous rapidement afin de nous proposer des mesures concrètes, qui viennent limiter ou remédier au préjudice que nous allons subir de votre fait » ; que dans une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juillet 2007, la SAS Soudacier a sollicité un délai de préavis de 18 mois pour lui permettre de s'adapter aux circonstances que ce soit en ce qui concerne les matières premières, les stocks, la clientèle et le personnel ; que dans un courrier du 2 août 2007 la société appelante a contesté l'existence d'un préjudice pour ta SAS Soudacier, indiquant à cette dernière : « Nous comprenons votre déception de voir ainsi s'interrompre notre collaboration mais étant prévenus de cette rupture depuis le 1er juin 2007, il vous appartient de prendre, en collaboration avec le groupe Oxymétal, dont vous faites partie, les dispositions nécessaires à la poursuite de vos activités et ce, dans un contexte industriel particulièrement favorable » mais n'a pas proposé de préavis ; que dans un message électronique du 19 novembre 2007 il est fait état d'une réunion du 29 octobre 2007 ayant pour objet de demander à Soudacier de reconduire les livraisons de kits gros ciseaux sur l'année 2008, ce qui a donné lieu à des propositions de la société appelante ; qu'aucune nouvelle commande de la SA Haulotte Group n'a eu lieu pour 2008, la dernière commande réalisée étant du 10 octobre 2007, et ce malgré une lettre recommandée du conseil de la société intimée du 4 décembre 2007 ; que l'article L 442-6, 1 du Code de commerce dispose qu'engagé la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de tout producteur, commerçant, industriel ou artisan de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale du préavis déterminée par des accords interprofessionnels ; qu'ainsi la SA Haulotte Group, qui n'a pas non seulement donné de préavis écrit, mais a eu une attitude ambivalente comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, doit réparer le préjudice causé à la SAS Soudacier par cette rupture brutale de relations contractuelles existant depuis environ une dizaine d'années ; qu'en effet les contrats conclus entre la société appelante et la SAS Soudacier s'inscrivent dans la lignée des précédents contrats passés entre eux la SA Haulotte Group et la SARL BSPI car ils portaient sur exactement les mêmes matériels ou appareils ; qu'enfin la société appelante ne justifie nullement de l'impossibilité de continuer les contrats passés avec la SAS Soudacier faute de preuves de manquements de son co-contractant, qui auraient créé une situation d'une gravité et d'une urgence telle qu'elle justifierait la résiliation unilatérale et immédiate de ces contrats ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il dit que cette rupture brutale imputable à la société appelante qui a empêché la SAS Soudacier, son cocontractant, de prendre les mesures adéquates pour faire face à cette situation et notamment pour rechercher de nouveaux partenaires et a condamné la première à indemniser l'entier préjudice de la société intimée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « l'attitude ambivalente de la société HAULOTTE GROUP (annonce officielle de l'arrêt des relations suivie d'une augmentation importante de la demande de production) a empêché son cocontractant de prendre les mesures adéquates à faire face à la situation, notamment partir à la recherche de nouveaux partenaires » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article L. 442-6, 1, I, 5° du code de commerce, la rupture de relations commerciales établies n'est brutale que si elle intervient sans préavis écrit ; que l'exigence d'un préavis écrit est respectée dès lors qu'il résulte des éléments de la cause que la rupture des relations a été notifiée sans équivoque et que son auteur a respecté un préavis avant de rompre les relations commerciales ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société HAULOTTE a notifié à la société SOUDACIER le 1er juin 2007 la rupture des relations commerciales et a confirmé à celle-ci cette rupture, par écrit, les et 22 juin 2007 puis a continué, jusqu'au 10 octobre 2007, à lui passer commande ; qu'en affirmant que la société HAULOTTE avait mis fin, de façon brutale, aux relations commerciales quand elle avait elle-même relevé qu'à la suite de la notification de la rupture, celle-ci avait continué à passer commande auprès de la société SOUDACIER pendant plus de quatre mois, ce dont il résultait qu'elle avait, sans équivoque, mis fin aux relations commerciales liant les deux sociétés et avait respecté un préavis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6,1, I, 5° du code de commerce ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'existence d'une négociation, postérieurement à la notification de la rupture de relations commerciales établies, tendant à déterminer la durée du préavis exclut le caractère brutal de la rupture dès lors que durant cette négociation, les relations commerciales se poursuivent ; qu'en jugeant brutale la rupture quand il résulte de son arrêt qu'après la notification de celle-ci, des négociations se sont engagées visant à déterminer la durée du préavis de la société SOUDACIER, négociations durant lesquelles les relations commerciales se sont poursuivies au moins jusqu'au 10 octobre 2007, date de la dernière commande passée par la société HAULOTTE, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 442-6,1, I, 5° du code de commerce ;
ALORS, AU SURPLUS, QUE durant le préavis, les relations commerciales se poursuivent jusqu'à leur rupture effective ; qu'en affirmant, par motifs adoptés des premiers juges, que la société HAULOTTE aurait eu une « attitude ambivalente » dès lors qu'elle avait notifié à la société SOUDACIER l'arrêt des relations commerciales pour ensuite augmenter ses commandes quand ces commandes, intervenues postérieurement à la notification de la rupture, n'étaient que la simple exécution d'un préavis précédant l'arrêt définitif des relations commerciales, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 442-6,1, I, 5° du code de commerce ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 21-22), la société HAULOTTE soutenait, en se référant à cet égard à deux lettres que lui avait adressées la société SOUDACIER les 7 et 12 juin 2007 et à une lettre qu'elle avait adressée le 13 juin 2007 à l'un de ses fournisseurs, la société PROFILAFROID, que la société SOUDACIER avait elle-même fixé la date de la cessation des relations commerciales à la fin du mois d'octobre 2007 et avait en prévision, dès le mois de juin 2007, cessé de passer commande auprès de ses fournisseurs avant de se rétracter et de prétendre que la rupture des relations commerciales avait été brutale ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'une quelconque de ces lettres qui démontraient pourtant qu'un préavis avait bel et bien été fixé par la société SOUDACIER, avant d'être remis en cause par celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société HAULOTTE au paiement d'une somme de 1.568.109 euros en réparation du préjudice subi par la société SOUDACIER, outre 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « sur la réparation des gains manquants, ce préjudice doit être calculé de la manière suivante : ces gains manques correspondent à la marge sur coût variable sur le chiffre d'affaires, qui aurait dû être réalisé entre fin juin 2007 et fin juin 2008, par référence au chiffre d'affaires réalisé lors de l'année précédant le préavis, à savoir 1 043 109 euros (9 613 244 euros -5 266 957 euros multiplié par 24 %) ; que sur l'atteinte à l'image, pour justifier l'existence de ce préjudice la SAS Soudacier expose que : "les difficultés subies par Soudacier, ajoutées aux difficultés à venir, ont eu et auront dans le futur, un effet négatif sur l'image de la société Oxymétal et sur la qualité de son crédit auprès de ses fournisseurs avec une baisse de sa notation" ; que "nul ne plaidant par procureur", la société intimée ne peut solliciter l'indemnisation du préjudice, qu'aurait subi une autre société ; que néanmoins les difficultés mentionnées plus haut ont fait apparaître la SAS Soudacier comme une entreprise fragilisée, dont les clients potentiels peuvent craindre que celle-ci ne lui permet pas de respecter ses engagements de l'avenir ; que dans ces circonstances l'indemnisation de l'atteinte à l'image, s'agissant d'une société de taille moyenne non cotée en bourse, sera fixée à 50 000 euros ; que sur les conséquences de la fermeture des bureaux du Creusot, même si la rupture des relations contractuelles entre les parties avait respecté les dispositions du Code de commerce, il est indiscutable que la SAS Soudacier aurait dû déménager les équipements de son site du Creusot, qu'elle avait ouvert en raison de la proximité avec ceux de la SA Haulotte Group , n'ayant plus alors d'intérêt à exercer une activité à cet endroit ; qu'en conséquence son préjudice n'est pas le coût total du déménagement de ces machines et matériels et celui des loyers jusqu'à la fin d'un bail, qui n'est même pas produit, mais la perte de chance de déménager et de mettre fin à la convention d'occupation de manière non précipitée ; que le fait d'être contraint de déménager dans ces circonstances a occasionné à la SAS Soudacier un préjudice indiscutable qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 25 000 euros au vu des factures produites par la société intimée ; qu'en n'ayant pas bénéficié d'un préavis, qui aurait permis à la SAS Soudacier de trouver une éventuelle solution de rechange, celle-ci a subi un préjudice certain mais qui ne saurait être constitué par la prise en charge des loyers jusqu'à l'expiration non justifiée d'un bail ; que l'indemnisation de ce poste de dommage, qui est équivalent à environ une année de loyer, doit être fixée à 50 000 euros ; que sur le coût des licenciements engendrés et des stocks inutilisés par la brutalité de la rupture de lien contractuel, ainsi qu'il l'a été indiqué plus haut même si la rupture des relations contractuelles avait été conforme aux dispositions légales, il est indiscutable que compte tenu du pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par la SAS Soudacier avec la SA Haulotte Group (plus de 70 %), la première ait dû licencier une partie de son personnel pour motifs économiques ; que néanmoins son préjudice ne saurait être constitué de la totalité du coût des licenciements, dont certains étaient inéluctables, mais par la perte de chance de pouvoir organiser la restructuration sociale pendant la durée de préavis de une année ; que la réparation de ce chef de dommage sera chiffrée à la somme de 100 000 euros, tenant compte du coût justifié de ces licenciements ; qu'il en va de même sur le coût des stocks inutilisés, la perte de chance d'organiser une parfaite gestion des stocks sera réparée par l'allocation d'une somme de 100 000 euros ; que sur les investissements effectués et non rentabilisés, il est indiscutable que dans le cadre de ses relations avec la SA Haulotte Group, la SAS Soudacier a effectué des investissements très importants, notamment en 2005 et 2006, mais les documents produits par la société intimée, dont on ne sait pas de qui ils émanent, ne sont pas pertinents ; que ce chef de préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 200 000 euros » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en cas de brusque rupture, seule l'indemnisation du préjudice découlant directement de l'absence de préavis peut être réparée et non ceux résultant de la rupture elle-même ; qu'en accordant à la société SOUDACIER une somme de 200.000 € au titre des investissements effectués par elle en 2005 et 2006 quand le préjudice subi de ce fait par la société SOUDACIER résultait, non de l'absence de préavis, mais de la rupture elle-même, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, I, 5° du code de commerce ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en n'exposant pas en quoi l'absence de préavis a été de nature à engendrer un préjudice du fait des investissements réalisés par la société SOUDACIER, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, 1, I, 5° du code de commerce ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen pris de ce que le préjudice allégué par la société SOUDACIER résultant de la fermeture des locaux du Creusot, des licenciements engendrés et des stocks inutilisés par celle-ci était réparable sur le fondement de la perte d'une chance, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-17553
Date de la décision : 15/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 23 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 jan. 2013, pourvoi n°12-17553


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.17553
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