LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° G 11-24.155 et X 11-17.797 qui attaquent le même arrêt ;
Statuant tant sur les pourvois principaux formés par les sociétés Financière Victor Hugo , Distridom et Expansion Holding Mauritius et par la société Générale d'importation et d'exportation Geimex et M. X..., administrateur provisoire de cette société, que sur le pourvoi incident relevé par la société Casino Guichard Perrachon et la société Distribution Leader Price sur le pourvoi principal n° G 11-24.155 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 2011), que la société Générale d'importation et d'exportation (la société Geimex), dont le capital était détenu à concurrence de 50 % par les membres de la famille Y... et à concurrence de 50 % par M. Z..., et qui était licenciée exclusive, pour la France métropolitaine et les DOM-TOM de la marque "Leader Price", propriété de la société SNC Distribution Leader Price, a consenti, le 16 octobre 1997, la sous-licence de cette marque à la société Financière Victor Hugo (la société FVH) pour une durée de huit ans et pour la Réunion, l'Ile Maurice, les Comores, les Seychelles et Mayotte ; que le 26 mai 2003, les sociétés Geimex et FVH ont conclu un contrat de licence de cette même marque pour une période de trente-cinq années, renouvelable par une ou plusieurs périodes de même durée ; que la société FVH a elle-même consenti des sous-licences de la marque à diverses filiales de sa propre filiale, la société Expansion holding mauritius (la société Expansion) ; que le 28 novembre 2003, la société Geimex a conclu avec les sociétés FVH et Expansion une convention donnant à la première le droit d'acquérir les titres ou les fonds de commerce des magasins exploitant la marque "Leader Price" à la Réunion pour le cas où le licencié ou ses filiales envisageraient de céder ces magasins ; qu'après la cession par M. Z... de sa participation dans la société Geimex à la société Casino Guichard Perrachon (la société Casino), une mésentente est survenue entre les deux groupes d'actionnaires de la société Geimex et M. X... a été désigné en qualité d'administrateur provisoire ; que le 28 juillet 2008, la société FVH a notifié aux sociétés Geimex et Casino qu'elle mettait un terme à l'ensemble des relations commerciales avec la société Geimex avec effet au 1er mars 2009 ; que cette rupture a été réitérée par les sociétés FVH, Distridom, centrale d'achat de la société FVH, et Expansion ; que ces trois sociétés ont fait assigner les sociétés Geimex et Casino ainsi que M. X..., ès qualités, aux fins de voir constater la résiliation à bon droit par la société FVH de ses relations commerciales et obtenir paiement de dommages-intérêts ; que la société Distribution Leader Price a été assignée en intervention forcée ; que M. Jean Y... et la société Baudinter sont intervenus volontairement ; que les sociétés Geimex, Casino et Distribution Leader Price ont formé des demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal n° G 11-24.155 :
Attendu que la société Geimex et M. X..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir constaté que la résiliation par la société FVH de ses relations avec la société Geimex n'était pas fautive et d'avoir rejeté ses demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de la société FVH, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en jugeant que l'article 7 des contrats des 16 octobre 1997 et 26 mai 2003 serait une clause d'exclusivité au sens de l'article L. 330-1 du code de commerce tout en constatant que cet article 7 autorise expressément le licencié à s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs en produits concurrents, la cour d'appel a violé l'article L. 330-1 du code de commerce ;
2°/ que l'article 7 des contrats des 16 octobre 1997 et 26 mai 2003 autorise en des termes clairs et précis le licencié à commercialiser des produits spécifiques à la région, des produits dont la date limite de vente est rapprochée et des produits fabriqués localement donc susceptibles de concurrencer les produits de la marque Leader Price ; ainsi en estimant que les exceptions prévues par l'article 7 ne constitueraient pas les "objets semblables ou complémentaires" visés par l'article L. 330-1 du code de commerce, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 7 des contrats litigieux, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu' en estimant que le contrat du 26 mai 2003 serait devenu caduc, la cour d'appel a violé les articles L. 330-1 et L. 330-2 du code de commerce ;
4°/ qu'en estimant que la licence de marque aurait été consubstantielle à la clause d'exclusivité sans justifier de ce que la durée d'exclusivité prévue aurait été déterminante de la conclusion de ce contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-1 du code de commerce ;
5°/ qu' il résulte des stipulations claires et précises du contrat du 26 mai 2003 que celui-ci avait pour objet une "nouvelle licence" conclue pour une durée différente de celle prévue par le contrat du 16 octobre 1997, donc qu'il s'agissait non de la prolongation du contrat du 16 octobre 1997 lequel était résilié, mais d'un nouveau contrat ; ainsi en estimant que le contrat du 26 mai 2003 n'aurait été que la prolongation du contrat du 16 octobre 1997, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de licence de marque du 26 mai 2003 ;
6°/ qu'en estimant que la société FVH n'aurait à aucun moment recouvré sa liberté tout en constatant que le contrat du 16 octobre 1997 pouvait avoir été résilié avant la conclusion du contrat du 26 mai 2003, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation des articles L. 330-1 et L. 330-2 du code de commerce ;
7°/ que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré la rupture par la société FVH de ses relations contractuelles avec la société Geimex non fautive emportera par voie de conséquence cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts des exposants, fondées sur le caractère fautif de la rupture ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que tant le contrat du 16 octobre 1997 que celui du 26 mai 2003 font obligation à la société FVH de se fournir exclusivement auprès de la société Geimex et de ne vendre dans ses magasins à l'enseigne "Leader Price" que des produits portant la marque "Leader Price" ; qu'il relève encore que, si contractuellement la société FVH peut, pour des produits spécifiques de la région, ceux à date limite de vente trop courte pour être commandés en métropole et ceux fabriqués localement, se fournir auprès d'autres fournisseurs et les vendre dans d'autres magasins que ceux portant l'enseigne "Leader Price", la société Geimex n'était pas en mesure de lui fournir les deux premiers types de produits et exerçait un contrôle étroit avant d'autoriser l'apposition de la marque leader-price sur les produits locaux ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire, sans dénaturer les termes ambigus de l'article 7 des contrats, que les dérogations ne visaient pas des produits concurrents de ceux de la société Geimex et que la clause litigieuse constituait une clause d'exclusivité ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la clause d'exclusivité d'approvisionnement était d'une durée supérieure à dix ans mais que, la société FVH ne pouvant continuer à commercialiser, dans les département et territoires concédés, les produits portant la marque "Leader Price" sans s'approvisionner auprès de la société Geimex licenciée exclusive, la licence de marque ne pouvait survivre indépendamment de la clause d'exclusivité ; que de ces constatations , dont il résulte que, dans la commune intention des parties, la clause d'exclusivité d'exploitation participait de l'économie générale de l'opération et était indissociable de la concession de sous- licence de marque, la cour d'appel a pu déduire que sa nullité rendait caduc, à compter du 16 octobre 2007, le contrat du 26 mai 2003, pris dans son ensemble ;
Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt relève que les contrats des 16 octobre 1997 et 26 mai 2003, conclus entre les mêmes parties, comportent la même clause d'exclusivité, qu'il n'existe aucun acte de résiliation du contrat du 16 octobre 1997 et que le second a été signé avant l'échéance du premier et "en lieu et place" ; que de ces constatations, dont il résultait que les sociétés FVH et Geimex ne s'étaient pas dégagées du contrat du 16 octobre 1997 et que celui du 26 mai 2003 ne constituait que la prolongation du premier, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ;
Et attendu que le rejet du moyen en ses six premières branches rend le septième grief sans objet ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal n° G 11-24.155 :
Attendu que la société Geimex et M. X..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir annulé les cessions des titres des sociétés Mahdd, Semad, Distri Savannah et Rhdoi en 2004 et 2005 à la société Geimex et condamné cette dernière à restituer à la société FVH les titres de ces sociétés, contre remboursement par la société FVH du prix payé par la société Geimex pour procéder à leur acquisition, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation de l'arrêt qui interviendra sur le premier moyen emportera par voie de conséquence cassation de l'arrêt en ce qu'il a annulé les cessions des titres des sociétés Mahdd, Semad Distri Possession, Distri Savannah et Rhdoi ;
2°/ qu'en toute hypothèse, en étendant la sanction de la clause d'exclusivité des contrats des 16 octobre 1997 et 26 mai 2003 à la convention du 28 novembre 2003 et aux cessions des titres des sociétés Mahdd, Semad Distri Possession, Distri Savannah et Rhdoi, la cour d'appel a violé les articles L. 330-1 et L. 330-2 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que le rejet du premier moyen rend le premier grief sans objet ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que la convention du 28 novembre 2003 a été conclue en contrepartie de l'accord de licence d'une durée de 35 ans et que l'article 2 énonce que ces deux accords sont indissociables ; que par ce seul motif, non critiqué , la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal n° G 11-24.155 :
Attendu que la société Geimex et M. X..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts formées par la société Geimex au titre de la perte de marge durant le préavis, alors, selon le moyen, qu'en affirmant de manière péremptoire que la durée de préavis décidée par la société FVH aurait été raisonnable, sans justifier de ce caractère raisonnable, notamment en considération de l'ancienneté des relations entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt et des conclusions de la société Geimex et de M. X..., ès qualités, que devant la cour d'appel ils ont uniquement fait valoir que, pendant le préavis, la société FVH n'avait pas respecté ses obligations contractuelles, sans émettre de contestation sur le caractère déraisonnable de sa durée; que le moyen pris de cet élément est nouveau et mélangé de fait et de droit et donc irrecevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que les sociétés Casino et Distribution Leader Price font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts formée par la société DLP à l'encontre de la société DVH, alors, selon le moyen, que la société DLP, titulaire de la marque "Leader Price" ne demandait pas seulement la réparation du préjudice par ricochet que lui avait causé le non-respect du préavis de rupture de la société FVH, mais surtout la réparation du préjudice que lui avait causée la résiliation fautive du cotnrat de sous-licence de marque du 26 mai 2003 par la société FVH ; que pour rejeter cette demande, la cour d'appel s'est fondée sur ce seul motif que ce contrat de sous -licence était devenu caduc à partir du 16 octobre 2007 et que la société FVH s'était trouvée libérée de toute obligation contractuelle ; qu'ainsi, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré la rupture par la société FVH de ses relations contractuelles avec la société Geimex non fautive, du chef du pourvoi principal de la société Geimex, emportera par voie de conséquence l'anéantissement de l'arrêt en ce qu'il a débouté la société DLP de sa demande par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le premier moyen du pourvoi principal n° G 11-24.155 ayant été rejeté, le moyen est devenu sans objet ;
Et attendu que le moyen unique du pourvoi principal n° X 11-17.797 ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principaux et incident ;
Condamne les sociétés Financière Victor Hugo, Distridom, Expansion Holding Mauritius, Générale d'importation et d'exportation, M. X..., ès qualités, et les sociétés Casino Guichard-Perrachon et Distribution Leader Price aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal n° X 11-17.797 par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Financière Victor Hugo, Distridom et Expansion Holding Mauritius Ltd.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation partielle du jugement entrepris, débouté les sociétés F.V.H., Distridom et Expansion Holding de leurs demandes de dommages et intérêts dirigées contre les sociétés Geimex, Casino et D.L.P. ;
Aux motifs que « les appelantes qui poursuivent la caducité des conventions, pour se dire libérées du contrat les liant à Geimex, ne peuvent, sans contradiction, prétendre, pour imputer aux intéressées la responsabilité de cette rupture, qu'elles auraient été contraintes à celle-ci par les manquements de cette dernière à ses obligations contractuelles et par la concurrence déloyale de Casino et de Distribution Leader Price ; que point n'est besoin, par suite, d'examiner les griefs des appelantes tenant à la perte de l'intuitu personae, au contrôle opérationnel de Casino sur Geimex avec pour conséquence un conflits d'intérêts et un parasitisme commercial, au manquement de Geimex à son obligation de pratiquer des prix adaptés à la philosophie discount, à l'absence de conditions générales de vente et à l'abus de dépendance économique, étant observé que les demandes pécuniaires que forment FVH, Distridom et Expansion visent à la réparation, non pas de préjudices subis durant l'exécution du contrat en relation avec ces griefs, mais des conséquences de la cessation du contrat, dont elles ont pris l'initiative en se prévalant de sa caducité et après avoir déjà pris contact avec une autre enseigne ; que FVH, Distridom et Expansion Holding, invoquant les stipulations du contrat de licence selon lesquelles, en cas de cessation du contrat pour quelque cause que ce soit, y compris en cas de caducité, les parties se retrouveraient placées dans la situation antérieure à sa signature, sollicitent, sur ce fondement, le remboursement des investissements publicitaires et de communication, d'un montant total de 14 874 291,19 euros et de 12 183 798 roupies mauritiennes qu'elles ont supportés pour promouvoir la marque Leader Price et dont elles ont perdu le bénéfice au profit de Geimex, de Casino et de Distribution Leader Price ; qu'il ne peut, cependant, être soutenu que le remboursement des frais de promotion que les appelantes ont exposés, sans y être obligées par l'une quelconque des stipulations du contrat, dont elles ont unilatéralement apprécié tant l'opportunité que le montant et dont elles ont bénéficié des effets durant les années de vie du contrat, pourrait correspondre à la remise des parties dans leur état antérieur prévue par l'article 11 du contrat de licence ; qu'aucun remboursement ne peut donc leur être accordé sur ce fondement ; que la cessation des relations contractuelles entre Geimex et FVH étant la conséquence, non pas d'une résiliation fautive de la part de l'une ou de l'autre d'entre elles, mais de la caducité de leurs conventions, la perte du bénéfice des dépenses engagées pendant l'exécution du contrat ne peut se rattacher à aucun manquement susceptible de justifier l'octroi de dommages et intérêts ; que la société Distridom sollicite la condamnation des intimées à lui payer la somme de 2 494 336 euros, qui correspond à la perte de marge subie en janvier et févier 2009, deux derniers mois du préavis, et liée à la liquidation des stocks de produits Leader Price qu'il aurait pourtant été facile, pour les sociétés intimées, de reprendre ou de faire reprendre puisqu'elles ont immédiatement désigné un nouveau licencié ; que les conventions caduques ne comportent aucune clause de reprise des stocks à la charge du cocontractant de FVH, à leur terme ; que la fin du contrat étant le fait de sa caducité et non d'une faute des intimées, la perte de marge invoquée, à supposer établie sa relation avec une perte d'exploitation résultant de la liquidation des produits Leader Price et avec les perturbations liées à l'abandon de l'enseigne, ne peut donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts ; que les demandes pécuniaires des appelantes, qui tendent à mettre à la charge des intimées les frais de changement d'enseigne qu'elles ont exposés, doivent être rejetées » (arrêt attaqué, p. 11, § 1 à 6) ;
Alors d'une part qu'il n'est pas permis au juge de modifier les termes du litige tels qu'ils sont déterminés par les prétentions respectives des parties ; qu'au cas présent, dans leurs dernières conclusions d'appel, signifiées le 29 octobre 2010 (p. 30, § 8 à 11, p. 45, § 5 à p. 47, § 3, et p. 58, § 7), les sociétés F.V.H., Distridom et Expansion Holding imputaient aux sociétés Geimex, Casino et D.L.P., non pas la responsabilité de la cessation des accords contractuels, devenus caducs le 16 octobre 2007, mais la responsabilité de la rupture, à effet du 1er mars 2009, des relations commerciales s'étant poursuivies postérieurement à cette caducité ; qu'en énonçant, pour rejeter les demandes indemnitaires des sociétés F.V.H., Distridom et Expansion Holding, que celles-ci ne pouvaient pas, sans contradiction, poursuivre la caducité des conventions et, dans le même temps, imputer aux défenderesses la responsabilité de la rupture de ces conventions, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors d'autre part que les demandes d'indemnisation formulées par les sociétés F.V.H., Distridom et Expansion Holding dans leurs conclusions précitées du octobre 2010 (p. 47, 1er § à p. 51, § 5, et p. 59, § 1 à 7) tendaient à la réparation des conséquences dommageables, non pas seulement de la cessation des accords contractuels, atteints de caducité depuis le 16 octobre 2007, mais, d'une manière plus générale, de la cessation des relations commerciales qui s'étaient poursuivies au-delà de cette date, et auxquelles elles avaient été contraintes de mettre un terme à la suite des agissements fautifs commis à leur encontre ; qu'en énonçant que les demandes pécuniaires des sociétés F.V.H., Distridom et Expansion Holding visaient à la réparation des conséquences de la cessation du contrat de sous-licence de la marque Leader Price, la cour d'appel, qui a restreint la teneur véritable de ces demandes, a modifié de plus fort les termes du litige, en violation du même texte ;
Alors en outre que la cessation d'un contrat de sous-licence de marque, par l'effet de la caducité, ne fait pas obstacle à la poursuite des relations commerciales entre le concédant de la sous-licence et le sous-licencié ; qu'en se bornant à relever, pour écarter toute indemnisation du groupe F.V.H. au titre, respectivement, des dépenses de promotion de la marque Leader Price à la Réunion et l'île Maurice, et de la perte de marge subie par la société filiale Distridom sur la période de janvier et février 2009, que la cessation des relations contractuelles entre Geimex et F.V.H. était la conséquence de la caducité de leurs conventions, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les dernières conclusions des sociétés F.V.H., Distridom et Expansion Holding (p. 30, § 8 à 11, p. 45, § 5 à p. 47, 1er §, p. 51, § 1 à 5, et p. 58, § 7 à p. 59, § 7), si les fautes reprochées à Geimex, Casino et D.L.P. ne se trouvaient pas à l'origine de la cessation des relations commerciales s'étant poursuivies entre F.V.H. et Geimex postérieurement à ladite caducité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-2, L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce.Moyens produits au pourvoi principal n° G 11-24.155 par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils, pour la société Générale d'importation et d'exportation Geimex et M. X..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté que la résiliation par la société Financière Victor Hugo à effet au 1er mars 2009 de ses relations avec la société Générale d'Importation et d'Exportation – Geimex ne serait pas fautive et débouté la société Geimex de ses demandes de dommages-intérêts fondées sur la rupture fautive du contrat par la société Financière Victor Hugo ;
AUX MOTIFS, d'une part QUE :
« l'article L 330-1 du code de commerce dispose que : "Est limitée à un maximum de dix ans la durée de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles s 'engage vis-à-vis de son vendeur, cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur." ; (…) selon l'article L. 330-2 du même code : "Lorsque le contrat comportant la clause d'exclusivité mentionnée à l'article L 330-1 est suivi ultérieurement, entre les mêmes parties, d'autres engagements analogues portant sur le même genre de biens, les clauses d'exclusivité contenues dans ces nouvelles conventions prennent fin à la même date que celle figurant au premier contrat."
(…) l'article 7, tant du contrat du 16 octobre 1997 que de celui du 26 mai 2003, intitulé "Obligations exclusives du licencié", stipule que le licencié s'engage, pendant la durée du contrat à "1°) Ne s 'approvisionner en produits "Leader Price" qu'auprès du concédant, sauf ce qui est dit au 4°) ci-après.(..) 3°) Ne vendre dans les magasins à l'enseigne Leader Price que des produits portant le label "Leader Price", à l'exception de certains produits spécifiques à la région et des produits dont la D.V.L.. trop courte ne permet pas de commande sur la métropole. 4°) Eventuellement, les produits fabriqués localement pourront être mis sous la marque Leader Price, mais après études des produits (échantillons, analyse) afin d'une part de mettre le label sur des produits de qualité, et d'autre part, de voir si ces articles pourraient intéresser d'autres" entités exploitant la marque ;
(…) FVH avait ainsi l'obligation, pour approvisionner ses magasins à l'enseigne Leader Price, de se fournir exclusivement auprès de Geimex, sauf en produits spécifiques à la région, en produits à date limite de vente trop courte, que Geimex ne peut pas fournir, et en produits fabriqués localement, sur lesquels le concédant accepte d'apposer la marque Leader Price, après un contrôle étroit ; (…) ces exceptions ne constituent donc pas les "objets semblables ou complémentaires" visés par l'article L 330- 1 et le fait que FVH puisse les acheter ne prive pas la clause d'approvisionnement contractuelle de son caractère exclusif ; (…) le fait que le contrat n'interdise pas formellement à FVH de s'approvisionner en produits concurrents auprès d'autres fournisseurs et de les vendre dans d'autres magasins que ceux portant l'enseigne Leader Price n'enlève rien au caractère exclusif de la clause d'approvisionnement litigieuse, qui doit s'apprécier et s'interpréter uniquement dans le cadre des relations entre les cocontractants, dont l'intention manifeste était de ne pas voir FVH développer, dans le cadre limité et clos de l'Ile de la Réunion, d'autres enseignes vendant des produits d'autres marques ;
(…) la clause en litige est donc une clause d'exclusivité au sens de l'article L 330-1 du code de commerce ;
(…) la durée de validité d'une telle clause est limitée à dix ans ;
(…) il est constant que le contrat du 26 mai 2003 a été conclu entre les mêmes parties que celui du 16 octobre 1997 et comporte une clause d'exclusivité portant sur les mêmes biens et rédigée dans les mêmes termes ; (…) il contient donc des engagements analogues au sens de L 330-2 du code de commerce ; (…) il a été signé deux ans avant le terme de celui du 16 octobre 1997 ;
(…) les dispositions des articles L 330-1 et L 330-2 veillent à ce que l'exclusivité ne puisse être renouvelée que lorsque le promettant est redevenu libre ; (…) en l'espèce, il n'existe aucun acte de résiliation du contrat du 16 octobre 1997 ; (…) celui du 26 mai 2003, signé dans les mêmes termes avant son terme et "en lieu et place", n'en est que la prolongation ; (…) même à supposer établie la résiliation du contrat du 16 octobre 1997 avant la signature de celui du 26 mai 2003, les articles précités s'appliquent, la société FVH n'ayant à aucun moment retrouvé sa liberté ; (…) le fait que l'intéressée se soit elle-même rapprochée du concédant pour obtenir le contrat du 26 mai 2003 est indifférent, les dispositions des articles précités étant d'ordre public ;
(…) le contrat du 23 mai 2003 est donc devenu caduc le 16 octobre 2007, et ce, dans son ensemble ; (…) il ne peut, en effet, survivre à la nullité de la clause d'exclusivité supérieure à 10 ans qu'il comporte ; (…) la licence de la marque était consubstantielle à la clause d'exclusivité et ne pouvait survivre à la nullité de celle-ci, sauf à priver les rapports que les parties avaient établis entre elles de leur cohésion et de leur économie ;
(…) la caducité du contrat de licence encourue au motif d'ordre public de la nullité de la clause d'approvisionnement exclusif, entraîne la caducité de l'ensemble des accords qui en constituaient l'accessoire ou la conséquence;
(…) dès lors, la convention du 28 novembre 2003, conclue "en contrepartie de l'accord" de licence d'une durée de 35 ans signée entre Geimex et FVH et qui précise en son article 2 qu'elle constitue un tout indissociable avec la licence de marque, et le contrat de licence de la marque Franprix du 9 novembre 2005, qui stipule en son article 3 qu'il "demeurera en vigueur tant que demeurera en vigueur la licence Leader Price du 26 mai 2003", sont également devenus caduques le 16 octobre 2007 ;
(…) la caducité du contrat libère les cocontractants des stipulations qu'il contenait ; (…) la caducité intervenue en l'espèce, pour des raisons d'ordre public, ne peut être imputée à l'une ou l'autre des parties au présent litige ;
(…) c'est, par conséquent, sans faute de sa part que, le délai de dix ans étant dépassé, la société FVH a mis un terme, le 28 juillet 2008, à ses relations commerciales avec Geimex ; (…) chacune des parties ayant retrouvé sa liberté à dater du 16 octobre 2007, il ne peut être fait grief aux appelantes des contacts par elles établis avec une autre enseigne à compter du mois de novembre 2007 » ;
1°) ALORS QU'en jugeant que l'article 7 des contrats des 16 octobre 1997 et 26 mai 2003 serait une clause d'exclusivité au sens de l'article L. 330-1 du code de commerce tout en constatant que cet article 7 autorise expressément le licencié à s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs en produits concurrents, la cour d'appel a violé l'article L. 330-1 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE l'article 7 des contrats des 16 octobre 1997 et 26 mai 2003 autorise en des termes clairs et précis le licencié à commercialiser des produits spécifiques à la région, des produits dont la date limite de vente est rapprochée et des produits fabriqués localement donc susceptibles de concurrencer les produits de la marque Leader Price ; ainsi en estimant que les exceptions prévues par l'article 7 ne constitueraient pas les « objets semblables ou complémentaires » visés par l'article L. 330-1 du code de commerce, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 7 des contrats litigieux, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QUE (subsidiaire) en estimant que le contrat du 26 mai 2003 serait devenu caduc, la cour d'appel a violé les articles L. 330-1 et L. 330-2 du code de commerce ;
4°) ALORS QUE (subsidiaire) en estimant que la licence de marque aurait été consubstantielle à la clause d'exclusivité sans justifier de ce que la durée d'exclusivité prévue aurait été déterminante de la conclusion de ce contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-1 du code de commerce ;
5°) ALORS QUE (subsidiaire) il résulte des stipulations claires et précises du contrat du 26 mai 2003 que celui-ci avait pour objet une « nouvelle licence » conclue pour une durée différente de celle prévue par le contrat du 16 octobre 1997, donc qu'il s'agissait non de la prolongation du contrat du 16 octobre 1997 lequel était résilié, mais d'un nouveau contrat ; ainsi en estimant que le contrat du 26 mai 2003 n'aurait été que la prolongation du contrat du 16 octobre 1997, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de licence de marque du 26 mai 2003 ;
6°) ALORS QUE (subsidiaire) en estimant que la société FVH n'aurait à aucun moment recouvré sa liberté tout en constatant que le contrat du 16 octobre 1997 pouvait avoir été résilié avant la conclusion du contrat du 26 mai 2003, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation des articles L. 330-1 et L. 330-2 du code de commerce ;
AUX MOTIFS d'autre part QUE :
« l'on a vu ci-dessus que la dénonciation par FVH du contrat de licence devenu caduc n'était pas fautive ;
(…) la demande reconventionnelle formée par Geimex et Maître X..., ès qualités, fondée sur la rupture fautive du contrat par FVH et tendant à obtenir la réparation du manque à gagner de Geimex au titre des années restant à courir jusqu'à la fin du contrat, soit jusqu'en 2038, ne peut en conséquence pas prospérer » ;
ALORS QUE la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré la rupture par la société FVH de ses relations contractuelles avec la société Geimex non fautive emportera par voie de conséquence cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts des exposants, fondées sur le caractère fautif de la rupture.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR annulé les cessions des titres des sociétés Mahdd, Semad, Distri Possession, Distri Savannah et Rhdoi en 2004 et 2005 par la société Geimex et condamné la société Geimex à restituer à la société FVH les titres de ces sociétés, contre remboursement par la société FVH du prix payé par Geimex pour procéder à leur acquisition ;
AUX MOTIFS QUE :
« la convention conclue le 28 novembre 2003 entre Geimex et les sociétés FVH et Expansion donnait à Geimex le droit d'acquérir les titres des magasins exploitant la marque Leader Price à l'Ile de la Réunion pour le cas où le licencié ou ses filiales envisageraient de céder ces magasins ; (…) en exécution de cette convention, Geimex a acquis, en 2004, 4,48 % des sociétés Mahdd, Semad, Distri Possession et Distri Savannah et, en 2005, 4,48 % du capital de la société Rhdoi, toutes filiales d'Expansion ;
(…)
la convention du 28 novembre 2003, précise qu'en "contrepartie de l'accord" de licence d'une durée de 35 ans, Geimex a souhaité obtenir des garanties et plus particulièrement disposer d'un droit non aléatoire lui permettant d'acquérir, soit les titres des magasins exploitant la marque Leader Price sur le territoire de la Réunion, soit leur fonds de commerce, en cas de décision de FVH ou d'Expansion de céder les titres d'une ou plusieurs de ses filiales exploitant les magasins ou de céder le fonds de commerce d'une ou plusieurs filiales d'Expansion; (…) son article 2 stipule qu'elle constitue un tout indissociable avec la licence de marque ;
(…) la contrepartie et le souci de garantie qui avaient fait se réaliser les cessions ont disparu une fois les conventions devenues caduques ; (…) aucune cause ne sous-tend donc plus les cessions intervenues dans ces deux buts ; (…) il y a lieu de les annuler ; (…) la société Geimex devra restituer les titres qu'elle a acquis en exécution de la convention du 28 novembre 2003 à FVH, et ce, contre restitution par celle-ci du prix payé par Geimex pour procéder à leur acquisition » ;
1°) ALORS QUE la cassation de l'arrêt qui interviendra sur le premier moyen emportera par voie de conséquence cassation de l'arrêt en ce qu'il a annulé les cessions des titres des sociétés Mahdd, Semad Distri Possession, Distri Savannah et Rhdoi ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en étendant la sanction de la clause d'exclusivité des contrats des 16 octobre 1997 et 26 mai 2003 à la convention du 28 novembre 2003 et aux cessions des titres des sociétés Mahdd, Semad Distri Possession, Distri Savannah et Rhdoi, la cour d'appel a violé les articles L. 330-1 et L. 330-2 du code de commerce.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté la société Geimex de sa demande de dommages-intérêts formées au titre de la perte de marge durant le préavis ;
AUX MOTIFS QUE :
« si la rupture par FVH de ses relations avec Geimex n'est pas fautive, il convient de rechercher si les conditions dans lesquelles elle est intervenue ont pu l'être et porter préjudice aux intimées ;
(…) celles-ci ne peuvent pas invoquer le caractère brutal de la rupture notifiée le 28 juillet 2008 par sa cocontractante à Geimex, alors qu'elle s'est accompagnée d'un préavis raisonnable de sept mois » ;
ALORS QU'en affirmant de manière péremptoire que la durée de préavis décidée par la société FVH aurait été raisonnable sans justifier de ce caractère raisonnable, notamment en considération de l'ancienneté des relations entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil.Moyen produit au pourvoi incident n° G 11-24.155 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Casino Guichard Perrachon et la société Distribution Leader Price.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Distribution Leader Price (DLP) de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société Financière Victor Hugo (FVH) ;
AUX MOTIFS QUE « l'on a vu ci-dessus que la dénonciation par FVH du contrat de licence devenu caduc n'était pas fautive ; (…) (qu'ainsi) FVH était libérée de toute obligation contractuelle depuis le 16 octobre 2007 ; »
ALORS QUE la société DLP, titulaire de la marque Leader Price, ne demandait pas seulement la réparation du préjudice par ricochet que lui avait causé le non-respect du préavis de rupture de la société FVH, mais surtout la réparation du préjudice que lui avait causée la résiliation fautive du contrat de sous-licence de marque du 26 mai 2003 par la société FVH (cf. ses conclusions d'appel, p. 31 et s.) ; que pour rejeter cette demande, la Cour d'appel s'est fondée sur ce seul motif que ce contrat de sous-licence était devenu caduc à partir du 16 octobre 2007 et que la société FVH s'était ainsi trouvée libérée de toute obligation contractuelle ; qu'ainsi, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré la rupture par la société FVH de ses relations contractuelles avec la société Geimex non fautive, du chef du pourvoi principal de la société Geimex, emportera par voie de conséquence l'anéantissement de l'arrêt en ce qu'il a débouté la société DLP de sa demande par application de l'article 624 du Code de procédure civile.