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19/12/2012 | FRANCE | N°11-88664

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 décembre 2012, 11-88664


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Béatrice X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 17 novembre 2011, qui, pour prise de mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi, l'a condamnée à trois mois d'emprisonnement avec sursis ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 34 de la Constitution, 432-1 du code

pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de mo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Béatrice X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 17 novembre 2011, qui, pour prise de mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi, l'a condamnée à trois mois d'emprisonnement avec sursis ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 34 de la Constitution, 432-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable du délit prévu à l'article 432-1 du code de pénal et l'a condamnée à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs que, sur l'article 432-1 du code pénal, que ces dispositions répriment « le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi » ; que la requalification des faits a été sollicitée par le ministère public en début d'audience et la prévenue a pu discuter, répondre et faire valoir ses moyens sur cette qualification ; que dans la mesure où la personne a été invitée au préalable à présenter ses observations de manière équitable et contradictoire, la procédure est régulière ; que la cour peut donc se prononcer sur les dispositions de l'article 432-1 du code pénal ; qu'il résulte des pièces du dossier et des débats que le 6 juillet 2007, la gendarme X...était commandée de service pour effectuer un contrôle d'identité sur l'agglomération de Saint-Amand-Montrond, qu'au cours de ce service, elle a été amenée à contrôler M. Z...qui circulait à bord de son véhicule, que soumis au dépistage de l'alcoolémie, celui-ci s'est révélé positif ; que l'adjudant chef en charge de l'opération a désigné la gendarme X... avec mission de conduire l'automobiliste au siège de la brigade pour un passage à l'éthylomètre ; que ce dépistage, conduit par le gendarme X... en présence des gendarmes adjoints volontaires A...et B..., révélait un taux délictuel (taux de 0, 55 mg/ l d'air expiré selon les déclarations du gendarme X..., de 0, 96 mg/ l d'air expiré selon les gendarmes adjoints volontaires) ; que le gendarme X... décidait qu'il convenait de considérer que le taux d'alcoolémie n'était que contraventionnel et donnait pour instructions à ses subordonnés d'établir une procédure contraventionnelle avec délivrance d'un timbre amende en ne retenant qu'un taux de 0, 39 mg/ l ; que l'expression « personne dépositaire de l'autorité publique » désigne une personne qui exerce une fonction d'autorité ; que c'était le cas du gendarme X...puisqu'elle avait été désignée par l'adjudant chef en charge de l'opération de contrôle de conduire l'automobiliste au siège de la brigade pour qu'un contrôle par éthylomètre soit effectué ; que si Mme X... n'est pas la rédactrice du timbre amende, le procès-verbal de vérification et de notification de l'état alcoolique (utilisation d'un éthylomètre) visant un taux de 0, 39 mg/ l a bien été établi par et au nom du gendarme X... ; que c'est la gendarme X... qui exerçait une fonction d'autorité et qui a donné l'ordre au gendarme adjoint volontaire A...de rédiger le timbre-amende ; que c'est toujours elle qui a accompagné M. Z...à son véhicule resté sur les lieux du contrôle ; qu'il s'agit bien d'un acte de nature positive et intentionnelle accompli par la prévenue ; que le timbre amende a été rédigé dans son bureau et sur son carnet souche ; que Mme X... a reconnu qu'elle avait été touchée par la situation du contrevenant et « avoir commis une faute à savoir retenu 0, 39 mg/ l au lieu de 0, 55 mg/ l ce qui a entraîné l'établissement d'une contravention au lieu d'un délit « j'ai raisonné en assistante sociale » plutôt qu'en gendarme avec des oeillères » a-t-elle déclaré ; que M. Z...a eu conscience de bénéficier d'une « faveur » ; qu'il a en effet déclaré « oui j'ai expliqué à la femme gendarme la raison pour laquelle j'avais pris ma voiture après avoir consommé de l'alcool. Il s'agissait de la dispute avec mon épouse avec qui je suis en divorce. D'ailleurs je pense que la femme gendarme m'a fait cette faveur par rapport à mon contexte familial … » ; qu'il convient de retenir que Mme X..., épouse Y..., s'est bien rendue coupable du délit visé à l'article 432-1 du code pénal ; qu'eu égard à la gravité des faits commis par un gendarme qui n'a pas intégré les valeurs de la gendarmerie il convient de faire un rappel efficace à la loi en prononçant une peine d'emprisonnement de 3 mois avec sursis ; qu'eu égard aux fonctions de Mme X..., il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
" alors que le principe de la légalité des délits et des peines impose qu'une infraction soit définie en termes suffisamment clairs et précis ; que tel n'est pas le cas de l'article 432-1 du code pénal qui ne définit pas précisément les éléments constitutifs du manquement qu'il réprime ; que l'annulation par le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, en application de l'article 61-1 de la Constitution, des dispositions de l'article 432-1 du code pénal privera de base légale l'arrêt attaqué " ;
Attendu que, par arrêt du 11 juillet 2012, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu au renvoi, au Conseil constitutionnel, de la question prioritaire de constitutionnalité ;
D'où il suit que le moyen est sans objet ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 432-1, 441-1, 441-4 du code pénal, 469, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a requalifié les faits de faux en écriture publique ou authentique et usage de faux en écriture publique ou authentique en « fait pour une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à la loi », faits prévus et réprimés par l'article 432-1 du code pénal ;
" aux motifs que sur l'article 432-1 du code pénal : que ces dispositions répriment « le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi » ; que la requalification des faits a été sollicitée par le ministère public en début d'audience et la prévenue a pu discuter, répondre et faire valoir ses moyens sur cette qualification ; que dans la mesure où la personne a été invitée au préalable à présenter ses observations de manière équitable et contradictoire, la procédure est régulière ; que la cour peut donc se prononcer sur les dispositions de l'article 432-1 du code pénal ; qu'il résulte des pièces du dossier et des débats que le 6 juillet 2007, la gendarme X...était commandée de service pour effectuer un contrôle d'identité sur l'agglomération de Saint-Amand-Montrond, qu'au cours de ce service, elle a été amenée à contrôler M. Z...qui circulait à bord de son véhicule, que soumis au dépistage de l'alcoolémie, celui-ci s'est révélé positif ; que l'adjudant chef en charge de l'opération a désigné la gendarme X... avec mission de conduire l'automobiliste au siège de la brigade pour un passage à l'éthylomètre ; que ce dépistage, conduit par le gendarme X... en présence des gendarmes adjoints volontaires A...et B..., révélait un taux délictuel (taux de 0, 55 mg/ l d'air expiré selon les déclarations du gendarme X..., de 0, 96 mg/ l d'air expiré selon les gendarmes adjoints volontaires) ; que le gendarme X... décidait qu'il convenait de considérer que le taux d'alcoolémie n'était que contraventionnel et donnait pour instructions à ses subordonnés d'établir une procédure contraventionnelle avec délivrance d'un timbre amende en ne retenant qu'un taux de 0, 39 mg/ l ; que l'expression « personne dépositaire de l'autorité publique » désigne une personne qui exerce une fonction d'autorité ; que c'était le cas du gendarme X...puisqu'elle avait été désignée par l'adjudant chef en charge de l'opération de contrôle de conduire l'automobiliste au siège de la brigade pour qu'un contrôle par éthylomètre soit effectué ; que si Mme X... n'est pas la rédactrice du timbre amende, le procès-verbal de vérification et de notification de l'état alcoolique (utilisation d'un éthylomètre) visant un taux de 0, 39 mg/ l a bien été établi par et au nom du gendarme X... ; que c'est la gendarme X... qui exerçait une fonction d'autorité et qui a donné l'ordre au gendarme adjoint volontaire A...de rédiger le timbre-amende ; que c'est toujours elle qui a accompagné M. Z...à son véhicule resté sur les lieux du contrôle ; qu'il s'agit bien d'un acte de nature positive et intentionnelle accompli par la prévenue ; que le timbre amende a été rédigé dans son bureau et sur son carnet souche ; que Mme X... a reconnu qu'elle avait été touchée par la situation du contrevenant et « avoir commis une faute à savoir retenu 0, 39 mg/ l au lieu de 0, 55 mg/ l ce qui a entraîné l'établissement d'une contravention au lieu d'un délit « j'ai raisonné en assistante sociale » plutôt qu'en gendarme avec des oeillères » a-t-elle déclaré ; que M. Z...a eu conscience de bénéficier d'une « faveur » ; qu'il a en effet déclaré « oui j'ai expliqué à la femme gendarme la raison pour laquelle j'avais pris ma voiture après avoir consommé de l'alcool. Il s'agissait de la dispute avec mon épouse avec qui je suis en divorce. D'ailleurs je pense que la femme gendarme m'a fait cette faveur par rapport à mon contexte familial … » ; qu'il convient de retenir que Mme X... Béatrice épouse Y...s'est bien rendue coupable du délit visé à l'article 432-1 du code pénal ; qu'eu égard à la gravité des faits commis par un gendarme qui n'a pas intégré les valeurs de la gendarmerie il convient de faire un rappel efficace à la loi en prononçant une peine d'emprisonnement de 3 mois avec sursis ; qu'eu égard aux fonctions de Mme X..., il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
" alors que le fait, à le supposer établi, pour un gendarme de faire figurer dans un procès-verbal un taux d'alcoolémie de nature contraventionnelle, inférieur au taux de nature délictuelle qui aurait été effectivement constaté et de rédiger et remettre à la personne impliquée un timbre amende dans lequel figure ce faux taux d'alcoolémie revêt une qualification criminelle de faux en écritures publiques ou usage de faux en écritures publiques ; qu'en requalifiant ce crime en délit, la cour d'appel a violé les articles 441-1 et 441-4 du code pénal par refus d'application et 432-1 du même code par fausse application " ;
Vu les articles 469, 512, 519 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en matière répressive, la compétence des juridictions est d'ordre public ; que les juges du second degré, saisis de la cause entière par l'appel du ministère public, doivent examiner, même d'office, leur compétence et se déclarer incompétents si les faits poursuivis sont du ressort de la juridiction criminelle ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs ou leur contradiction équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 6 juillet 2007, Mme X..., gendarme, a procédé au contrôle par éthylomètre de l'alcoolémie d'un automobiliste ; que bien que le taux révélé impliquât à l'encontre de ce dernier des poursuites sous la qualification délictuelle de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, elle a donné pour instructions à un volontaire de la gendarmerie d'établir une procédure contraventionnelle par la délivrance d'un timbre amende ; que le procureur de la République l'a citée devant le tribunal correctionnel des chefs de faux en écriture publique et usage ; que les juges du premier degré ont relevé que les faits, commis par un gendarme dans l'exercice de ses fonctions, revêtaient une qualification criminelle et se sont déclarés incompétents ; que le ministère public, qui a interjeté appel du jugement, a requis dès l'ouverture des débats la requalification des faits en prise de mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi ;
Attendu que, pour faire droit à ces réquisitions et déclarer la prévenue coupable de ce délit, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les faits dont elle était saisie, à les supposer établis, ne constituaient pas le crime de faux en écriture publique commis par une personne dépositaire de l'autorité publique et usage, la cour d'appel a méconnu les textes précités et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges, en date du 17 novembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bourges, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Moreau conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-88664
Date de la décision : 19/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 17 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 déc. 2012, pourvoi n°11-88664


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.88664
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