LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2011), que, le 11 décembre 2004, André X... est décédé en laissant pour lui succéder sa seconde épouse, Mme Suzanne Y..., ses trois enfants et ses sept petits-enfants venant en représentation de deux autres de ses enfants prédécédés ; qu'il avait rédigé trois testaments olographes datés des 12 décembre 1995, 20 avril 1999 et 10 février 2001 ; qu'une divergence d'interprétation les opposant sur l'interprétation du troisième testament quant à l'étendue de ses droits, Mme Y... a assigné les consorts X... devant le tribunal de grande instance ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de dire qu'en vertu du testament du 10 février 2001, Mme Y... a droit à la propriété du quart des biens de la succession et à un droit d'habitation du logement des époux ainsi qu'à un droit d'usage du mobilier le garnissant ;
Attendu que, procédant à la recherche de la volonté du testateur, la cour d'appel a, par une interprétation que rendait nécessaire l'ambiguïté des stipulations testamentaires litigieuses, estimé qu'André X... n'avait pas institué les consorts X... légataires universels, partant, n'avait pas exhérédé Mme X..., de sorte qu'en considération du legs conditionnel qui lui avait été consenti, celle-ci disposait de la faculté de choisir entre ce legs et les droits dévolus au conjoint survivant par les articles 756 et suivants du code civil ; que c'est cette appréciation, qui est souveraine, qu'en ses trois branches le moyen tente de contester ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les consorts X...- Z...
Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'en vertu du testament rédigé par André X... le 10 février 2001, Madame Suzanne X... a droit à la propriété du quart des biens de la succession et à un droit d'habitation du logement des époux et à un droit d'usage du mobilier le garnissant ;
AUX MOTIFS QU'André X... avait rédigé trois testaments olographes datés successivement des 12 décembre 1995, 20 avril 1999 et 10 février 2001 ; qu'après avoir indiqué dans les trois testaments que les consorts X... étaient ses " seuls héritiers ", il a légué à son épouse une somme de 300 000 francs dans le premier testament, puis une somme de 400 000 francs dans le deuxième testament, enfin une somme de 500 000 francs dans le troisième testament en énonçant : " Cependant, pensant que mon épouse, Madame Suzanne X..., n'utilisera pas, ce qui serait ma décision si j'étais concerné, les droits dévolus à l'époux survivant par la dernière loi sur les successions, je déclare lui léguer dans ce cas : la somme de : 500. 000 F (CINQ CENT MILLE FRANCS) à verser en espèces, ou en valeur mobilière, facilement négociable en bourse. " ; que, si l'institution de légataire universel n'est subordonnée à aucune formule sacramentelle, il est nécessaire que le testateur manifeste la volonté que la personne désignée ait vocation à recevoir l'universalité des biens de la succession ; qu'en l'espèce, en indiquant dans son testament daté du 10 février 2001 que les consorts X... étaient ses " seuls héritiers'', André X... n'a nullement exprimé la volonté de les instituer légataires universels, la formule employée ne leur conférant aucunement une telle qualité, mais s'est borné à rappeler quels étaient ses héritiers par le sang, par opposition au conjoint survivant, l'adverbe " cependant " placé au début du paragraphe suivant venant conforter cette analyse ; que, d'ailleurs, en déclarant ensuite léguer la somme de 500 000 francs à son épouse dans la mesure où il " pensait " que celle-ci " n'utilisera pas... les droits dévolus à l'époux survivant par la dernière loi sur les successions " et " dans ce cas " seulement, André X... n'a pas exclu que celle-ci pourrait solliciter le bénéfice de la loi qui a accru les droits du conjoint survivant ; que raisonner autrement, c'est-à-dire retenir qu'André X... a institué ses enfants et petits-enfants légataires universels et a ainsi exhérédé son épouse, signifierait que le testateur, en évoquant " les droits dévolus à l'époux survivant par la dernière loi sur les successions ", n'a entendu viser que le droit d'habitation et d'usage prévu à l'article 764 du code civil, ce qui ne se déduit en aucune façon des dispositions testamentaires ; que les attestations versées aux débats par les consorts X... sont impuissantes à contredire la volonté clairement et librement exprimée dans le testament ; que, dès lors, il doit être considéré qu'André X... n'a pas institué les consorts X... légataires universels et, partant, n'a pas exhérédé Mme X... ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en désignant les consorts X... comme ses seuls héritiers dans son testament, André X... leur avait nécessairement donné vocation à recevoir l'universalité de sa succession, si bien qu'en retenant que le testateur s'était borné à rappeler quels étaient ses héritiers par le sang, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du testament qui ne comportait pas une telle précision, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, SUBSIDIAIREMENT, QU'il résulte des articles 967 et 1002 du Code civil que l'on peut disposer par testament soit sous le titre d'institution d'héritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté, si bien qu'en ne recherchant pas, comme l'avaient fait les premiers juges, si en désignant les consorts X... comme ses seuls héritiers, André X... avait entendu les instituer légataires universels et, par voie de conséquence, limiter la dévolution de sa succession à ces seules personnes sous réserve du legs particulier consenti à son épouse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités et de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'il appartient aux juges du fond, tenus de rechercher quelle était la volonté du testateur, d'interpréter l'acte au regard des éléments extrinsèques invoqués par les parties, si bien qu'en se bornant, pour écarter l'interprétation des premiers juges selon laquelle André X... avait voulu consentir un legs universel à ses descendants ayant pour conséquence d'exhéréder partiellement son conjoint survivant de ses droits successoraux, à affirmer qu'elle ne se déduisait en aucune façon des dispositions testamentaires, sans rechercher quelle avait été la volonté réelle du testateur au regard des éléments extrinsèques invoqués par les consorts X..., notamment l'attestation du notaire qui avait été associé à la rédaction du testament et les termes des précédents testaments d'André X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.