LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 25 mai 2011), que M. X..., devenu propriétaire de parcelles sur lesquelles a été implantée sans titre une ligne électrique aérienne, et désireux de procéder à des plantations d'arbres à proximité, en a demandé le déplacement à ERDF, alléguant une voie de fait ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de retenir l'incompétence de la cour d'appel en l'absence de voie de fait, alors, selon le moyen :
1°/ que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'en décidant qu'en l'état de parcelles à vocation agricole, l'impossibilité de planter des arbres 10 mètres sous la ligne électrique, stérilisant 14 % de la surface et entraînant une perte de production à hauteur de 4.322 € ne caractérisait pas une atteinte grossière et intolérable à la propriété immobilière, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que constitue une atteinte grave à la propriété, et par suite, une voie de fait, l'implantation irrégulière, par l'administration, d'un ouvrage sur une propriété privée ; qu'en décidant que l'implantation d'une ligne électrique sur la parcelle appartenant à M. X... ne constituait pas une voie de fait, aux motifs que les parcelles en cause avaient une vocation agricole, et que l'impossibilité de planter des arbres 10 mètres sous la ligne électrique, stérilisant 14 % de la surface et entraînant une perte de production à hauteur de 4.322 € ne caractérisait pas une atteinte grossière et intolérable à sa propriété immobilière, tout en constatant que la ligne électrique avait été implantée en dehors de toute procédure administrative régulière, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
3°/ que le silence ne vaut pas, à lui seul, acceptation ; qu'en déduisant de la seule ancienneté de l'implantation de la ligne l'acceptation tacite des propriétaires successifs, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1108 du code civil ;
4°/ que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ; qu'en décidant que l'acceptation tacite des propriétaires successifs pendant de longues années excluait la voie de fait, laquelle supposait, par le caractère intolérable du trouble commis, la réaction immédiate de ceux qui en sont victimes, tout en constatant que la société ERDF ne pouvait justifier du respect des procédures prévues par les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906 et sans relever que M. X..., qui avait acquis les terrains le 30 octobre 2006 et sollicité dès le 7 septembre 2007 le déplacement de la ligne électrique, eût lui-même donné son consentement à l'implantation de ces lignes, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
5°/ que constitue une voie de fait la décision de l'administration portant une atteinte grave au droit de propriété, si cette décision est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; qu'en décidant que, même si elle ne justifiait pas avoir respecté les dispositions des articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906, la société ERDF avait agi dans le cadre de ses pouvoirs, dès lors que sa mission consistait, dans l'intérêt commun, à électrifier le territoire, sans constater qu'elle disposait d'un pouvoir de procéder à l'implantation de lignes électriques en dehors des procédures légales visées par les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'était pas contesté que la ligne électrique aérienne était ancienne et retenu que, quand bien même ERDF ne pouvait justifier d'un titre, l'inaction pendant de longues années des propriétaires successifs des parcelles, en pleine connaissance de l'ouvrage réalisé, caractérisait une acceptation tacite de cet ouvrage, la cour d'appel, indépendamment d'un motif erroné mais surabondant relatif à la justification de l'empiétement par les missions d'intérêt général confiées à ERDF, a pu en déduire, sans méconnaître la portée du droit de propriété de M. X..., que la voie de fait n'était pas caractérisée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé qu'il n'existait pas de voie de fait commise par la société ERDF et le syndicat intercommunal d'électrification de la Haute-Vézère au préjudice de Monsieur Christophe X... et de s'être déclaré en conséquence incompétent pour connaître du litige les opposant ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les demandes et moyens des parties demeurent, à titre principal, les mêmes qu'en première instance et qu'il n'a été produit, à l'occasion de l'appel, aucun élément nouveau qui n'ait été connu de la juridiction du premier degré ; que c'est par des motifs exacts en fait et pertinents en droit, que la cour adopte, que le tribunal, après avoir justement considéré que ERDF ne pouvait ni justifier du respect des procédures prévues par les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906 ni se prévaloir utilement des dispositions de l'article 690 du code civil inapplicables en présence de règles dérogatoires relatives à la servitude de passage d'une ligne électrique résultant desdits textes, a néanmoins estimé que les éléments de l'espèce n'étaient pas de nature à caractériser une voie de fait de l'administration ; que celle-ci en effet a agi, alors même qu'elle ne justifie pas avoir respecté les dispositions des articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906, dans le cadre de ses pouvoirs ; que l'implantation de lignes électriques ressort en effet de la mission de ERDF, laquelle consiste, dans l'intérêt commun, à électrifier le territoire ; que la cour ajoutera que, s'il ne peut être déterminé avec précision la date d'implantation de la ligne en cause, il n'est pas sérieusement contesté qu'elle est ancienne en sorte que l'acceptation tacite des propriétaires successifs pendant de longues années exclut l'existence d'une voie de fait qui suppose en effet, de par le caractère intolérable du trouble commis, la réaction immédiate de ceux qui en sont victimes » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « s'agissant d'un litige relatif à une servitude administrative, il convient de rappeler que le juge judiciaire n'est compétent que si une voie de fait est démontrée ; à défaut de voie de fait, seul le juge administratif est compétent pour apprécier le caractère disproportionné ou proportionné d'une atteinte à une propriété privée dans l'intérêt général ; les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie électrique concernent les droits que la concession déclarée d'utilité publique confère à son titulaire pour l'installation de lignes de transport électrique ; ils prévoient deux procédés possibles : l'expropriation et la servitude qui n'entraîne pas la dépossession du bien ; ces textes permettent à EDF, au terme d'une procédure spéciale impliquant déclaration d'utilité publique et indemnisation, d'imposer à un propriétaire privé, le survol de son terrain par une ligne de distribution d'électricité ; il s'agit dès lors de règles dérogatoires du droit commun des servitudes qui excluent le recours aux règles régissant les servitudes de droit privé instituées pour l'utilité des particuliers ; ainsi ERDF ne saurait invoquer la prescription acquisitive trentenaire de l'article 690 du code civil à son profit dans les hypothèses où elle se serait dispensée de respecter les textes en vigueur ; en l'espèce, il n'est pas soutenu qu'une déclaration d'utilité publique ait été réalisée et aucune convention entre le propriétaire de la parcelle litigieuse et EDF n'est produite aux débats ; le fait que ERDF affirme qu'une convention a été nécessairement signée entre le propriétaire des parelles à l'époque de l'implantation de poteaux électriques et ses services ne suffit pas à établir l'existence de cette convention, faute de tout commencement de preuve ; enfin ERDF ne saurait se prévaloir d'une prescription acquisitive non applicable, seules les règles dérogatoires du droit commun édictées par la loi du 15 juin 1906 étant applicables ; l'acte de donation par lequel Monsieur X... est devenu propriétaire de la parcelle litigieuse contient certes une clause stipulant qu'il prend le bien dans l'état où il se trouve et accepte toute servitude active ou passive éventuelle, y compris des servitudes d'urbanisme ; mais cet acte n'est opposable qu'entre les parties signataires et ne saurait être invoqué dans les relations entre Monsieur X... et ERDF pour justifier la servitude administrative litigieuse ; il résulte de l'ensemble de ces éléments que ERDF ne justifie pas avoir respecté la réglementation en vigueur lors de l'implantation de la ligne électrique litigieuse ; cette constatation n'établit pas pour autant l'existence d'une voie de fait ; il y a lieu de rappeler que la voie de fait est constituée dès lors que l'administration procède à une opération matérielle dans des conditions manifestement non susceptibles de se rattacher à l'exercice d'un de ses pouvoirs et portant une atteinte intolérable et grossière soit à une liberté publique, soit à la propriété mobilière ou immobilière ; en l'espèce, même si ERDF ne prouve pas avoir respecté la réglementation en vigueur, en premier lieu, il ne saurait être considéré que l'implantation de la ligne EDF en cause était non susceptible de se rattacher à l'exercice de ses pouvoirs ; en effet cette implantation a été nécessairement réalisée dans le cadre de ses pouvoirs, dans le but de faire profiter les habitants de la région des bienfaits de l'électricité ; en second lieu, il est nécessaire de noter qu'aux termes de l'acte de donation entre Madame Renée Y... épouse X... et Monsieur Christophe X... reçu le 30 octobre 2006 par Maître Virginie Z..., les parcelles AD 19 ET 20 sont qualifiées respectivement de pacage et de terre ; il s'agit par conséquent de parcelles à vocation agricole, ne comportant aucune habitation ; le fait que, selon le compte rendu de visite de Monsieur Claude A..., expert forestier contacté par Monsieur Christophe X..., l'implantation de la ligne électrique aérienne empêche Monsieur Christophe X... de planter des arbres 10 mètres sous ladite ligne, ce qui stérilise « 950 m2 soit 14% de la surface », que les « élagages fréquents et coûteux seront à réaliser et qu'une perte de production est à prévoir à hauteur de 4.322 € ne permet pas de caractériser une atteinte intolérable et grossière à sa propriété immobilière ; dès lors, la situation n'est pas constitutive de voie de fait et le présent tribunal doit se déclarer incompétent sans qu'il soit nécessaire de répondre aux autres exceptions et arguments rappelés plus haut » ;
1°) ALORS QUE la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'en décidant qu'en l'état de parcelles à vocation agricole, l'impossibilité de planter des arbres 10 mètres sous la ligne électrique, stérilisant 14% de la surface et entraînant une perte de production à hauteur de 4.322 € ne caractérisait pas une atteinte grossière et intolérable à la propriété immobilière, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°) ALORS QUE constitue une atteinte grave à la propriété, et par suite, une voie de fait, l'implantation irrégulière, par l'administration, d'un ouvrage sur une propriété privée ; qu'en décidant que l'implantation d'une ligne électrique sur la parcelle appartenant à Monsieur X... ne constituait pas une voie de fait, aux motifs que les parcelles en cause avaient une vocation agricole, et que l'impossibilité de planter des arbres 10 mètres sous la ligne électrique, stérilisant 14% de la surface et entraînant une perte de production à hauteur de 4.322 € ne caractérisait pas une atteinte grossière et intolérable à sa propriété immobilière, tout en constatant que la ligne électrique avait été implantée en dehors de toute procédure administrative régulière, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-21 août 1790 ;
3°) ALORS QUE le silence ne vaut pas, à lui seul, acceptation ; qu'en déduisant de la seule ancienneté de l'implantation de la ligne l'acceptation tacite des propriétaires successifs, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1108 du code civil ;
4°) ALORS QUE nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ; qu'en décidant que l'acceptation tacite des propriétaires successifs pendant de longues années excluait la voie de fait, laquelle supposait, par le caractère intolérable du trouble commis, la réaction immédiate de ceux qui en sont victimes, tout en constatant que la société ERDF ne pouvait justifier du respect des procédures prévues par les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906 et sans relever que Monsieur X..., qui avait acquis les terrains le 30 octobre 2006 et sollicité dès le 7 septembre 2007 le déplacement de la ligne électrique, eût lui-même donné son consentement à l'implantation de ces lignes, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-21 août 1790 ;
5°) ALORS QUE constitue une voie de fait la décision de l'administration portant une atteinte grave au droit de propriété, si cette décision est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; qu'en décidant que, même si elle ne justifiait pas avoir respecté les dispositions des articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906, la société ERDF avait agi dans le cadre de ses pouvoirs, dès lors que sa mission consistait, dans l'intérêt commun, à électrifier le territoire, sans constater qu'elle disposait d'un pouvoir de procéder à l'implantation de lignes électriques en dehors des procédures légales visées par les articles 12 et 12 bis de la loi du 15 juin 1906, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-21 août 1790 ;