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18/12/2012 | FRANCE | N°11-22607

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2012, 11-22607


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Edard à compter du 3 avril 2006 en qualité d'assistante commerciale trilingue, a été mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave par lettre du 31 juillet 2007 ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq premières branches :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter, en conséquence, de ses demandes, alors, selon le moyen :

°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du débat et les juges du fond ne...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Edard à compter du 3 avril 2006 en qualité d'assistante commerciale trilingue, a été mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave par lettre du 31 juillet 2007 ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq premières branches :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter, en conséquence, de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du débat et les juges du fond ne peuvent retenir à la charge d'un salarié des faits non mentionnés dans la lettre qu'il a reçue ; qu'en déboutant la salariée de son moyen pris de ce que la lettre de licenciement ne fait état que d'un bon de livraison alors que ce sont en réalité deux bons qui sont en litige, si bien qu'elle ne pouvait comprendre les reproches qui lui étaient faits et que le premier grief n'est pas fondé, au motif que s'il est constant que la lettre de licenciement mentionne un bon de livraison, le total de pièces sur lequel portaient les erreurs reprochées représentait bien le total des deux bons de commande, la cour d'appel, qui a retenu des faits non mentionnés dans la lettre reçue par Mme X..., n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ que ne constituent pas l'énoncé des motifs exigés par la loi les motifs allégués par l'employeur au cours de l'entretien préalable ou d'autres entretiens ayant précédé le licenciement, pas plus que ceux formulés postérieurement au licenciement ; qu'en déboutant la salariée de son moyen pris de ce que la lettre de licenciement ne fait état que d'un bon de livraison alors que ce sont en réalité deux bons qui sont en litige, si bien qu'elle ne pouvait comprendre les reproches qui lui étaient faits et que le premier grief n'est pas fondé, au motif que les griefs circonstanciés retracés dans la lettre de licenciement avaient été discutés lors de l'entretien préalable en sorte que Mme X...était parfaitement en situation de savoir ce qui lui était reproché, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°/ que Mme X...faisait valoir (en pages 7 et 8 in fine de ses conclusions) que la saisie des bons de livraison n'entrait pas dans ses attributions habituelles et qu'elle n'avait été formée au logiciel Sage que postérieurement à l'établissement du bon de 120 000 pièces, si bien qu'elle avait dû établir ce bon sur Excel ; qu'en retenant que Mme X...reconnaissait avoir utilisé un autre logiciel que celui utilisé dans l'entreprise pour l'établissement du bon de livraison de 120 000 pièces sans même rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions dont elle était saisie, si l'employeur justifiait avoir, comme il y était tenu par l'article L. 6321-1 du code du travail, assuré en temps utile la formation de sa salariée à l'utilisation du logiciel Sage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que Mme X...avait expressément fait valoir (en pages 6 et 8 de ses conclusions) que, contrairement à ce que prétendait l'employeur, c'était elle qui avait prévenu son supérieur que les commandes Y... n'étaient pas soldées ; qu'en jugeant établi le second grief de la lettre de licenciement consistant dans l'affirmation de la salariée à son supérieur que le marché avec Y... était soldé alors qu'il restait 450 000 pièces à livrer en énonçant que Mme X...ne fournit aucune explication, la cour d'appel a manifestement méconnu les termes du litige tels que résultant des écritures de l'exposante ; que, ce faisant, elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que la perte de confiance ne justifie pas par elle-même une cause de licenciement ; qu'en déclarant le licenciement de Mme X...fondé sur une cause réelle et sérieuse au motif que les erreurs par elle commises sont de nature à dégrader la confiance de l'employeur dans ses compétences, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'employeur reprochait à la salariée dans la lettre de licenciement, outre une fausse information sur l'exécution d'une commande, de ne pas avoir procédé aux tâches qui lui incombaient pour la facturation d'une certaine quantité de marchandise qui avait été livrée, la cour d'appel, faisant ainsi ressortir que ce dernier grief était précis et matériellement vérifiable, et qui a estimé, sans méconnaître l'objet du litige et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que ces fautes constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa dernière branche :
Vu l'article L. 1332-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de son salaire pour la période de mise à pied ayant précédé son licenciement et de congés payés afférents, la cour d'appel, après avoir retenu que la salariée n'avait pas commis de faute grave et que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a énoncé que la procédure de mise à pied était justifiée par le souhait de l'employeur d'éviter le renouvellement d'erreurs et par la perte de confiance dans sa salariée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement des salaires pendant la période de mise à pied et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 9 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi et statuant de ce chef ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Strasbourg du 7 avril 2010 en ce qu'il condamne la la société Edard à payer à Mme X...la somme de 664, 61 euros au titre des salaires pendant la mise à pied conservatoire et la somme de 66, 46 euros au titre des congés payés afférents ;
Condamne la société Edard aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Edard à payer à Mme X...la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET PARTIELLEMENT INFIRMATIF ATTAQUE d'avoir dit que le licenciement de Madame X...a une cause réelle et sérieuse sans pour autant constituer une faute grave et que la mise à pied conservatoire était justifiée et débouté celle-ci de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

AUX MOTIFS QUE : « La lettre de licenciement de Françoise X..., datée du 31 juillet 2007, précise de la façon suivante les griefs retenus par l'employeur :- non transmission de bon de livraison portant sur la quantité totale de 360. 000 pièces, représentant un coût d'environ 30. 000 €euros,- fausse information à son responsable sur le fait que le marché avec le client Y... serait soldé. S'agissant du premier grief, il se décompose en deux volets, l'un constitué par le fait que Françoise X...a adressé un bon de livraison erroné sur lequel manquaient 240. 000 pièces au service de facturation, l'autre par le fait qu'ayant saisi un bon de livraison portant sur 120. 000 pièces, sur un autre logiciel que le logiciel Sage qu'utilisait la SAS EDARD, le bon de livraison n'est pas arrivé au service de facturation. Françoise X...explique que la lettre de licenciement ne fait état que d'un bon de livraison portant sur 360. 000 pièces alors que ce sont deux bons de livraison qui sont en litige, en sorte qu'elle ne pouvait comprendre les reproches qui lui étaient faits et que le grief n'est pas fondé. De fait, s'il est constant que la lettre de licenciement mentionne « un » bon de livraison, le total des pièces sur lequel portaient les erreurs reprochées représentait bien le total des deux bons de commande. En outre, les griefs circonstanciés retracés dans cette lettre avaient été discutés lors de l'entretien préalable au licenciement, en sorte que Françoise X...était parfaitement en situation de savoir ce qui lui était reproché. Françoise X...explique encore qu'il n'entrait pas dans ses attribution de vérifier les bons de livraison. Or la fiche de poste détaille de la façon suivante les fonctions de Françoise X...:- Assurer les productions de montage chez les sous-traitants,- le suivi des dossiers clients (gestion commandes, livraisons, relances paiement …),- le suivi des dossiers fournisseurs (commandes, planning livraisons …),- le suivi des transporteurs,- le suivi de la gestion des stocks. Il résulte de cette liste que la gestion des commandes et des livraisons entrait directement dans les compétences de Françoise X..., en sorte qu'il lui appartenait de rapprocher les bons concernant la commande Y... de 480. 000 pièces du bon de livraison de 240. 000 pièces et de s'interroger sur le sort des 240. 000 pièces manquantes. S'agissant de la saisie du bon de livraison de 120. 000 pièces, Françoise X...reconnaît qu'elle a utilisé un autre logiciel que celui qui est utilisé dans l'entreprise, en sorte que celui-ci n'est pas parvenu à la facturation dans les délais normaux mais seulement après vérification par le supérieur de Françoise X.... S'agissant du second grief consistant dans l'affirmation à son supérieur que le marché passé avec le brasseur bavarois Y... portant sur 9 millions de pièces était solde, alors qu'il restait 450. 000 pièces à livrer, Françoise X...ne fournit aucune explication. Cette erreur a obligé son responsable à procéder à des vérifications et à rétablir le cours des livraisons à Y.... Il est constant que la SAS EDARD n'a pas subi de préjudice relativement important suite à ces deux manquements, du fait des régularisations opérées par les collègues de Françoise X.... Toutefois, le repérage de ces erreurs et les explications peu convaincantes de Françoise X...face aux critiques de son employeur pouvaient légitimement faire croire à ce dernier que d'autres erreurs de même nature avaient déjà pu exister sans que personne s'en soit rendu compte. Les erreurs commises par Françoise X...sont de nature à dégrader la confiance de la SAS EDARD dans les compétences de sa salariée. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que le licenciement de Françoise X...a une cause réelle et sérieuse sans pour autant constituer une faute grave qui rendrait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise. Toutefois, la mise à pied conservatoire est justifiée par le souhait de la SAS EDARD d'éviter le renouvellement d'erreurs et par la perte de confiance dans sa salariée. » ;

ALORS D'UNE PART QUE la lettre de licenciement fixe les limites du débat et les juges du fond ne peuvent retenir à la charge d'un salarié des faits non mentionnés dans la lettre qu'il a reçue ; Qu'en déboutant la salariée de son moyen pris de ce que la lettre de licenciement ne fait état que d'un bon de livraison alors que ce sont en réalité deux bons qui sont en litige, si bien qu'elle ne pouvait comprendre les reproches qui lui étaient faits et que le premier grief n'est pas fondé, au motif que s'il est constant que la lettre de licenciement mentionne un bon de livraison, le total de pièces sur lequel portaient les erreurs reprochées représentait bien le total des deux bons de commande, la Cour d'appel, qui a retenu des faits non mentionnés dans la lettre reçue par l'exposante, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE ne constituent pas l'énoncé des motifs exigés par la loi les motifs allégués par l'employeur au cours de l'entretien préalable ou d'autres entretiens ayant précédé le licenciement, pas plus que ceux formulés postérieurement au licenciement ; Qu'en déboutant la salariée de son moyen pris de ce que la lettre de licenciement ne fait état que d'un bon de livraison alors que ce sont en réalité deux bons qui sont en litige, si bien qu'elle ne pouvait comprendre les reproches qui lui étaient faits et que le premier grief n'est pas fondé, au motif que les griefs circonstanciés retracés dans la lettre de licenciement avaient été discutés lors de l'entretien préalable en sorte que l'exposante était parfaitement en situation de savoir ce qui lui était reproché, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
ALORS ENCORE QUE l'exposante faisait valoir en pages 7 et 8 in fine de ses conclusions (prod.) que la saisie des bons de livraison n'entrait pas dans ses attributions habituelles et qu'elle n'avait été formée au logiciel Sage que postérieurement à l'établissement du bon de 120. 000 pièces, si bien qu'elle avait dû établir ce bon sur Excel ; Qu'en retenant que l'exposante reconnaissait avoir utilisé un autre logiciel que celui utilisé dans l'entreprise pour l'établissement du bon de livraison de 120. 000 pièces sans même rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions dont elle était saisie, si l'employeur justifiait avoir, comme il y était tenu par l'article L. 6321-1 du Code du travail, assuré en temps utile la formation de sa salariée à l'utilisation du logiciel Sage, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS ENCORE QUE l'exposante avait expressément fait valoir en pages 6 et 8 de ses conclusions (ibidem) que, contrairement à ce que prétendait l'employeur, c'était elle qui avait prévenu son supérieur que les commandes Y... n'étaient pas soldées ; Qu'en jugeant établi le second grief de la lettre de licenciement consistant dans l'affirmation de la salariée à son supérieur que le marché avec Y... était soldé alors qu'il restait 450. 000 pièces à livrer en énonçant que l'exposante ne fournit aucune explication, la Cour d'appel a manifestement méconnu les termes du litige tels que résultant des écritures de l'exposante ; Que, ce faisant, elle a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS ENCORE QUE la perte de confiance ne justifie pas par elle-même une cause de licenciement ; Qu'en déclarant le licenciement de l'exposante fondé sur une cause réelle et sérieuse au motif que les erreurs par elle commises sont de nature à dégrader la confiance de l'employeur dans ses compétences, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS ENFIN QU'une mise à pied conservatoire ne peut être justifiée que par une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; Qu'en déclarant justifiée la mise à pied conservatoire de l'exposante après avoir jugé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1332-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-22607
Date de la décision : 18/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 09 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 déc. 2012, pourvoi n°11-22607


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22607
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