LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 octobre 2011), qu'un incendie s'est déclaré le 15 avril 2004 dans le parking souterrain d'un ensemble immobilier, endommageant plusieurs véhicules en stationnement ainsi que la structure de l'immeuble et divers équipements ; qu'une mesure d'expertise confiée à M. X..., assisté de deux sapiteurs, a été ordonnée en référé à la demande notamment du syndicat des copropriétaires Ponts jumeaux, ayant en charge les infrastructures à usage commun de l'immeuble et les parkings en sous-sol ; qu'après dépôt du rapport d'expertise ayant conclu que l'incendie avait pris naissance dans un véhicule de marque Renault Laguna, stationné dans le sous-sol au moment des faits, le syndicat des copropriétaires a assigné en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, la société Temsys, venant aux droits de la société Locaplan, propriétaire du véhicule litigieux, la société Terreal, titulaire d'un contrat de location de longue durée sur ce véhicule, et l'assureur de cette dernière, la société Covea fleet, venant aux droits des Mutuelles du Mans assurances ; qu'appelées dans la cause, les sociétés Barcelona, Monceau investissements immobiliers, La Garonnaise d'habitation Promologis et Ruggieri gestion, copropriétaires de lots endommagés par le sinistre, ainsi que la société HVA conseil, locataire d'emplacements de stationnement et de locaux d'archives incendiés, et la société Hertz France, propriétaire d'un véhicule détruit par les flammes, ont sollicité la réparation de leurs préjudices respectifs sur le même fondement ; qu'ont également été attraits à l'instance la société Renault dont la garantie a été recherchée en tant que constructeur par les sociétés Temsys, Terreal et Covea fleet ainsi que la société Codifra, propriétaire d'un véhicule Peugeot 406 suspecté par la société Renault d'être à l'origine du sinistre ; que la société Axa France IARD, assureur de la Société hôtelière de Brienne, est intervenue volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société Covea fleet fait grief à l'arrêt de juger que la société Terreal doit, en tant que gardienne du véhicule Renault Laguna, indemniser les victimes de l'incendie causé par celui-ci et de condamner la société Covea fleet, in solidum avec la société Terreal, à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le gardien d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est celui qui dispose des pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur le véhicule lors de la réalisation du dommage ; que le locataire d'un véhicule n'est le gardien de la structure de celui-ci que s'il a la possibilité de prévenir lui-même le préjudice que cette structure peut causer ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour juger que la société Terreal était la gardienne de la structure du véhicule Renault Laguna, que ce véhicule ne constituait pas une chose dangereuse, sans rechercher si la société Terreal avait les moyens de prévenir l'échauffement spontané des faisceaux électriques à l'origine du dommage, spécialement après avoir relevé que l'entretien du véhicule, dont la société Terreal était en partie chargée, n'avait joué aucun rôle causal dans l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il résulte du contrat de location que la société propriétaire a confié la garde du véhicule au locataire qui est le titulaire exclusif de la garde et assumera la responsabilité conformément aux dispositions de l'article 1384 du code civil ; qu'un véhicule automobile ne constitue pas une chose a priori dangereuse et que la société Terreal et son assureur ne démontrent pas que le véhicule Laguna était atteint d'un vice caché ;
Qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a pu décider que la société Temsys avait la qualité de gardienne du véhicule impliqué dans l'accident, au sens de l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société Covea fleet fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en garantie contre la société Renault sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article 1134 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel, qui, constatant par des motifs non critiqués, que l'expert Y..., intervenu comme sapiteur, avait émis un avis nuancé sur le processus ayant conduit à l'incendie du véhicule Renault Laguna, a pu en déduire, hors de toute dénaturation du rapport d'expertise judiciaire, qu'il n'était pas établi que l'incendie avait pour origine un vice caché ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Covea fleet fait grief à l'arrêt de rejeter son recours formé contre la société Renault sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la responsabilité de la société Renault en qualité de producteur, que les sociétés Terreal et Covea fleet ne caractérisaient pas le défaut du véhicule, qui n'avait pu être individualisé, bien qu'un produit soit considéré comme défectueux du seul fait qu'il n'offre pas une sécurité normale, peu important que le défaut n'ait pu être individualisé, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 1386-4 du code civil ;
2°/ que l'expert judiciaire indiquait dans son rapport que « l'incendie avait pour origine un échauffement au niveau des faisceaux électriques situés près de la batterie de la Renault Laguna » ; qu'il résultait de ces termes clairs et précis que le défaut du véhicule était la mauvaise qualité de ces fils électriques, qui ne doivent normalement pas chauffer ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter la responsabilité de la société Renault en qualité de producteur, que « l'expertise situe le lieu de départ de l'incendie, mais ne donne aucun élément d'information permettant d'individualiser la présence d'un défaut ou d'un vice compromettant la sécurité » du véhicule, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise retenant la défectuosité des faisceaux électriques situés près de la batterie, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que l'expert Y... avait émis un avis nuancé sur le processus ayant conduit à l'incendie et rappelé exactement que selon l'article 1386-9 du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, l'arrêt retient que la société Terreal et son assureur ne démontrent pas que le véhicule loué était dangereux et ne caractérisent pas le défaut dont il était atteint lorsqu'il a pris feu ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations découlant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel a pu décider, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche du moyen, et hors de toute dénaturation du rapport d'expertise, que la preuve d'un défaut de sécurité n'était pas rapportée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le la première branche du premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Covea fleet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Covea fleet ; la condamne à payer à la société Axa France IARD et à la Société hôtelière de Brienne la somme globale de 1 000 euros, aux sociétés Hertz France, Temsys, Codifra, Monceau investissements immobiliers et au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Ponts jumeaux la somme de 1 000 euros chacun ; rejette la demande de la société Renault ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Covea fleet.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR jugé que la société TERREAL devait, en tant que gardienne du véhicule Renault Laguna, indemniser les victimes de l'incendie causé par celui-ci et a, par suite, condamné la société COVEA FLEET, in solidum avec la société TERREAL, à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « le véhicule LAGUNA, à partir duquel l'incendie aux conséquences préjudiciables s'est développé, est "impliqué" au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'il résulte du contrat de location que ta société propriétaire a confié la garde du véhicule au locataire qui est le titulaire exclusif de la garde et en assumera la responsabilité conformément aux dispositions de l'article 1384 du Code civil ; que la S.A.S. TERREAL, locataire à l'époque de l'incendie, oppose la division de la garde avec la S.A. TEMSYS, propriétaire, qui en tant que gardienne de la structure serait seule concernée ; que cependant, un véhicule automobile ne constitue pas une chose a priori dangereuse et en l'espèce, la S.A.S. TERREAL ne démontre pas que la S.A. TEMSYS lui a donné en location un véhicule dangereux ou devenu tel par sa faute ; que la S.A.S. TERREAL ne peut solliciter la garantie de la S.A. TEMSYS au titre de l'entretien alors qu'elle en était elle-même chargée pour partie et que les experts ont exclu tout rôle causal de l'entretien ; qu'en conséquence, la S.A.S. TERREAL, en tant que gardienne, doit, par application de l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985, indemniser les victimes auxquelles elle ne peut opposer le fait d'un ou la présence de la force majeure » ;
1°) ALORS QUE les sociétés TERREAL et COVEA FLEET soutenaient que « TERREAL n'avait que la garde du comportement de la LAGUNA et non de celle de sa structure interne » et que « RENAULT est quant à elle responsable de la garde de la structure » ; qu'en affirmant néanmoins que « la S.A.S. TERREAL, locataire à l'époque de l'incendie, oppose la division de la garde avec la S.A. TEMSYS, propriétaire, qui en tant que gardienne de la structure serait seule concernée », la Cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis des conclusions des sociétés TERREAL et COVEA FLEET faisant valoir que la société RENAULT avait conservé la garde de la structure, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le gardien d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est celui qui dispose des pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur le véhicule lors de la réalisation du dommage ; que le locataire d'un véhicule n'est le gardien de la structure de celui-ci que s'il a la possibilité de prévenir lui-même le préjudice que cette structure peut causer ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour juger que la société TERREAL était la gardienne de la structure du véhicule Renault Laguna, que ce véhicule ne constituait pas une chose dangereuse, sans rechercher si la société TERREAL avait les moyens de prévenir l'échauffement spontané des faisceaux électriques à l'origine du dommage, spécialement après avoir relevé que l'entretien du véhicule, dont la société TERREAL était en partie chargée, n'avait joué aucun rôle causal dans l'accident, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR rejeté le recours formé par la société COVEA FLEET contre la société RENAULT, sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
AUX MOTIFS QUE « la S.A.S. TERREAL et son assureur invoquent l'existence d'un vice caché du véhicule ; que cette situation ne peut être examinée que dans un cadre récursoire ; qu'à cet égard, la S.A.S. TERREAL et son assureur ne démontrent pas que le véhicule LAGUNA était atteint d'un vice caché dans la mesure où il ne ressort pas du rapport d'expertise que le départ du sinistre sur le véhicule est dû à un vice affectant le véhicule que ce soit lorsqu'il a été vendu à la société LOCAPLAN/TEMSYS qui a immédiatement donné en location à la S.A.S. TERREAL, ni antérieurement lors de la vente par la S.A.S. RENAULT au garage qui l'a lui-même vendu à la société LOCAPLAN/TEMSYS loueur » ;
ALORS QUE l'expert judiciaire indiquait dans son rapport que « l'incendie avait pour origine un échauffement au niveau des faisceaux électriques situés près de la batterie de la Renault LAGUNA » ; qu'il précisait n'avoir « observé aucun élément qui permettrait de considérer que la responsabilité du sinistre pourrait être partagée, même de façon modeste, par la société RENAULT avec une autre partie » ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter la garantie de la société RENAULT au titre des vices cachés, qu'« il ne ressort pas du rapport d'expertise que le départ du sinistre sur le véhicule est dû à un vice affectant le véhicule, que ce soit lorsqu'il avait été vendu à la société LOCAPLAN/TEMSYS qui l'a immédiatement donné en location la S.A.S. TERREAL, ni antérieurement lors de la vente par la S.A.S. RENAULT au garage qui l'a lui-même vendu à la société LOCAPLAN/TEMSYS loueur », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise retenant la responsabilité exclusive de la société RENAULT, en violation de l'article 1134 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(EGALEMENT SUBSIDIAIRE)Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR rejeté le recours formé par la société COVEA FLEET contre la société RENAULT, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;
AUX MOTIFS QUE « la S.A.S. TERREAL et son assureur se prévalent également des dispositions de l'article 1386-1 du Code civil selon lequel "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime" ; que selon l'article 1386-9 du Code civil, "le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage" ; que la S.A.S. TERREAL et son assureur ne caractérisent pas le défaut dont était atteint le véhicule LAGUNA lorsqu'il a pris feu ; que le véhicule a circulé pendant plusieurs années sans problème et le conducteur, en quittant son véhicule le jour du sinistre, n'a rien remarqué d'anormal ; que l'expertise situe le lieu de départ de l'incendie mais ne donne aucun élément d'information permettant d'individualiser la présence d'un défaut ou d'un vice compromettant la sécurité que devait présenter le véhicule RENAULT LAGUNA pour son utilisateur ; qu'en conséquence, la S.A.S. TERREAL et son assureur ne sont pas fondés en leur recours en garantie contre la S.A. TEMSYS, ni à soutenir une garantie de la S.A.S. RENAULT et devront in solidum Indemniser les victimes de l'incendie qui a eu lieu le 15 avril 2004 dans le sous-sol de la copropriété S.C.I. BARCELONA et de celle gérée par le S.D.C. "PONTS JUMEAUX" ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la S.A. TEMSYS et la S.A.S. RENAULT devaient garantir la S.A.S. TERREAL et son assureur ; que la S.A.S. TERREAL et la S.A. COVEA FLEET devront régler à la S.A. TEMSYS et à la S.A.S. RENAULT une indemnité pour frais de procédure exposés en appel » ;
1°) ALORS QU'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la responsabilité de la société RENAULT en qualité de producteur, que les sociétés TERREAL et COVEA FLEET ne caractérisaient pas le défaut du véhicule, qui n'avait pu être individualisé, bien qu'un produit soit considéré comme défectueux du seul fait qu'il n'offre pas une sécurité normale, peu important que le défaut n'ait pu être individualisé, la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 1386-4 du Code civil ;
2°) ALORS QUE, EN TOUTE HYPOTHESE, l'expert judiciaire indiquait dans son rapport que « l'incendie avait pour origine un échauffement au niveau des faisceaux électriques situés près de la batterie de la Renault LAGUNA » ; qu'il résultait de ces termes clairs et précis que le défaut du véhicule était la mauvaise qualité de ces fils électriques, qui ne doivent normalement pas chauffer ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter la responsabilité de la société RENAULT en qualité de producteur, que « l'expertise situe le lieu de départ de l'incendie, mais ne donne aucun élément d'information permettant d'individualiser la présence d'un défaut ou d'un vice compromettant la sécurité » du véhicule, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise retenant la défectuosité des faisceaux électriques situés près de la batterie, en violation de l'article 1134 du Code civil.