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13/12/2012 | FRANCE | N°11-19619;11-19808;11-20329

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 décembre 2012, 11-19619 et suivants


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° C 11-19. 619, G 11-19. 808 et Z 11-20. 329 ;
Donne acte à la société Generali IARD de ce qu'elle se désiste de son pourvoi n° C 11-19. 619 dirigé contre Max X...;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, et les productions, que le fonds de commerce de Max X...et de Mme Y..., son épouse (les époux X...) a été incendié au cours d'émeutes survenues en novembre 2005 à Evreux ; que les auteurs des faits ont été condamnés par un tribunal correctionnel et une juridiction des mineurs

; qu'après indemnisation partielle par leur propre assureur de dommages, les ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° C 11-19. 619, G 11-19. 808 et Z 11-20. 329 ;
Donne acte à la société Generali IARD de ce qu'elle se désiste de son pourvoi n° C 11-19. 619 dirigé contre Max X...;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, et les productions, que le fonds de commerce de Max X...et de Mme Y..., son épouse (les époux X...) a été incendié au cours d'émeutes survenues en novembre 2005 à Evreux ; que les auteurs des faits ont été condamnés par un tribunal correctionnel et une juridiction des mineurs ; qu'après indemnisation partielle par leur propre assureur de dommages, les époux X...ont fait assigner en paiement de sommes complémentaires les sociétés Generali IARD (Generali), BPCE assurances, venant aux droits des sociétés GCE assurances et Ecureuil assurances IARD (BPCE), Axa France IARD (Axa), Allianz IARD, venant aux droits des Assurances générales de France (Allianz), Pacifica, venant aux droits des Assurances fédérales IARD (Pacifica), qui garantissaient les civilement responsables des mineurs condamnés ; que Max X...est décédé en cours d'instance ;
Sur les moyens uniques des pourvois principaux des sociétés Generali, Pacifica et Axa, réunis :
Vu l'article L. 121-8 du code des assurances et l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'assureur ne répond pas, sauf convention contraire, des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par des émeutes ou par des mouvements populaires ;
Attendu que, pour condamner in solidum les sociétés CGE, Generali, Axa et Pacifica à payer une certaine somme à Mme Y..., l'arrêt énonce que l'exclusion de l'article L. 121-8 du code des assurances doit se combiner avec les dispositions impératives et d'ordre public de l'article L. 121-2 du même code, selon lesquelles l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1384 du code civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes ; qu'il résulte de la combinaison de ces deux articles qu'une clause de la police d'assurance ne saurait exclure, directement ou indirectement, la garantie de l'assuré dès lors que ce dernier a été déclaré civilement responsable des conséquences d'une faute de la personne dont il doit répondre, quelles qu'aient été les caractéristiques de cette faute, et par conséquent, même si cette faute a été commise lors de la participation à une émeute ; que l'exclusion contractuelle de garantie ne peut jouer que dans le cas où c'est l'assuré lui-même qui est personnellement à l'origine du dommage, mais ne peut être opposée, par l'assureur, à l'assuré ou à la victime dans le cadre de l'action directe, lorsque le dommage pour lequel la garantie sollicitée est imputable à une personne dont l'assuré est civilement responsable ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les assureurs se prévalaient non d'une exclusion conventionnelle de garantie, mais de l'exclusion légale de l'article L. 211-8 du code des assurances, d'autre part, qu'elle constatait qu'aucun de leurs contrats d'assurance, mis à part celui d'Allianz, ne contenait de disposition dérogatoire à l'article L. 121-8 du code des assurances, chaque contrat reprenant au contraire les termes de cette exclusion légale, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les textes susvisés ;
Et, sur le moyen unique identique des pourvois incidents de la société Allianz, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société Allianz, in solidum avec les autres assureurs, à payer une certaine somme à Mme Y... et dire que le plafond de garantie prévu dans le contrat pour les vols et actes de vandalisme commis par les enfants mineurs de l'assuré n'est pas applicable, l'arrêt énonce que la clause qui limite la prise en charge des dommages résultant de tels faits à 50 000 francs ou 7 622 euros ne correspond pas aux faits objet du présent litige en raison de leur ampleur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause fixait les plafonds de garantie pour les dommages résultant de vol ou de vandalisme sans distinguer selon l'importance des faits commis, la cour d'appel, qui a ajouté au contrat une condition qui n'était pas prévue par les parties, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les pourvois incidents de Mme Y... ni sur la seconde branche du moyen unique identique des pourvois incidents de la société Allianz :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal n° C 11-19. 619 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Generali IARD.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Generali Iard, in solidum avec les sociétés Allianz, GCE Assurances, Pacifica et Axa France à payer à Mme Marie-France Y... veuve X...la somme de 3. 000 euros au titre de son préjudice résiduel ;
AUX MOTIFS QUE sur l'exclusion de garantie fondée sur les dispositions contractuelles de l'article L. 121-8 du code des assurances : le tribunal, en des motifs que la cour adopte, a justement estimé que les faits à l'origine du sinistre avaient été commis lors de la participation de leurs auteurs à des émeutes ; qu'il sera seulement précisé, pour la compréhension du présent arrêt, que les six mineurs en cause ont été définitivement déclarés coupables d'avoir commis les infractions reprochées dans le cadre de l'épisode de violences urbaines qui a affecté les banlieues des villes en novembre 2005 et qui a donné lieu à l'instauration de l'état d'urgence ; qu'en ce qui concerne les faits objets du présent litige, l'information a établi, et les juridictions de jugement ont retenu que, dans la nuit du samedi 5 au dimanche 6 novembre, plusieurs dizaines de personnes, munies de diverses armes et de cocktails molotov se sont livrées à des attaques par vagues successives des commerces du quartier de la Madeleine à Evreux, ont également incendié des véhicules et commis des violences sur les forces de l'ordre et les pompiers qui tentaient de maîtriser les incendies ; que la chronologie des événements figurant en tête de l'ordonnance de renvoi du 24 octobre 2006, qui mentionne l'arrivée des premiers flux de population sur le quartier de la Madeleine vers 20 heures, le début des incendies de voiture à 21 heures heures 30 par 200 jeunes devant le chantier de la communauté d'agglomération, est particulièrement éloquent sur le rattachement direct des dommages causés au commerce des époux X...aux faits justement qualifiés d'émeutes, peu important à cet égard que la participation à une émeute ne soit pas en tant que telle pénalement qualifiable ; qu'il n'est pas contesté qu'aucun des contrats d'assurance, mis à part celui des AGF, ne contient de disposition dérogatoire à l'article L. 121-8 du code des assurances, qui dispose que, sauf convention contraire, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par des émeutes ou par des mouvements populaires ; qu'au contraire, chaque contrat, mis à part celui des AGF, reprend les termes de l'exclusion légale ; que, cependant, cette exclusion doit se combiner avec les dispositions impératives et d'ordre public de l'article L. 121-2 du même code, selon lesquelles l'assureur est garanti des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1384 du code civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes ; qu'il résulte dès lors de la combinaison de ces deux articles qu'une clause de la police d'assurance ne saurait exclure, directement ou indirectement, la garantie de l'assuré, dès lors que ce dernier a été déclaré civilement responsable des conséquences d'une faute de la personne dont il doit répondre, quelles qu'aient été les caractéristiques de cette faute, et par conséquent même si cette faute a été commise dans des circonstances de fait visées par l'exclusion de garantie, telles qu'en l'espèce la participation à une émeute ; qu'en d'autres termes, l'exclusion contractuelle de garantie ne peut jouer que dans le cas où c'est l'assuré lui-même qui est personnellement à l'origine du dommage, mais ne peut être opposée par l'assureur à l'assuré ou à la victime dans le cadre de l'action directe dans le cas où le dommage pour lequel la garantie est sollicitée est imputable à une personne dont l'assuré a été déclaré civilement responsable ; que, dès lors, la cour retiendra que les compagnies CGE, Generali, Axa France et Pacifica ne peuvent opposer à Marie-France Y... veuve X...les clauses de non-garantie relatives aux sinistres trouvant leur origine dans des émeutes, puisque la responsabilité de leurs assurés est recherchée en qualité de civilement responsable ;
1) ALORS QUE l'assureur ne répond pas, sauf convention contraire, des pertes et dommages occasionnés par des émeutes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le contrat souscrit par les époux A...auprès de la société Concorde Assurances devenu Generali ne contenait aucune disposition dérogatoire à l'article L. 121-8 du code des assurances, qui dispose que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages occasionnés par des émeutes ou par des mouvements populaires ; qu'elle a également constaté, par motifs propres comme adoptés, que les dommages subis par les époux X...résultaient des émeutes survenues à Evreux dans la nuit du 5 au 6 novembre 2005 ; qu'en décidant néanmoins que la société Generali Iard devait sa garantie pour ces dommages, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 121-8 du code des assurances ;
2) ALORS QUE les juges du fond qui sont liés par les conclusions prises devant eux, ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que dans ses écritures, la société Generali rappelait que sa police d'assurance ne comportait aucune clause relative au risque d'émeute, ce dont il résultait qu'elle ne dérogeait pas à l'exclusion légale de ce risque édictée par l'article L. 121-8 du code des assurances (cf. concl., p. 4 § 7) ; qu'en décidant que la société Generali ne pouvait « opposer les clauses de non-garantie relatives aux sinistres trouvant leur origine dans des émeutes » (cf. arrêt, p. 9 § 2), quand celle-ci se prévalait non d'une exclusion conventionnelle de garantie mais d'une exclusion légale, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la prohibition, résultant de l'article L. 121-2 du code des assurances, de stipuler dans un contrat d'assurance une clause excluant la garantie de l'assuré en raison de la nature ou de la gravité de la faute de la personne dont il est civilement responsable, ne s'applique qu'aux clauses d'exclusion contractuellement prévues par les parties au contrat d'assurance ; qu'elle ne concerne pas les exclusions de garantie d'origine légale ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé (cf. concl., p. 7 § 3), si l'article L. 121-8 du code des assurances, dont elle a écarté l'application au bénéfice de l'article L. 121-2 de ce code, n'est pas une disposition spéciale dérogeant à ce dernier texte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-8 du code des assurances ;
4) ALORS, en tout état de cause, QUE l'article L. 121-2 du code des assurances autorise l'exclusion de garantie, en matière de responsabilité du fait d'autrui, lorsqu'elle n'est pas fondée sur la nature ou la gravité de la faute de celui dont l'assuré doit répondre, mais sur une autre circonstance, indépendante de cette faute ; que l'exclusion énoncée à l'article L. 121-8 du code des assurances n'évoque que les dommages causés par la guerre, une émeute ou un mouvement populaire, sans aucune référence à la faute à l'origine de ces dommages ; que dès lors, en affirmant que la société Generali Iard ne pouvait opposer à Marie-France Y... veuve X...la non-garantie relative aux sinistres trouvant leur origine dans des émeutes, la cour d'appel a violé l'article L. 121-2 du code des assurances. Moyen produit au pourvoi principal n° G 11-19. 808 par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Pacifica.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Pacifica, in solidum avec les compagnies Allianz, GCE Assurances, Generali et Axa France, à payer à Mme Marie-France Y..., veuve X..., la somme de 3. 000 € au titre de son préjudice résiduel ;
AUX MOTIFS QUE les six mineurs en cause ont été définitivement déclarés coupables d'avoir commis les infractions reprochées dans le cadre de l'épisode de violences urbaines qui a affecté les banlieues des villes en novembre 2005, et qui a donné lieu à l'instauration de l'état d'urgence ; qu'en ce qui concerne les faits objets du présent litige, l'information a établi, et les juridictions de jugement ont retenu que, dans la nuit du samedi 5 au dimanche 6 novembre, plusieurs dizaines de personnes, munies de diverses armes et de cocktails molotov se sont livrées à des attaques par vagues successives des commerces du quartier de la Madeleine à Evreux, ont également incendié des véhicules et commis des violences sur les forces de l'ordre et les pompiers qui tentaient de maîtriser les incendies ; que la chronologie des événements figurant en tête de l'ordonnance de renvoi du 24 octobre 2006, qui mentionne l'arrivée des premiers flux de population sur le quartier de la Madeleine vers 20 heures, le début des incendies de voitures à 21 heures 05, diverses agressions par des groupes armés, puis un assaut, vers 21 heures 30 par deux cents jeunes devant le chantier de la communauté d'agglomération, est particulièrement éloquent sur le rattachement direct des dommages causés au commerce des époux X...aux faits justement qualifiés d'émeutes peu important à cet égard que la participation à une émeute ne soit pas en tant que telle pénalement qualifiable ; qu'il n'est pas contesté qu'aucun des contrats d'assurance, mis à part celui des AGF, ne contient de disposition dérogatoire à l'article L. 121-8 du code des assurances, qui dispose que, sauf convention contraire, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par des émeutes ou par des mouvements populaires ; qu'au contraire, chaque contrat, mis à part celui des AGF, reprend les termes de l'exclusion légale ; que cependant, cette exclusion doit se combiner avec les dispositions impératives et d'ordre public de l'article L. 121-2 du même code, selon lesquelles l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1384 du code civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes ; qu'il résulte dès lors de la combinaison de ces deux articles qu'une clause de la police d'assurance ne saurait exclure, directement ou indirectement, la garantie de l'assuré, dès lors que ce dernier a été déclaré civilement responsable des conséquences d'une faute de la personne dont il doit répondre, quelles qu'aient été les caractéristiques de cette faute, et par conséquent même si cette faute a été commise dans des circonstances de fait visées par l'exclusion de garantie, telles qu'en l'espèce la participation à une émeute ; qu'en d'autres termes, l'exclusion contractuelle de garantie ne peut jouer que dans le cas où c'est l'assuré lui-même qui est personnellement à l'origine du dommage, mais ne peut être opposée, par l'assureur, à l'assuré ou à la victime dans le cadre de l'action directe, dans le cas où le dommage pour lequel la garantie est sollicitée est imputable à une personne dont l'assuré a été déclaré civilement responsable ; que dès lors, la cour retiendra que les compagnies CGE, Generali, Axa France et Pacifica, ne peuvent opposer à Marie-France Y... veuve X...les clauses de non garantie relatives aux sinistres trouvant leur origine dans des émeutes, puisque la responsabilité de leurs assurés est recherchée en qualité de civilement responsable, étant observé que le fait que le jugement du tribunal pour enfants n'ait pas été définitif à l'égard de certains civilement responsables est inopérant puisqu'aucune contestation n'existe sur cette qualité ;
ALORS QUE les dispositions de l'article L. 121-2 du code des assurances, selon lesquelles « l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'article 1384 du code civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes », ont uniquement pour effet d'annihiler les clauses d'exclusion se fondant directement sur la nature volontaire, la gravité des agissements ou la qualité de leur auteur principal ; que ces dispositions n'interfèrent en rien sur l'exclusion légale de garantie relative à certains événements objectivement définis, telle que la situation d'émeute visée à l'article L. 121-8 du code des assurances, dont les dispositions sont d'ordre public ; qu'en jugeant dès lors que la compagnie Pacifica ne pouvait opposer à Mme Marie-France Y..., veuve X..., « les clauses de non garantie relatives aux sinistres trouvant leur origine dans des émeutes, puisque la responsabilité de ses assurés est recherchée en qualité de civilement responsable » (arrêt attaqué, p. 9 § 2), cependant que l'assureur est fondé à opposer à l'assuré l'exclusion légale de garantie tirée de l'existence d'une émeute urbaine, même si les agissements litigieux sont le fait d'un individu dont l'assuré est civilement responsable, la cour d'appel a violé l'article L. 121-2 du code des assurances par fausse application et l'article L. 121-8 du même code par refus d'application.

Moyen produit au pourvoi principal n° Z 11-20. 329 par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Axa France.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum les compagnies AXA FRANCE IARD, GENERALI, ASSURANCES FEDERALES devenues PACIFICA, et GCE ASSURANCES, venant aux droits de ECUREUIL ASSURANCES, et ALLIANZ, venant aux droits d'AGF, à payer à Mme Y... veuve X...la somme de 3. 000 € au titre de son préjudice résiduel,
AUX MOTIFS QUE, sur l'exclusion de garantie fondée sur les dispositions contractuelles et l'article L. 121-8 du code des assurances, le tribunal, par des motifs adoptés par la cour, avait justement estimé que les faits à l'origine du sinistre avaient été commis lors de la participation par leurs auteurs à des émeutes ; qu'il devait être seulement précisé, pour la compréhension du présent arrêt, que les six mineurs en cause avaient été définitivement déclarés coupables d'avoir commis les infractions reprochées dans le cadre de l'épisode de violences urbaines qui avait affecté les banlieues des villes en novembre 2005 et qui avait donné lieu à l'instauration de l'état d'urgence ; qu'en ce qui concernait les faits objets du litige, l'information avait établi, et les juridictions de jugement avaient retenu que, dans la nuit du samedi 5 au dimanche 6 novembre, plusieurs dizaines de personnes, munies de diverses armes et de cocktails molotov, s'étaient livrées à des attaques par vagues successives des commerces du quartier de la Madeleine à Evreux, avaient également incendié des véhicules et commis des violences sur les forces de l'ordre et les pompiers qui tentaient de maîtriser les incendies ; que la chronologie des évènements figurant en tête de l'ordonnance de renvoi du 24 octobre 2006, qui mentionnait l'arrivée des premiers flux de population sur le quartier de la Madeleine vers 20 h, le début des incendies de voiture à 21 h 05, diverses agressions par des groupes armés, puis un assaut, vers 21 h 30, par 200 jeunes, devant le chantier de la communauté d'agglomération, était particulièrement éloquent sur le rattachement direct des dommages causés au commerce des époux X...aux faits justement qualifiés d'émeutes, peu important que la participation à une émeute ne soit pas, en tant que telle, pénalement qualifiable ; qu'il n'était pas contesté qu'aucun des contrats d'assurance, mis à part celui des AGF, ne contenait de disposition dérogatoire à l'article L. 121-8 du code des assurances qui dispose que, sauf convention contraire, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par des émeutes ou des mouvements populaires ; qu'au contraire, chaque contrat, mis à part celui des AGF, reprenait les termes de l'exclusion légale ; que, cependant, cette exclusion devait se combiner avec les dispositions impératives et d'ordre public de l'article L. 121-2 du même code, selon lesquelles l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable, en vertu de l'article 1384 du code civil, quelle que soit la nature et la gravité des fautes de ces personnes ; qu'il résultait dès lors de la combinaison de ces deux articles qu'une clause de la police d'assurance ne pouvait exclure, directement ou indirectement, la garantie de l'assuré, dès lors que celui-ci a été déclaré civilement responsable des conséquences d'une faute de la personne dont il doit répondre, quelles qu'aient été les caractéristiques de cette faute, et par conséquent même si cette faute a été commise dans des circonstances de fait visées par l'exclusion de garantie, telles qu'en l'espèce la participation à une émeute ; qu'en d'autres termes, l'exclusion contractuelle de garantie ne peut jouer que dans le cas où c'est l'assuré lui-même qui se trouve personnellement à l'origine du dommage, mais ne peut être opposée, par l'assureur à l'assuré ou à la victime dans le cadre de l'action directe, dans le cas où le dommage pour lequel la garantie est sollicitée est imputable à une personne dont l'assuré est civilement responsable ; que, dès lors, la cour devait retenir que les assureurs, dont la société AXA FRANCE IARD, ne pouvaient opposer à Mme X...les clauses de nongarantie relatives aux sinistres trouvant leur origine dans des émeutes, puisque la responsabilité de leurs assurés était recherchée en qualité de civilement responsables, étant observé que le fait que le jugement du tribunal pour enfants n'ait pas été définitif à l'égard de certains civilement responsables était inopérant, puisqu'aucune contestation n'existait sur cette qualité,
1° ALORS QUE l'exclusion légale de garantie de l'assureur de responsabilité civile, concernant la participation de l'assuré à une émeute, s'applique, que la personne concernée pas de tels agissements soit l'assuré luimême ou l'un de ses enfants dont il est civilement responsable ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que cette exclusion légale de garantie devait être écartée, puisque ce n'était pas l'assuré lui-même qui avait participé à l'émeute ayant occasionné des dommages à Mme X..., mais son fils mineur dont il était civilement responsable, a violé les articles L. 121-2 et L. 121-8 du code des assurances ;
2° ALORS QUE, si l'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes, les parties peuvent convenir d'exclure de la garantie d'assurance, les conséquences de la participation à une émeute de l'assuré ou des personnes dont il est civilement responsable ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé que les parties ne pouvaient exclure de la garantie que les conséquences de la participation à de tels faits de l'assuré lui-même et non des personnes dont il est civilement responsable, a violé les articles L. 113-1, L. 121-2 du code des assurances et 1134 du code civil. Moyen produit aux pourvois incidents n° C 11-19. 619, G 11-19. 808 et Z 11-20. 329 par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux conseils pour Mme Y..., veuve X....
Mme X...fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation in solidum des sociétés Axa France, Generali, Pacifica, CGE et Allianz à lui verser la somme de 3. 000 euros au titre de son préjudice résiduel ;
AUX MOTIFS QUE la demande de Marie-France Y... veuve X...porte ainsi, à juste titre, exclusivement sur le préjudice résiduel non couvert par l'indemnité de 160. 000 € qu'elle reconnaît avoir perçue ; qu'elle le décompose de la façon suivante :-20. 000 € au titre de la perte de marge brute sur trois mois non prise en charge au titre de l'indemnité,-4. 425, 20 au titre des honoraires de son expert comptable,-9. 214 € au titre des honoraires de 1'" expert privé ",-3. 000 € au titre des honoraires de son conseil,-3. 000 € au titre du préjudice moral ; que selon une copie non signée d'un courrier du 16 octobre 2006 du cabinet Clusters Conseil, intervenant sur mandat de la MUTEDAF, cette indemnité lui a été proposée sur la base d'une perte d'exploitation évaluée à 80. 000 € sur 12 mois, et d'une évaluation des dommages matériels directs de 80. 000 €, la question d'une éventuelle indemnisation des marchandises sinistrées restant en suspens, dans l'attente de la réinstallation de Mme X...; qu'il n'est cependant justifié ni de l'acceptation de cette indemnité par la victime, ni de son paiement, ni, a fortiori, de son mode de calcul, et de la déduction effective de cette indemnité des honoraires de l'expert à hauteur de 9. 214 € ; que rien n'établit par ailleurs la marge réalisée par le commerce avant le sinistre, ni le montant des honoraires du conseil de Mme X..., qui ont d'ailleurs vocation à être pris en charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que ceux de son expert comptable pour la période s'étendant du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006 auraient été dus même en l'absence de sinistre et ne peuvent donc être considérés comme un préjudice indemnisable ; qu'en revanche l'indemnité d'assurance n'a pu prendre en charge le préjudice moral qui a été exactement évalué par le tribunal pour enfants à la somme de 3. 000 € et la demande sera donc admise de ce seul chef ; que le caractère résiduel du préjudice allégué par Marie-France Y... veuve X...n'étant ainsi démontré qu'en ce qui concerne le préjudice moral, et ce de façon indivisible à l'égard de toutes les parties, le jugement sera également infirmé en ce qui concerne les sommes mises à la charge d'Allianz ; que le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions, et les compagnies Axa France JARD, CGE Assurances, Pacifica, Generali et Allianz seront condamnées à payer à Marie-France Y... veuve X...la somme de 3. 000 € au titre de son préjudice résiduel ;
ALORS QUE la copie du courrier du cabinet Clusters Conseil du 16 octobre 2006, qui détaillait l'indemnité d'assurance proposée à Mme
X...
, comportait une signature illisible sous laquelle figurait le nom « Patrick C...» ; qu'en énonçant, pour débouter Mme X...de l'essentiel de ses demandes au titre de son préjudice résiduel, notamment sa perte d'exploitation, que seule une copie non signée de ce document était produite, la cour d'appel d'a dénaturé et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE le juge, qui a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les mesures d'instructions légalement admissibles, ne saurait, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait retenu que le fonds de commerce de Mme X...avait été incendié et constaté que son assureur lui avait proposé une indemnité de 80. 000 euros au titre de la perte d'exploitation sur douze mois, s'est néanmoins fondée, pour écarter l'indemnisation de sa perte d'exploitation pour trois mois supplémentaires, sur la circonstance inopérante que rien n'établissait la marge réalisée par le commerce avant le sinistre, a violé les articles 4 et 1382 du code civil ;
ALORS QUE la victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que le dommage avait été causé au mois de novembre 2005, s'est néanmoins fondée, pour écarter la demande de Mme X...d'indemnisation du préjudice subi au titre du paiement des honoraires de son expert comptable pour la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006, sur la circonstance inopérante que ces honoraires auraient été dus même en l'absence de sinistre, a violé l'article 1382 du code civil. Moyen produit aux pourvois incidents n° C 11-19. 619, G 11-19. 808 et Z 11-20. 329 par la SCP Ortscheidt, avocat aux conseils pour la société Allianz IARD.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Allianz, in solidum avec les sociétés CGE Assurances, Generali, Pacifica et Axa France à payer à Madame X...la somme de 3. 000 euros au titre de son préjudice résiduel et d'avoir dit que le plafond de garantie prévu dans le contrat d'AGF devenue Allianz en ce qui concerne les vols et actes de vandalisme commis par les enfants mineurs de l'assuré n'est pas applicable ;
AUX MOTIFS QUE les plafonds de garantie doivent s'entendre sinistre par sinistre, soit en l'espèce commerce par commerce ; que les demandes d'Allianz, CGE Assurances, et des Assurances Fédérales tendant à voir répartir entre toutes les victimes leurs plafonds respectifs de garantie ne peuvent être admises, étant au demeurant observé qu'elles n'auraient pu aboutir qu'en présence à l'instance, de toutes les victimes concernées ; que leurs montants ne font l'objet d'aucune observation, et seront donc jugés applicables ; qu'enfin, en ce qui concerne le plafond contractuel d'AGF devenue Allianz, la clause qui limite la prise en charge des dommages résultant de faits de vol ou d'actes de vandalisme commis par les enfants mineurs de l'assuré à 50 000 francs ou 7 622 €, ne correspond pas aux faits objet du présent litige en raison de leur ampleur, et n'est donc pas applicable, seul l'étant le plafond relatif aux dommages matériels et aux pertes pécuniaires consécutives de 5. 000. 000 francs (769. 230 €) ;
1°) ALORS QU'il résulte des termes clairs et précis du contrat d'assurance conclu entre la société Allianz, venue aux droits d'AGF, et Madame D..., l'existence de montants maxima de garanties et franchises par sinistre ; que le contrat comprend « une limitation particulière pour vol ou actes de vandalisme commis par vos enfants mineurs » à hauteur de 50. 000 francs, sans distinction selon l'ampleur de ces actes ; qu'en écartant la clause fixant le plafond de la garantie de la société Allianz motif pris que les actes de vandalisme visés dans son contrat d'assurance ne correspondaient pas aux faits de vandalisme commis par le fils de Madame D..., lesquels avaient revêtu une certaine « ampleur », la cour d'appel a ajouté au contrat d'assurance une condition tenant à « l'ampleur » des actes de vandalisme, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel ne pouvait considérer, pour écarter la clause qui limite la prise en charge des dommages résultant de faits ou de vol ou d'actes de vandalisme, que les faits visés au contrat ne correspondaient pas aux faits du présent litige en raison de leur ampleur, tout en constatant que les plafonds de garantie devaient s'entendre sinistre par sinistre, soit commerce par commerce, ce dont il s'inférait qu'elle ne pouvait tenir compte de l'ampleur des sinistres dans leur globalité mais uniquement sinistre par sinistre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 124-1-1 du code des assurances et 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-19619;11-19808;11-20329
Date de la décision : 13/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 13 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 déc. 2012, pourvoi n°11-19619;11-19808;11-20329


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Odent et Poulet, SCP Ortscheidt, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19619
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