LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 694 du code civil ;
Attendu que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 septembre 2011), que les époux X..., propriétaires d'une parcelle issue de la division d'un fonds unique, sur laquelle se trouve un étang dont l'alimentation est régulée par le vannage situé sur la parcelle voisine, issue de la même division, appartenant à M. Y..., ont revendiqué le bénéfice d'une servitude de vannage par destination du père de famille sur le fonds de ce dernier ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que s'il est constant que le fonds originel a appartenu au même propriétaire qui a procédé à l'aménagement qui subsiste lors de la division du fonds, les époux X...ne démontrent pas que le propriétaire a eu la volonté d'établir une servitude au profit d'une des parcelles et à la charge de l'autre et ne font état à cet égard d'aucune circonstance de nature à caractériser cette intention de la part du propriétaire ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'acte notarié des 12 et 13 juin 1981 emportant division d'un fonds unique contenait une stipulation contraire au maintien de la servitude, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer aux époux X...la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour M. Jean-Michel X..., Mme Marie-Line Z...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X...de leurs demandes afférentes à l'existence d'une servitude de vannage par destination de père de famille sur le fonds de Monsieur Y..., et de les avoir condamnés à payer à celui-ci diverses sommes en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens ;
Aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier que l'acte de vente des 12 et 13 juin 1981 portant division de la propriété appartenant aux consorts A...et vente de la parcelle n° 57 au profit des auteurs des époux X...comporte la clause suivante : « les vendeurs aux présentes n'auront aucun droit d'eau sur la pièce d'eau vendue de-5- quelque sorte qu'il soit. Ladite propriété ainsi figurée sous teinte jaune au plan joint annexé aux présentes, après avoir été approuvé par les parties. Les vendeurs feront leur affaire personnelle de l'accès au surplus leur restant appartenir figurant sous teinte rouge au plan ci annexé, sur lesquelles sont édifiés 5 boxes à chevaux et un vieux bâtiment autrefois à usage de grange le tout non compris dans la présente vente ainsi que les acquéreurs le reconnaissent expressément » ; que la stipulation d'un droit d'eau sur l'étang au seul profit de l'acquéreur n'est pas de nature à permettre aux époux X...de revendiquer la propriété du vannage ; que la question n'apparaissant pas dans l'acte de 1981, les époux X...sont mal fondés à se prévaloir de la prescription acquisitive de bonne foi et par justes titres de l'article 2265 ancien du Code civil en l'absence d'acte établissant qu'en acquérant la parcelle n° 57, ils sont devenus propriétaires des vannes situées sur la parcelle voisine ; que c'est tout aussi vainement qu'ils tentent de convaincre que le vannage est l'accessoire nécessaire de l'étang ; qu'en effet, il résulte tant du rapport d'expertise déposé par M. B...que des éléments du dossier que si l'alimentation de l'étang est régulée par le vannage litigieux, cet ouvrage sert également à contrôler le débit du bras de la rivière contournant la propriété de M. Y..., en particulier en période de crues de janvier à avril : qu'il n'est pas contesté que l'étang est la propriété des époux X..., il découle des pièces produites que le vannage est situé dans le lit de l'Arcisse ; qu'il prend appui sur la rive des berges appartenant à M. Y... suivant la limite séparative fixée par M. C...et qui n'est pas discutée et traverse perpendiculairement le cours d'eau jusqu'en son milieu ; que les vannes ne sont manoeuvrables que de la propriété Y..., la crémaillère ainsi que la passerelle de manoeuvre se trouvant de son côté ; qu'il est ainsi avéré que c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que le vannage est la propriété de M. Y... et doit être compris dans ses parcelles ; que les époux X...invoquent l'existence d'une servitude par destination du père de famille au visa des articles 692, 693 et 694 du Code civil, dont la propriété Y... serait le fonds servant ; que s'il est constant que le fond originel a appartenu au même propriétaire (les consorts A...) qui a procédé à l'aménagement qui subsiste lors de la division du fonds, les époux X...ne démontrent pas que le propriétaire du fonds ait eu la volonté d'établir une servitude au profit d'une des parcelles et à la charge de l'autre ; qu'il n'est fait état à cet égard d'aucune circonstance même extrinsèque voire postérieure au partage du fonds de nature à caractériser cette intention de la part du propriétaire ; que dès lors il ne peut être fait droit à la demande des époux X...;
Alors que, si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritage sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ; que la Cour d'appel, qui en l'espèce, a relevé l'existence d'un signe apparent de servitude entre les deux fonds, subsistant lors de la division de ceux-ci, ne pouvait dénier l'existence d'une servitude par destination du père de famille sans méconnaître les articles 692, 693 et 694 du Code civil ;
Et alors, d'autre part, subsidiairement, qu'en statuant de la sorte au motif inopérant qu'indépendamment du signe apparent de servitude résultant de l'aménagement des fonds et subsistant lors de leur division, les exposants n'apportaient pas la preuve de la volonté de l'auteur commun des parties d'établir une telle servitude, quand celle-ci est présumée, et sans relever d'éléments de nature à démontrer la volonté de l'auteur d'écarter la présomption litigieuse qui s'attache à cette situation de fait,, la Cour d'appel a à tout le moins privé sa décision de base légale au regard des articles précités ;