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05/12/2012 | FRANCE | N°12-80322

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 décembre 2012, 12-80322


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Consus France, partie civile ,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 15 décembre 2011, qui, dans l'information suivie contre M. Grégory X... et autres des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée, abus de biens sociaux, escroqueries en bande organisée, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la

violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Consus France, partie civile ,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 15 décembre 2011, qui, dans l'information suivie contre M. Grégory X... et autres des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée, abus de biens sociaux, escroqueries en bande organisée, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil, préliminaire, 2, 3, 85, 87, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la constitution de partie civile de la société Consus France irrecevable ;

"aux motifs que le 12 octobre 2010, la société Consus France a entendu se constituer partie civile dans le cadre de l'information judiciaire en cause qui porte sur des faits d'association de malfaiteurs, de blanchiment en bande organisée, d'abus de biens sociaux, d'escroqueries à l'ouverture de comptes de quotas à émission de gaz à effet de serre en bande organisée, d'escroqueries en bande organisée et d'escroqueries à la TVA en bande organisée ; qu'aux termes de cette plainte, la société précitée fait état que son dirigeant M. Y... a été l'objet d'une convocation sur commission rogatoire pour être entendu, qu'elle souhaite vivement que son image ne soit pas altérée par les « éclaboussures » de la fraude mise à jour, compte tenu de son activité qui consiste en l'achat, la vente, la négociation, l'échange, l'importation ou l'exportation de tous produits, sous-produits et principalement des échanges de droits d'émission de gaz à effet de serre, et également en des services de conseils en matière de gestion de droits d'émission et d'optimisation d'échange de droits d'émission, qu'elle précise qu'elle est prête à participer à l'enquête, qu'au regard des agissements dont le juge d'instruction se trouve saisi, elle indique que ceux qui lui ont occasionné un vif préjudice notamment constitué par la mauvaise image qui a pu être donnée de ses activités, que dans ces conditions, en raison de l'atteinte à son image et à sa réputation, elle entendait se constituer partie civile ; que, dans son mémoire, la société Consus France mentionne de surcroît que certains de ses fournisseurs ont été visés par l'instruction, que les montants de TVA qui lui ont été facturés par ces derniers ont été intégrés dans le calcul du total de la TVA éludée par les mis en examen, sachant qu'elle a déduit la TVA facturée par ses fournisseurs qui ne l'ont ni déclarée ni reversée au Trésor public, et qu'en conséquence de cette situation elle était l'objet d'un redressement fiscal ; que cependant, il convient de relever que les faits décrits par la société Consus France, s'agissant du préjudice allégué constitué par l'atteinte à son image et à sa réputation, sont particulièrement imprécis, que ceux-ci sont totalement indéterminés, qu'il n'est pas justifié d'une situation circonstanciée, qu'il est juste allégué une atteinte à l'image, qu'il n'est pas articulé un dommage découlant directement des infractions reprochées aux mis en examen et qu'il y a ainsi absence de circonstances permettant d'admettre comme possible l'existence d'un préjudice ayant une relation directe avec les faits, la simple audition d'une personne en qualité de témoin, dans une procédure pénale, ne pouvant être à l'origine d'un préjudice ; que s'agissant du préjudice matériel invoqué comme possible qui résulterait du redressement fiscal engagé, qu'il apparaît à l'analyse de la proposition de rectification notifiée qui est produite et qui a été rédigée suite à une vérification de comptabilité, que le redressement fiscal en cause repose sur la TVA déclarée par la société Consus France du 1er mai 2008 au 30 juin 2010, que les renseignements recueillis par le Trésor public l'ont été dans le cadre d'une vérification de comptabilité, de renseignements obtenus auprès de l'autorité judiciaire mais également auprès d'autres organismes, qu'il est apparu, à l'administration des impôts, que la société en cause dans le cadre du marché des quotas de CO² organisé et contrôlé par la SA Blienext en fait BlueNext en était un des acteurs principaux, que sur la période vérifiée, l'intéressée avait radicalement modifié son approvisionnement que son chiffre d'affaires avait évolué de manière exponentielle et que parmi ses fournisseurs, un grand nombre d'entre eux avait eu un fonctionnement anormal, que les services fiscaux notaient que la société Consus France ne pouvait pas ignorer que ses fournisseurs se privaient potentiellement de recettes en lui vendant des quotas de CO² à perte ; qu'il était particulièrement indiqué pour asseoir la notification en cause, que la société Consus France n'avait fait preuve d'aucune vigilance ni diligence s'agissant de ses fournisseurs, l'inspecteur des finances rédacteur de la proposition de redressement précisant qu'à aucun moment la société Consus France s'était interrogée sur l'origine de l'approvisionnement en quotas CO² de ses fournisseurs, qu'elle n'avait pas davantage souhaité savoir comment et à quel prix ces quotas avaient été acquis ni comment ses différents clients avaient pu disposer de tels volumes sur un marché nouveau, qu'à aucun moment également au cours de la vérification de comptabilité engagée, elle n'avait présenté le résultat de démarches qu'elle aurait effectuées pour justifier de ses choix et qu'il en résultait que l'administration fiscale était justifiée à lui refuser le droit à déduction de la TVA facturée par ses fournisseurs défaillants ; qu'en conséquence, il apparaît de ces éléments que le préjudice d'ordre matériel dont entend se prévaloir la société Consus France résultant selon elle du redressement fiscal qu'elle supporte, ne découle pas directement des infractions reprochées aux mis en examen, que les conséquences fiscales invoquées n'ont qu'un lien indirect avec les faits objet de l'information conduite ; qu'il convient de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Consus France ;

"1) alors que, devant la juridiction d'instruction, le demandeur n'a pas à prouver l'existence du préjudice ; qu'il suffit que les circonstances sur lesquelles il s'appuie fassent apparaître comme possible l'existence d'un préjudice en relation directe avec une infraction à la loi pénale; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la société Consus France, qu'il n'était pas justifié d'une situation circonstanciée et qu'il était juste allégué une atteinte à l'image, la chambre de l'instruction, qui a exigé de la demanderesse qu'elle prouve au stade de l'instruction l'existence même du préjudice, a méconnu les textes susvisés ;

"2) alors que, dans son mémoire déposé le 9 novembre 2011, la société Consus France faisait valoir qu'à la suite de l'information ouverte des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment, escroquerie à l'ouverture de comptes de quotas à émission de gaz à effet de serre en bande organisée, elle avait été mise en cause dans la presse et avait dû exercer un droit de réponse; que les infractions reprochées aux mis en examen avaient ainsi pu directement causer un préjudice à la société Consus France, de sorte que sa constitution de partie civile était recevable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef d'articulation essentiel, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;

"3) alors que, dans son mémoire déposé le 9 novembre 2011, la société Consus France faisait valoir que les agissements d'association de malfaiteurs, blanchiment, escroqueries à l'ouverture de comptes de quotas à émission de gaz à effet de serre en bande organisée reprochés aux mis en examen avaient entaché la perception des acteurs du marché des quotas carbone en général et la sienne en particulier; que les infractions reprochées aux mis en examen avaient ainsi pu directement causer un préjudice à la société Consus France, de sorte que sa constitution de partie civile était recevable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef d'articulation essentiel, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;

"4) alors que la société Consus France faisait valoir que l'administration fiscale lui reprochait d'avoir déduit la TVA facturée par des fournisseurs qui ne la déclaraient pas et ne la reversaient pas au Trésor ; qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que la société Consus France aurait su que ses fournisseurs mis en cause dans l'information éludaient la TVA ; que les infractions reprochées aux mis en examen avaient ainsi pu directement causer un préjudice à la société Consus France, de sorte que sa constitution de partie civile était recevable ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;

"5) alors que la circonstance, à la supposer établie, que la société Consus France n'ait pas fait preuve de diligence s'agissant de ses fournisseurs ne suffit pas à écarter l'existence possible d'un préjudice en lien de causalité avec les infractions en cause ; qu'en retenant que le redressement fiscal ne découlait pas directement des infractions reprochées aux mis en examen, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un signalement de Tracfin au procureur de la République faisant état de flux financiers suspects sur le compte bancaire d'une société spécialisée dans le courtage de droits carbone, une information judiciaire a été ouverte des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment, escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée en bande organisée, escroquerie à l'ouverture de comptes de quotas à émission de gaz à effet de serre en bande organisée ; que les investigations ont mis en évidence l'existence d'une organisation structurée destinée à percevoir, sans la restituer, cette taxe sur lesdits quotas ; que la société Consus France, dont l'objet social est le négoce en France et à l'étranger de droits d'émission de gaz à effet de serre, s'est constituée partie civile dans cette information en exposant qu'elle subissait, d'une part, un préjudice moral à la suite, dans le cadre de l'information, de l'audition de son dirigeant, dont la presse s'était fait l'écho, d'autre part, un préjudice financier occasionné par la proposition de rectification fiscale dont elle était l'objet, l'administration lui reprochant d'avoir déduit la taxe sur la valeur ajoutée facturée par des fournisseurs visés dans le périmètre de l'information judiciaire précitée, qui ne l'avaient pas reversée au Trésor ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable la constitution de partie civile de cette société, l'arrêt énonce, en premier lieu, que le préjudice moral résultant de l'atteinte portée à son image et à sa réputation est imprécis, indéterminé et ne découle pas directement des infractions reprochées aux mis en examen et, en second lieu, que le préjudice matériel résultant du redressement fiscal qu'elle supporte n'a qu'un lien indirect avec les faits, objet de l'information ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les circonstances sur lesquelles s'appuie cette constitution de partie civile ne permettent pas d'admettre comme possibles, non seulement l'existence des préjudices allégués, mais aussi la relation directe de ceux-ci avec les infractions poursuivies, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-80322
Date de la décision : 05/12/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 15 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 déc. 2012, pourvoi n°12-80322


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:12.80322
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