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05/12/2012 | FRANCE | N°12-80155

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 décembre 2012, 12-80155


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Jacques X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 24 novembre 2011, qui, pour complicité d'escroquerie, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, paragraphe 1 et paragraphe 3 c) de la Co

nvention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 410, 411, 412, 417, 591 et 593 du c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Jacques X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 24 novembre 2011, qui, pour complicité d'escroquerie, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, paragraphe 1 et paragraphe 3 c) de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 410, 411, 412, 417, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de renvoi de l'affaire, dont la cour d'appel était saisie et a jugé le prévenu en son absence et sans qu'il soit représenté par un avocat ;

"aux motifs que le prévenu M. X... est absent ni représenté ; qu'il a, par télécopie, en date du 14 octobre 2011, sollicité le renvoi de l'affaire par l'intermédiaire de son conseil Me Lalliard du barreau de Lyon affirmant avoir vainement tenté de trouver un conseil sur l'Ile de la Réunion après que Me Pascalini n'ait plus souhaité l'assister courant septembre 2011 ; que la cour a recueilli les observations de la partie civile et l'avis du ministère public, et après en avoir délibéré a rejeté la demande de renvoi ;

"1°) alors que en vertu de l'article 6, paragraphe 1 et paragraphe 3 c) de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, le prévenu a le droit de se faire assister ou représenter par un avocat ; qu'en refusant de faire droit à la demande de renvoi de l'affaire, présentée par l'avocat qui agissait au nom du prévenu, indiquait avoir été saisi tardivement par le prévenu à la suite de la défection de son précédent avocat et précisait ne pouvoir prendre connaissance du dossier et ne pouvoir se déplacer sur l'Ile de la Réunion dans un aussi bref délai, la cour d'appel qui n'a pas expliqué ce qui empêchait de prononcer le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, pour permettre l'exercice des droits de la défense, et ce alors que le prévenu avait déjà été jugé en son absence, en première instance, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, paragraphe 1 et paragraphe 3 c) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article préliminaire du code de procédure pénale ;

"2°) alors que, dès lors qu'elle constatait que le prévenu n'avait pas renoncé aux droits de la défense et à l'assistance ou la représentation par un avocat, faute d'avoir désigné un avocat commis d'office pour assurer la défense du prévenu, alors qu'elle n'ignorait pas qu'aucun avocat ne se présenterait pour assurer sa défense, en l'état d'une demande de renvoi, elle a méconnu les articles précités ;

"3°) alors qu'il résulte des articles 410 et 412 du code de procédure pénale que le prévenu, cité à personne, qui n'a pas comparu, ne peut être jugé contradictoirement, en cas d'absence à une audience ultérieure à laquelle l'affaire a été renvoyée, que s'il a été régulièrement cité à personne pour cette nouvelle audience, ou s'il est établi qu'il a eu connaissance de la citation ; qu'il résulte des pièces du dossier que le prévenu avait été convoqué pour l'audience du 20 octobre 2011 ; que l'affaire a finalement été appelée à l'audience du 10 novembre 2011 ; qu'en prononçant un arrêt contradictoire à signifier, alors que le prévenu n'avait pas été régulièrement été cité à l'audience du 10 novembre 2011, la cour d'appel a méconnu les articles précités" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ;

Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par télécopie parvenue avant l'audience, le prévenu a sollicité, par l'intermédiaire de son avocat au barreau de Lyon, le renvoi de l'affaire au motif que son précédent conseil ne souhaitait plus l'assister et qu'il n'avait pas trouvé d'avocat sur l'Île de la Réunion ;

Attendu que les juges du second degré, statuant sur cette demande, et après avoir recueilli les observations de la partie civile et du ministère public, l'ont rejetée sans aucune motivation ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'énoncer les motifs pour lesquels elle refusait de faire droit à cette demande, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 313-1 du code pénal, 388 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a, après avoir annulé le jugement entrepris, déclaré le prévenu coupable de complicité d'escroquerie et a confirmé le jugement entrepris tant sur la culpabilité que sur la peine et a dit le réformer partiellement sur l'action civile, en modifiant certaines des sommes allouées à deux parties civiles ;

"aux motifs que le jugement déféré ne comportant ni motivation ni énoncé des faits, il convient en application des dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale, de l'annuler, d'évoquer et de statuer ; qu'il ressort des déclarations des parties civiles que M. X... qui a pris attache avec certaines d'entre d'elles pour leur proposer une opération financière, expliquant ensuite que les sommes placées devaient transiter par des sociétés off shore sises au Luxembourg où elles devaient se rendre pour accomplir les formalités de création ; que l'implication de M. X... dans les faits reprochés ressort plus particulièrement des déclarations des parties civiles suivantes :
- M. Y... relatant la proposition faite par M. X... selon laquelle après transit des sommes remises (2x 32 000 frs), sans contrats, via des sociétés off-shore, il allait percevoir ainsi que M. Z... le gain de un million de DMs, offrant comme garantie une traite rédigée en langue allemande, et organisant un voyage au Luxembourg pour y créer une société permettant l'obtention des gains espérés ;
- M. Z... racontant avoir rencontré M. X... lequel s'était présenté comme courtier en financement, représentant la banque bulgare Budapest bank filiale du Groupe General Electric, et lui avait donné avec M. A... toutes les assurances sur la fiabilité de la filière de financement, lui proposant de l'aider à préparer le montage financier avant de lui remettre des documents en langue allemande ; que M. Z... ajoutait avoir ainsi remis la somme de 20 000 DMs au cours d'un rendez-vous à Paris avec MM. A... et X... qui ultérieurement ne donnaient pas suite à ses relances téléphoniques, - M. B... exposant avoir fait connaissance avec M. X... qui s'empressait de lui indiquer s'occuper de placements bancaires et boursiers mirobolants pour le compte de sté Imofi par l'intermédiaire de la Budapest bank, et lui avoir ainsi adressé par mandats la somme de 75 000 francs (dont il déclarait par la suite s être réservé la moitié) ; - M. C... expliquant que M. X... lui avait affirmé travailler pour le compte de la sté IMOFI ayant des intérêts au Luxembourg avant de lui
monter la tête " en lui disant que le placement rapporterait " beaucoup d'argent et vite ", mais qu'il fallait l'effectuer rapidement ; qu'ainsi au terme de quatre entretiens il s'était décidé à adresser 34 000 francs par mandat Western Union conformément aux instructions de M. X..., après que celui-ci lui ait fait signer un document " sur le capot d'une voiture " ; qu'il ajoutait que M. X... l'avait ensuite contacté pour lui demander un chèque de caution de 20 000 frs qu'il lui avait adressé, et qu'il signait plus tard sans en comprendre la teneur un contrat en langue allemande ; qu'enfin, M. X... ne donnait pas suite à ses relances téléphoniques.
- M. D... déclarant avoir remis à M. X... la somme de 71 000 francs en lui adressant par voie postale 7 mandats cash sans signature de " contrat ", après que celui-ci lui ait indiqué avoir un " tuyau " pour faire fructifier son argent, suivant contrat passé au Luxembourg ; que « l'ensemble de ses déclarations met remarquablement en relief le rôle d'entremetteur actif tenu par M. X... dans la commission des escroqueries ne serait-ce qu'au préjudice des parties civiles auxquelles il a fait promesse de gains alléchants, en leur présentant des tableaux de simulation, selon des placements empruntant quelque circuit tortueux de nature à voiler leur discernement, via la Budapest bank et la création de sociétés " off shore " au Luxembourg pour les convaincre à remettre des sommes d'argent ; qu'il ne saurait faire valoir qu'il ignorait l'aboutissement de la manoeuvre fondée sur un faux contrat de prêt, preuve en sont de surcroît : son expérience des opérations financières, la double circonstance qu'il n'a lui-même investi un seul centime dans les opérations qu'il recommandait et qu'il a gardé par devers lui la moitié de la somme de 75 000 francs que lui avait remis M. B... ; que, par ailleurs, M. A..., auteur principal non appelant, a formellement mis en cause M. X... au cours de leur confrontation, en expliquant que celui-ci est venu vers lui pour savoir comment fonctionnait le" système" se chargeant ensuite de recruter ses propres clients ; que la peine prononcée par le tribunal est adaptée à la personnalité du prévenu sans antécédents judiciaires et appropriée à la gravité des faits ;

"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel a annulé le jugement entrepris en ce qu'il ne comportait aucun motif ; que, cependant, dans les motifs, elle a confirmé le jugement entrepris, sur la peine ; qu'elle l'a également partiellement confirmé sur l'action civile ; que, dans le dispositif de son arrêt, elle a confirmé le jugement entrepris tant sur la culpabilité que sur la peine et partiellement sur l'action civile ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs contradictoires entre eux et avec le dispositif, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant l'intention coupable du prévenu en considérant qu'il ne saurait faire valoir son ignorance des faux contrats de prêts, alors que la prévention portait sur l'aide et l'assistance à des manoeuvres frauduleuses résultant de faux contrats de placements financiers des victimes et non de faux prêts aux prévenus, la cour d'appel n'a pu caractériser l'intention de s'associer à l'infraction principale poursuivie ;

"3°) alors que, en n'expliquant pas de quels éléments elle déduisait le fait que le prévenu avait conservé une partie des fonds remis par une victime et comment le prévenu aurait su, sans être abordé par l'auteur principal, qu'étaient en cause des faux placements, ou, selon son approche, de faux contrats de prêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Vu l'article 520 du code de procédure pénale ;

Attendu que les juges d'appel ne peuvent confirmer, après évocation, un jugement qu'ils ont annulé ;

Attendu qu'après avoir annulé, pour défaut de motivation, le jugement du tribunal correctionnel de Saint-Denis le 15 juin 2010, l'arrêt évoque l'affaire en application de l'article susvisé puis confirme le jugement sur l'action publique et le réforme partiellement sur l'action civile ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est derechef encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 novembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-80155
Date de la décision : 05/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 24 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 déc. 2012, pourvoi n°12-80155


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:12.80155
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