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05/12/2012 | FRANCE | N°11-88807

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 décembre 2012, 11-88807


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Anne-Marie X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 10 février 2011, qui, pour fraude fiscale, I'a condamnée à quinze mois d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende, trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et e

n défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Anne-Marie X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 10 février 2011, qui, pour fraude fiscale, I'a condamnée à quinze mois d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende, trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 61-1 de la Constitution, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 121-3 et 132-24 du code pénal, 1741 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, préliminaire, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe de la présomption d'innocence ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable de fraude fiscale, l'a condamnée à une peine de quinze mois d'emprisonnement ainsi qu'à une peine d'amende de 20 000 euros, a prononcé à son encontre la peine complémentaire de privation de tous ses droits civiques, civils et de famille pour une durée de trois ans et a ordonné l'affichage par extraits de la décision sur les panneaux réservés à l'affichage officiel de la commune où la prévenue réside et la publication, aux frais de cette dernière, par extraits, de la décision dans les journaux Le Maine Libre et Ouest France et dans le Journal officiel ;

"aux motifs que sur l'élément intentionnel, il doit être rappelé que Mme X... a déjà fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale pour les années 2001, 2003 et 2003 ayant donné lieu à rectification et qu'elle a déjà été condamnée pour complicité de fraude fiscale et condamnée à douze mois d'emprisonnement avec sursis outre une amende par la cour d'appel de céans le 13 novembre 2008 ; qu'il doit être relevé que la prévenue a refusé tout contact avec l'administration fiscale et n'a jamais justifié des sommes détenues ; qu'enfin, il doit être souligné qu'en 2008 Mme X... n'a pas plus déclaré ses revenus ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'il résultait de l'ensemble de ces éléments que Mme X... a bien commis les faits qui lui sont reprochés ; la juridiction du premier degré n'a en revanche pas apprécié les faits et la personnalité de la prévenue au regard de son comportement réitérant, cela au mépris des peines prononcées pour les mêmes faits ; que les peines prononcées seront donc aggravées au regard de l'attitude de la prévenue qui ne cesse de reproduire les faits d'infractions fiscales alors qu'elle a déjà reçu des avertissement pour la commission des mêmes faits ; qu'il est indubitable que le non-paiement de l'impôt sur le revenu est une infraction qui génère un trouble grave à l'ordre public, que cette infraction doit être réprimée avec la plus grande sévérité, excluant ainsi la possibilité de l'octroi d'un sursis de quelque nature qu'il soit ; que le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qui concerne le quantum de la peine d'emprisonnement, lequel sera porté à quinze mois sans sursis ; que sur l'action civile, faute de demande de réformation, les dispositions civiles du jugement seront confirmées ;

"et aux motifs éventuellement adoptés que la prévenue a déjà été condamnée pour des faits similaires au titre des années 2001 et 2002 et s'est donc sciemment soustraite à ses obligations vis-à-vis de l'administration fiscale ; qu'il convient donc d'entrer en voie de condamnation à son encontre ;

"1) alors qu'en se bornant à relever que la prévenue avait déjà été condamnée pour des faits identiques, qu'elle aurait refusé tout contact avec l'administration fiscale pendant les opérations de contrôle, qu'elle n'aurait pas justifié des sommes détenues et qu'elle n'aurait pas procédé à ses déclarations en 2006 sans constater, ne serait-ce par déduction des éléments précités, qu'à la date des faits visés par la prévention la prévenue aurait eu l'intention de se soustraire à l'impôt, la cour d'appel a violé l'article 1741 du code général des impôts, ensemble les articles 121-3 du code pénal et L. 227 du livre des procédures fiscales ;

"2) alors que l'intention ne se présume pas ; qu'en tenant pour acquise, par adoption des motifs du premier juge, l'intention coupable au regard de la seule circonstance que la prévenue avait été condamnée pour des faits identiques à ceux visés par la prévention, la cour d'appel a mis en oeuvre une présomption d'intention reposant sur les antécédents judiciaires de la prévenue et a violé les articles 121-3 du code pénal, L. 227 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire du code de procédure pénale et le principe de la présomption d'innocence ;

"3) alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en se bornant à constater que la gravité du trouble à l'ordre public que génère l'infraction de fraude fiscale impose de réprimer cette infraction avec la plus grande sévérité et exclut la possibilité de l'octroi d'un sursis sans expliquer en quoi, outre la gravité des faits, la personnalité de la prévenue rendait la peine d'emprisonnement ferme prononcée à son encontre nécessaire et exclusive de toute autre sanction, la cour d'appel a violé l'article 132-24 du code pénal ;

"4) alors qu'en s'abstenant de rechercher si la personnalité et la situation de la condamnée permettaient d'aménager la peine d'emprisonnement sans sursis ou si, au contraire, une impossibilité matérielle s'opposait à un tel aménagement, la cour d'appel a violé l'article 132-24 du code pénal ;

"5) alors qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; que les dispositions de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts ayant été déclarées contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 11 décembre 2010, en condamnant la prévenue aux peines d'affichage et de publication prévues par ces dispositions, la cour d'appel a violé l'article 61-1 précité, ensemble l'article 111-3 du code pénal";

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de fraude fiscale, l'arrêt attaqué et le jugement qu'il confirme énoncent qu'il n'est pas contesté que celle-ci n'a pas souscrit les déclarations d'ensemble des revenus personnels pour 2004 et 2005 et la déclaration de bénéfice agricole forfaitaire pour les mêmes années, alors que, faute de justificatifs, les sommes encaissées pendant cette période doivent être considérées comme des revenus ; que les juges ajoutent qu'ayant déjà été condamnée pour des faits similaires, c'est sciemment qu'elle s'est soustraite à ses obligations ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent en tous ses éléments, notamment intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le grief doit être écarté ;

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, d'une part, spécialement motivé le choix d'une peine d'emprisonnement ferme et, d'autre part, en l'absence de la prévenue régulièrement citée et faute d'éléments lui permettant d'apprécier la situation personnelle de celle-ci en vue d'aménager cette peine, justifié sa décision au regard des exigences de l'article 132-24 du code pénal ;

D'où il suit que le grief ne saurait être admis ;

Mais sur le moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution ;

Attendu qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;

Attendu que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir condamné Mme X..., déclarée coupable de fraude fiscale, à quinze mois d'emprisonnement sans sursis pour des faits commis en 2005 et 2006, l'arrêt ordonne la publication et l'affichage de la décision, sur le fondement de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des faits ;

Mais attendu que cet article a été déclaré contraire à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française, le 11 décembre 2010 ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 10 février 2011, en ses seules dispositions ayant ordonné des mesures de publication, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n' y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-88807
Date de la décision : 05/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 10 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 déc. 2012, pourvoi n°11-88807


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.88807
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