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05/12/2012 | FRANCE | N°11-14440

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 décembre 2012, 11-14440


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 novembre 2003 par la société Gonnet en qualité de chauffeur poids-lourd ; qu'il a fait l'objet, le 1er février 2008, d'une mesure de mise à pied et a été convoqué, par courrier du même jour remis en main propre, à un entretien préalable au licenciement fixé au 11 février 2008 ; que le salarié a, par courrier du 1er février 2008, adressé une lettre de démission à son em

ployeur, avant de se rétracter par courrier du 8 février suivant ; qu'estimant q...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 novembre 2003 par la société Gonnet en qualité de chauffeur poids-lourd ; qu'il a fait l'objet, le 1er février 2008, d'une mesure de mise à pied et a été convoqué, par courrier du même jour remis en main propre, à un entretien préalable au licenciement fixé au 11 février 2008 ; que le salarié a, par courrier du 1er février 2008, adressé une lettre de démission à son employeur, avant de se rétracter par courrier du 8 février suivant ; qu'estimant que sa démission lui avait été imposée sous la contrainte, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour dire que la démission doit produire ses effets, l'arrêt retient que la rétractation du salarié est tardive et que le fait qu'elle soit intervenue à un moment où l'employeur envisageait une procédure de licenciement pour faute grave n'est pas en soi suffisant pour retenir l'existence de pressions de la part de ce dernier, ce d'autant que le grief avancé pour fonder le licenciement est globalement reconnu par M. X... et était de nature à l'inciter à préférer la voie de la démission à celle du congédiement, ce afin de faire taire les raisons de la rupture ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la démission était intervenue le jour de l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave et qu'elle avait été rétractée dans un bref délai, ce dont il résultait qu'elle présentait un caractère équivoque, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement d'un rappel de salaire tenant au coefficient 150 M et de sa demande de remise sous astreinte des disques contrôlographes, l'arrêt rendu le 28 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Gonnet aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamne à payer à la SCP Yves et Blaise Capron la somme de 2 500 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail ayant existé entre M. François X... et la société Gonnet était imputable à M. François X... et d'AVOIR débouté M. François X... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« un salarié doit être considéré comme démissionnaire lorsqu'il manifeste de manière claire et non équivoque sa volonté de rompre unilatéralement le contrat de travail le liant à son employeur./ Pour être valide une démission ne doit pas avoir été donnée sous la pression de l'employeur, étant rappelé qu'il appartient au salarié d'apporter la preuve que son consentement a été vicié./ La décision pour un salarié de prendre l'initiative de la rupture de son contrat de travail afin d'échapper à un licenciement pour faute grave et éviter ainsi une situation plus désavantageuse doit produire effet, à la condition qu'elle soit librement consentie./ En l'espèce, M. François X... prétend, sans aucunement en justifier, que sa démission a été rédigée au siège de la société, sous la pression et la dictée de son employeur./ Le simple fait que la démission soit intervenue à un moment où la Sa Transports Gonnet envisageait d'engager une procédure de licenciement pour faute à son encontre n'est pas en soi suffisant pour retenir l'existence de pressions de la part de l'employeur, ce d'autant que le grief avancé pour fonder le licenciement, globalement reconnu par le salarié puisque celui-ci se contente de contester la position du disque contrôlographe au moment des faits, était de nature à inciter M. François X... à préférer la voie de la démission à celle du congédiement, ce afin de taire les raisons de la rupture./ Enfin, M. François X... a attendu huit jours avant de contester les conditions de sa démission, si bien que cette rétractation tardive n'est pas de nature à rendre équivoque la décision unilatérale du salarié de rompre son contrat de travail./ Au vu de l'ensemble de ces éléments, la démission donnée par M. François X... doit être considérée comme librement consentie./ Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la démission devait produire effet et débouté le salarié de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail » (cf., arrêt attaqué, p. 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« un courrier daté du 1er février 2008 est remis en main propre à Monsieur X... et est ainsi libellé : " … l'entreprise a repéré durant votre temps rémunéré, et ce en date du 4 janvier 2008 vers 11 heures 30-12 heures, des comportements inqualifiables alors que vous étiez formateur d'un jeune sous contrat d'apprentissage. Aussi, afin de prévenir tout nouveau trouble ou pression de quelque sorte que ce soit, nous avons décidé de vous écarter de l'entreprise pour le temps nécessaire au déroulement de la procédure et vous confirmons par la présente la mise à pied conservatoire qui vous a été signifiée oralement ce jour en mon bureau de Libercourt. Nous vous informons que nous envisageons votre licenciement. En conséquence, vous vous présenterez le 11 février 2008 à 10 heures dans le bureau de Monsieur Jean-Marc Y... … "./ Monsieur X... François démissionnait le même jour par lettre recommandée avec avis de réception, soit le 1er février 2008, en ces termes : " … Je tiens, à vous informer de ma décision de quitter l'entreprise, ceci pour raison personnelle, j'ai noté votre accord à être dispenser d'effectuer mon préavis … "./ Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 février 2008, il écrit : " … Après renseignements pris auprès des autorités administratives, il s'avère que vous avez pratiqué à mon encontre un abus de droit et par cette présente je conteste donc la démission que vous m'avez contraint d'établir, avec par ailleurs l'appui d'autres membres de votre établissement … "./ Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 février 2008, la SA Gonnet répond : " … il se trouve que nous vous avions rencontré en présence de Monsieur Frédéric Z... délégué du personnel dont la mission est notamment de veiller au respect des libertés individuelles au sein de l'entreprise … Aussi, nous vous mettons en demeure de nous faire connaître vos intentions précises concernant soit le maintien de votre démission, soit son retrait, et ce dans les plus brefs délais et en tout état de cause dans les 3 jours suivant la présentation de notre présente correspondance. Faute de réponse de votre part, nous considérerons que votre démission initiale reste valide … "./ Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 février 2008, Monsieur X... François réplique : " … J'attends donc votre pli pour sanction comme vous me laissez supposer … "./ … Attendu qu'il est constant que Monsieur X... François a remis à la Sa Gonnet un écrit daté du 1er février 2008 rédigé de manière manuscrite dans lequel il indiquait seulement : " je tiens à vous informer de ma décision de quitter l'entreprise ceci pour raison personnelle " ;/ attendu que ce courrier ne contient aucun grief à l'encontre de l'employeur que M. X... ne justifie nullement de son allégation selon laquelle il aurait été contraint de démissionner suite au refus de son employeur de répondre à ses demandes relatives au paiement de rappel de salaires par l'octroi de la qualification du coefficient 150 M en lieu et place de son coefficient 138 M ;/ qu'il ne justifie en particulier d'aucun écrit par lequel il aurait fait part à son employeur de ce grief à son encontre antérieurement à sa démission ;/ que le seul écrit de contestation produit aux débats par M. X... est le courrier qu'il a envoyé à son employeur daté du 8 février 2008 soit une semaine après sa démission dans lequel n'apparaissait pas les réclamations exposées en ce sens ;/ qu'il ne résulte donc pas de circonstances antérieures ni même contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, si bien qu'elle doit produire effet et la rupture du contrat de travail doit être considérée comme imputable au salarié qui, par suite, ne peut qu'être débouté de toutes les demandes liées à la rupture » (cf., jugement entrepris, p. 3 ; p. 5) ;
ALORS QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que la volonté du salarié de mettre fin au contrat de travail n'est ni claire ni équivoque lorsque le salarié donne sa démission alors qu'il est sous la menace d'un licenciement pour faute, lorsqu'il a rétracté cette démission quelques jours après l'avoir donnée et lorsque, mis en demeure par son employeur de faire connaître ses intentions précises, le salarié a répondu qu'il attendait la lettre de sanction de son employeur ; qu'en retenant que la démission de M. François X... devait produire ses effets, quand elle relevait qu'elle avait été donnée alors que M. François X... était sous la menace d'un licenciement pour faute, qu'il avait rétracté cette démission huit après l'avoir donnée et que M. François X..., mis en demeure par son employeur de faire connaître ses intentions précises, avait répondu qu'il attendait la lettre de sanction de son employeur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-14440
Date de la décision : 05/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 déc. 2012, pourvoi n°11-14440


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14440
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