LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 23 février 2011), que par acte sous seing privé du 13 septembre 2004, Mmes X...ont vendu aux époux Y...-Z... un terrain, la réitération par acte authentique étant prévue le 30 janvier 2005 ; qu'ayant été informées de ce que le prix du terrain ne correspondait pas à sa valeur réelle, elles ont, après l'avoir fait évaluer, assigné les acheteurs par acte du 11 mai 2005 en rescision pour lésion ;
Attendu que les époux Y...-Z... font grief à l'arrêt de constater que le prix stipulé à la promesse synallagmatique était lésionnaire et de dire qu'ils devront exercer l'option prévue par le code civil, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en déclarant que la constructibilité du terrain était " lors de la vente, sinon démontrée, à tout le moins quasi certaine, et en tout cas escomptée par les acquéreurs ", puis que le terrain litigieux était " " bel et bien constructible lors de l'échange des consentements, c'est-à-dire lors de la signature de la promesse de vente ", la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la parcelle vendue ZB 72, en l'état d'un certificat d'urbanisme négatif de 1993, n'a fait l'objet d'un certificat d'urbanisme positif que plus de quatre mois après la vente, et que la parcelle ZB 71 située juste en face avait fait l'objet d'une étude à la suite d'un indice de cavité souterraine qui avait abouti en avril 2004 à la délimitation d'un périmètre de sécurité à environ 40 mètres de la parcelle vendue ; qu'il en résultait que la constructibilité du terrain ne pouvait être certaine au moment de la signature de la promesse synallagmatique de vente le 13 septembre 2004 ; qu'en jugeant néanmoins que le contraire pour faire droit à la demande de rescision pour lésion de la vente formée par les venderesses, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1675 du code civil ;
3°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions exposants soulignant que la parcelle vendue avait fait l'objet d'un certificat d'urbanisme négatif en 1993 en raison de la probable existence d'une marnière et que ce risque de marnière sur le terrain vendu était signalé sur un document intitulé " renseignement d'urbanisme " du 7 décembre 2004, postérieur donc à la vente, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ; que les exposants critiquaient le mode d'évaluation retenu par les experts à partir de transactions bien postérieure à la vente ; qu'en se bornant à relever que " si les experts ont bien fait référence à des transactions postérieures, dans la même commune, c'est en pondérant leur montant en fonction de l'évolution du marché, pondération dont le bien fondé n'est pas lui-même remis en cause ", sans dire en quoi le coefficient de pondération retenu permettait effectivement de retrouver la valeur du bien à la date de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1675 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que les experts avaient proposé de façon unanime une évaluation de la valeur du terrain à la date de la promesse de vente de 42 000 euros en considérant que sa constructibilité était certaine et que s'ils avaient fait référence à des transactions postérieures dans la même commune, c'est en pondérant leur montant en fonction de l'évolution du marché, et relevé, d'autre part, qu'un certificat d'urbanisme positif avait été délivré un mois seulement après la signature de la promesse pour une parcelle contiguë et quatre mois après pour la parcelle en cause, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, sans contradiction, en déduire que le terrain était constructible lors de l'échange des consentements et que compte tenu de l'évaluation des experts qu'elle a retenue, le prix de vente était lésionnaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Y...-Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y...-Z... à payer la somme globale de 2 500 euros à Mmes Denise et Ghislaine X...; rejette la demande des époux Y...-Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour les époux Y...-Z....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que le prix stipulé à la promesse synallagmatique de vente du 13 septembre 2004 était lésionnaire de plus des sept douzièmes du juste prix et dit que les époux Y...-Z... devront exercer l'option prévue par les articles 1681 et 1682 du Code civil, les déboutant de leur demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE les trois experts ont fait les constatations suivantes :- le terrain est entouré de pavillons neufs ou en construction, sur des terrains pour lesquels des certificats d'urbanisme positifs ont commencé à être délivrés en octobre 2004 pour les parcelles contiguës 73 et 74,- la mairie a fait réaliser, à la suite d'un indice de cavité souterraine, une étude qui a abouti, en avril 2004, à la délimitation d'un périmètre de sécurité affectant la parcelle ZB 71 (située en face, mais de très grande taille, de sorte que le périmètre de sécurité est, d'après le plan, à environ 40 m de la parcelle ZB 72),- des terrains constructibles dans la même commune se sont vendus entre 44, 21 € le m ² en 2005 et 65 m ² en 2007, la hausse des prix de tels biens entre 2004 et 2007 étant estimée entre 35 et 40 %. Ils ont donc proposé de façon unanime une évaluation de la valeur du terrain à la date de la promesse de vente de 42 000 €, en considérant que sa constructibilité était certaine. C'est ce point que les époux Y...-Z... contestent principalement. Il est un fait que les venderesses, qui avaient obtenu en 1993 un certificat d'urbanisme négatif, n'ont pas cherché à en obtenir un nouveau avant de signer la promesse, ce qui constitue à l'évidence une imprudence. La délivrance d'un certificat d'urbanisme positif un mois seulement après la signature de la promesse, pour une parcelle contiguë, et, pour la parcelle en cause, quatre mois après, conduisent cependant à considérer, nonobstant l'appréciation (opportunément) contraire du notaire en l'étude duquel a été rédigée la promesse, que la constructibilité du terrain était, lors de la vente, sinon démontrée, à tout le moins quasi certaine, et en tout cas escomptée par les acquéreurs, qui ont confié à la relation commune (attestation Bruno B...) qui les a mis en contact avec les dames X...qu'ils considéraient leur acquisition comme un placement financier. La Cour retiendra donc, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, que le terrain litigieux était bel et bien constructible lors de l'échange des consentements, c'est-à-dire lors de la signature de la promesse de vente. Le second reproche articulé par les époux Y...-Z..., tenant à la prise en compte d'éléments postérieurs à la vente pour procéder à l'évaluation demandée, n'est pas davantage fondé. En effet, si les experts ont bien fait référence à des transactions postérieures, dans la même commune, c'est en pondérant leur montant en fonction de l'évolution du marché, pondération dont le bien fondé n'est pas lui-même remis en cause. Enfin l'argument selon lequel la commune aurait acquis, pour un prix bien inférieur, en 2001, les terrains voisins, n'est pas pertinent, compte tenu des circonstances différentes dans lesquelles ces transactions sont intervenues, puisqu'elles portaient sur une superficie très importante, et qu'un indice de cavité souterraine affectait la plus importante des parcelles, réserve qui n'a pu être levée qu'en avril 2004. Ainsi, les arguments opposés par les époux Y...-Z... aux conclusions des experts ne pouvant être admis, et ces dernières reposant sur des investigations précises et documentées, la Cour retiendra que le juste prix du terrain était lors de la vente de 42 000 €, et donc bien supérieur de plus des 7/ 12ème au prix stipulé, de sorte que la lésion est établie (seuil de la lésion = (42 000 : 12) x 7 = 24 500, insuffisance de prix = 42 000 – 15 000 = 27 000, 24 500 27 000) Les époux Y...-Z... sont donc invités à exercer l'option prévue par les articles 1681 et 1682 du code civil ;
1) ALORS QU'en déclarant, tout d'abord, que la constructibilité du terrain était « lors de la vente, sinon démontrée, à tout le moins quasi certaine, et en tout cas escomptée par les acquéreurs », puis que le terrain litigieux était « bel et bien constructible lors de l'échange des consentements, c'est-à-dire lors de la signature de la promesse de vente », la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la parcelle vendue ZB 72, en l'état d'un certificat d'urbanisme négatif de 1993, n'a fait l'objet d'un certificat d'urbanisme positif que plus de quatre mois après la vente, et que la parcelle ZB 71 située juste en face avait fait l'objet d'une étude à la suite d'un indice de cavité souterraine qui avait abouti en avril 2004 à la délimitation d'un périmètre de sécurité à environ 40 mètres de la parcelle vendue ; qu'il en résultait que la constructibilité du terrain ne pouvait être certaine au moment de la signature de la promesse synallagmatique de vente le 13 septembre 2004 ; qu'en jugeant néanmoins que le contraire pour faire droit à la demande de rescision pour lésion de la vente formée par les venderesses, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1675 du Code civil ;
3) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions des exposants soulignant que la parcelle vendue avait fait l'objet d'un certificat d'urbanisme négatif en 1993 en raison de la probable existence d'une marnière et que ce risque de marnière sur le terrain vendu était signalé sur un document intitulé « renseignement d'urbanisme » du 7 décembre 2004 (pièce n° 9), postérieur donc à la vente, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4) ALORS QUE pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ; que les exposants critiquaient le mode d'évaluation retenu par les experts à partir de transactions bien postérieure à la vente ; qu'en se bornant à relever que « si les experts ont bien fait référence à des transactions postérieures, dans la même commune, c'est en pondérant leur montant en fonction de l'évolution du marché, pondération dont le bien fondé n'est pas lui-même remis en cause », sans dire en quoi le coefficient de pondération retenu permettait effectivement de retrouver la valeur du bien à la date de la vente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1675 du code civil.
Le greffier de chambre