LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Jean-François X...,
- M. Camel Y...,
contre l'arrêt de la cour d'assises des BOUCHES-DU-RHÔNE, en date du 15 décembre 2011, qui a condamné le premier, pour complicité d'enlèvement, de détention ou séquestration de personnes en bande organisée, à cinq ans d'emprisonnement avec sursis et cinq ans de privation des droits civiques, civils et de famille, le second, pour enlèvement, détention ou séquestration de personnes en bande organisée, violences aggravées et agression sexuelle, à dix-huit ans de réclusion criminelle et cinq ans de privation des droits civiques, civils et de famille, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par Me Spinosi, pour M. Y..., pris de la violation des articles préliminaire, 310 et 315 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que le président a donné acte à Me Febbraro, avocat de l'accusé M. Y..., de ce que le témoin M. A... avait déclaré : « j'ai appris que M. X... avait été remis en liberté ; j'ai été très surpris voire choqué de ce traitement de faveur et je m'en suis ouvert au magistrat instructeur » ;
"1) alors que la procédure est nécessairement viciée lorsque la cour d'assises se borne à donner acte d'un incident sans se prononcer, comme elle est tenue de le faire, sur la réalité des faits allégués ; qu'ainsi, en se contentant de donner acte au conseil de M. Y... de ce que le témoin M. A... a fait part de sa «surprise» voire de son « choc » au regard du traitement de faveur dont avait fait l'objet M. X... sans se prononcer sur la réalité de ce fait préjudiciable à la défense, la cour d'assises a méconnu les règles susvisées ;
"2) alors qu'à tout le moins, il appartenait à la cour d'assises d'ordonner un supplément d'information afin d'obtenir des éclaircissements sur le cas de rupture dans l'égalité de traitement entre coaccusés dénoncé par un témoin acquis aux débats ; que, dès lors, en n'usant pas de son pouvoir discrétionnaire afin d'obtenir, par le moyen d'un supplément d'information, des éclaircissements sur la rupture de l'égalité entre les coaccusés, la cour d'assises n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que le président a donné acte à l'avocat de M. Y... de ce que le témoin Alain A... a déclaré : "j'ai appris que Jean-François X... avait été remis en liberté : j'ai été surpris voire choqué de ce traitement de faveur et je m'en suis ouvert au magistrat instructeur" ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations dont il ne résulte pas, en l'absence de dépôt de conclusions, que le donné acte n'ait pas été concédé dans les termes requis, le grief allégué n'est pas fondé ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Boullez pour M. X..., pris de la violation des articles 281, 329, 331, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à cinq ans d'emprisonnement avec sursis et à la privation des droits civiques, civils et de famille, pour avoir sciemment par aide ou assistance facilité la préparation ou la consommation de l'enlèvement ou de la détention ou séquestration arbitraire de M. et Mme B... sans libération volontaire avant le septième jour accompli depuis leur appréhension, commis à l'égard de plusieurs personnes détenues ou séquestrées comme otages pour obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition, en l'espèce le versement d'une rançon et en bande organisée ci-dessus spécifiés ;
"alors que, même s'il n'a pas été cité, un témoin qui est présent à l'audience est considéré comme acquis aux débats, dès lors que son nom a été régulièrement signifié à la partie à laquelle il doit l'être, de sorte qu'il doit être entendu sous serment ; qu'en mentionnant qu'il a été procédé à l'audition de Mmes C... et D... et de M. E... sans prestation de serment en vertu du pouvoir discrétionnaire du président après avoir relevé qu'ils n'avaient pas été cités sans qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal que leur nom n'a pas été régulièrement signifié et qu'ils n'étaient pas acquis aux débats, la cour a violé les dispositions précitées" ;
Attendu qu'il ne résulte ni des listes de témoins signifiées aux accusés ni d'aucune autre pièce de procédure que les témoins Mme Nicole C..., Mme Karine D... et M. Claude E... aient été cités ou dénoncés ; que, dès lors, n'étant pas acquis aux débats, c'est à bon droit que le président a procédé à leur audition sans prestation de serment, à titre de renseignements, en vertu de son pouvoir discrétionnaire ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, proposé par Me Spinosi, pour M. Y..., pris de la violation des articles préliminaire et 696-6 du Code de procédure pénale, 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Y... des chefs d'enlèvement, détention ou séquestration, violences volontaires et agression sexuelle ;
"alors qu'il résulte, de manière indiscutable, des pièces de la procédure que M. Y... avait été extradé par la Suisse pour y répondre des seuls faits d'enlèvement et de séquestration ; qu'ainsi, en le condamnant des chefs de violences volontaires et d'agression sexuelle sans rechercher si M. Y... avait renoncé au principe de spécialité de l'extradition, la cour d'assises a privé sa décision de base légale" ;
Attendu qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal que l'accusé ou son avocat aient invoqué, au cours des débats, une exception tirée de la méconnaissance du principe de spécialité de l'extradition ;
Qu'en cet état, à défaut de constatations qu'il lui appartenait de provoquer devant la cour d'assises, le demandeur est irrecevable à le faire, pour la première fois devant la Cour de cassation, celle-ci n'ayant aucun élément pour apprécier la valeur de cette exception ;
D'où il suit que le moyen mélangé de fait et de droit est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Boullez, pour M. X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 348, 351, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à cinq ans d'emprisonnement avec sursis et à la privation des droits civils, civiques et de famille, pour avoir sciemment par aide ou assistance facilité la préparation ou la consommation de l'enlèvement ou de la détention ou séquestration arbitraire de M. et Mme B... sans libération volontaire avant le septième jour accompli depuis leur appréhension, commis à l'égard de plusieurs personnes détenues ou séquestrées comme otages pour obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition, en l'espèce le versement d'une rançon et en bande organisée ci-dessus spécifiés ;
"alors que s'il résulte des débats une qualification légale autre que celle donnée par l'arrêt de renvoi, le président doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires dont il est tenu de donner lecture, sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce ; qu'en posant deux questions subsidiaires relatives à la complicité de M. X... dont il résulte seulement des mentions du procès-verbal que les parties en ont été averties avant les réquisitions et les plaidoiries, sans qu'il résulte du procès-verbal que ces questions aient été lues ou que l'accusé ou son défenseur aient renoncé à cette lecture, la cour d'appel a violé les dispositions précitées" ;
Attendu qu'en prévenant les parties, avant les plaidoiries, réquisitions et observations, qu'il envisageait de poser, comme résultant des débats, une question subsidiaire relative à la complicité, puis en en donnant lecture après la clôture des débats, le président, qui a agi de manière à permettre à chaque partie de connaître la nature de l'accusation et de disposer du temps et des facilités nécessaires pour s'expliquer sur les qualifications envisagées, a régulièrement procédé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé la société civile professionnelle Boullez, pour M. X..., pris de la violation des articles 366, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à cinq ans d'emprisonnement avec sursis et à la privation des droits civiques, civils et de famille, pour avoir sciemment par aide ou assistance facilité la préparation ou la consommation de l'enlèvement ou de la détention ou séquestration arbitraire de M. et Mme B... sans libération volontaire avant le septième jour accompli depuis leur appréhension, commis à l'égard de plusieurs personnes détenues ou séquestrées comme otages pour obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition, en l'espèce le versement d'une rançon et en bande organisée ci-dessus spécifiés ;
"alors que les mentions de la feuille de questions et les énonciations de l'arrêt de condamnation doivent, à peine de nullité, être en concordance ; qu'en retenant que M. et Mme B... n'ont pas été libérés volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de leur appréhension, bien qu'il résulte de la feuille de questions qu'il a été répondu par l'affirmative à la question de savoir si M. et Mme B... avaient été libérés volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de leur appréhension (question n° 27), la cour d'assises des Bouches-du-Rhône a violé la disposition précitée" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par Me Spinosi, pour M. Y..., pris de la violation des articles préliminaire, 362 et 366 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Y... à dix-huit années de réclusion criminelle pour avoir, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, enlevé et détenu ou séquestré M. et Mme B... sans libération volontaire avant le septième jour accompli depuis leur appréhension, et ce avec les circonstances que les faits ont été commis à l'égard de plusieurs personnes, que les personnes enlevées et détenues ou séquestrées l'ont été comme otages pour obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition, en l'espèce une rançon et en bande organisée ;
"alors que les mentions de la feuille de questions et les énonciations de l'arrêt de condamnation doivent, à peine de nullité, être en concordance ; qu'a méconnu cette règle, la cour d'assises qui a retenu que M. et Mme B... n'ont pas été libérés volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de leur appréhension lorsqu'il résulte de la feuille de questions qu'il a été répondu par l'affirmative à la question n° 27 consistant à savoir si M. et Mme B... avaient été libérés volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de leur appréhension" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la peine encourue n'étant pas déterminée par la question de savoir si les victimes avaient été libérées volontairement avant le septième jour, dès lors qu'il avait été répondu, par l'affirmative, à la question n° 26 "ledit ordre ou ladite condition ont-ils été exécutés ?", le défaut de concordance entre l'arrêt de condamnation et la feuille de questions est dépourvu de portée ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Spinosi, pour M. Y..., pris de la violation des articles préliminaire du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que, pour déclarer M. Y... coupable d'enlèvement, détention ou séquestration, violences volontaires et agression sexuelle, la cour d'assises s'est bornée à apposer la mention « oui à la majorité de dix voix au moins » aux questions qui lui étaient posées s'agissant de cet accusé ;
"alors qu'il résulte de la jurisprudence conventionnelle (Taxquet c/Belgique, CEDH, grande chambre, 16 septembre 2010, Requête n° 926/05) que ne répond pas aux exigences de motivation du procès équitable la formulation des questions posées au jury, vague et abstraite, qui ne permet pas à l'accusé de connaître les motifs pour lesquels il est répondu positivement ou négativement à celles-ci ; qu'en condamnant M. Y... des chefs d'enlèvement, détention ou séquestration, violences volontaires et agression sexuelle, en l'absence de considérations de fait lui permettant de comprendre les raisons concrètes pour lesquelles il a été répondu positivement ou négativement à chacune des questions posées à la cour et au jury, la cour d'assises a méconnu le sens et la portée des dispositions conventionnelles en privant le demandeur du droit à un procès équitable" ;
Attendu que sont reprises dans l'arrêt de condamnation les réponses qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés composant la cour d'assises d'appel, statuant dans la continuité des débats, à vote secret et à la majorité qualifiée des deux tiers, ont données aux questions sur la culpabilité, les unes, principales, posées conformément au dispositif de la décision de renvoi, les autres, subsidiaires, soumises à la discussion des parties ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'ont été assurés l'information préalable sur les charges fondant la mise en accusation, le libre exercice des droits de la défense ainsi que le caractère public et contradictoire des débats, l'arrêt satisfait aux exigences légales et conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Lazerges conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;