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28/11/2012 | FRANCE | N°11-16638

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 novembre 2012, 11-16638


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu l'article L. 1237-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé par la société Le Ruisseau à compter du 15 juillet 2003 en qualité d'aide cuisinier, puis de cuisinier, a donné sa démission le 3 mars 2006 ; que contestant cette démission, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités au titre de la rupture ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que selon l'attestation de M. Y..

., "responsable soir", celui-ci avait, à la demande de M. X..., qui lui avait...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu l'article L. 1237-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé par la société Le Ruisseau à compter du 15 juillet 2003 en qualité d'aide cuisinier, puis de cuisinier, a donné sa démission le 3 mars 2006 ; que contestant cette démission, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités au titre de la rupture ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que selon l'attestation de M. Y..., "responsable soir", celui-ci avait, à la demande de M. X..., qui lui avait dit qu'il allait quitter la société, établi sous sa dictée en trois exemplaires la lettre de démission que le salarié a prise chez lui avant, le lendemain, de lui en remettre un exemplaire signé "pour le patron", cette attestation étant confirmée par celles d'autres salariés, selon lesquelles M. X... avait annoncé à des membres du personnel et à des clients, avant la date de la lettre de démission, son intention de quitter son emploi pour un autre et avait organisé le 10 mars 2006 une fête avant son départ ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de démission n'indiquait ni la date de sa prise d'effet, ni la durée de préavis, et que la relation de travail s'était poursuivie, ce dont il résultait que la démission était équivoque, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Le Ruisseau aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Le Ruisseau et la condamne au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Le Bret-Desaché, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes.
- AU MOTIF QUE la société à responsabilité LE RUISSEAU produit la lettre dactylographiée du 3 mars 2006, sur laquelle M. Lazar X... a porté ses nom et prénom ainsi que sa signature, prie M. Z..., représentant légal de la société, d'accepter « cette lettre de démission de mon emploi de cuisinier au Bougnat Bar » et ajoute « mon dernier jour travaillé sera à convenir au plus tôt, les jours de congés payés acquis jusqu'alors devant être pris en compte » ; M. Lazar X... rappelle que la démission du salarié doit résulter d'une volonté libre, claire et non équivoque de rompre le contrat de travail. Il soutient que tel n'était pas son cas puisqu'il ne sait ni lire ni écrire le français, que cette lettre a été rédigée par l'employeur et signée dans le bureau du directeur M.
Z...
, à l'issue d'un entretien très tendu, qu'il a d'autant moins compris la portée de cette lettre qu'elle n'indique aucune date de cessation d'activité ni de durée de préavis. Il ajoute avoir pensé qu'il allait faire l'objet d'un licenciement, a d'ailleurs continué à travailler jusqu'au 16 mars 2006 et saisi le bureau de conciliation très rapidement soit le 17 mars 2006 après avoir été informé par un conseiller syndical de la portée de cette lettre. Il produit une attestation de M. Anthony A... qui déclare que « le responsable du restaurant Le Bougnat Bar m'a montré la lettre de démission de Monsieur M Lazar X... avant même que celui-ci passe au restaurant pour la signer. Cette lettre a été rédigée par la direction du restaurant qui a demandé ensuite à Monsieur M. Lazar X... de la signer dès son arrivée ». Cette attestation est cependant formellement contredite par celle de M. Jérémie Y..., responsable soir au Bougnat Bar qui déclare que M. Lazar X... est venu le voir pour lui dire qu'il allait quitter la société, lui a demandé de lui écrire un courrier le 3 mars 2006 allant dans ce sens, qu'il a établi cette lettre sous sa dictée en trois exemplaires que l'intimé a pris chez lui afin de les signer, qu'il lui en a remis un exemplaire signé le lendemain qu'il a donné « au patron » ; M. Jérémie Y... précise, dans une nouvelle attestation du 12 février 2010, avoir tapé cette lettre le 3 mars 2006 à la demande de M. Lazar X... et sous sa dictée et l'avoir imprimé en trois exemplaires remis à celui-ci. Il ajoute que la décision de démissionner de M. Lazar X... était très claire, qu'il avait informé l'ensemble de ses collègues de ce qu'il avait trouvé un autre travail et qu'il quitterait l'entreprise le 10 mars suivant. Il sera observé qu'à la date de la seconde attestation, M. Jérémie Y..., n'était plus salarié de la société à responsabilité LE RUISSEAU et qu'en tout état de cause, l'existence d'un lien de subordination avec l'employeur ne suffit pas à considérer que les témoignages sont de pure complaisance. Mme Seloua B..., serveuse en salle, atteste également que M. Lazar X... lui avait fait part dès le début du mois de mars 2006 de son intention de quitter son emploi, avait demandé à M. Jérémie Y..., alors responsable de bar, de lui rédiger sa lettre de démission, et que celui-ci avait tapé cette lettre sur un ordinateur sous la dictée de l'intimé, en avait imprimé trois exemplaires, remis à celui-ci, qui en avait rapporté un signé le lendemain. M. Frédéric C..., adjoint de direction, témoigne également de ce que M. Lazar X... lui avait fait part de sa décision de « finir définitivement sa collaboration en tant qu'employé en date du 10 mars 2006 ». L'appelante verse également aux débats des attestations de M. Pascal D..., Philippe E..., et Mohamed F... salariés de la société à responsabilité Le Ruisseau, faisant état de la volonté clairement manifestée par l'intimé de démissionner, M. Mohamed F..., M. H... et Madame Marie-Christine I..., ces deux derniers étant des clients, précisant que Monsieur X... avait organisé « une petite fête » le vendredi 10 mars avant son départ. Le fait que le samedi 11 mars dans la soirée ainsi que les 14, 15 mars et 16 mars 2006, M. Lazar X... se soit présenté dans les locaux de la société à responsabilité LE RUISSEAU afin de travailler ne suffit pas à, entacher d'équivoque sa démission qui résulte d'une lettre écrite sous sa dictée non par le représentant légal de la société mais par un autre salarié, étant observé que l'appelante fait valoir sans être contredite que le revirement ultérieur du salarié peut s'expliquer par le fait qu' il n'a pas été retenu dans son nouvel emploi. De même est sans incidence le fait que cette lettre ne fixe pas la date de la fin du contrat puisqu'il résulte des attestations produites que M. Lazar X... avait fixé cette date au 10 mars 2006 à laquelle il avait repris ses affaires. Il s'ensuit que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a considéré que cette démission devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société à responsabilité LE RUISSEAU au paiement des indemnités de rupture et dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail, M. Lazar X... étant ainsi déboutée de toutes ses prétentions.
- ALORS QUE D'UNE PART la démission ne peut résulter que d'une manifestation non équivoque de volonté de la part du salarié ; que n'exprime pas une volonté de démission claire et non équivoque la lettre qui, bien que signée par le salarié, n'a pas été rédigée par celui-ci qui ne sait ni lire ni écrire le français de telle sorte qu'il n'a pas pu en vérifier le contenu ; qu'il en résulte que même s'il a signé la lettre de démission, il n'était pas certain qu'il en ait saisi le sens et la portée, la cour ayant d'ailleurs constaté que Monsieur X... avait continué à travailler après le 3 mars 2006, date de la lettre de démission jusqu'au 16 mars, date à laquelle il a eu une altercation avec son patron ; qu'il s'ensuit que sa volonté de démissionner était équivoque qu'elle n'avait d'ailleurs pu produire aucun effet ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une volonté non équivoque de démissionner, a violé l'article 1237-1 du code du travail ;
- ALORS QUE D'AUTRE PART ne constitue pas une manifestation de volonté suffisante de la part du salarié le fait d'avoir annoncé son intention de démissionner ; que les attestations de tiers, pour la plupart salariés ou clients également de l'entreprise ne peuvent suppléer une manifestation de volonté du salarié lui-même ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une volonté non équivoque de démissionner, a violé l'article 1237-1 du code du travail ;
- ALORS QUE DE TROISIEME PART et en tout état de cause, la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ; que dans ses conclusions d'appel (p 2 § 5 et 6 et p 3 § 1 et s), Monsieur X... avait fait valoir que le 16 mars 2006, il avait été contraint de déposer une main courante à la suite du comportement de son employeur qui le 15 mars 2006, alors qu'il était venu travailler, lui avait demandé de quitter les lieux, l'avait attrapé par le col, l'avait insulté provoquant ainsi l'intervention des forces de l'ordre ; que dès les 17 mars il avait saisi le Conseil de Prud'hommes aux fins de voir requalifier sa prétendue démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que dès lors en s'abstenant de répondre à ces conclusions péremptoires qui étaient de nature à influer sur la décision entreprise si elles avaient été prises en considération et à démontrer l'existence de pression de la part de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-16638
Date de la décision : 28/11/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 nov. 2012, pourvoi n°11-16638


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.16638
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