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27/11/2012 | FRANCE | N°11-24654

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 27 novembre 2012, 11-24654


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, qu'il existait un chemin matérialisé en limite Nord des parcelles 42, 41 et 40 jusqu'à la limite est de la parcelle 38 de Mme X..., que le recul de la clôture grillagée de la propriété de cette dernière en cette limite Est ne s'expliquait que par le respect de l'assiette du chemin litigieux assurant la liaison de celui-ci avec la parcelle n° 59 de M. Y..., que le ponceau remplaçant un ancien pont trouv

ait sa justification dans la communication avec ce chemin de l'actuel...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, qu'il existait un chemin matérialisé en limite Nord des parcelles 42, 41 et 40 jusqu'à la limite est de la parcelle 38 de Mme X..., que le recul de la clôture grillagée de la propriété de cette dernière en cette limite Est ne s'expliquait que par le respect de l'assiette du chemin litigieux assurant la liaison de celui-ci avec la parcelle n° 59 de M. Y..., que le ponceau remplaçant un ancien pont trouvait sa justification dans la communication avec ce chemin de l'actuel fonds Y... constitué par la réunion de diverses parcelles ayant appartenu à des propriétaires différents qui ne disposaient d'aucun autre accès que par le chemin litigieux, la cour d'appel a, motivant sa décision par adoption des motifs des premiers juges, caractérisé l'usage exclusif de ce chemin pour la desserte des fonds riverains et son utilité pour la parcelle de M. Y... ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement retenu que le dépôt de branchages par M. Y... et l'apposition d'un panneau interdisant l'accès au chemin passant sur sa propriété, s'inscrivait dans le cadre du présent contentieux, sans incidence sur le fond du litige et qu'il n'était ni prétendu, ni justifié, qu'il ait refusé de participer à des travaux d'entretien, la cour d'appel a pu en déduire que M. Y... n'avait pas renoncé à ses droits sur ledit chemin ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la bande de terrain située en limite est de la parcelle AH n° 38 appartenant à Madame Mireille X... constitue un chemin d'exploitation sur une largeur de quatre mètres et une longueur allant de l'intersection avec le chemin d'accès à cette parcelle, venant de la limite nord de la parcelle AH n° 40 appartenant à Pierre A..., jusqu'à l'angle sudest de la parcelle AH n° 59 appartenant à Dominique Y... et condamné en conséquence Madame X... à enlever tout obstacle empêchant la libre circulation sur ce chemin sous astreinte,
AUX MOTIFS QUE « par des motifs pertinents que la Cour adopte, le premier juge a à bon droit retenu l'existence du chemin d'exploitation revendiqué par Monsieur Y..., et condamné Madame X... à enlever tout obstacle empêchant la libre circulation sur ce chemin ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré » (arrêt, p. 3),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Il résulte des dispositions des articles L. 162-1 à L. 162-3 du code rural que les chemins d'exploitation sont ceux qui servent à la communication entre divers fonds et à leur exploitation. L'assiette de ces chemins est implantée sur les fonds desservis. Ces chemins résultent des pratiques anciennes des exploitants agricoles induites par la configuration des lieux, sans que les intéressés aient cru bon de formaliser ces passages par des servitudes conventionnelles. Ils ne peuvent être supprimés qu'avec le consentement de l'ensemble des propriétaires des fonds desservis, quand bien même ceux-ci auraient perdu leur vocation agricole. A titre préliminaire, le tribunal observe qu'on ne peut tirer aucune conséquence de droit du rapport du cabinet TEXA, intervenu à la demande de l'assureur de M. Y.... Le rédacteur de ce document commet une erreur de droit en évoquant une servitude trentenaire alors qu'il résulte de l'article 691 du code civil qu'une servitude de passage, par nature discontinue, ne peut s'acquérir que par titre et non par prescription. Curieusement, ce rapport fait état de l'enclavement de la propriété Y... par le fait qu'elle serait dépourvue d'autre accès du fait de la présence du cours d'eau le Sénot, alors qu'aucun débat ne s'est instauré quant à une situation d'enclavement pouvant justifier une servitude légale de passage. Tout au plus le rapport TEXA permet-il d'apprendre que Mme X..., sous le couvert d'une prétendue activité agricole, a clôturé sa parcelle pour en faire un site d'agrément avec l'installation d'un mobil-home dont la légalité est pour le moins douteuse en zone agricole... L'ancien cadastre, s'il contient en pointillés le tracé du chemin depuis la voie vicinale n° 10 jusqu'à la parcelle 41 (anciennement E 357) ne décrit pas la suite de ce tracé. Cependant, il résulte des pièces versées aux débats et il n'est pas contesté que le chemin est bien matérialisé en limite Nord des parcelles 42, 41 (Y...) et 40 (A...) jusqu'à la limite Est de la parcelle 38 (X...). Une attestation de Serge B..., ami de Mme X..., décrit d'ailleurs ce chemin comme le chemin d'accès à la propriété X.... Le procès-verbal de bornage amiable établi les 6 et 13 avril 2004 par le géomètre-expert Joël C... fait ressortir que la clôture grillagée de la propriété X... n'épousait les limites de la parcelle que sur ses faces Ouest et Sud, alors qu'elle se trouvait en recul de plusieurs mètres en ses limites Nord et Est. Le recul en limite Nord se justifie par l'existence d'un fossé ou canal d'arrosage. En revanche, force est de constater que le recul en limite Est ne s'explique pas autrement que par le respect de l'assiette du chemin litigieux, assurant la liaison entre le chemin d'accès précédemment décrit et la parcelle 59 (Y...) au Nord. Cette situation est confirmée par la présence d'un ponceau constitué d'une buse en béton enjambant le fossé, matérialisé sur le plan de M. C... et dont il n'est pas contesté qu'il a été installé en remplacement d'un ancien pont de pierres. Les origines de propriété contenues dans les actes d'acquisition des parcelles 59 (Y...) et 38 (X...) démontrent que ces terrains appartenaient de très longue date à des propriétaires distincts. Le pont ne trouvait donc pas sa justification dans l'exploitation d'une propriété unique mais dans la communication de l'actuel fonds Y... avec le chemin d'accès déjà décrit. Qui plus est, la parcelle 59 de M. Y... est constituée par la réunion des parcelles E 368 à 372 dont l'acte d'acquisition du 22 octobre 1970 révèle qu'avant d'être réunies entre les mains du vendeur Charles D..., elles appartenaient à des propriétaires distincts. Or, sauf à longer le fossé d'irrigation, les parcelles 368 et 369 (situés les plus à l'Est) ne disposaient d'aucun accès autre que le chemin litigieux. Il est produit aux débats deux clichés aériens IGN de 1947 et 1973 : Si le premier reste difficile à interpréter à raison d'un flou relatif de l'image et de l'existence de végétations, le second fait nettement ressortir le chemin revendiqué sur la parcelle X... jusqu'à la parcelle Y.... Les témoignages versés aux débats par le demandeur sont dépourvus d'équivoque :- Pierre E..., auteur de Mme X..., certifie que les consorts Y...- et avant eux leur auteur D...- accédaient à la parcelle 59 par le passage litigieux. Force est de constater que s'il y avait eu une quelconque réserve au passage de ses voisins sur sa propriété, M. E... n'aurait pas manqué de faire valoir ses droits.- Marcelle A..., veuve d'Henri A... ancien exploitant des parcelles 39 et 40, et Pierre A..., actuel propriétaire de ces parcelles, témoignent dans le même sens. La défenderesse met en cause ces témoignages au motif qu'un litige l'oppose à la famille A.... Au vu des pièces qu'elle produit, le prétendu litige porte sur un simple problème de remplacement de cyprès dégradés par des chevaux, affaire devant donner lieu à une prise en charge de l'assureur de M. A.... Ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la crédibilité de leurs dires, conformes à ceux de M. E.... Mme X... prétend apporter la preuve contraire en versant aux débats un courrier de Denyse F..., s'exprimant pour les consorts F... propriétaires de la parcelle 51 située en bordure Ouest du passage litigieux. Mme F... expose d'abord que sa famille accédait à sa parcelle par un autre chemin longeant le canal d'irrigation : Ce fait ne remet pas en cause l'existence du chemin litigieux dès lors que la famille F... bénéficiait ainsi d'un accès plus court depuis le chemin vicinal et n'avait donc aucun motif à emprunter le chemin qui fait débat. Le seul fait que le chemin n'ait pas été utilisé par l'un des riverains qui aurait pu y prétendre n'enlève pas sa qualité de chemin d'exploitation, sauf à démontrer que l'accès ne lui en aurait pas été autorisé, ce qui n'est pas le cas. Ensuite, le témoin affirme qu'il n'existait aucune voie carrossable, ce qui ne constitue pas un critère d'existence du chemin d'exploitation, lequel peut n'être accessible qu'à des engins agricoles. Enfin, Mme F... critique le fait qu'un arrondi a été créé à l'angle Sud de son terrain familial, ce qui correspond à l'intersection entre la portion du chemin longeant les parcelles 42, 41 (Y...) et 40 (A...) et la portion litigieuse sur la parcelle 38 (X...). Il n'appartient pas au Tribunal d'apprécier si cet arrondi constitue un débordement abusif sur la propriété F... ou s'il s'incorpore dans l'assiette du chemin d'exploitation. Au demeurant, cet arrondi serait fort ancien puisqu'il apparaît matérialisé sur les clichés IGN de 1947 et 1973. En tout état de cause, cet élément est sans conséquence sur le présent litige. Mme X... entend dénier l'existence d'un chemin d'exploitation en faisant valoir que le demandeur lui-même a déposé des branchages et apposé un panneau lui interdisant l'accès au chemin passant sur sa propriété. Ce fait, peut-être initié par une mauvaise suggestion contenue dans le rapport du cabinet TEXA, s'inscrit en réalité dans le cadre du présent contentieux, qui s'est exacerbé jusqu'à donner lieu à de violentes altercations entre M. Y... et Mme X... et son ami M. B.... L'obstruction ainsi faite au passage est sans conséquence sur le fond du litige : Dès lors que le demandeur revendique l'existence d'un chemin d'exploitation, il ne peut qu'en laisser le libre accès aux fonds riverains et, par conséquent, à Mme X... et à ses ayant-droits. Enfin, Mme X... soutient que M. Y... aurait renoncé à tout droit sur un éventuel chemin d'exploitation en ne contribuant pas à son entretien, au mépris des dispositions des articles L. 162-2 et L. 162-4 du code rural. Or, il n'est pas prétendu ni justifié que de quelconques travaux d'entretien du chemin, qui n'est qu'un chemin de terre non empierré ni goudronné, auraient été envisagés et qu'une participation aurait été refusée par le demandeur. Cet argument est ainsi sans pertinence. Au regard de ces éléments, sans qu'il soit besoin d'une expertise, il est établi que la portion de chemin située sur la parcelle 38 de Mme X... est bien la continuation d'un chemin d'exploitation traversant notamment les parcelles 42, 41 (Y...) et 40 (A...) et aboutissant à la parcelle 59 de M. Y.... La défenderesse ne pouvait donc le supprimer sans l'accord du demandeur et, en conséquence, est tenue de le rétablir. Cela étant, en l'absence d'indication précise quant à la largeur du chemin, le rétablissement du passage doit être ordonné dans la limite de largeur nécessaire au passage d'engins agricoles. En l'espèce, une largeur de quatre mètres est estimée suffisante. Sur les demandes accessoires :- Le rétablissement du passage sera garanti par une mesure d'astreinte de 50 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois après signification du jugement, ce délai étant amplement suffisant pour faire réaliser la dépose d'un simple grillage. M. Y... ne justifie pas d'un préjudice matériel particulier consécutif à l'obstruction du passage. Il ne justifie pas plus d'un préjudice moral, étant noté que son comportement n'a pas été toujours des plus élégants... Par suite, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts. La défenderesse qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles et supportera ceux du demandeur, ainsi que les dépens. Le caractère infondé de l'obstruction du passage par la défenderesse justifie une mesure d'exécution provisoire » (jugement, p. 2 à 4),

1°) ALORS QUE les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation ; qu'en l'absence de titre, ils sont présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun au droit de soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés ;
Que Monsieur Y... prétendait qu'il existait un chemin d'exploitation et sollicitait que Madame X... rétablisse la libre circulation sur ce chemin ; que Madame X... contestait l'existence d'un tel chemin d'exploitation, faisant valoir au surplus que Monsieur Y... avait décidé de clore ses parcelles ce qui faisait obstacle à toute circulation sur le chemin querellé ; que la cour d'appel a elle-même constaté l'existence d'une « obstruction » au passage par Monsieur Y... ;

Qu'en décidant cependant qu'il existait un chemin d'exploitation, sans rechercher si le prétendu chemin servait exclusivement à l'exploitation ou à la desserte des fonds riverains, et s'il présentait un intérêt pour Monsieur Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 162-1 du code rural ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE tous les propriétaires dont les chemins et sentiers desservent les fonds sont tenus les uns envers les autres de contribuer, dans la proportion de leur intérêt, aux travaux nécessaires à leur entretien et à leur mise en état de viabilité et les intéressés peuvent s'affranchir de toute contribution en renonçant à leurs droits soit d'usage, soit de propriété sur le chemin d'exploitation ;
Que Madame X... faisait valoir que Monsieur Y... avait décidé de clore sa propriété et disposé des morceaux de bois et des branchages sur les éventuels chemins d'accès ; que la cour d'appel n'a pu que convenir, par des motifs adoptés, que « le demandeur lui-même a déposé des branchages » et qu'il obstruait le passage ;
Qu'en décidant cependant que Monsieur Y... était bien fondé à solliciter le rétablissement d'un chemin d'exploitation sans rechercher s'il n'avait pas implicitement renoncé à ses droits sur le chemin d'exploitation en fermant l'accès à sa propriété sur l'assiette dudit chemin et en disposant des tas de bois et des branchages sur ladite assiette du chemin, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 162-2 et L. 162-4 du code rural ;
3°) ALORS QUE l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ;
Que la cour d'appel a statué au seul motif propre que « par des motifs pertinents que la Cour adopte, le premier juge a à bon droit retenu l'existence du chemin d'exploitation revendiqué par Monsieur Y..., et condamné Madame X... à enlever tout obstacle empêchant la libre circulation sur ce chemin » ;
Qu'en statuant par cette seule motivation de pure forme, la cour d'appel n'a pas satisfait à son obligation de motivation et a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-24654
Date de la décision : 27/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 15 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 27 nov. 2012, pourvoi n°11-24654


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.24654
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