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27/11/2012 | FRANCE | N°11-22798

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2012, 11-22798


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2011), que s'estimant insuffisamment informé sur le projet dénommé "Sequana" de rapprochement entre la Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des Banques populaires dans le cadre d'un "nouvel organe central", le comité d'entreprise de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France ainsi que les syndicats CGT du personnel de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France et Sud des Caisses d'épargne, ont saisi en référé le président du

tribunal de grande instance afin qu'il prononce la suspension de la mise ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2011), que s'estimant insuffisamment informé sur le projet dénommé "Sequana" de rapprochement entre la Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des Banques populaires dans le cadre d'un "nouvel organe central", le comité d'entreprise de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France ainsi que les syndicats CGT du personnel de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France et Sud des Caisses d'épargne, ont saisi en référé le président du tribunal de grande instance afin qu'il prononce la suspension de la mise en oeuvre du projet "Sequana" ; que saisi au fond par la Caisse d'épargne d'Ile-de-France, le tribunal de grande instance a constaté que le comité d'entreprise avait été régulièrement informé et consulté ; que le comité d'entreprise de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France s'est désisté de l'appel interjeté contre ce jugement ;
Attendu que le syndicat CGT du personnel de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état l'ayant déclaré irrecevable en son appel, alors, selon le moyen :
1°/ que conformément à l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que l'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, caractérisée, notamment, par le fait, pour l'employeur, de s'abstenir de transmettre au comité des informations précises et écrites de nature à lui permettre de formuler un avis motivé sur le projet de décision qui lui est soumis, porte nécessairement atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'un syndicat représente ; que la consultation du comité d'entreprise n'a en effet pas lieur dans l'intérêt dudit comité mais dans l'intérêt des salariés ; qu'il en résulte que les syndicats professionnels sont recevables à agir, non seulement pour demander la consultation du comité d'entreprise lorsque celle-ci est obligatoire, mais également, lorsque l'information du comité a été incomplète, pour solliciter la reprise de la procédure de consultation et la suspension du projet litigieux ; qu'en jugeant du contraire, au motif qu'il appartenait au seul comité d'entreprise d'apprécier la régularité et la pertinence des modalités de la procédure de consultation, alors que la recevabilité de l'action syndicale dans l'intérêt collectif de la profession n'est pas subordonnée à l'existence d'une action individuelle de la personne dont les intérêts sont directement lésés, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble les articles L. 2323-4 et L. 2328-1 du code du travail ;
2°/ que la méconnaissance par l'employeur des dispositions de l'article L. 2323-4 du code du travail, l'obligeant à transmettre au comité d'entreprise des informations précises et écrites de nature à lui permettre de formuler un avis motivé sur le projet de décision qui lui est soumis, est, en lui-même, générateur d'un préjudice subi par la profession à laquelle appartient le personnel de l'entreprise et dont les syndicats qui représentent cette profession ont qualité pour demander réparation ; qu'en jugeant dès lors le syndicat CGT du personnel de la CEIDF irrecevable en son appel tendant à l'infirmation du jugement l'ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession du fait de l'insuffisance des informations remises au comité d'entreprise de la CEIDF dans le cadre de sa consultation sur le projet «Sequana», la cour d'appel a derechef violé les articles L. 2132-3, L. 2323-4 et L. 2328-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le comité d'entreprise s'était désisté de son appel, acquiesçant ainsi au jugement ayant constaté qu'il avait été régulièrement informé et consulté, la cour d'appel a exactement décidé que le syndicat, qui ne caractérisait par ailleurs l'existence d'aucun fait susceptible de porter un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, était irrecevable à agir ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat CGT du personnel de la Caisse d'épargne Ile-de-France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT du personnel de la Caisse d'épargne Ile-de-France
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le syndicat CGT du personnel de la CEIDF irrecevable en son appel du jugement rendu le 27 octobre 2009 par le Tribunal de grande instance de PARIS.
AUX MOTIFS QU'au terme de l'ordonnance entreprise il a été retenu que si l'article L.2132-3 du code du travail permet à un syndicat professionnel de se prévaloir, en l'absence du CE à l'instance, et sans demande de celui-ci de ce chef, d'un défaut de consultation du CE pour demander des dommages et intérêts à raison d'un préjudice propre ou d'un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, et pour voir contraindre l'employeur à procéder à cette consultation, en revanche, il ne lui est pas permis de le faire seul alors que la consultation a déjà eu lieu et que le litige porte sur l'appréciation de la validité de l'information/consultation mise en oeuvre, ce qui relève d'une prérogative propre au CE, comme en l'espèce, compte tenu de la réalité d'une telle information/consultation et du désistement de son appel par le CE ; que pour s'opposer le syndicat CGT CEIDF, qui soutient seul aujourd'hui ce déféré, conteste d'abord que le désistement du CE vaille reconnaissance à son profit d'une information suffisante pour rendre un avis et qu'il ne s'explique que par un changement de majorité en son sein, et affirme ensuite qu'il a bien un intérêt à agir pour réclamer, non pas un retour en arrière dans la mise en oeuvre du projet SEQUANA, ni même sa suspension, mais seulement de voir constater que l'information/consultation du CE n'a pas été suffisante pour être régulière, et donc de voir condamner la CAISSE D'ÉPARGNE ILE DE FRANCE à lui verser des dommages et intérêts pour violation des prérogatives du dit CE et atteinte à l'intérêt collectif de la profession ; qu'au contraire la CAISSE D'ÉPARGNE ILE DE FRANCE soutient la parfaite pertinence de la décision déférée ; que, pour la Cour, au visa des articles 384, 385, 400, 401 et 403 du code de procédure civile, il y a lieu de dire que le désistement d'appel formalisé par le C.E. de la CEIDF, par les conclusions sus visées et non discutées quant à leur régularité, emporte nécessairement acquiescement au jugement dont appel, qui a décidé par voie de constatation à son dispositif que son information avait été régulière dans le cadre du projet SEQUANA ; que dans ces conditions il s'impose pour la Cour de relever que les demandes du syndicat CGT CEIDF au soutien de son appel du dit jugement, font nécessairement et évidemment dépendre sa prétention à des dommages et intérêts de la reconnaissance d'une insuffisance de qualité et de consistance de cette même information/consultation mise en oeuvre au profit du CE, sauf à la priver de tout support ; que dès lors syndicat CGT CEIDF ne peut prétendre, en l'espèce, à l'existence à son profit de l'intérêt à agir qui lui est reconnu, en application de l'article L.2132-3 du code du travail, pour obtenir du juge des référés, par voie de remise en état et en vue de faire cesser un trouble manifestement illicite, la réparation d'une omission d'un employeur à mettre en oeuvre une procédure d'information/consultation au profit d'un CE, quand celle-ci lui est due, même en l'absence de ce dernier à l'instance et sans demande de ce chef de sa part ; qu'en effet il y a lieu de retenir que si l'action à caractère collectif reconnue au syndicat, au sens de l'article L.2132-3 du code du travail, l'autorise à obtenir le respect des dispositions légales imposant l'existence d'une procédure d'information/consultation dans l'entreprise au profit de l'institution représentative du personnel en place, en revanche cette dernière, ici le C.E. de la CEIDF, reste seule en charge de l'appréciation in concrète de la régularité et de la pertinence des modalités d'une telle procédure qui a effectivement été mise en oeuvre ; qu'effectivement il convient de ne pas confondre les rôles respectifs d'un syndicat et d'une institution représentative du personnel, ici le CE, au regard des différences quant à leur constitution, leur finalité et les pouvoirs qui leur sont à chacun dévolus pour y parvenir ; qu'ainsi, si l'action syndicale peut accompagner l'action du CE en défense du bon exercice de ses prérogatives, elle ne peut s'y substituer ;
Et AUX MOTIFS, adoptés, QUE l'article L.2132-3 du code du travail permet à un syndicat professionnel de se prévaloir du défaut de consultation du comité d'entreprise pour demander que des dommages et intérêts lui soient alloués en justifiant, soit d'un préjudice propre, soit d'un préjudice cause à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, et que l'employeur soit contraint de consulter le comité d'entreprise, alors que ce dernier n'est pas partie è l'instance et ne formule pas officiellement de demande de consultation ; que, par contre, ce texte ne permet pas à un syndicat professionnel de faire, seul, le même type de demandes lorsque la consultation a déjà eu lieu et que le litige ne porte que sur l'appréciation de la validité de l'information et de la consultation du comité d'entreprise, laquelle constitue une prérogative propre de celui-ci ; qu'il n'est pas contesté, en l'espèce, que le comité d'entreprise a été informé et consulté ; que, dès lors que le comité d'entreprise s'est désisté de son appel, les syndicats professionnels n'ont pas d'intérêt à agir pour faire juger qu'une prérogative propre de ce comité a été violée, peu important les motifs pour lesquels il s'est désisté ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, de prendre acte du désistement du comité d'entreprise de la CAISSE D'ÉPARGNE ILE-DE-FRANCE et de l'acceptation pure et simple de cette dernière et, d'autre part, de déclarer irrecevable l'appel interjeté par les syndicats SUD CAISSE D'ÉPARGNE et CGT DU PERSONNEL DE LA CAISSE D'ÉPARGNE ILE-DE-FRANCE ;
ALORS QUE conformément à l'article L.2132-3 du Code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que l'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, caractérisée, notamment, par le fait, pour l'employeur, de s'abstenir de transmettre au comité des informations précises et écrites de nature à lui permettre de formuler un avis motivé sur le projet de décision qui lui est soumis, porte nécessairement atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'un syndicat représente ; que la consultation du comité d'entreprise n'a en effet pas lieur dans l'intérêt dudit comité mais dans l'intérêt des salariés ; qu'il en résulte que les syndicats professionnels sont recevables à agir, non seulement pour demander la consultation du comité d'entreprise lorsque celle-ci est obligatoire, mais également, lorsque l'information du comité a été incomplète, pour solliciter la reprise de la procédure de consultation et la suspension du projet litigieux ; qu'en jugeant du contraire, au motif qu'il appartenait au seul comité d'entreprise d'apprécier la régularité et la pertinence des modalités de la procédure de consultation, alors que la recevabilité de l'action syndicale dans l'intérêt collectif de la profession n'est pas subordonnée à l'existence d'une action individuelle de la personne dont les intérêts sont directement lésés, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble les articles L.2323-4 et L.2328-1 du Code du travail ;
Et ALORS, en toute hypothèse, QUE la méconnaissance par l'employeur des dispositions de l'article L.2323-4 du Code du travail, l'obligeant à transmettre au comité d'entreprise des informations précises et écrites de nature à lui permettre de formuler un avis motivé sur le projet de décision qui lui est soumis, est, en lui-même, générateur d'un préjudice subi par la profession à laquelle appartient le personnel de l'entreprise et dont les syndicats qui représentent cette profession ont qualité pour demander réparation ; qu'en jugeant dès lors le syndicat CGT du personnel de la CEIDF irrecevable en son appel tendant à l'infirmation du jugement l'ayant débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession du fait de l'insuffisance des informations remises au comité d'entreprise de la CEIDF dans le cadre de sa consultation sur le projet « Sequana », la Cour d'appel a derechef violé les articles L.2132-3, L.2323-4 et L.2328-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-22798
Date de la décision : 27/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 nov. 2012, pourvoi n°11-22798


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22798
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