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22/11/2012 | FRANCE | N°11-19420

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 novembre 2012, 11-19420


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 mars 2011), que, M. X... a été blessé le 10 juillet 1991 dans un accident de la circulation alors qu'il était passager transporté en qualité d'auto-stoppeur à bord du véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société la Mutuelle du Mans assurances (l'assureur) ; que par jugement du 27 février 1992, M. Y... a été condamné par un tribunal correctionnel du chef du délit de blessures involontaires sans que M. X... n'ait

été avisé de la date de l'audience ; que par acte du 27 décembre 2006, M. X.....

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 mars 2011), que, M. X... a été blessé le 10 juillet 1991 dans un accident de la circulation alors qu'il était passager transporté en qualité d'auto-stoppeur à bord du véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société la Mutuelle du Mans assurances (l'assureur) ; que par jugement du 27 février 1992, M. Y... a été condamné par un tribunal correctionnel du chef du délit de blessures involontaires sans que M. X... n'ait été avisé de la date de l'audience ; que par acte du 27 décembre 2006, M. X..., exposant avoir été placé dans l'impossibilité d'agir plus tôt, a assigné M. Y... et son assureur en référé et obtenu la désignation d'un médecin expert ; qu'après dépôt du rapport d'expertise ayant fixé la date de la consolidation de ses blessures au 29 octobre 1992, M. X... a assigné le 29 septembre 2008 M. Y... et son assureur en indemnisation de ses préjudices ; que l'assureur a invoqué la fin de non-recevoir tirée de la prescription extinctive de l'action ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. X... et de le condamner avec M. Y... au paiement de diverses indemnités, alors, selon le moyen :
1°/ que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; qu'en l'espèce, il ressort des propres énonciations de l'arrêt attaqué que M. X..., auto-stoppeur passager de M. Y..., a été blessé dans l'accident survenu le 12 juillet 1991, que son état est consolidé le 29 octobre 1992, et qu'il n'a agi en réparation que le 27 décembre 2006, en référé, et le 29 septembre 2008, au fond ; qu'il en ressort encore que si M. X... n'avait pu être entendu dans le cadre de l'enquête de gendarmerie ni convoqué devant le tribunal de police, il «connaissait le nom de M. Y..., le nom de la brigade de gendarmerie qui avait établi le procès-verbal de l'accident et le n° de ce procès-verbal, ainsi que cela ressort de la première demande de son avocat en date du 15 mai 2001» ; qu'en affirmant cependant, pour retenir l'impossibilité d'agir dans laquelle se serait trouvé M. X..., que «ces seuls renseignements étaient insuffisants pour assigner utilement l'auteur de l'accident et son assureur», quand il lui était facile, à partir de ces éléments, connus avant l'acquisition de la prescription de dix ans, d'obtenir, en s'adressant tout simplement à la gendarmerie, les coordonnées de M. Y... et de son assureur pour les assigner, ce qu'il avait omis de faire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a violé l'article 2234 du code civil ;
2°/ que la charge de la preuve de l'impossibilité d'agir incombe au titulaire de l'action ; qu'en affirmant en l'espèce qu'«il n'est pas démontré que M. X... aurait pu, face à la carence des services du tribunal, se procurer le procès-verbal auprès de la brigade de gendarmerie», quand il appartenait à M. X... d'établir, outre la carence des services de la juridiction, qu'il aurait été empêché de se procurer le procès-verbal d'enquête auprès de la brigade de gendarmerie du lieu de l'accident, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé ensemble les articles 2234 et 1315 du code civil ;
3°/ que le défaut de communication d'un procès-verbal d'enquête ne constitue pas en soi une impossibilité d'agir en recherche de la responsabilité de l'auteur du dommage, dès lors que la victime ne peut prétendre avoir pu ignorer légitimement et raisonnablement l'existence de son droit à réparation et les éléments utiles à l'exercice de ce droit ; qu'en se bornant en l'espèce, pour dire que M. X... justifierait «de circonstances présentant pour lui les caractères de la force majeure», à faire état des carences des services du tribunal de police et de l'absence de preuve de ce que, face à ces carences, une copie du procès verbal de l'accident aurait pu être obtenue auprès de la gendarmerie, circonstances impropres à caractériser l'impossibilité absolue d'agir dans laquelle se serait trouvé M. X..., dès lors que, connaissant l'identité du responsable, le nom de la brigade de gendarmerie s'étant rendue sur les lieux de l'accident et le numéro du procès-verbal dressé, il avait omis de s'enquérir auprès de cette brigade des coordonnées de M. Y... et de son assureur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 2234 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... n'a pas été entendu au cours de l'enquête de gendarmerie ni convoqué devant le tribunal de police ; qu'il n'est pas justifié qu'il ait reçu de l'assureur le questionnaire destiné aux victimes ; qu'il a entrepris des démarches pour obtenir le procès-verbal de l'accident avant l'expiration du délai de prescription ; que s'il connaissait le nom de M. Y..., celui de la brigade de gendarmerie ayant établi le procès-verbal de l'accident et le numéro du procès-verbal, ainsi qu'il résulte de la première demande de son avocat en date du 15 mai 2001, ces seuls renseignements étaient insuffisants pour assigner utilement l'auteur de l'accident et son assureur ; qu'après plusieurs relances, la copie du dossier n'a été finalement remise à son avocat que le 17 mars 2006 ; qu'il n'est pas démontré que M. X... aurait pu, face à la carence des services du tribunal, se procurer le procès-verbal auprès de la brigade de gendarmerie ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve, que M. X... s'était trouvé dans l'impossibilité d'agir et que la prescription de son action en indemnisation n'avait pas couru contre lui ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société la Mutuelle du Mans assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société la Mutuelle du Mans assurances à payer à la SCP David Gashignard la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société la Mutuelle du Mans assurance (MMA).
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR déclaré l'action de Monsieur X... recevable et d'avoir condamné Monsieur Y... et les MMA au paiement d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 2234 du Code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; Monsieur X... a entrepris des démarches pour obtenir le procès verbal de l'accident avant l''expiration du délai de prescription ; il convient de rappeler qu'il n'avait pas été entendu au cours de l'enquête de gendarmerie et qu'il n'a pas été convoqué devant le tribunal de police ; il n'est pas justifié qu'il ait reçu de la compagnie AZUR le questionnaire destiné aux victimes, la production d'un simple listing d'envoi ne démontrant pas que le document a été effectivement reçu par le destinataire ; Monsieur X... connaissait le nom de Monsieur Y..., le nom de la brigade de gendarmerie qui avait établi le procès-verbal de l'accident et le n° de ce procè s-verbal, ainsi que cela ressort de la première demande de son avocat en date du 15 mai 2001 ; mais ces seuls renseignements étaient insuffisants pour assigner utilement l'auteur de l'accident et son assureur ; suite à une relance du 6 novembre 2001, le parquet d'Angoulême indiquait à l'avocat que l'affaire avait été jugée au Tribunal de police le 27 février 1992 ; le 30 mai 2003, l'avocat écrivait au parquet que « renseignements pris auprès du Tribunal », il n'y avait pas eu d'audience le 27 février 1992 ; le 23 février 2006 l'avocat écrivait au Tribunal pour préciser que l'affaire avait été jugée le 22 novembre 1991 et pour demander une copie du dossier ; le 17 mars 2006, la copie du dossier était finalement remise à l'avocat ; il n'est pas démontré que Monsieur X... aurait pu, face à la carence des services du tribunal, se procurer le procès verbal auprès de la brigade de gendarmerie ; Monsieur X... justifie donc de circonstances présentant pour lui les caractères de la force majeure qui ne lui ont pas permis d'assigner dans le délai de 10 ans l'auteur des blessures subies le 12 juillet 1991 ; son action doit être déclarée recevable » (arrêt attaqué p. 5 in fine et 6) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; qu'en l'espèce, il ressort des propres énonciations de l'arrêt attaqué que Monsieur Z..., auto-stoppeur passager de Monsieur Y..., a été blessé dans l'accident survenu le 12 juillet 1991, que son état est consolidé le 29 octobre 1992, et qu'il n'a agi en réparation que le 27 décembre 2006, en référé, et le 29 septembre 2008, au fond ; qu'il en ressort encore que si Monsieur X... n'avait pu être entendu dans le cadre de l'enquête de gendarmerie ni convoqué devant le Tribunal de Police, il « connaissait le nom de Monsieur Y..., le nom de la brigade de gendarmerie qui avait établi le procès-verbal de l'accident et le n° de ce procès-verbal, ainsi que cela ressort de la première demande de son avocat en date du 15 mai 2001» ; qu'en affirmant cependant, pour retenir l'impossibilité d'agir dans laquelle se serait trouvé Monsieur X..., que «ces seuls renseignements étaient insuffisants pour assigner utilement l'auteur de l'accident et son assureur », quand il lui était facile, à partir de ces éléments, connus avant l'acquisition de la prescription de dix ans, d'obtenir, en s'adressant tout simplement à la gendarmerie, les coordonnées de Monsieur Y... et de son assureur pour les assigner, ce qu'il avait omis de faire, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a violé l'article 2234 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la charge de la preuve de l'impossibilité d'agir incombe au titulaire de l'action ; qu'en affirmant en l'espèce qu'«il n'est pas démontré que Monsieur X... aurait pu, face à la carence des services du Tribunal, se procurer le procès verbal auprès de la brigade de gendarmerie », quand il appartenait à Monsieur X... d'établir, outre la carence des services de la juridiction, qu'il aurait été empêché de se procurer le procès verbal d'enquête auprès de la brigade de gendarmerie du lieu de l'accident, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé ensemble les articles 2234 et 1315 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE le défaut de communication d'un procès verbal d'enquête ne constitue pas en soi une impossibilité d'agir en recherche de la responsabilité de l'auteur du dommage, dès lors que la victime ne peut prétendre avoir pu ignorer légitimement et raisonnablement l'existence de son droit à réparation et les éléments utiles à l'exercice de ce droit ; qu'en se bornant en l'espèce, pour dire que Monsieur X... justifierait «de circonstances présentant pour lui les caractères de la force majeure», à faire état des carences des services du Tribunal de police et de l'absence de preuve de ce que, face à ces carences, une copie du procès verbal de l'accident aurait pu être obtenue auprès de la gendarmerie, circonstances impropres à caractériser l'impossibilité absolue d'agir dans laquelle se serait trouvé Monsieur X..., dès lors que, connaissant l'identité du responsable, le nom de la brigade de gendarmerie s'étant rendue sur les lieux de l'accident et le numéro du procès-verbal dressé, il avait omis de s'enquérir auprès de cette brigade des coordonnées de Monsieur Y... et de son assureur, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 2234 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-19420
Date de la décision : 22/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 23 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 nov. 2012, pourvoi n°11-19420


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19420
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