LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Patrick X... est décédé le 20 mars 2004, laissant pour lui succéder ses quatre enfants, Pierrick, Roxane, Héloïse et Morgane ;
Attendu que, par jugement du 15 juillet 2008, le tribunal de grande instance a notamment attribué préférentiellement l'immeuble situé, ...à Villedoux à Mme Morgane X... et a constaté que celle-ci n'était pas redevable d'une indemnité d'occupation sur ce bien dès lors qu'héritière ab intestat, elle était saisie de l'universalité de la succession ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme Morgane X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'indivision successorale une indemnité d'occupation de 650 euros par mois à compter du 20 mars 2004 jusqu'à la date à laquelle elle a ou aura perdu la jouissance exclusive du bien immobilier situé à Villedoux, ou jusqu'à la date de passation de l'acte portant transfert de propriété de l'immeuble à son profit, alors, selon le moyen, que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; que l'héritier saisi de plein droit de l'universalité de la succession est habile à prétendre à la jouissance de tous les biens composant la succession à compter du jour du décès, et que cette jouissance est exclusive de toute indemnité au profit de l'indivision pour l'occupation du bien héréditaire ; qu'en déniant cependant à Mme Morgane X..., fille du défunt, le bénéfice de la saisine pour la déclarer redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation pour la période durant laquelle elle a occupé l'immeuble de Villedoux, la cour d'appel a violé les articles 724 et 815-9 du code civil ;
Mais attendu que si Mme Morgane X..., en sa qualité d'héritière de son père, est saisie de plein droit des biens, droits et actions du défunt, c'est au même titre que les autres héritiers, de sorte que l'immeuble litigieux étant la propriété indivise de ceux-ci, sa jouissance exclusive par l'un d'eux le rendait débiteur d'une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 815-9, alinéa 2, du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable à la cause ;
Attendu que l'indivisaire n'est redevable d'une indemnité pour jouissance de la chose indivise que si cette jouissance est exclusive ;
Attendu que, pour condamner Mme Morgane X... à payer à l'indivision successorale, pour la jouissance de l'immeuble situé à Villedoux, une indemnité d'occupation à compter du 20 mars 2004 jusqu'à la date à laquelle elle a ou aura perdu la jouissance dudit bien ou, sinon, jusqu'à la date de passation de l'acte portant transfert de propriété de l'immeuble à son profit, l'arrêt attaqué énonce qu'en sa qualité de coïndivisaire, Mme Morgane X... est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation pour la période durant laquelle elle a bénéficié de la jouissance privative de l'immeuble de Villedoux ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que Mme Morgane X... avait effectivement eu la jouissance exclusive de l'immeuble dépendant de l'indivision successorale à compter du 20 mars 2004, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Morgane X... à payer à l'indivision successorale une indemnité d'occupation de 650 euros par mois à compter du 20 mars 2004 jusqu'à la date à laquelle elle a ou aura perdu la jouissance de l'immeuble situé à Villedoux (Charente-Maritime) ou, sinon, jusqu'à la date de la passation de l'acte portant transfert de propriété de l'immeuble à son profit ; l'arrêt rendu le 6 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. Pierrick X..., Mmes Roxane et Héloïse X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour Mme Morgane X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Mademoiselle Morgane X... au paiement à l'indivision successorale d'une indemnité d'occupation de 650 euros par mois à compter du 20 mars 2004 jusqu'à la date à laquelle « elle a ou aura perdu la jouissance exclusive dudit bien ou, sinon, jusqu'à la date de passation de l'acte portant transfert de propriété de l'immeuble à son profit » ;
AUX MOTIFS QUE : « Héritière ab intestat de Patrick X... de manière identique que (sic) ses frère et soeurs, Morgane X... ne bénéficie donc pas de la saisine accordée par la loi au légataire, ce qui fait qu'elle n'a pu devenir propriétaire de l'immeuble à la date du décès de son père, et ce bien se trouve inclus dans la masse successorale échue indivisément à la cohérie jusqu'à la date du partage ; qu'il en résulte qu'en application de l'article 815-9 du code civil Morgane X... est redevable d'une indemnité d'occupation pour la période durant laquelle elle a bénéficié de la jouissance privative de l'immeuble de Villedoux et que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a débouté Pierrick X..., Roxane X... et Héloïse X... de ce chef ; que, compte tenu de la consistance de l'immeuble, de sa situation, de son environnement et de son état d'entretien, d'équipement et de confort, tels qu'ils sont décrits dans le rapport d'expertise judiciaire de M. Z..., il convient de fixer à la somme de 650 € le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par Morgane X... à compter du 20 mars 2004 jusqu'à la date à laquelle elle a ou aura perdu la jouissance exclusive dudit bien ou, sinon, jusqu'à la date de passation de l'acte portant transfert de propriété de l'immeuble à son profit » ;
1/ ALORS D'UNE PART QUE les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; que l'héritier saisi de plein droit de l'universalité de la succession est habile à prétendre à la jouissance de tous les biens composant la succession à compter du jour du décès, et que cette jouissance est exclusive de toute indemnité au profit de l'indivision pour l'occupation du bien héréditaire ; qu'en déniant cependant à Mademoiselle Morgane X..., fille du défunt, le bénéfice de la saisine pour la déclarer redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation pour la période durant laquelle elle a occupé l'immeuble de Villedoux, la Cour d'appel a violé les articles 724 et 815-9 du Code civil ;
2/ ALORS D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT QUE la jouissance privative au sens de l'article 815-9 du Code civil résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d'user de la chose ; que la jouissance privative d'un bien indivis par l'un des co-indivisaires ne peut résulter que d'une interdiction faite par celui-ci à ses co-indivisaires d'user du bien indivis ; qu'en mettant néanmoins à la charge de Mademoiselle Morgane X... une indemnité d'occupation sans rechercher si l'occupation par celle-ci de l'immeuble indivis excluait la même utilisation par ses co-indivisaires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-9 du Code civil.