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21/11/2012 | FRANCE | N°11-23303

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2012, 11-23303


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1226-10 du code du travail ;

Attendu que la recherche des possibilités de reclassement du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du perso

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 23 octobr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1226-10 du code du travail ;

Attendu que la recherche des possibilités de reclassement du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 23 octobre 1993 par la société Dauphin, aux droits de laquelle vient la société Clear Channel France en qualité d'afficheur monteur puis, par avenant du 25 juillet 2003 intervenu à la suite d'un avis d'inaptitude du médecin du travail à son poste initial, en qualité de technicien de mobilier publicitaire ; que l'affection du salarié a été admise au titre de la législation professionnelle en avril 2006 ; qu'à la suite d'un avis d'inaptitude du 26 août 2008, l'employeur lui a proposé un poste de reclassement, reconnu compatible avec son état de santé par le médecin du travail, que le salarié a refusé le 16 octobre 2008 ; qu'il a été licencié pour inaptitude le 6 janvier 2009, les délégués du personnel ayant été consultés les 16 septembre et 8 décembre 2008 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes ;

Attendu que, pour déclarer fondé le licenciement et débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'employeur, qui avait proposé à ce salarié un poste sur la plate-forme technique de Wissous (91), dont il s'était assuré auprès du médecin du travail qu'il était compatible avec les aptitudes restantes de l'intéressé, avait satisfait à son obligation de reclassement ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait par ailleurs constaté que l'employeur avait produit la liste des embauches intervenues au sein du groupe auquel il appartenait, faisant apparaître la disponibilité d'un emploi relevant de la compétence du salarié au sein de la société Landimat le 10 novembre 2008 à Rouen, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il décide que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et le déboute de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 22 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Renvoie la cause et les parties mais seulement pour la fixation du montant du préjudice devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;

Condamne la société Clear Channel France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Clear Channel France et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, et D'AVOIR en conséquence débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « lorsqu'un salarié est déclaré inapte à son poste par suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dans les conditions prévues par l'article R 4624-31 du Code du travail, l'employeur, dans le cadre de son obligation de reclassement imposée par l'article L 1226-10 du même code, doit lui proposer, compte-tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications que celui-ci formule, et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, en ayant recours au besoin à des mutations, transformations de postes ou aménagements du temps de travail ; que le licenciement ne sera légitime que si l'employeur justifie soit de l'impossibilité de proposer un emploi conforme à ces préconisations, soit du refus par le salarié d'un tel emploi, étant rappelé que ses recherches doivent avoir été menées le cas échéant au sein du groupe auquel appartient l'entreprise ; que s'agissant du reclassement dans le groupe, M. X... soutient que l'employeur n'a fait de recherches qu'auprès d'une partie du groupe (Defi), et qu'en l'absence de production de tous les registres du personnel, il n'est pas possible de vérifier les déclarations d'absence de poste ; que cependant, l'employeur justifie d'une part de ce que le reste du groupe (France Rail Publicité, France Bus Publicité, Landimat) ont mutualisé le service du personnel, de sorte que la consultation de la responsable du Pôle recrutement était suffisante ; que d'autre part, il est produit la liste des embauches intervenues au sein du groupe CLEAR CHANNEL FRANCE pendant la période concomitante à la procédure de licenciement ; qu'elle fait apparaître la disponibilité d'emplois ne relevant pas des compétences de M. X..., à l'exception d'un emploi d'ouvrier en contrat de travail à durée déterminée à Lyon le 1er septembre 2006, et de l'embauche d'un ouvrier dans la société LANDIMAT le 10 novembre 2008 ; qu'or, il était proposé dans le même temps à M. X... un contrat de travail à durée indéterminée sur un poste dont l'employeur s'était assuré auprès du médecin du travail qu'il était compatible avec ses aptitudes restantes ; qu'il n'y a donc pas eu à cet égard de manquement à l'obligation de rechercher sérieusement et loyalement un reclassement au sein du groupe, et M. X... ne peut faire grief à l'employeur de ne pas avoir commencé une nouvelle consultation à l'issue de la tentative de reclassement qui avait pris plusieurs mois, ces listes d'embauches établissant si besoin est son inutilité ; qu'enfin, dans le cadre d'un recherche loyale de reclassement, l'employeur n'avait pas à solliciter les entreprises américaines du groupe dont elle fait observer qu'elles ont des activités différentes, incompatibles avec les aptitudes et compétences de M. X..., et avec lesquelles aucune permutation du personnel n'est envisageable pour ce motif, ainsi qu'en l'état des obstacles liés à l'obtention d'autorisations de travail » ;

ET AUX MOTIFS éventuellement REPUTES ADOPTES QUE « l'article L 1226-10 du Code du travail impose à l'employeur de reclasser le salarié victime d'un accident du travail et ayant fait l'objet d'une inaptitude à reprendre le poste qu'il occupait avant cet accident ; que cette obligation de reclassement se traduit par la proposition au salarié qui prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur qui licencie le salarié inapte de démontrer que le reclassement est impossible, malgré tous les moyens mis en oeuvre pour y parvenir ; que l'employeur doit notamment établir qu'il a envisagé le reclassement y compris en assurant une formation complémentaire au salarié, et y compris également dans d'autres sociétés du groupe avec lesquelles la permutation du personnel est possible ; qu'en revanche, il n'est pas exigé de l'employeur qu'il procède par création de poste, ni qu'il assure au salarié une formation initiale qui lui fait défaut pour pouvoir être reclassé dans un autre emploi disponible ; qu'en l'espèce, l'employeur établit avoir recherché, au sein de l'entreprise et des filiales du groupe dont le personnel pouvait être permuté, un poste de reclassement parmi les postes disponibles ; que cette recherche a permis à l'employeur de proposer un poste de reclassement à Wissous, refusé par le salarié ; que dès lors, le licenciement de M. X... intervenu ensuite de l'inaptitude repose bien sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, M. X... est débouté de sa demande de dommages-intérêts » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QU'en cas d'inaptitude du salarié, l'employeur doit rechercher toutes les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise et du groupe auquel elle appartient, et proposer au salarié tous les emplois disponibles appropriés à ses capacités ; qu'il demeure tenu de cette obligation jusqu'à ce que le salarié soit reclassé ou licencié ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que le 10 novembre 2008, soit deux mois avant le licenciement du salarié, un ouvrier avait été engagé dans une société du groupe sur un poste relevant des compétences de M. X... ; que dès lors, en jugeant que l'employeur n'était pas tenu de rechercher si cet emploi disponible pouvait être proposé à M. X... au titre du reclassement, au motif qu'il s'était vu proposer de manière concomitante un autre poste approprié à ses capacités, la Cour d'appel a violé l'article L 1226-10 du Code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE l'employeur demeure tenu de son obligation de reclassement jusqu'à ce que le salarié déclaré inapte soit reclassé ou licencié ; que dès lors, en décidant que le salarié ne pouvait faire grief à l'employeur de ne pas avoir commencé une nouvelle consultation à l'issue de la tentative de reclassement qui avait pris plusieurs mois, la Cour d'appel a violé l'article L 1226-10 du Code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la Cour d'appel a elle-même constaté que les listes d'embauches révélaient l'existence d'un emploi disponible et relevant des compétences de M. X... ; que dès lors, en décidant que ces mêmes listes établissaient l'inutilité d'une nouvelle consultation, sans préciser à quoi tenait cette inutilité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1226-10 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, et D'AVOIR en conséquence débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « s'agissant du reclassement en interne, M. X... soutient qu'un aménagement était possible, son poste pouvant être constitué de la seule tâche consistant à traiter les panneaux de 2 m2, alors que les fonctions de technicien en mobilier publicitaire intègrent habituellement les panneaux de 2 m2 et 8 m2 ; qu'il produit le nombre de panneaux traités par l'agence pour établir que cela pouvait constituer un poste à lui seul ; que cependant, ainsi que l'a très exactement relevé le conseil de prud'hommes, procéder de cette manière aurait eu pour effet de contraindre les autres salariés à n'effectuer que des poses de panneaux de 8 m2 et à les exposer aux risques liés aux gestes répétitifs, alors que la rotation des tâches est de nature à éviter cet impact négatif sur leur santé ;
qu'une telle exigence serait contraire à celle qui impose à l'employeur de préserver la santé physique de ses salariés (article L 4121-1 du Code du travail) ; que de plus, cela contraindrait l'employeur à modifier l'organisation de tout son service d'affichage, qui fonctionne par secteur géographique, alors que ceci relève de son pouvoir de direction ; que pour ces motifs, le jugement est confirmé en ce qu'il dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, la recherche de reclassement ayant été loyalement effectuée » ;

ET AUX MOTIFS éventuellement REPUTES ADOPTES QU'« il ne saurait être imposé à l'employeur de créer pour M. X... un poste qui n'existe pas dans l'entreprise, à savoir un poste d'afficheur spécialisé dans les affichages de 2 m2 ; qu'en effet, il ne s'agirait là, non pas d'une transformation de poste, mais d'une création de poste ; qu'en outre, cette création de poste imposerait, au vu des pièces versées aux débats, de transformer de manière considérable le poste des autres salariés afficheurs puisqu'il leur serait imposé de ne travailler que sur des affichages de 8 m2 ou plus, sans alternance de postures alors qu'actuellement leurs postes permettent cette alternance afin d'éviter précisément un impact néfaste sur leur santé à raison des gestes effectués ; que le reclassement du salarié ne pouvait s'opérer au détriment des autres salariés de l'entreprise, et au-delà des exigences légales ; que dès lors, le licenciement de M. X... intervenu ensuite de l'inaptitude repose bien sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, M. X... est débouté de sa demande de dommages-intérêts » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur doit chercher à reclasser le salarié dans un emploi aussi proche que possible du poste précédemment occupé, au besoin par des transformations de postes dans l'entreprise ; qu'en cause d'appel, M. X... faisait valoir que les « feuilles de route » produites par l'employeur ne permettaient pas d'avoir connaissance de la globalité de l'activité de l'entreprise sur Toulouse et ses proches environs ; que dès lors, en décidant que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, sans rechercher s'il avait communiqué la totalité de l'activité sur la région concernée, et si au regard de cette activité globale, un poste consistant dans la pose de panneaux de 2 m2 n'aurait pas laissé aux autres afficheurs assez d'affichages de 2 m2 pour que la rotation des tâches préserve leur santé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1226-10 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'employeur doit chercher à reclasser le salarié dans un emploi aussi proche que possible du poste précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre d'aménagements du temps de travail ; que dès lors, en décidant que l'employeur ne pouvait pas proposer à M. X... de poste consistant uniquement dans des affichages de 2 m2, sans rechercher si l'employeur avait envisagé de proposer ce poste à temps partiel au salarié, et si cette solution n'aurait pas permis de protéger la santé des autres afficheurs en assurant une rotation de leurs tâches suffisante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1226-10 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-23303
Date de la décision : 21/11/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 22 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2012, pourvoi n°11-23303


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.23303
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