LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 21 avril 1975 par la société Télébretagne, aux droits de laquelle se trouve la société Servigros ; que placé en arrêt-maladie à compter du 1er juin 2008, il a d'abord été déclaré apte avec réserves, le 1er juillet 2008, par le médecin du travail puis, à l'issue d'une seconde visite médicale de reprise le 17 juillet 2008, inapte à son poste de magasinier ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer cette résiliation judiciaire et de le condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant à relever, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... aux torts de la société Servigros, que "le fait d'imposer à un magasinier-réceptionniste d'effectuer des livraisons relève non de l'aménagement des conditions de travail, mais bien d'une modification qui se doit d'être explicitement acceptée par le salarié", sans cependant assortir cette énonciation d'aucune justification, la cour d'appel, qui a procédé par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que subsidiairement, lorsque la modification du contrat de travail est proposée par l'employeur pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 1233-3 du code du travail, le silence gardé par le salarié, pendant plus d'un mois à compter de la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception l'informant de la proposition de modification, vaut acceptation ; que la cour d'appel qui, après avoir relevé que "cet avenant portant modification des fonctions du salarié (…) avait bien une origine économique", s'est bornée à affirmer que "cette modification a été réalisée sans signature du moindre avenant" pour retenir, à l'encontre de la société Servigros, un manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat à ses torts exclusifs, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le silence gardé par M. X..., après réception de la lettre recommandée l'informant de la modification de ses fonctions, ne valait pas acceptation implicite de cette modification, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1222-6, L. 1221-1, L. 1231-1 du code du travail et 1184 du Code civil ;
3°/ que l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la semaine relève du pouvoir de direction de l'employeur sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos ; que pour juger que la modification des horaires de travail de M. X..., consécutive à son mi-temps thérapeutique et impliquant un travail le samedi après-midi, justifiait la résolution judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur, la cour d'appel s'est bornée à relever d'une part, "qu'aucune explication n'est fournie quant à la soudaine nécessité de cette affectation et qu'il n'est pas contesté qu'il y a un livreur dans la société", d'autre part, que « le ton du courrier de l'employeur se révèle quelque peu agressif à l'égard de l'état de santé du salarié », enfin, que "par courrier du 11 mars 2008, M. X... rappelait à son employeur qu'il n'était plus à mi-temps et sollicitait un retour aux horaires antérieurs, sans réponse" ; qu'en statuant ainsi par des motifs ne caractérisant aucune atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
4°/ que la cour d'appel qui s'est fondée sur le refus opposé par la société Servigros à deux demandes de congés faites par M. X... en janvier 2006 et février 2008 pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur, quand il ressortait de ses énonciations que "les raisons objectives avancées par la société peuvent être acceptées (congés de deux autres salariés)", n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
5°/ que la cour d'appel qui, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... aux torts de la société Servigros, a constaté que "l'employeur ne justifie nullement s'être soucié de se rapprocher du médecin du travail" qui, le 27 janvier 2006, avait déclaré le salarié "apte à la reprise avec aide matérielle à la manutention des charges lourdes" et que la société ne s'était pas non plus " souci ée (…) de la prise en compte de la santé du salarié", quand elle avait constaté que "M. X... a vait été déclaré apte lors des visites suivantes, sans que le médecin du travail ne mentionne plus de restrictions" et relevé "l'acceptation finale du mi-temps thérapeutique" par l'employeur, ce dont il résultait que la société n'avait commis aucune faute, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
6°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant, pour retenir à l'encontre de la société Servigros un manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... aux torts de l'employeur, que "l'employeur ne justifie nullement s'être soucié de se rapprocher du médecin du travail", sans cependant examiner le courrier de la société du 10 juillet 2008 sollicitant l'avis du médecin du travail sur deux possibilités de reclassement ainsi que le deuxième avis médical d'inaptitude de M. X... du 17 juillet 2008 validant les offres de reclassement de l'employeur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que la société Servigros avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que "M. Y... exerçait des taches matérielles qui ne nécessitaient pas outre mesure de formation spécifique, de sorte que l'on ne peut admettre la solution posée par les premiers juges. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'affirme M. X..., le travail accessoire de livraison comporte les mêmes exigences qu'un magasinier puisqu'il s'agit de transporter et de manipuler avec un diable des marchandises (…). L'obligation d'adaptation ne doit pas être envisagée comme une obligation de délivrer des formations inutiles ou de pourvoir à un défaut de formation initiale du salarié. En l'espèce, le poste ne nécessitait pas précisément d'autre formation que celle qui a été délivrée du 3 au 7 mars 2007 pour utiliser le logiciel Ciel gestion commerciale avec accompagnement et suivi, prise en main utilisateur pour un montant de 2 182,93 euros" ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que la société n'avait commis, au titre de son obligation d'adaptation et de formation professionnelle, aucun manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que motivant sa décision, la cour d'appel a constaté que le salarié, devenu le 14 mars 1986 magasinier-réceptionniste, avait d'abord vu son travail évoluer vers la partie livraison, puis s'était vu imposer, en mars 2005, sans avoir été mis en mesure d'accepter ou de refuser cette modification, l'obligation d'effectuer, moyennant le versement d'une prime, des livraisons d'appareils vendus chez les clients ; qu'ayant, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, ainsi caractérisé l'existence d'une modification unilatérale par l'employeur du contrat de travail, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que cette modification justifiait le prononcé, aux torts de cet employeur, de la résiliation de ce contrat, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur ci-après annexé :
Attendu d'une part, que, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel a répondu aux conclusions en estimant insuffisante la durée de la formation suivie par le salarié qui avait été chargé depuis plus de trente ans de la gestion des stocks ;
Attendu d'autre part, que la cour d'appel a indemnisé un chef distinct de la rupture en allouant, outre des dommages-intérêts pour perte d'emploi, des dommages-intérêts, dont elle a souverainement apprécié le montant, pour le manquement de l'employeur à ses obligations d'adaptation du salarié à l'emploi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 du code du travail, ensemble l'article 1184 du code civil ;
Attendu que dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur, l'indemnité de préavis est due ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient qu'en raison de son inaptitude non consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'intéressé n'a pas été en mesure d'accomplir son préavis, circonstance dispensant l'employeur du versement d'une telle indemnité ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande au titre d'indemnités compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, l'arrêt rendu entre les parties le 31 mai 2011 par la cour d'appel de Rennes ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi quant au principe du droit au paiement de ces indemnités ;
Dit que M. X... a droit au paiement de sommes au titre de ces indemnités compensatrices de préavis et de congés payés ;
Renvoie pour fixer le montant de ces indemnités, devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Servigros aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Servigros à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Servigros
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation du contrat de travail de Monsieur X... aux torts de la société SERVIGROS et d'avoir, en conséquence, condamné la société à verser au salarié les sommes de 53 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi et de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... formule dans sa saisine du conseil de prud'hommes plusieurs séries de reproches à l'encontre de son employeur ; que sur les modifications du contrat de travail, il résulte des documents produits que par courrier du 31 mars 2005, la société SERVIGROS s'adressait en ces termes à Monsieur X...: « La vente de pièces détachées dont vous assurez l'activité a beaucoup régressé au fil des années. En fonction de votre disponibilité, vous avez accepté depuis de nombreux mois, d'effectuer les livraisons des appareils vendus au magasin chez les clients et cela, nous vous en remercions. Suite à notre entretien, en contrepartie, vous percevrez donc une prime mensuelle nette de 76,22€ » ; qu'il ressort des termes de ce courrier que cette modification a été réalisée sans signature du moindre avenant ; qu'un projet avait été réalisé par l'expert comptable, mais n'a jamais été signé par les parties ; qu'il s'ensuit que Monsieur X... n'a jamais été mis en mesure d'accepter ou de refuser cet avenant qui, contrairement à ce que soutient l'employeur, avait bien une origine économique, à savoir la baisse de l'activité de vente des pièces détachées ; que contrairement à ce que soutient encore l'employeur, le fait d'imposer à un magasinier-réceptionniste d'effectuer des livraisons relève non de l'aménagement des conditions de travail, mais bien d'une modification qui se doit d'être explicitement acceptée par le salarié ; que sur les modifications d'horaires, par courrier du 13 septembre 2007, alors que Monsieur X... se trouvait en mi-temps thérapeutique, l'employeur a procédé à une réorganisation du service et lui a imposé un travail du samedi aux lieu et place du lundi ; qu'à défaut de précisions figurant dans le contrat de travail, et sous réserve d'un éventuel abus, la modification des horaires du salarié relève du pouvoir de direction et constitue une modification des conditions de travail ; qu'en l'espèce, Monsieur X... s'est trouvé en situation de mi-temps thérapeutique pour des raisons médicales à compter du 3 septembre 2007, et le courrier ci-dessus mentionné fait presque immédiatement suite à la notification de ce mi-temps à l'employeur ; que celui-ci pouvait légitimement arguer de difficultés organisationnelles compte tenu de l'absence partielle de Monsieur X... ; que cependant, il ressort des termes du courrier, adressé le 3 décembre 2007 par Monsieur X... à son employeur en réponse à la notification de l'avertissement, que ce dernier a imposé à son salarié un travail tous les après-midis, ce qui impliquait des livraisons, notamment le samedi après-midi, alors qu'aucune explication n'est fournie quant à la soudaine nécessité de cette affectation, et qu'il n'est pas contesté qu'il y a un livreur dans la société ; que les termes de ce courrier ne sont pas combattus par l'employeur qui a apporté une réponse en ces termes (pièce 20) : « Nous connaissons bien sûr vos problèmes de dos lesquels ne sont peut être pas les seuls. Un employé qui travaille à mi-temps ou qui s'arrête complètement qui voudrait avoir le choix dans son travail et qui nous balance de temps à autre je m'arrêterai sûrement encore. Pour nous, trouver un candidat qui accepte un remplacement aussi précaire n'est pas chose facile Vous avez accepté d'effectuer quelques livraisons avec bien sûr une monnaie d'échange, une prime que vous touchez depuis plusieurs mois. Dans toutes les entreprises, nous subissons les contraintes économiques et celles-ci nous obligent à ce que vous soyez présent le samedi plutôt qu'un autre jour » ; que le ton se révèle quelque peu agressif à l'égard de l'état de santé du salarié, lequel il convient de le rappeler se trouvait au service de la société depuis plus de 20 années ; que par courrier du 11 mars 2008, Monsieur X... rappelait à son employeur qu'il n'était plus à mi-temps et sollicitait un retour aux horaires antérieurs, sans réponse ; que sur le refus de congés, Monsieur X... a sollicité par courrier du 6 février 2008 un congé pour la période 10-17 mars ; que ce congé lui a été refusé en termes rappelant une fois de plus sa présence à mi-temps dans la société, même si les raisons objectives avancées peuvent être acceptées (congés de deux autres salariés) ; que l'année précédente, en janvier 2006, Monsieur X... s'était déjà vu refuser un congé, à la suite d'un arrêt de travail ; que sur le non-respect des préconisations du médecin du travail, à la suite d'un premier arrêt de travail, Monsieur X... avait été vu dans le cadre de la visite de reprise par le médecin du travail qui l'avait déclaré apte, mais "avec aide à la manutention des charges lourdes" (comme par exemple un transpalette élévateur électrique) ; que certes Monsieur X... a été déclaré apte lors des visites suivantes, sans que le médecin du travail ne mentionne plus de restrictions ; que cependant, l'employeur ne justifie nullement s'être soucié de se rapprocher du médecin du travail, alors même que dans le cadre de la présente procédure, il fait valoir , sans doute à juste titre, que l'emploi de ces transpalettes électrifiées était impossible, ce qu'il pouvait parfaitement expliquer en son temps au médecin, et éventuellement envisager d'autres solutions ; qu'il est à noter d'ailleurs que les fiches d'aptitude ne mentionnent que l'emploi de magasinier et non celui de livreur ; qu'il résulte par ailleurs d'un courrier adressé par le docteur Z..., médecin du travail, au docteur A..., médecin traitant du salarié, le 26 juillet 2007 que ce salarié: ".. Se plaint de lombalgies depuis plusieurs mois. II occupe un poste nécessitant le port de charges lourdes…J'ai demandé depuis janvier 2006 à l'employeur (Madame B...) de mettre à disposition au poste un transpalette élévateur électrique pour aider à la manutention , pas de suite à ma demande. J'ai pu joindre l'employeur le 24 et 26 juillet 2007 qui refuse un temps partiel thérapeutique en invoquant des problèmes d'organisation, elle ne propose pas non plus d'autre poste .. " ; que les termes de ce courrier établissent l'absence de collaboration avec la médecine du travail et l'absence de souci de l'employeur de la prise en compte de la santé du salarié, en dépit de ces mises en garde ; que l'acceptation finale du mi-temps thérapeutique a entraîné les changements d'horaires sus-évoqués ; que sur le manquement à l'obligation d'adaptabilité au travail, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Monsieur X... n'a bénéficié que d'une formation de 5 jours à la gestion d'un logiciel de gestion commerciale alors qu'il était employé en qualité de magasinier depuis plus de 30 années, chargé notamment de la gestion des stocks, dont l'employeur exigeait qu'ils soient "exacts" et faits en temps et en heure, en dépit de l'absence à mi-temps du salarié (pièce 22) ; que sur la notification d'un avertissement le 7 novembre 2007, il est reproché à Monsieur X... de s'être absenté sans autorisation les après-midis des 2,6 et 7 novembre ; que dans son courrier du 3 décembre 2007, Monsieur X... répond sans être démenti par la suite que c'est à la demande de l'employeur qu'il avait travaillé le matin de la semaine 42 pour la remise à jour des stocks ; qu'il s'ensuit que cet avertissement sans objet sera annulé ; que l'ensemble des éléments ci-dessus décrits caractérisent des manquements suffisamment graves de l'employeur pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, contrairement à l'appréciation des premiers juges dont la décision sera infirmée ; que la date de la résiliation sera fixée à celle de l'envoi du courrier de licenciement intervenu postérieurement pour inaptitude ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en se bornant à relever, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X... aux torts de la société SERVIGROS, que « le fait d'imposer à un magasinier-réceptionniste d'effectuer des livraisons relève non de l'aménagement des conditions de travail, mais bien d'une modification qui se doit d'être explicitement acceptée par le salarié », sans cependant assortir cette énonciation d'aucune justification, la Cour d'appel, qui a procédé par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, et subsidiairement, QUE lorsque la modification du contrat de travail est proposée par l'employeur pour l'un des motifs énoncés à l'article L1233-3 du Code du travail, le silence gardé par le salarié, pendant plus d'un mois à compter de la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception l'informant de la proposition de modification, vaut acceptation ; que la Cour d'appel qui, après avoir relevé que « cet avenant portant modification des fonctions du salarié (…) avait bien une origine économique », s'est bornée à affirmer que « cette modification a été réalisée sans signature du moindre avenant » pour retenir, à l'encontre de la société SERVIGROS, un manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat à ses torts exclusifs, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le silence gardé par Monsieur X..., après réception de la lettre recommandée l'informant de la modification de ses fonctions, ne valait pas acceptation implicite de cette modification, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1222-6, L1221-1, L 1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la semaine relève du pouvoir de direction de l'employeur sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos ; que pour juger que la modification des horaires de travail de Monsieur X..., consécutive à son mi-temps thérapeutique et impliquant un travail le samedi après-midi, justifiait la résolution judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur, la Cour d'appel s'est bornée à relever d'une part, « qu'aucune explication n'est fournie quant à la soudaine nécessité de cette affectation et qu'il n'est pas contesté qu'il y a un livreur dans la société », d'autre part, que « le ton du courrier de l'employeur se révèle quelque peu agressif à l'égard de l'état de santé du salarié », enfin, que « par courrier du 11 mars 2008, Monsieur X... rappelait à son employeur qu'il n'était plus à mi-temps et sollicitait un retour aux horaires antérieurs, sans réponse » ; qu'en statuant ainsi par des motifs ne caractérisant aucune atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L1121-1, L1221-1, L 1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la Cour d'appel qui s'est fondée sur le refus opposé par la société SERVIGROS à deux demandes de congés faites par Monsieur X... en janvier 2006 et février 2008 pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur, quand il ressortait de ses énonciations que « les raisons objectives avancées par la société peuvent être acceptées (congés de deux autres salariés) », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L 1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE la Cour d'appel qui, pour prononcer la résiliation judicaire du contrat de travail de Monsieur X... aux torts de la société SERVIGROS, a constaté que « l'employeur ne justifie nullement s'être soucié de se rapprocher du médecin du travail » qui, le 27 janvier 2006, avait déclaré le salarié « apte à la reprise avec aide matérielle à la manutention des charges lourdes » et que la société ne s'était pas non plus « souci ée (…) de la prise en compte de la santé du salarié », quand elle avait constaté que « Monsieur X... a vait été déclaré apte lors des visites suivantes, sans que le médecin du travail ne mentionne plus de restrictions » et relevé « l'acceptation finale du mi-temps thérapeutique » par l'employeur, ce dont il résultait que la société n'avait commis aucune faute, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L 1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant, pour retenir à l'encontre de la société SERVIGROS un manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X... aux torts de l'employeur, que « l'employeur ne justifie nullement s'être soucié de se rapprocher du médecin du travail », sans cependant examiner le courrier de la société du 10 juillet 2008 sollicitant l'avis du médecin du travail sur deux possibilités de reclassement ainsi que le deuxième avis médical d'inaptitude de Monsieur X... du 17 juillet 2008 validant les offres de reclassement de l'employeur, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE SEPTIEME PART, QUE la société SERVIGROS avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que « Monsieur X... exerçait des taches matérielles qui ne nécessitaient pas outre mesure de formation spécifique, de sorte que l'on ne peut admettre la solution posée par les premiers juges. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'affirme Monsieur X..., le travail accessoire de livraison comporte les mêmes exigences qu'un magasinier puisqu'il s'agit de transporter et de manipuler avec un diable des marchandises (…). L'obligation d'adaptation ne doit pas être envisagée comme une obligation de délivrer des formations inutiles ou de pourvoir à un défaut de formation initiale du salarié. En l'espèce, le poste ne nécessitait pas précisément d'autre formation que celle qui a été délivrée du 3 au 7 mars 2007 pour utiliser le logiciel CIEL GESTION COMMERCIALE avec accompagnement et suivi, prise en main utilisateur pour un montant de 2 182,93 € » (page 18) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que la société n'avait commis, au titre de son obligation d'adaptation et de formation professionnelle, aucun manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SERVIGROS à verser à Monsieur X... les sommes de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations d'adaptation à l'emploi et de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Monsieur X... n'a bénéficié que d'une formation de 5 jours à la gestion d'un logiciel de gestion commerciale alors qu'il était employé en qualité de magasinier depuis plus de 30 années, chargé notamment de la gestion des stocks, dont l'employeur exigeait qu'ils soient "exacts" et faits en temps et en heure, en dépit de l'absence à mi-temps du salarié (pièce 22) ; que Monsieur X... sollicite l'indemnisation des manquements de l'employeur à ses obligations ; qu'il lui sera alloué de ce chef la somme de 5000 € ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la société SERVIGROS avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que « Monsieur X... exerçait des taches matérielles qui ne nécessitaient pas outre mesure de formation spécifique, de sorte que l'on ne peut admettre la solution posée par les premiers juges. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'affirme Monsieur X..., le travail accessoire de livraison comporte les mêmes exigences qu'un magasinier puisqu'il s'agit de transporter et de manipuler avec un diable des marchandises (…). L'obligation d'adaptation ne doit pas être envisagée comme une obligation de délivrer des formations inutiles ou de pourvoir à un défaut de formation initiale du salarié. En l'espèce, le poste ne nécessitait pas précisément d'autre formation que celle qui a été délivrée du 3 au 7 mars 2007 pour utiliser le logiciel CIEL GESTION COMMERCIALE avec accompagnement et suivi, prise en main utilisateur pour un montant de 2 182,93 € » (page 18) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que la société n'avait commis aucun manquement au titre de son obligation d'adaptation et de formation professionnelle, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation et de formation professionnelle ne donne lieu à des dommages et intérêts qu'en cas de préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail du salarié et directement causé par la méconnaissance des articles L 6321-1 et suivant du Code du travail ; que la Cour d'appel qui, pour condamner la société SERVIGROS à verser à Monsieur X... la somme de 5 000 € pour absence de formation professionnelle, s'est bornée à relever que « Monsieur X... n'a bénéficié que d'une formation de 5 jours à la gestion d'un logiciel de gestion commerciale alors qu'il était employé en qualité de magasinier depuis plus de 30 années, chargé notamment de la gestion des stocks dont l'employeur exigeait qu'ils soient « exacts » et faits en temps et en heure, en dépit de l'absence à mi-temps du salarié » et que « Monsieur X... sollicite l'indemnisation des manquements de l'employeur à ses obligations. Il lui sera alloué de ce chef la somme de 5 000 euros », sans cependant caractériser aucun préjudice particulier subi par Monsieur X... du fait de l'absence de formation professionnelle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer la somme 3.560 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 356 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QU'en raison de l'inaptitude non consécutive à un accident de travail ou à une maladie professionnelle reconnus, Monsieur X... n'a pas été en mesure d'accomplir son préavis, circonstances dispensant l'employeur du versement de l'indemnité compensatrice ;
ALORS QUE dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur, l'indemnité de préavis est toujours due ; qu'en l'espèce, en déboutant le salarié de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents au motif qu'il n'a pas été en mesure d'accomplir son préavis, la Cour d'appel a violé les articles L 1234-1 et L 1234-5 du Code du travail.