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21/11/2012 | FRANCE | N°11-21651

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2012, 11-21651


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... de son désistement partiel de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 21 décembre 2010 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 mai 2011), que M. X... a été engagé le 6 juillet 1998 en qualité de chef des ventes par la société Conserves de Provence, laquelle a été placée en redressement judiciaire par jugement du 12 mars 2007 ; qu'il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur commercial ; qu'il a été licenc

ié pour faute grave le 21 décembre 2007 pour ne pas avoir informé la direction de l'e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... de son désistement partiel de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 21 décembre 2010 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 mai 2011), que M. X... a été engagé le 6 juillet 1998 en qualité de chef des ventes par la société Conserves de Provence, laquelle a été placée en redressement judiciaire par jugement du 12 mars 2007 ; qu'il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur commercial ; qu'il a été licencié pour faute grave le 21 décembre 2007 pour ne pas avoir informé la direction de l'entreprise et l'administrateur judiciaire qui le lui avaient demandé des éléments quantitatifs et financiers d'une opération promotionnelle conclue avec le client Carrefour et avoir sans leur accord conclu cette opération, avoir modifié de son propre chef les conditions d'exécution de la commande initiale et avoir donné instruction de modifier le bulletin de livraison correspondant ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter des demandes formées au titre de son licenciement alors, selon le moyen :

1°/ que dès lors que la lettre de licenciement énonce un motif précis, il appartient aux juges du fond de vérifier la réalité des faits sur lesquels il se fonde ; que s'agissant du premier grief retenu, il était allégué dans la lettre de licenciement que le représentant de l'administrateur judiciaire avait demandé le 10 septembre 2010 à M. X... de l'informer des éléments quantitatifs et financiers de l'opération Carrefour avant toute acceptation définitive, et reproché à M. X... de ne pas avoir fourni ces informations et de ne pas avoir sollicité l'accord dudit représentant conformément aux consignes qui lui avaient été données ; que la cour d'appel a expressément relevé que l'employeur n'établissait pas la réalité des faits ainsi allégués, retenant « que concernant l'information de l'administrateur judiciaire et l'aval de celui-ci, aucune production n'était faite par la société appelante d'une demande formulée par l'administrateur judiciaire ou son représentant M. Y... de " lui fournir les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive " à la date du même 10 septembre 2007, comme affirmé dans le courrier de rupture » ; qu'elle a néanmoins jugé que le licenciement pour faute grave de M. X... était justifié ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que la lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige ; que pour dire le licenciement de M. X... fondé, la cour d'appel a retenu « que dans un tel contexte de redressement judiciaire, le fait par le directeur commercial de la société de ne pas avoir sollicité pour l'opération concernée, nonobstant l'absence de dissuasion de la part de ses collègues d'encadrement et de la direction tenue informée, l'accord de l'administrateur judiciaire, dont il n'ignorait pas qu'il était devenu son seul interlocuteur décisionnel, constituait bien une faute grave » ; qu'or, l'employeur n'arguait pas dans la lettre de licenciement d'une obligation générale faite à M. X... de solliciter l'accord de l'administrateur judiciaire en toutes circonstances, obligation qu'aurait violée le salarié, mais alléguait que « le 10 septembre, soit trois jours avant la date limite de réponse à l'offre de la société Carrefour, le représentant de l'administrateur judiciaire avez demandé au salarié de lui fournir les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive », et que M. X... n'avait pas « respecté » « les consignes d'information et d'acceptation qui lui avaient été données par la direction de l'entreprise » ; que partant, en retenant ainsi un motif de licenciement qui n'était pas visé dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

3°/ que la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré ; que toutefois, pour retenir l'existence d'une faute grave commise par M. X..., la cour d'appel s'est fondée sur le fait que « la seule transmission en copie le 7 septembre 2007 à M. Y..., représentant de l'administrateur judiciaire du courriel du même jour du contrôleur de gestion de la société M. Z..., mentionnant sur son principe l'appel d'offre Carrefour et la nécessité d'une réponse avant le 13 septembre suivant », élément produit par le salarié, « ne suffisait pas à démontrer d'une part, qu'une information complète sur cette opération promotionnelle avait été donnée à l'administrateur judiciaire, d'autre part, et surtout que celui-ci avait bien donné son accord pour cette opération », et ce, après avoir relevé que la société n'établissait pas que M. X... se soit vu demander de « fournir à l'administrateur judiciaire les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive » ; qu'en imposant ainsi au salarié de rapporter la preuve de l'absence de faute grave, alors-même qu'elle avait constaté que l'employeur n'établissait pas la réalité des faits visés dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;

4°/ qu'en se fondant sur l'absence de preuve « qu'une information complète sur l'opération Carrefour avait été donnée à l'administrateur judiciaire » et « que celui-ci avait bien donné son accord pour cette opération », alors qu'elle avait préalablement relevé qu'il n'était pas démontré que l'administrateur judiciaire, ou son représentant M. Y..., ait demandé à M. X... de « lui fournir les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive », la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;

Mais attendu que, sous le couvert de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation de la cour d'appel qui, sans inverser la charge de la preuve, a retenu que la réalité du grief reproché au salarié et consistant à ne pas avoir tenu informé ni sollicité l'accord préalable de l'administrateur judiciaire de la société ou de son représentant avant de conclure une opération promotionnelle à perte pour la société en redressement judiciaire, était établie ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le salarié aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X....

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... intervenu le 21 décembre 2007 était fondé sur une faute grave, et d'AVOIR débouté ce dernier de ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement dans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité de procédure ;

AUX MOTIFS QUE sur la rupture, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, mentionne :

« Par courrier du 26 novembre 2007, nous vous informions que nous envisagions votre licenciement pour faute grave. Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à cette éventuelle mesure afin de vous exposer les faits et les circonstances nous amenant à envisager cette décision. Cet entretien initialement fixé au 3 décembre a été reporté au 4 décembre et cette information vous a été adressée par télégramme et par une lettre recommandée réceptionnée par vos soins le 1er décembre. Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien. Après réflexion nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les raisons ci-après exposées : les 6 et 7 septembre 2007 votre collaborateur, chargé sous votre responsabilité de ce domaine d'activité, a été contacté par mails émanant de la société CARREFOUR pour une demande de prix sur une promotion devant se dérouler au début du mois de janvier 2008, promotion portant sur les légumes secs conditionnés en boîtes. La réponse à cette offre devait être adressée à l'acheteur de cette chaîne commerciale au plus tard le 13 septembre 2007. Vous étiez aussi destinataire de ces mails. Le 7 septembre un de vos collaborateurs vous adresse par mail à 11h50 le détail du conditionnement afin de préparer le dossier financier de cette opération promotionnelle. Le 10 septembre, soit trois jours avant la date limite de réponse à l'offre, le représentant de l'administrateur judiciaire vous demande de lui fournir les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive. Le 9 octobre, alors que vous n'aviez pas répondu à la demande qui vous avait été faite le 10 septembre, la société CARREFOUR adresse une confirmation d'acceptation de la promotion à la société CONSERVES DE PROVENCE, en application des conditions tarifaires que vous aviez accordées sans validation ni de la direction de l'entreprise ni de l'administrateur judiciaire, alors que ceci vous avait été demandé. L'information de la réalisation de cette opération promotionnelle ne parvient à la direction de l'entreprise que le 9 novembre. Le même jour une valorisation de la rentabilité de cette opération, qui a été menée sous votre entière responsabilité, est demandée par la direction qui, je vous le rappelle, n'a jamais été informée de son lancement par vous-même ou les services dont vous avez la responsabilité. Il s'avère que l'acceptation sans l'accord de votre hiérarchie qui vous avait pourtant été demandé de cette opération par le service commercial dont vous avez l'entière responsabilité entraîne une perte approchant les 180 000 euros. Il n'est pas besoin de vous rappeler la situation précaire de l'entreprise ni les difficultés qu'elle rencontre, difficultés qui ont entraîné sa mise en redressement judiciaire. Toute opération réalisée à perte ne peut que conduire à augmenter ces difficultés ainsi qu'à fragiliser son avenir et le maintien des 223 emplois qui y sont associés. Le jour même, 9 novembre, une réunion est organisée par la direction en votre présence ainsi que celle de l'acheteur et du contrôleur de gestion. La direction, mise devant le fait accompli, compte tenu du poids du client CARREFOUR dans le chiffre d'affaires de l'entreprise et des conséquences qui résulteraient d'une annulation de cette commande par la société CONSERVES DE PROVENCE ont conduit à une poursuite de l'opération malgré l'opposition de principe de cette pratique par la direction. Ultérieurement à cette réunion, soit le 16 novembre, vous avez donné votre aval au service achats de modifier les conditions d'exécution de la commande en autorisant la mise en fabrication de boîtes à ouverture au lieu des boîtes à ouverture facile objet de la demande du client. Ensuite, comme cela a été confirmé par les participants la réunion d'ordonnancement du 20 novembre, vous avez donné instruction de modifier le bulletin de livraison pour faire porter l'ensemble des conditionnements en Ouverture Facile (OF). Cette pratique ne pouvait avoir que pour intention de faire croire au client à une erreur. Devant les remarques qui vous sont faites à ce sujet, vous avez même précisé que le risque zéro n'existait pas et que cette falsification comportait des risques à votre opinion limités. Les participants à cette réunion ont manifesté leur désaccord et porté dans le compte-rendu de la réunion que les risques étaient beaucoup plus importants que ce que vous vouliez admettre. En effet, compte tenu des règles hyper strictes appliquées par cette enseigne, et qui sont connues de tous leurs fournisseurs, tout manquement aux conditions de la commande implique un retour des produits non conformes. Ce point entraîne pour l'entreprise le retour de produits qui sont ensuite inutilisables en l'état pour pouvoir être commercialisés auprès d'autres clients et donc des pertes extrêmement importantes venant s'ajouter au déficit de l'opération que vous avez validée de votre propre initiative. En plus, il s'avère suite aux questions qui vous ont été posées par la direction que vous n'aviez pas contacté le client pour connaître sa position par rapport aux décisions, lourde de conséquences que vous avez prises de votre propre initiative en dehors de toute acceptation de votre direction, acceptation qui vous avait pourtant été demandée compte-tenu de la situation particulière de la société. En conséquence des faits ci-dessus évoqués nous sommes dans l'impossibilité de maintenir la poursuite immédiate de votre contrat de travail, cette impossibilité étant due au non-respect des consignes d'information et d'acceptation qui vous avaient été données par la direction de l'entreprise, ainsi qu'à une tentative de tromperie vis-à-vis un client primordial pour la survie de l'entreprise dont les conséquences en termes d'image et de confiance ainsi que financières mettent en péril le devenir immédiat de la société. Votre licenciement prendra effet après la présentation de ce courrier recommandé et votre solde de tout compte vous sera arrêtée à cette date sans indemnité de préavis ni de licenciement... » ; que les griefs retenus dans le courrier de rupture sont en premier lieu de ne pas avoir informé la direction de l'entreprise et l'administrateur judiciaire qui le lui avait demandé des éléments quantitatifs et financiers d'une opération promotionnelle avec le client CARREFOUR et d'avoir sans leur accord conclu cette opération, en second lieu d'avoir modifié de son propre chef les conditions d'exécution de la commande initiale en autorisant la mise en fabrication de boîtes à ouverture normale au lieu des boîtes à ouverture facile, objet de la demande du client, puis d'avoir donné instruction de modifier le bulletin de livraison correspondant pour faire porter l'ensemble des conditionnements en Ouverture Facile ; que concernant l'information de la direction de la société, il résulte des pièces produites par Monsieur X... et principalement des nombreux courriers électroniques échangés par les salariés de la société et notamment les dirigeants et chefs des services concernés que, dès le 7 septembre 2007, la directrice générale, Madame A..., était informée de l'opération promotionnelle CARREFOUR :- par un courriel détaillé adressé à 14 h 10 par Monsieur B..., du service commercial de la société, l'informant de l'opération envisagée et de son importance stratégique pour la société CONSERVES DE PROVENCE LE CABANON, mentionnant la nécessité d'une réponse impérative au client le lundi 10 septembre suivant à 14 heures, copie en étant adressée à Messieurs X..., Z..., contrôleur de gestion de la société, et Jean-Louis C..., responsable administratif et commercial de l'entreprise, ainsi qu'à Monsieur D...du service facturation, Mesdames E...et H... et Monsieur F..., responsable du back office.- par un courriel adressé à 17 h 44 par Monsieur Z..., mentionnant, à côté de la haute importance de l'appel d'offre CARREFOUR la nécessité d'une réponse impérative avant le 13 septembre suivant, copie en étant également adressé à Monsieur Y..., représentant de l'administrateur judiciaire ; que le premier courrier électronique précise que Monsieur X... viendra voir Madame A..." lundi matin afin de donner une réponse à Carrefour, au plus tard lundi à 14 heures concernant notre participation ou pas à cette opération ", que Monsieur B...sera dès le lundi présent à la centrale d'achat LECLERC où il attendra " le coup de téléphone de M Eric X... en matinée pour me prévenir de la position de notre société afin que je puisse annoncer au client " ; que le second courrier électronique précise quant à lui la transmission en pièces jointes d'un état des opérations, en attente de leur prix de revient, sous forme d'un tableau détaillé versé aux débats ; que par ailleurs, la lecture complémentaire des courriels produits par le salarié, échangés entre les différents services de la société les 11 et 12 septembre 2007, faisant état de la mise en archivage des fiches de création de nouveaux produits correspondant à cette opération promotionnelle, confirme la réalité de l'information ainsi donnée à la direction de l'entreprise le 10 septembre précédent ; que concernant l'information de l'administrateur judiciaire et l'aval de celui-ci, aucune production n'est faite par la société appelante d'une demande formulée par l'administrateur judiciaire ou son représentant Monsieur Y... de " lui fournir les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive " à la date du même 10 septembre 2007, comme affirmé dans le courrier de rupture ; que cependant, la seule transmission en copie le 7 septembre 2007 à Monsieur Y..., représentant de l'administrateur judiciaire du courriel du même jour du contrôleur de gestion de la société Monsieur Z..., mentionnant sur son principe l'appel d'offre CARREFOUR et la nécessité d'une réponse avant le 13 septembre suivant, ne suffit pas à démontrer d'une part, qu'une information complète sur cette opération promotionnelle avait été donnée à l'administrateur judiciaire, d'autre part et surtout que celui-ci avait bien donné son accord pour cette opération, dans le contexte où :- La SAS CONSERVES DE PROVENCE avait été placée sous redressement judiciaire par jugement du 12 mars 2007, soit 7 mois avant l'opération commerciale litigieuse.- L'administrateur judiciaire, après avoir constaté plusieurs fois l'existence de données financières non validées et inexactes du fait de dysfonctionnements et d'absence de communication entre les services, avait obtenu à sa demande la modification et l'élargissement de sa mission initiale en se voyant confier la mission d'assurer seul l'entière administration et gestion de l'entreprise, par jugement du 13 juillet 2007, soit 2 mois seulement avant l'opération CARREFOUR.- L'opération promotionnelle envisagée et conclue avec la société CARREFOUR représentait en tout état de cause et même en cas de non retour de la commande par cette société, une opération commerciale à perte pour la société CONSERVES DE PROVENCE déjà en difficultés financières ; que la production aux débats des quatre courriers électroniques échangés les 26 et 27 juillet 2007 entre Monsieur Laurent G..., directeur de bureau de la SELARL BEAULAND, GLADEL, MARTINEZ et Monsieur X... sur les dates de renouvellement des référencements de l'entreprise, comme le courrier électronique adressé par le salarié le 14 août 2007 à Monsieur Y... sur une opération ponctuelle avec le groupe RUSSO démontre que, dès après la dernière décision judiciaire susvisée confiant au seul administrateur judiciaire la gestion de l'entreprise, il devait, en sa qualité de directeur commercial rendre compte à celui-ci, substitué dans les pouvoirs de gestion de la société redressée, des actes de gestion engageant cette dernière ; que la menée de l'opération promotionnelle critiquée est révélatrice des dysfonctionnements constatés par l'administrateur judiciaire au sein d'une entreprise placée en redressement judiciaire et ayant motivé la demande par celui-ci de l'extension de ses pouvoirs et s'est produite dans le contexte ci-dessus exposé du redressement judiciaire de la société, sans que l'accord ait été donné par l'administrateur judiciaire à cette opération ; que dans un tel contexte, le fait par le directeur commercial de la société de ne pas avoir sollicité pour l'opération concernée, nonobstant l'absence de dissuasion de la part de ses collègues d'encadrement et de la direction tenue informée, l'accord de l'administrateur judiciaire, dont il n'ignorait pas qu'il était devenu son seul interlocuteur décisionnel, constitue bien une faute grave rendant immédiatement impossible le maintien du contrat de travail dans le cadre de la procédure collective qui avait été ordonnée ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'analyser les autres griefs retenus dans le courrier de rupture par l'administrateur judiciaire qui a initié la procédure de licenciement, il convient de rejeter les demandes d'indemnisation au titre de la rupture, ainsi qu'au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, auxquelles le salarié ne peut prétendre, et d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement intervenu était dénué de cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE dès lors que la lettre de licenciement énonce un motif précis, il appartient aux juges du fond de vérifier la réalité des faits sur lesquels il se fonde ; que s'agissant du premier grief retenu, il était allégué dans lettre de licenciement que le représentant de l'administrateur judiciaire avait demandé le 10 septembre 2010 à Monsieur X... de l'informer des éléments quantitatifs et financiers de l'opération CARREFOUR avant toute acceptation définitive, et reproché à Monsieur X... de ne pas avoir fourni ces informations et de ne pas avoir sollicité l'accord dudit représentant conformément aux consignes qui lui avaient été données ; que la Cour d'appel a expressément relevé que l'employeur n'établissait pas la réalité des faits ainsi allégués, retenant « que concernant l'information de l'administrateur judiciaire et l'aval de celui-ci, aucune production n'était faite par la société appelante d'une demande formulée par l'administrateur judiciaire ou son représentant Monsieur Y... de " lui fournir les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive " à la date du même 10 septembre 2007, comme affirmé dans le courrier de rupture » ; qu'elle a néanmoins jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur X... était justifié ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

ALORS encore QUE la lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige ; que pour dire le licenciement de Monsieur X... fondé, la Cour d'appel a retenu « que dans un tel contexte de redressement judiciaire, le fait par le directeur commercial de la société de ne pas avoir sollicité pour l'opération concernée, nonobstant l'absence de dissuasion de la part de ses collègues d'encadrement et de la direction tenue informée, l'accord de l'administrateur judiciaire, dont il n'ignorait pas qu'il était devenu son seul interlocuteur décisionnel, constituait bien une faute grave » ; qu'or, l'employeur n'arguait pas dans la lettre de licenciement d'une obligation générale faite à Monsieur X... de solliciter l'accord de l'administrateur judiciaire en toutes circonstances, obligation qu'aurait violée le salarié, mais alléguait que « le 10 septembre, soit trois jours avant la date limite de réponse à l'offre de la société CARREFOUR, le représentant de l'administrateur judiciaire avez demandé au salarié de lui fournir les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive », et que Monsieur X... n'avait pas « respecté » « les consignes d'information et d'acceptation qui lui avaient été données par la direction de l'entreprise » ; que partant, en retenant ainsi un motif de licenciement qui n'était pas visé dans la lettre de licenciement, la Cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

ALORS aussi QUE la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré ; que toutefois, pour retenir l'existence d'une faute grave commise par Monsieur X..., la Cour d'appel s'est fondée sur le fait que « la seule transmission en copie le 7 septembre 2007 à Monsieur Y..., représentant de l'administrateur judiciaire du courriel du même jour du contrôleur de gestion de la société Monsieur Z..., mentionnant sur son principe l'appel d'offre CARREFOUR et la nécessité d'une réponse avant le 13 septembre suivant », élément produit par le salarié, « ne suffisait pas à démontrer d'une part, qu'une information complète sur cette opération promotionnelle avait été donnée à l'administrateur judiciaire, d'autre part et surtout que celui-ci avait bien donné son accord pour cette opération », et ce, après avoir relevé que la société n'établissait pas que Monsieur X... se soit vu demander de « fournir à l'administrateur judiciaire les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive » ; qu'en imposant ainsi au salarié de rapporter la preuve de l'absence de faute grave, alors-même qu'elle avait constaté que l'employeur n'établissait pas la réalité des faits visés dans la lettre de licenciement, la Cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;

ALORS en outre QU'en se fondant sur l'absence de preuve « qu'une information complète sur l'opération CARREFOUR avait été donnée à l'administrateur judiciaire » et « que celui-ci avait bien donné son accord pour cette opération », alors qu'elle avait préalablement relevé qu'il n'était pas démontré que l'administrateur judiciaire, ou son représentant Monsieur Y..., ait demandé à Monsieur X... de « lui fournir les éléments quantitatifs et financiers de ce dossier avant toute acceptation définitive », la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-21651
Date de la décision : 21/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 17 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2012, pourvoi n°11-21651


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.21651
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