LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 24 juin 1988, par la société Laurent, aux droits de laquelle se trouve la société Valenciennes poids lourds, M. X..., occupant en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe, a été licencié le 19 mars 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement et condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts, l'arrêt, après avoir relevé que l'employeur s'était, dans la lettre de licenciement, placé sur un terrain disciplinaire, retient que l'insuffisance professionnelle du salarié dont il se prévalait dans cette lettre n'est pas fautive ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour la société Valenciennes poids lourds
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli les demandes du salarié tendant à voir prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et d'avoir en conséquence condamné la Société exposante à des dommages et intérêts sur le fondement de l'absence de cause réelle et sérieuse de ce licenciement.
AUX MOTIFS QU'il est constant en droit que le juge n'est pas tenu par la qualification des parties quant à la nature du licenciement prononcé ; Il doit rechercher si au terme de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l'employeur s'est ou non positionné sur le terrain disciplinaire ; En l'espèce la société VALENCIENNES POIDS LOURDS soutient que le licenciement n'est pas intervenu pour faute, soulignant l'absence de mise à pied conservatoire et faisant valoir qu'en toutes hypothèses lorsque le juge ne retient pas l'existence d'une faute grave, il doit néanmoins rechercher s'il existe une cause réelle et sérieuse ; Toutefois, l'absence de mise à pied conservatoire, qui n'est pas indispensable pour qu'une faute grave puisse être retenue, ne signifie pas que l'employeur ne s'est pas positionné sur le terrain disciplinaire ; Un juge, qui constate que la faute grave dont un employeur se prévaut n'est pas établie, ne doit pas se limiter à rechercher si les faits invoqués ne sont pas constitutifs d'une cause réelle et sérieuse, il doit en effet pour ne pas modifier la nature du licenciement et rechercher si les faits sont constitutifs d'une faute de nature à conférer au licenciement une cause réelle et sérieuse ; En l'espèce, en indiquant dans la lettre de licenciement nous considérons que la répétition de ces fautes et négligences professionnelles constitue une cause réelle et sérieuse du licenciement, l'employeur s'est positionné sur le terrain disciplinaire ; Or, il se prévaut au terme de la lettre de licenciement de l'insuffisance professionnelle du salarié, laquelle n'est fautive que si elle est caractéristique d'une mauvaise volonté délibérée. Un tel caractère n'étant pas invoquée dans la lettre de licenciement, celui ci est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, aucune faute ne pouvant être imputée au salarié, étant observé qu'en revanche le délai de un mois par la notification du licenciement a été respecté dès lors que celui ci court à compter du dernier entretien préalable, un report ayant été effectué à la demande du salarié ; Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris.
ALORS QUE, le licenciement pour insuffisance professionnelle ne constitue pas un licenciement pour motif disciplinaire ; que les juges sont tenus par les termes de la lettre de licenciement ; que pour dire que le licenciement de M. X... devait s'analyser en un licenciement pour motif disciplinaire, la Cour d'appel a retenu que « en indiquant dans la lettre de licenciement ‘nous considérons que la répétition de ces fautes et négligences professionnelles constitue une cause réelle et sérieuse', l'employeur s'est positionné sur le terrain disciplinaire » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait très clairement de la lettre de licenciement que l'employeur reprochait exclusivement au salarié des manquements professionnels et non disciplinaires, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ainsi que l'article L. 1235-1 du Code du travail.
ALORS ENCORE QUE, constitue un licenciement pour insuffisance professionnelle, le licenciement prononcé en raison des manquements professionnels non fautifs du salarié ; qu'en disant que « le licenciement ayant été prononcé pour motif disciplinaire, seule une mauvais volonté délibérée pouvait le justifier », sans caractériser ce qui dans la lettre de licenciement pouvait justifier que le licenciement du salarié était intervenu pour motif disciplinaire, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1235-1 et L. 1331-1 du Code du travail
ET ALORS en conséquence QU'en ne recherchant pas si l'insuffisance professionnelle était ou non caractérisée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions
ALORS subsidiairement QU'à supposer que les motifs invoqués dans la lettre de licenciement aient un caractère disciplinaire, il appartenait à la Cour d'appel de rechercher si ces faits étaient ou non fautifs, peu important alors leur caractère volontaire ; qu'en disant le licenciement disciplinaire, au motif que des fautes étaient invoquées, et en refusant de rechercher si elles étaient constituées au motif que seule une insuffisance professionnelle était reprochée, la Cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 Code de procédure civile.
QU'à tout le moins en ne recherchant pas si les faits fautifs reprochés justifiaient le licenciement, la Cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et L. 1331-1 du Code du travail.