La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2012 | FRANCE | N°11-12197

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 novembre 2012, 11-12197


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 2010), que, par contrat conclu les 16 mai et 5 juin 1997, complété par plusieurs avenants, la société Energeia, aux droits de laquelle vient la société Comax France (la société Energeia), a confié à la société Wartsila France (la société Wartsila) la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'une centrale de cogénération électrique par transformation de gaz naturel, située à Publier ; qu'un différend étant su

rvenu entre les parties au sujet de l'exploitation et de la maintenance de la centr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 2010), que, par contrat conclu les 16 mai et 5 juin 1997, complété par plusieurs avenants, la société Energeia, aux droits de laquelle vient la société Comax France (la société Energeia), a confié à la société Wartsila France (la société Wartsila) la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'une centrale de cogénération électrique par transformation de gaz naturel, située à Publier ; qu'un différend étant survenu entre les parties au sujet de l'exploitation et de la maintenance de la centrale, la société Energeia a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage prévue par la clause compromissoire, laquelle confiait aux arbitres la mission de statuer comme amiables compositeurs ; que, par sentence du 29 juin 2009, ayant retenu que la société Energeia avait résilié unilatéralement le contrat et que la société Wartsila avait manqué à ses obligations contractuelles, le tribunal arbitral a condamné chacune d'elles à payer à l'autre une certaine somme, la première au titre d'une indemnité contractuelle de résiliation, la seconde à titre de dommages-intérêts, puis a ordonné la compensation entre ces créances et a condamné en conséquence la société Energeia au paiement de la somme restant due ; que le tribunal arbitral a rejeté les autres demandes des parties ;
Attendu que la société Energeia fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation de la sentence arbitrale, alors, selon le moyen :
1°/ que l'arbitre qui statue comme amiable compositeur doit confronter la solution qu'il retient à l'équité et s'en expliquer concrètement ; qu'en l'espèce, la société Energeia faisait expressément valoir dans ses écritures que pour mettre à sa charge le montant de la pénalité prévue au contrat en cas de rupture de celui-ci avant son terme, le tribunal arbitral ne s'était aucunement interrogé sur le caractère équitable ou non du montant de cette pénalité, et partant sur la nécessité d'en modérer le montant en considération de l'équité ; qu'elle soutenait ainsi que le tribunal arbitral s'était borné à faire une application mécanique de la clause pénale stipulée sans aucunement confronter cette solution à l'équité ; qu'en énonçant cependant – par un motif abstrait et purement formel – que la motivation du tribunal arbitral "révèle une recherche de l'équité en ce que celui-ci "estime qu'il n'y a pas lieu à réviser ce montant, dès lors qu'Energeia a résilié unilatéralement le contrat et est indemnisée au titre du préjudice subi par les manquements contractuels de Warstila" sans rechercher par une appréciation concrète des éléments soumis à son examen, si, en se bornant à faire une application pure et simple des stipulations contractuelles, le tribunal avait respecté sa mission d'amiable compositeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1474 et 1484-3° du code de procédure civile ;
2°/ que, si l'amiable compositeur n'est pas privé du pouvoir de statuer en droit, il doit néanmoins s'assurer que la solution retenue est conforme à l'équité ; que la société Energeia faisait valoir dans ses écritures, s'agissant de la répétition des sommes versées indument à Warstila, que le tribunal arbitral avait statué par une motivation de pur droit tenant à l'absence des conditions de mise en oeuvre du mécanisme de répétition de l'indu, sans aucunement confronter la solution qu'il retenait à l'équité ; qu'en se bornant néanmoins, pour rejeter la demande d'annulation de la sentence arbitrale, à énoncer que le tribunal avait relevé que "la rémunération avait pour contrepartie l'exploitation de la centrale", motif impropre à établir en quoi la solution de pur droit retenue par le tribunal arbitral avait été confrontée à l'équité, la cour d'appel a une fois encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1474 et 1484-3° du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt relève que, sur le principe et le montant de l'indemnité contractuelle mise à la charge de la société Energeia, la motivation du tribunal arbitral, figurant aux paragraphes 84 à 89 de la sentence, révèle une recherche de l'équité en ce que ce dernier a estimé qu'il n'y avait pas lieu de réviser ce montant dès lors que cette société avait résilié unilatéralement le contrat et était indemnisée au titre du préjudice subi par les manquements contractuels de la société Wartsila ; que le tribunal répondant sur ce dernier point aux conclusions de la première société qui avait fait valoir que l'indemnité en cause devait être réduite car elle avait été calculée au regard des prestations devant être effectuées par la seconde société, alors que cette dernière ne les avait pas intégralement réalisées, la cour d'appel, qui a expliqué en quoi les arbitres s'étaient fondés sur des considérations d'équité pour refuser d'en réviser le montant, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu ensuite, que, s'agissant du rejet de la demande en remboursement de la somme versée en rémunération de prestations de maintenance qui n'auraient pas été effectuées, l'arrêt indique que le tribunal arbitral a notamment relevé que cette rémunération avait pour contrepartie l'exploitation de la centrale ; que par ce motif, dont il résulte que la somme réclamée n'était pas indue compte tenu de la réalisation des autres prestations que celles pour laquelle la rémunération en cause avait été souscrite, la cour d'appel, qui en a déduit que la sentence était fondée en équité, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Comax France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Comax France à payer à la société Wartsila France la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Comax France, venant aux droits de la société Energeia.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation formé par la société ENERGEIA à l'encontre de la sentence arbitrale du 29 juin 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « selon l'article 24.2 du contrat du 16 mai 1997 : « …Les arbitres statueront comme amiables compositeurs » ; qu'en conséquence, le tribunal arbitral avait l'obligation de confronter à l'équité les solutions du litige qui se déduisent de la seule application de la loi ou du contrat ; que si l'intervention de l'équité peut ne pas être explicite, elle doit cependant résulter d'une façon certaine de la motivation de la sentence ; qu'il convient de rechercher si les arbitres constitués amiables compositeurs ainsi qu'ils n'ont pas manqué de le rappeler notamment aux paragraphes 26 et 28 comme au dispositif de la sentence, ont vérifié s'ils pouvaient ou non faire usage de leur pouvoir modérateur pour des raisons d'équité ; que sur le principe et le montant de l'indemnité contractuelle mise à la charge de la société ENERGEIA, la motivation du tribunal arbitral (paragraphes 84 à 89 de la sentence) révèle une recherche de l'équité en ce que celui-ci « estime qu'il n'y a pas lieu à réviser ce montant, dès lors qu'ENERGEIA a résilié unilatéralement le contrat, et est indemnisée au titre du préjudice subi par les manquements contractuels de WARTSILA » (paragraphe 89) ; que sur le rejet de la demande en paiement de la société ENERGEIA, qu'il ne peut être reproché au tribunal de ne pas avoir confronté sa décision à l'équité alors qu'il a relevé : « En outre, la rémunération avait pour contrepartie l'exploitation de la Centrale » (paragraphe 78), ce qui témoigne d'une décision fondée en droit et en équité ; que par suite, le tribunal arbitral a statué en conformité avec la mission qui lui était conférée ; que le moyen d'annulation partielle de la sentence et partant, le recours en annulation sont rejetés » ;
1°/ ALORS QUE l'arbitre qui statue comme amiable compositeur doit confronter la solution qu'il retient à l'équité et s'en expliquer concrètement ; qu'en l'espèce, la société ENERGEIA faisait expressément valoir dans ses écritures que pour mettre à sa charge le montant de la pénalité prévue au contrat en cas de rupture de celui-ci avant son terme, le tribunal arbitral ne s'était aucunement interrogé sur le caractère équitable ou non du montant de cette pénalité, et partant sur la nécessité d'en modérer le montant en considération de l'équité ; qu'elle soutenait ainsi que le tribunal arbitral s'était borné à faire une application mécanique de la clause pénale stipulée sans aucunement confronter cette solution à l'équité ; qu'en énonçant cependant – par un motif abstrait et purement formel – que la motivation du tribunal arbitral « révèle une recherche de l'équité en ce que celui-ci « estime qu'il n'y a pas lieu à réviser ce montant, dès lors qu'ENERGEIA a résilié unilatéralement le contrat et est indemnisée au titre du préjudice subi par les manquements contractuels de WARTSILA» sans rechercher par une appréciation concrète des éléments soumis à son examen, si, en se bornant à faire une application pure et simple des stipulations contractuelles, le tribunal avait respecté sa mission d'amiable compositeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1474 et 1484-3° du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE si l'amiable compositeur n'est pas privé du pouvoir de statuer en droit, il doit néanmoins s'assurer que la solution retenue est conforme à l'équité ; que la société ENERGEIA faisait valoir dans ses écritures, s'agissant de la répétition des sommes versées indument à WARTSILA, que le tribunal arbitral avait statué par une motivation de pur droit tenant à l'absence des conditions de mise en oeuvre du mécanisme de répétition de l'indu, sans aucunement confronter la solution qu'il retenait à l'équité ; qu'en se bornant néanmoins, pour rejeter la demande d'annulation de la sentence arbitrale, à énoncer que le tribunal avait relevé que « la rémunération avait pour contrepartie l'exploitation de la centrale », motif impropre à établir en quoi la solution de pur droit retenue par le tribunal arbitral avait été confrontée à l'équité, la Cour d'appel a une fois encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1474 et 1484-3° du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-12197
Date de la décision : 21/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 nov. 2012, pourvoi n°11-12197


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.12197
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award