LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société GCA Esthétique le 19 juillet 2006 en qualité d'esthéticienne responsable d'institut avec la classification d'agent de maîtrise, au sein de l'établissement sous l'enseigne "Body minute" situé à Belfort, centre des 4 As ; qu'ayant été licenciée pour faute grave par lettre du 20 mai 2008 pour avoir refusé d'effectuer un remplacement de quelques jours dans un autre établissement de son employeur sis dans la même ville, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'en paiement de rappel de salaire ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu le principe interdisant aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que l'arrêt retient qu'il se déduisait du courrier du 29 avril que la gestion administrative et la direction de l'établissement de la rue Jean Jaurès resteraient effectuées par la responsable de celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ce courrier concernait le centre des 4 AS où travaillait ordinairement la salariée et indiquait que la direction y serait assumée par la gérante, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit et violé le principe susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, lequel est recevable, s'agissant d'un moyen de pur droit :
Vu les articles L. 3141-1 et L. 3141-22 du code du travail ;
Attendu que pour faire droit à la demande de la salariée et lui allouer un rappel de salaire pour congés payés pris en dehors de la période réglementaire l'arrêt retient que l'employeur ne justifie pas conformément aux dispositions des articles L. 3141-13 et D. 3141-5 du code du travail de ce que la période de prise de congés payés dans l'entreprise a été régulièrement fixée à une date antérieure à celle du 1er mai de chaque année ;
Qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant alors que la salariée avait perçu l'intégralité de sa rémunération durant cette période de congés payés même imposée hors période réglementaire, de sorte qu'elle ne pouvait cumuler une indemnité de congés payés avec le salaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement de Mme X... sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société GCA Esthétique à lui verser les sommes de 1 310,79 euros au titre de la mise à pied conservatoire, de 131,08 euros au titre des congés payés afférents, de 1 653,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 165,36 euros au titre des congés payés afférents, de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ainsi que la somme de 837,56 euros à titre de rappel sur congés payés imposés hors période réglementaire, l'arrêt rendu le 15 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société GCA Esthétique
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... était dénué de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné l'exposante à lui verser les sommes de 1310,79 euros au titre de la mise à pied conservatoire, de 131,08 euros au titre des congés payés y afférent, de 1653,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 165,36 euros au titre des congés payés y afférent, de 8000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, de l'AVOIR condamnée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 6 du contrat de travail de Madame Murielle X... stipule que la société se réserve la possibilité d'affecter la salariée, afin qu'elle y exerce ses fonctions de responsable d'institut, dans n'importe quel autre établissement de la région Franche-Comté Alsace ayant des liens juridiques avec la société. Il est constant que par télécopie du 28 avril 2008, la S.A.R.L. GCA Esthétique a demandé à Madame Murielle X..., responsable au sein de l'institut franchisé sous l'enseigne "body minute" situé à Belfort, galerie de l'as de Trèfle, de se présenter du 29 avril au 3 mai 2008 dans son établissement situé rue Jean Jaurès, à Belfort. Le lendemain, la S.A.R.L. GCA Esthétique a remis en main propre à Madame Murielle X... un courrier lui indiquant que la gestion administrative et la direction de l'établissement de la rue Jean Jaurès resteraient effectuées par la responsable de celui-ci. Il en résulte que la S.a.r.l. GCA Esthétique entendait ainsi faire jouer, même temporairement, la clause de mobilité de sa salariée sur un poste de qualification inférieure. Madame Murielle X... était dès lors en droit de refuser d'effectuer le remplacement litigieux qui ne visait au surplus qu'à permettre à l'employeur de mettre en oeuvre, d'une manière détournée, une procédure de déclassement à laquelle il avait renoncé suite au refus de la salariée. Cette dernière n'a commis aucune faute. Le licenciement intervenu est donc sans cause réelle et sérieuse et il convient d'infirmer en ce sens le jugement déféré. Au vu de la requalification opérée ci-dessus, des bulletins de salaire et des dispositions légales et conventionnelles applicables à la date de la rupture, il y a lieu de faire droit aux demandes de Madame Murielle X... en paiement des sommes suivantes: - 1.310,79 € brut au titre de la période de mise à pied conservatoire, 1.653,56 € brut à titre d'indemnité compensatrice sur préavis, 165,36 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 131,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur période de mise à pied. Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise inférieure à deux ans, du montant de sa rémunération, et des justificatifs qu'elle produits il y a lieu de lui allouer une indemnité de 8 000 € en réparation du préjudice moral et matériel subi par elle du fait de la rupture abusive de son contrat de travail » ;
1.ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il résultait du courrier du 29 avril 2008, répondant à la télécopie de la salariée invoquant l'absence de responsable du centre des 4 AS pour refuser de se rendre au centre Jean Jaurès, que durant son affectation temporaire au centre Jean Jaurès pour y seconder la responsable, la gestion administrative et la direction du centre des 4 AS serait assurée par Mme Z... ; qu'en affirmant qu'il se déduisait du courrier du 29 avril 2008 que la gestion administrative et la direction du centre Jean Jaurès resteraient effectuées par la responsable de celui-ci, pour en déduire que l'employeur entendait affecter Mme X... à un poste de qualification inférieure, la Cour d'appel a dénaturé le courrier du 29 avril 2008 susmentionné, en violation du principe interdisant aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
2.ALORS subsidiairement QUE le fait d'affecter une salariée, pendant quatre jours, sur un poste relevant de ses attributions mais où elle n'exerce pas l'intégralité de ses responsabilités, ne modifie pas son contrat ; qu'aux termes de son contrat de travail, Mme X... devait assumer les fonctions d' « esthéticienne responsable d'institut » et était notamment chargée à ce titre d'« assurer les prestations d'esthéticienne de toute employée » ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait à Mme X... d'avoir refusé de seconder la responsable d'un autre institut de beauté situé à moins de 500 mètres de son lieu de travail habituel et pendant une durée 4 jours, cette responsable étant momentanément affaiblie par un accident de la circulation dont elle avait été victime quelques jours plus tôt ; que pour considérer que le licenciement était dénué cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a retenu que l'employeur souhaitait imposer à Mme X... une rétrogradation au poste d'esthéticienne puisque la responsabilité de l'établissement demeurait assumée par sa responsable et que partant, la salariée était en droit de refuser cette rétrogradation, fût-elle temporaire ; qu'en statuant ainsi, quand les attributions d'esthéticienne faisaient partie intégrante des fonctions contractuellement dévolues à Mme X..., en sorte que le fait de s'y consacrer durant 4 jours était impropre à modifier son contrat de travail, la Cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune modification du contrat par rétrogradation de l'intéressée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;
3. ET ALORS QUE l'employeur soutenait qu'il avait demandé à Mme X... d'assister la responsable du centre de l'avenue Jean Jaurès pendant 4 jours car cette dernière, qui portait une minerve à la suite d'un accident, ne pouvait assumer l'intégralité de ses fonctions ; que de plus deux salariées dudit centre étaient absentes (à raison d'un arrêt maladie et d'un décès familial) et une troisième faisait l'objet d'un remplacement ; que dans ces conditions, en affirmant péremptoirement que l'employeur aurait tenté de mettre en oeuvre de manière détournée un déclassement auquel il avait renoncé, la Cour d'appel, qui n'a ni examiné si l'affectation temporaire de la salariée ne correspondait pas à un besoin de l'entreprise, ni caractérisé les manoeuvres qu'elle a imputées à l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 1221-1 et L. 1222-1 du Code du Travail ;
4. ET ALORS QUE la clause de mobilité n'a vocation à s'appliquer qu'en cas de mutation du salarié en dehors de son secteur géographique ; qu'en l'espèce, la salariée était censée se déplacer dans un établissement situé dans Belfort et distant de moins de 500 mètres de son lieu de travail habituel ; qu'en affirmant que l'employeur avait entendu imposer une rétrogradation en « faisant jouer une clause de mobilité », la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Mme X... la somme de 837,56 euros à titre de rappel sur congés payés imposés hors période réglementaire ;
AUX MOTIFS QUE « Madame Murielle X... indique que l'employeur l'a placée d'office en congés payés du lundi 7 avril au samedi 26 avril 2008, soit 18 jours, alors que la période réglementaire de prise des congés payés débute au 1 er mai: L'intimée n'oppose aucun démenti à ces allégations, et ne justifie pas conformément aux dispositions des articles L 3141-13 et D 3141-5 du code du travail de ce que la période de prise de congés payés dans l'entreprise a été régulièrement fixée à une date antérieure à celle du 1er mai de chaque année. Il est justifié en conséquence de faire droit à la demande en paiement de la salariée à ce titre » ;
ALORS QUE l'indemnité de congés payés ne se cumule pas avec le salaire ; que dès lors, en allouant à la salariée un rappel de salaire à raison de congés payés qui n'auraient pas été pris dans la période réglementaire, la Cour d'appel lui a attribué en double paiement de ses congés en violation des articles L. 3141-1 et L. 3141-22 du Code du Travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Mme X... la somme de 493,44 à titre de frais de déplacement, ainsi que de l'AVOIR condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la salariée produit un décompte des frais de déplacement exposés par elle pour se rendre à des réunions de travail à COLMAR et MULHOUSE et une formation à PARIS à la demande de l'employeur en 2006 et 2008 ; au vu des pièces produites la demande apparaît fondée et il convient d'y faire droit à hauteur de 493,44 euros » ;
1.ALORS QU'il revient au salarié de faire la preuve des frais professionnels qu'il prétend avoir exposés ; que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en déduisant du décompte et des pièces versées aux débats, établis par la salariée, que sa demande apparaissait fondée, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
2. ET ALORS QU'en allouant à la salariée les sommes qu'elle réclamait dès lors que sa demande apparaissait fondée, la Cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.