ARRET N°
JC/IH
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 15 AVRIL 2011
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 04 Février 2011
N° de rôle : 10/02360
S/appel d'une décision
du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT
en date du 26 juillet 2010
Code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
[X] [J]
C/
S.A.R.L. GCA ESTHETIQUE
INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE
PARTIES EN CAUSE :
Madame [X] [J], demeurant [Adresse 1]
APPELANTE
REPRESENTEE par Monsieur [W] [F], délégué syndical selon mandat syndical daté et signé par Monsieur [S] [O], secrétaire général du syndicat C.F.D.T. de l'Aire urbaine du Territoire de [Localité 2] - [Localité 6] - [Localité 5]
ET :
S.A.R.L. GCA ESTHETIQUE, ayant son siège social [Adresse 3]
INTIMEE
REPRESENTEE par Me Yves BOUVERESSE, avocat au barreau de MONTBELIARD
INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE, ayant son siège social [Adresse 10]
PARTIE INTERVENANTE
NON COMPARANTE - NON REPRESENTEE
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 04 Février 2011 :
CONSEILLERS RAPPORTEURS : Madame Hélène BOUCON, Conseiller, en présence de Monsieur Jérôme COTTERET, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES
lors du délibéré :
Madame Hélène BOUCON et Monsieur Jérôme COTTERET, Conseillers, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Monsieur Jean DEGLISE, Président de chambre
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 25 mars 2011 et prorogé au 15 avril 2011 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [X] [J] a été engagée par la S.a.r.l. GCA Esthétique par contrat à durée indéterminée du 19 juillet 2006 en qualité d'esthéticienne responsable d'institut avec la classification d'agent de maîtrise, au sein de l'institut franchisé sous l'enseigne 'Body Minute' situé à [Localité 2], centre des 4 As, galerie de l'As de Trèfle.
Madame [X] [J] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave par lettre du 20 mai 2008 au motif qu'elle avait refusé, malgré la clause de mobilité figurant à son contrat de travail, d'effectuer un remplacement à l'établissement de la [Adresse 9].
Madame [X] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Belfort le 25 septembre 2009 afin de faire requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir :
- 1.310,79 € brut au titre de la période de mise à pied conservatoire,
- 1.653,56 € brut à titre d'indemnité compensatrice sur préavis,
- 165,36 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 131,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur période de mise à pied,
- 99,02 € brut au titre d'heures supplémentaires de mai 2008,
- 9,90 € brut au titre d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,
- 1.550,15 € brut au titre d'heures supplémentaires,
- 155,02 € au titre de rappels de congés payés,
- 493,44 € net au titre de frais de déplacement,
- 14.882,04 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- 4.960,68 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- le montant du salaire à celui prévu par la convention collective au coefficient 220, soit :
- 3.234,67 € brut,
- 323,47 € brut au titre des congés payés,
- la production de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail jusqu'au 21 juin 2008, sous astreinte de 50,00 € par document et jour de retard, 15 jours après notification de la décision,
- une indemnité de 400,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 26 juillet 2010 auquel il est référé pour un plus ample exposé, le conseil de prud'hommes de Belfort a débouté Madame [X] [J] de ses demandes, estimant que son licenciement reposait sur une faute grave au motif qu'elle avait refusé d'effectuer un remplacement à l'institut situé [Adresse 9] malgré la clause de mobilité prévue au contrat de travail.
Par lettre recommandée avec accusé de réception enregistrée au greffe le 9 septembre 2010, Madame [X] [J] a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 25 août 2010.
Selon conclusions enregistrées le 14 décembre 2010, elle entend voir :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes,
- requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la S.a.r.l. GCA Esthétique à lui verser les sommes suivantes :
- 1.310,79 € brut au titre de la période de mise à pied conservatoire,
- 1.653,56 € brut à titre d'indemnité compensatrice sur préavis,
- 165,36 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 131,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur période de mise à pied,
- 99,02 € brut au titre d'heures supplémentaires de mai 2008,
- 9,90 € brut au titre d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,
- 837,56 € brut au titre de rappel sur congés payés imposés hors période réglementaire,
- 1.550,15 € brut au titre d'heures supplémentaires,
- 155,02 € au titre de rappels de congés payés,
- 493,44 € net au titre de frais de déplacement,
- 14.882,04 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- 4.960,68 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Elle entend encore voir :
- fixer le montant du salaire à celui prévu par la convention collective au coefficient 220, soit :
- 2.750 € brut,
- 275 € brut au titre des congés payés,
- 3.025 € brut au total,
- fournir les éléments de calcul de l'intéressement,
- ordonner la production de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail jusqu'au 21 juin 2008 ainsi que du bulletin de paye de février 2007, sous astreinte de 50 € par document et jour de retard, 15 jours après notification de la décision,
- condamner la S.a.r.l. GCA Esthétique aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer une indemnité de 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Madame [X] [J] considère que le détachement imposé par son employeur à l'institut de la [Adresse 9] comme simple esthéticienne itinérante s'analyse en une rétrogradation disciplinaire qu'elle était en droit de refuser.
En réponse le 21 janvier 2011, la S.a.r.l. GCA Esthétique admet avoir envisagé une procédure de déclassement de [X] [J] avant d'y renoncer. Elle considère dès lors qu'elle était en droit de demander à la salariée, en raison de la clause de mobilité contenue dans son contrat de travail, de suppléer aux vacances de personnel du salon de la [Adresse 9].
Elle juge donc qu'en refusant de se présenter à ce poste de travail, [X] [J] a commis une faute grave. Elle ajoute que l'intéressée ne justifie pas d'heures supplémentaires impayées.
La S.a.r.l. GCA Esthétique conclut donc à la confirmation du jugement et à la condamnation de [X] [J] à lui payer une indemnité de 1.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1° ) Sur la qualification du licenciement :
L'article 6 du contrat de travail de Madame [X] [J] stipule que la société se réserve la possibilité d'affecter la salariée, afin qu'elle y exerce ses fonctions de responsable d'institut, dans n'importe quel autre établissement de la région Franche-Comté Alsace ayant des liens juridiques avec la société.
Il est constant que par télécopie du 28 avril 2008, la S.a.r.l. GCA Esthétique a demandé à Madame [X] [J], responsable au sein de l'institut franchisé sous l'enseigne 'body minute' situé à [Localité 2], galerie de l'as de Trèfle, de se présenter du 29 avril au 3 mai 2008 dans son établissement situé [Adresse 9].
Le lendemain, la S.a.r.l. GCA Esthétique a remis en main propre à Madame [X] [J] un courrier lui indiquant que la gestion administrative et la direction de l'établissement de la [Adresse 9] resteraient effectuées par la responsable de celui-ci.
Il en résulte que la S.a.r.l. GCA Esthétique entendait ainsi faire jouer, même temporairement, la clause de mobilité de sa salariée sur un poste de qualification inférieure.
Madame [X] [J] était dès lors en droit de refuser d'effectuer le remplacement litigieux qui ne visait au surplus qu'à permettre à l'employeur de mettre en oeuvre, d'une manière détournée, une procédure de déclassement à laquelle il avait renoncé suite au refus de la salariée.
Cette dernière n'a commis aucune faute.
Le licenciement intervenu est donc sans cause réelle et sérieuse et il convient d'infirmer en ce sens le jugement déféré.
Au vu de la requalification opérée ci-dessus, des bulletins de salaire et des dispositions légales et conventionnelles applicables à la date de la rupture, il y a lieu de faire droit aux demandes de Madame [X] [J] en paiement des sommes suivantes :
- 1.310,79 € brut au titre de la période de mise à pied conservatoire,
- 1.653,56 € brut à titre d'indemnité compensatrice sur préavis,
- 165,36 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 131,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur période de mise à pied.
Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise inférieure à deux ans, du montant de sa rémunération, et des justificatifs qu'elle produits il y a lieu de lui allouer une indemnité de 8 000 € en réparation du préjudice moral et matériel subi par elle du fait de la rupture abusive de son contrat de travail.
2° ) Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire pour congés payés imposés hors période réglementaire
Madame [X] [J] indique que l'employeur l'a placée d'office en congés payés du lundi 7 avril au samedi 26 avril 2008, soit 18 jours, alors que la période réglementaire de prise des congés payés débute au 1er mai.
L'intimée n'oppose aucun démenti à ces allégations, et ne justifie pas conformément aux dispositions des articles L 3141-13 et D 3141-5 du code du travail de ce que la période de prise de congés payés dans l'entreprise a été régulièrement fixée à une date antérieure à celle du 1er mai de chaque année.
Il est justifié en conséquence de faire droit à la demande en paiement de la salariée à ce titre.
3° ) Sur les demandes en paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires et sur la base du salaire minimum conventionnel du coefficient 220
L'examen minutieux des pièces produites par la salariée n'a pas permis de comprendre en quoi elle estimait être créancière d'heures supplémentaires.
De même, il ressort que par courrier du 31 mars 2008, Madame [X] [J] a accepté d'être en RTT les mardi, mercredi, jeudi et vendredi suivants, prenant acte du fait qu'elle avait une quarantaine d'heures à récupérer.
S'agissant de sa réclamation fondée sur les dispositions conventionnelles applicables à l'entreprise, il apparaît que dans la mesure où d'une part, l'arrêté du 4 août 2004 portant extension de l'avenant du 27 avril 2004 relatif aux salaires minimum a été annulé par le Conseil d'Etat le 19 mai 2006 et où, d'autre part, il n'est pas démontré que la S.a.r.l. GCA Esthétique ait adhéré à un syndicat signataire du dit avenant, Madame [X] [J] ne peut en revendiquer l'application.
4° ) Sur la demande en paiement de frais de déplacement
La salariée produit un décompte des frais de déplacement exposés par elle pour se rendre à des réunions de travail à [Localité 4] et [Localité 7] et à une formation à [Localité 8] à la demande de l'employeur en 2006 et 2008.
Au vu des pièces produites la demande apparaît fondée et il convient d'y faire droit à hauteur de 493,44 €.
5° ) Sur l'intéressement
Madame [X] [J], qui, en sa qualité de responsable d'établissement, avait accès à l'ensemble des informations comptables lui permettant de calculer et de justifier de ses droits à un intéressement sur les ventes, n'est pas fondée à solliciter la production de ceux-ci par l'employeur.
6° ) Sur la délivrance des documents de fin de contrat et bulletin de salaire
La demande est justifiée, dès lors que la cour a fait droit partiellement aux demandes de salaire.
7° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
La S.a.r.l. GCA Esthétique succombant sur l'appel, elle sera condamnée aux dépens.
L'équité commande d'allouer à Madame [X] [J] une indemnité de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
P A R C E S M O T I F S
La cour, chambre sociale, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 26 juillet 2010 par le conseil de prud'homme de Belfort,
Statuant à nouveau,
Condamne la S.a.r.l. GCA Esthétique à payer à Madame [X] [J] les sommes suivantes :
- mille trois cent dix euros et soixante dix neuf centimes (1.310,79 €) brut au titre de la période de mise à pied conservatoire,
- mille six cent cinquante trois euros et cinquante six centimes (1.653,56 €) brut à titre d'indemnité compensatrice sur préavis,
- cent soixante cinq euros et trente six centimes (165,36 €) brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- cent trente et un euros et huit centimes (131,08 €) brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur période de mise à pied,
- huit cent trente sept euros et cinquante six centimes (837,56 €) brut au titre de rappel sur congés payés imposés hors période réglementaire,
- quatre cent quatre vingt treize euros et quarante quatre centimes (493,44 €) au titre de frais de déplacement,
- huit mille euros (8.000 €) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner la production de pièces comptables relatives au calcul de la prime d'intéressement ;
Ordonne à la S.a.r.l. GCA Esthétique de remettre à Madame [X] [J] un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformément à la présente décision, ainsi qu'un duplicata du bulletin de salaire de février 2007 ;
Dit n'y avoir lieu en l'état de prononcer une astreinte pour l'exécution de cette injonction ;
Déboute Madame [X] [J] du surplus de ses demandes ;
Condamne la S.a.r.l. GCA Esthétique aux dépens ainsi qu'à verser à Madame [X] [J] une indemnité de cinq cents euros (500 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quinze avril deux mille onze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre, et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,