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14/11/2012 | FRANCE | N°12-12109

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2012, 12-12109


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Versailles, 10 janvier 2012) qu'à l'issue des élections des membres titulaires du comité d'entreprise organisées par la société Jungheinrich France en janvier 2011, ont été désignés en qualité de délégué syndical par le syndicat CGT MM. Y..., Z..., A..., I... et J... au sein des sites de Vélizy, Orvault, Lesquin, Saint-Quentin Fallavier, Vitrolles et par le syndicat CFDT Mme B... et MM. C..., D..., E..., F..., G... et H... au

sein des sites de Vélizy, Rungis, Lesquin, Paris Nord, Lingolsheim, B...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Versailles, 10 janvier 2012) qu'à l'issue des élections des membres titulaires du comité d'entreprise organisées par la société Jungheinrich France en janvier 2011, ont été désignés en qualité de délégué syndical par le syndicat CGT MM. Y..., Z..., A..., I... et J... au sein des sites de Vélizy, Orvault, Lesquin, Saint-Quentin Fallavier, Vitrolles et par le syndicat CFDT Mme B... et MM. C..., D..., E..., F..., G... et H... au sein des sites de Vélizy, Rungis, Lesquin, Paris Nord, Lingolsheim, Bruges et Vitrolles ; que l'employeur a contesté ces désignations ;
Attendu qu'il est fait grief au jugement d'annuler ces désignations et de dire que l'union locale CGT de Seclin et environs devra rectifier la désignation de M. A... en tant que délégué syndical central d'entreprise et constaté que la désignation de M. Y... (en qualité de délégué syndical central), en remplacement de M. A..., est devenue sans objet, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque, dans une entreprise, un seul comité d'entreprise est mis en place, aucune disposition légale ne fait obstacle à la désignation de délégués syndicaux dans un périmètre plus restreint, correspondant à des établissements distincts pour l'exercice du droit syndical ; que le tribunal d'instance a considéré qu'à défaut d'accord, la désignation des délégués syndicaux ne pouvait avoir lieu que sur le même périmètre que celui déterminé pour les élections des membres du comité d'entreprise ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;
2°/ qu'un délégué syndical peut être désigné dans le cadre d'un établissement distinct qui se définit comme le regroupement d'au moins cinquante salariés constituant une communauté de travail, ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, et travaillant sous la direction d'un représentant de l'employeur ; que le tribunal a constaté qu'il était " constant et non contesté que jusqu'aux élections organisées au sein de la société Jungheinrich France le 7 janvier 2011, des délégués syndicaux d'établissement étaient désignés par les organisations syndicales " ; qu'en statuant comme il l'a fait sans rechercher si l'employeur apportait la preuve que ces établissements avaient perdu leur qualité d'établissements distincts ni même s'ils remplissaient les critères pour être reconnus comme étant des établissements distincts pour l'exercice du droit syndical, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail ;
3°/ que, conformément à l'article 5 la convention 135 de l'Organisation internationale du travail : " Lorsqu'une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants … " ; que le fait de prohiber la désignation de délégués syndicaux dans un cadre plus restreint que celui retenu pour les élections du comité d'entreprise a pour conséquence de réduire le nombre des délégués syndicaux, de les éloigner des salariés et de nuire à leur efficacité en affaiblissant les syndicats et leurs représentants ; qu'en annulant les désignations des délégués syndicaux aux motifs qu'elles n'étaient pas intervenues dans le même périmètre que les élections des membres du comité d'entreprise, le tribunal a violé l'article 5 la convention 135 de l'Organisation internationale du travail et l'article L. 2143-3 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que selon l'article L. 2121-1-5° du code du travail, la représentativité des organisations syndicales est subordonnée à une audience électorale établie selon les niveaux de négociation à laquelle le délégué syndical est appelé à participer en application de l'article L. 2232-17 ; ensuite, que selon l'article L. 2122-1, l'audience prise en compte au titre de la représentativité est celle obtenue au premier tour des élections " au comité d'entreprise ou au comité d'établissement " ; enfin, que selon les articles L. 2143-3 et L. 2343-12 chaque organisation syndicale représentative dans " l'entreprise ou l'établissement " désigne, en fonction des effectifs de " l'entreprise ou de l'établissement ", un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; qu'il se déduit de l'application combinée de ces textes que, sauf accord collectif en disposant autrement, le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement ;
Et attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la société Jungheinrich France avait organisé, au niveau de l'entreprise, des élections en vue de la désignation des représentants du personnel au comité d'entreprise et, d'autre part, l'absence d'accord collectif permettant aux organisations syndicales de désigner dans un périmètre plus restreint un délégué syndical, le tribunal, qui n'était pas tenu de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inutile, en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions invoquées, que les désignations contestées, qui n'étaient pas intervenues au niveau de l'entreprise, étaient nulles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. Y... et les dix-sept autres demandeurs
Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR annulé les désignations de Messieurs Antonio Y..., Konrad Z..., Nelson A..., Gérard
I...
et Christian
J...
, faites par le syndicat CGT au sein des établissements de Vélizy, Orvault, Lesquin, Saint Quentin Fallavier, Vitrolles, et celles de Madame Catherine B... et de Messieurs Gilles C..., Franck D..., Elie E..., Jean-Charles F..., Carlos G..., et Angelo H... faites par le syndicat CFDT au sein des sites de Vélizy, Rungis, Lesquin, Paris Nord, Lingolsheim, Bruges et Vitrolles et dit que l'Union locale CGT de Seclin et environs devra rectifier la désignation de Monsieur Nelson A... en tant que délégué syndical central en délégué syndical d'entreprise et constaté que la désignation de Monsieur Antonio Y... (en qualité de délégué syndical central), en remplacement de Monsieur Nelson A... est devenue sans objet ;
AUX MOTIFS QU'il est constant et non contesté que jusqu'aux élections organisées au sein de la société JUNGHEINRICH France le 7 janvier 2011, des délégués syndicaux d'établissement étaient désignés par les organisations syndicales ; ces mandats ayant pris fin lors des élections, il convient d'apprécier la validité des désignations au regard de l'organisation et du résultat de ces nouvelles élections ; celles-ci avaient pour objet de désigner des représentants au comité d'entreprise et des délégués du personnel au sein des différents sites, qualifiés comme tels par le protocole électoral ; ces élections étaient les premières depuis la publication de la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale, laquelle a énoncé de nouvelles règles et notamment la nécessité, pour les organisations syndicales, d'être représentatives au sein d'un établissement pour y désigner des délégués syndicaux, cette représentativité étant mesurée, selon les dispositions de l'article L 2122-1 du code du travail au premier tour des élections au comité d'entreprise ou d'établissement ; c'est encore en fonction des effectifs de l'entreprise ou de l'établissement que sont désignés les délégués syndicaux par les organisations qui y sont représentatives ; par arrêt du 18 mai 2011, la cour de cassation a dès lors jugé qu'à défaut d'accord, la désignation d'un délégué syndical devait avoir lieu sur le même périmètre que celui déterminé pour les élections des membres du comité d'établissement ; les défendeurs prétendent que cette confusion des périmètres est incompatible avec les dispositions de l'article L 2143-6 du Code du Travail, lequel fait référence non pas à l'entreprise mais à l'établissement ; toutefois, cet article fait partie d'une section qui fait expressément référence aux " entreprises " de moins de 50 salariés ; et il a déjà été jugé, à plusieurs reprises, y compris après la publication de la loi de 2008, que même s'il vise des " établissements ", ce texte n'est pas applicable dans les entreprises dont l'effectif global est d'au moins cinquante salariés ; par ailleurs la contrariété de la décision de la Cour de cassation avec les dispositions de l'article 5 de la convention 135 de l'Organisation Internationale du Travail, qui préconise de prendre des mesures appropriées pour éviter un affaiblissement des syndicats ou de leurs représentants par rapport aux élus, n'est pas établie ; l'unification des périmètres a pour objet de renforcer la mission de négociation des délégués, laquelle nécessite la présence d'un employeur susceptible de satisfaire les revendications des salariés ; or cette mission de négociation des délégués syndicaux, qui est fondamentale même si elle n'est pas la seule, n'appartient, dans les entreprises où elles sont implantées, qu'aux organisations syndicales, et non pas aux élus ; l'unification critiquée n'est donc contraire ni à la loi, ni aux conventions internationales ; les défendeurs font valoir que les mandats de délégués syndicaux ont toujours existé au sein des établissements de la société JUNGHEINRICH FRANCE, mais ne justifient pas d'un accord collectif ; il convient, au vu de ce qui précède, d'annuler la désignation de Messieurs Antonio Y..., Gérard
I...
, Konrad Z..., Nelson A..., Christian
J...
, Gilles C..., Franck D..., Elie E..., Jean-Charles F..., Carlos G... et Angelo H... et de Madame Catherine B... effectuées par les syndicats CGT et CFDT sur les établissements respectivement de Vélizy, Saint Quentin Fallavier, Orvault, Lesquin, Vitrolles, Rungis, Lesquin, Paris Nord, Lingolsheim, Bruges, Vitrolles et Vélizy lesquels sont dépourvus de comités d'établissement ; l'Union locale CGT de Seclin et environs devra rectifier la désignation de Monsieur Nelson A... en tant que délégué syndical central en délégué syndical d'entreprise ; la désignation de Monsieur Antonio Y... qui n'avait été faite qu'à titre temporaire, pour remplacer Monsieur Nelson A... " jusqu'à son retour de congés ", est devenue sans objet ;
ALORS QUE lorsque, dans une entreprise, un seul comité d'entreprise est mis en place, aucune disposition légale ne fait obstacle à la désignation de délégués syndicaux dans un périmètre plus restreint, correspondant à des établissements distincts pour l'exercice du droit syndical ; que le Tribunal d'instance a considéré qu'à défaut d'accord, la désignation des délégués syndicaux ne pouvait avoir lieu que sur le même périmètre que celui déterminé pour les élections des membres du comité d'entreprise ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal a violé l'article L 2143-3 du Code du Travail ;
ALORS QU'un délégué syndical peut être désigné dans le cadre d'un établissement distinct qui se définit comme le regroupement d'au moins 50 salariés constituant une communauté de travail, ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, et travaillant sous la direction d'un représentant de l'employeur ; que le Tribunal a constaté qu'il était « constant et non contesté que jusqu'aux élections organisées au sein de la société JUNGHEINRICH France le 7 janvier 2011, des délégués syndicaux d'établissement étaient désignés par les organisations syndicales » ; qu'en statuant comme il l'a fait sans rechercher si l'employeur apportait la preuve que ces établissements avaient perdu leur qualité d'établissements distincts ni même s'ils remplissaient les critères pour être reconnus comme étant des établissements distincts pour l'exercice du droit syndical, le Tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 2143-3 du Code du Travail ;
ALORS QUE, conformément à l'article 5 la convention 135 de l'Organisation Internationale du Travail : « Lorsqu'une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, … » ; que le fait de prohiber la désignation de délégués syndicaux dans un cadre plus restreint que celui retenu pour les élections du comité d'entreprise a pour conséquence de réduire le nombre des délégués syndicaux, de les éloigner des salariés et de nuire à leur efficacité en affaiblissant les syndicats et leurs représentants ; qu'en annulant les désignations des délégués syndicaux aux motifs qu'elles n'étaient pas intervenues dans le même périmètre que les élections des membres du comité d'entreprise, le Tribunal a violé l'article 5 la convention 135 de l'Organisation Internationale du Travail et l'article L 2143-3 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-12109
Date de la décision : 14/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Versailles, 10 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2012, pourvoi n°12-12109


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:12.12109
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