LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne, 8 décembre 2011), que la Société de traitement de presse (STP) a organisé les élections des membres de son comité d'entreprise et des délégués du personnel selon un protocole d'accord préélectoral signé le 5 juillet 2011 ; que ce protocole prévoyait un établissement unique pour le comité d'entreprise ; que le 7 octobre 2011, le syndicat CGT a désigné M. X... en qualité de délégué syndical de l'établissement de Chelles ; que les 10 et 11 octobre 2011, le syndicat Sud-PTT, d'une part, et le syndicat CFDT, d'autre part, ont désigné respectivement M. Y... et M. Z... en qualité de délégués syndicaux du même établissement ; que contestant ces désignations en ce qu'elles avaient été effectuées sur un périmètre ne correspondant pas à celui du comité d'entreprise unique, la société STP a saisi le tribunal d'instance ;
Attendu que la société STP fait grief au tribunal d'instance d'avoir validé les désignations, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de la combinaison des articles L. 2121-1 5°, L. 2122-1, L. 2141-10, L. 2143-3 et L. 2232-17 du code du travail issus de la loi du 20 août 2008 que le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement sauf si un accord collectif conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi en dispose autrement ; que dès lors, en faisant application d'un accord collectif du 14 mars 2003 pour valider les désignation de délégués syndicaux effectuées dans le cadre d'un établissement distinct, postérieurement à l'élection du comité d'entreprise intervenue en octobre 2011 au sein d'un établissement unique, le tribunal a violé les dispositions précitées ;
2°/ que l'article 1er de l'accord collectif du 14 mars 2003 "relatif aux moyens accordés aux organisations syndicales" rappelle seulement les règles légales applicables en matière de crédits d'heures alloués aux différents représentants du personnel indiquant ainsi que le nombre d'heures pour le "délégué syndical d'établissement" est de 10, 15, ou 20 selon que l'entreprise ou l'établissement compte de 50 à 150 salariés, de 151 à 500 salariés ou plus de 500 salariés ; que ce texte, qui se réfère ainsi, quel que soit l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement, aussi bien à un "délégué syndical d'entreprise" qu'à un "délégué syndical d'établissement" ne détermine aucunement si le cadre de la mise en place des délégués syndicaux doit être l'entreprise ou l'établissement ; que dès lors, en affirmant que ce texte fixait comme périmètre de désignation d'un délégué syndical l'établissement de plus de 50 salariés, le tribunal d'instance a violé la disposition conventionnelle en cause ;
Mais attendu que si le périmètre de désignation des délégués syndicaux est en principe le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement, un accord collectif peut en disposer autrement en prévoyant un périmètre plus restreint, peu important que cet accord ait été conclu avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 ;
Et attendu qu'un accord d'entreprise qui, alors que le périmètre d'implantation du comité d'entreprise au sein de l'entreprise est unique, prévoit l'existence de "délégués syndicaux d'établissement" et les moyens qui leur sont affectés est nécessairement dérogatoire au périmètre légal de désignation des délégués syndicaux ;
Qu'il en résulte que le tribunal d'instance, qui a constaté que l'accord collectif d'entreprise du 14 mars 2003 prévoyait la possibilité de désigner des délégués syndicaux d'établissement malgré la mise en place d'un comité d'entreprise unique au sein de la société, et qui, en l'absence de précisions de l'accord collectif sur le périmètre des établissements distincts permettant la désignation de ces délégués syndicaux d'établissement, a fait ressortir que l'établissement de Chelles, périmètre de désignation de MM. X..., Y... et Z..., constituait un établissement distinct pour la désignation des délégués syndicaux, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société de traitement de presse à payer à M. Z... et au syndicat CFDT syndicat francilien communication conseil culture la somme globale de 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la Société de traitement de presse
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir débouté la société STP de sa demande en annulation de la désignation de délégués syndicaux au sein de l'établissement de Chelles ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L 2143-3 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L 2143-3, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ; qu'il est constant que, par application de ce texte et sauf accord collectif en disposant autrement, le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu lors des dernières élections pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société STP comporte quatre établissements, dont celui de Chelles dans le cadre duquel se sont opérées les désignations contestées, que les élections du comité d'entreprise ont été organisées au niveau de l'entreprise et non des établissements, et que les organisations syndicales défenderesses satisfont aux conditions de représentativité permettant de désigner un délégué syndical ; que les parties s'opposent en revanche sur la question de savoir si l'accord du 14 mars 2003 permet de définir un cadre de désignation des délégués syndicaux au niveau des établissements, accord dont il convient par conséquent d'observer la portée et la validité ; que selon les articles 1157 et 1158 du code civil, lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun et que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat ; que l'accord litigieux, intitulé « accord d'entreprise relatif aux moyens accordés aux organisations syndicales » vise, selon les termes de son préambule, à « définir (entre l'employeur et les organisations syndicales) les dispositions spécifiques régissant l'exercice du droit syndical à la société STP tout en respectant bien entendu le socle minimum des obligations légales et réglementaires qui leur incombent » ; que parmi les «moyens accordés », l'article 1.1 de cet accord indique que chaque «délégué syndical d'établissement (appréciation par établissement) », bénéficie d'un nombre d'heures de délégation en fonction de l'effectif de l'établissement, avec cette précision que les heures accordées sont cumulables, sauf en cas de cumul « entre le mandat de délégué syndical d'entreprise et celui de délégué syndical d'établissement » ; que de même, l'article 2 prévoit que le bon de délégation « est établi par le délégué syndical d'entreprise et/ou d'établissement » ; que l'article 3.2 quant à lui vise « l'établissement auquel le délégué syndicale est normalement rattaché » (même expression dans l'article 9) ; qu'ainsi, il ne peut être raisonnablement soutenu que cet accord ne prévoyait pas la possibilité de désigner des délégués syndicaux au sein de chaque établissement, outre des délégués syndicaux d'entreprise, l'existence de délégués syndicaux d'établissement étant expressément prévue selon les termes clairs de l'accord, précités, sauf à considérer que des moyens étaient accordés à des représentants inexistants, en méconnaissance de l'article 1157 du code civil, ou que le terme « établissement » était employé à tort ou au sens de « l'entreprise », en contradiction cette fois-ci avec l'article 1158 du même code ; que selon l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ; que selon l'article L 2251-1 du code du travail, une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur ; qu'ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, par application de ces textes, la société STP ne peut prétendre que la loi du 20 août 2008 a remis en cause un accord antérieur à son entrée en vigueur au motif inopérant qu'il n'a pas été conclu dans les conditions aujourd'hui en vigueur, dans la mesure où il a en son temps été valablement conclu, conformément aux articles L. 132-2 et suivants du code du travail tels qu'applicables ; que l'entrée en vigueur de cette loi ne peut donc faire obstacle à l'application de cet accord, qui constitue une source de droit autonome et a vocation à s'appliquer car il est conforme au droit en vigueur, notamment l'article L 2251 -1 précité, et car il a été conclu sans détermination de durée et n'a pas été dénoncé ; qu'en effet, le protocole d'accord préélectoral conclu postérieurement ne traite pas de la question du cadre de désignation des délégués syndicaux mais de celle des modalités des élections professionnelles, de sorte qu'il n'y a pas d'identité d'objet entre ces deux accords, qui s'appliquent concomitamment au sein de la société STP ; que par conséquent, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ont pu désigner un délégué syndical dans chaque établissement de la société STP, dont celui de Chelles, par application de cet accord, de sorte que la requête en annulation de ces désignations doit être rejetée ;
1°) ALORS QU' il résulte de la combinaison des articles L 2121-1 5°, L 2122-1, L 2141-10, L 2143-3 et L 2232-17 du code du travail issus de la loi du 20 août 2008 que le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des dernières élections, pour la mise en place du comité d'entreprise ou d'établissement, sauf si un accord collectif conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi en dispose autrement ; que dès lors, en faisant application d'un accord collectif du 14 mars 2003 pour valider les désignations de délégués syndicaux effectuées dans le cadre d'un établissement distinct, postérieurement à l'élection du comité d'entreprise intervenue en octobre 2011 au sein d'un établissement unique, le tribunal d'instance a violé les dispositions précitées ;
2°) ALORS QUE l'article 1er de l'accord collectif du 14 mars 2003 « relatif aux moyens accordés aux organisations syndicales » rappelle seulement les règles légales applicables en matière de crédits d'heures alloués aux différents représentants du personnel, indiquant ainsi que le nombre d'heures pour le « délégué syndical d'entreprise » et pour le « délégué syndical d'établissement » est de 10, 15 ou 20 selon que l'entreprise ou l'établissement compte de 50 à 150 salariés, de 151 à 500 salariés ou plus de 500 salariés ; que ce texte, qui se réfère ainsi, quel que soit l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement, aussi bien à un « délégué syndical d'entreprise » qu'à un « délégué syndical d'établissement », ne détermine aucunement si le cadre de la mise en place des délégués syndicaux doit être l'entreprise ou l'établissement ; que dès lors en affirmant que ce texte fixait comme périmètre de désignation d'un délégué syndical l'établissement de plus de 50 salariés, le tribunal d'instance a violé la disposition conventionnelle en cause.