La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2012 | FRANCE | N°11-22498

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 novembre 2012, 11-22498


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 9 novembre 2010), que par actes des 30 août 2001 et 15 janvier 2002, Mme X... (la caution) s'est rendue caution solidaire envers la Caisse de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France (la caisse) de deux prêts consentis à la société L'Hebertard (la société), destinés à l'acquisition d'un fonds de commerce ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 19 février 2007, la caisse a déclaré sa créance, puis a assign

é en paiement la caution, qui a recherché sa responsabilité en invoquant l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 9 novembre 2010), que par actes des 30 août 2001 et 15 janvier 2002, Mme X... (la caution) s'est rendue caution solidaire envers la Caisse de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France (la caisse) de deux prêts consentis à la société L'Hebertard (la société), destinés à l'acquisition d'un fonds de commerce ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 19 février 2007, la caisse a déclaré sa créance, puis a assigné en paiement la caution, qui a recherché sa responsabilité en invoquant le non-respect du principe de proportionnalité et la déchéance du droit aux intérêts ;
Attendu que la caution fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la caisse certaines sommes assorties des intérêts au taux contractuel de 10, 95 % à compter du 24 avril 2007, alors, selon le moyen :
1°/ que la caisse est tenue d'un devoir de mise en garde en cas de disproportion des revenus de la caution non avertie par rapport à l'engagement souscrit et que l'appréciation de l'existence d'une telle disproportion doit être effectuée au regard de l'ensemble des charges au jour de la souscription du prêt cautionné ; qu'en l'espèce, il résultait de la fiche de prêt dont se prévalait la caisse, que l'appartement acquis en indivision avec M. Y... en septembre 2000, faisait l'objet d'un prêt en cours d'un montant de 288 000 francs ; qu'en retenant que l'engagement de caution pour un montant de 330 000 francs puis 6 400 euros en principal n'était pas disproportionné aux revenus annuels de 110 000 francs eu égard à la qualité de propriétaire d'un bien acquis pour 525 000 francs, sans rechercher si l'ensemble de ces charges de remboursement de prêts ne rendait pas les nouveaux crédits octroyés disproportionnés par rapport aux capacités de remboursement de la caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que tout créancier doit aviser la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ; qu'en admettant que la mise en oeuvre de la caution par la caisse ait pu intervenir sur simple mise en demeure postérieure à la liquidation judiciaire de la société, la cour d'appel a violé l'article 47, II, alinéa 3, de la loi du 11 février 1994, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 1998 ;
3°/ qu'il appartient à la caisse d'établir la preuve du contenu et de la date des informations données aux cautions d'un prêt consenti à une société ; qu'en estimant cette preuve rapportée par la production d'un constat d'huissier selon lequel l'information serait conforme aux exigences de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, sans que ces motifs permettent à la Cour de cassation de vérifier que ces informations ont été régulièrement fournies par la caisse à la caution ni qu'elles ont répondu aux prescriptions légales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
4°/ que l'information que l'établissement dispensateur de crédit doit à la caution d'un prêt consenti à une société doit être délivrée annuellement et que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; qu'en constatant que l'information par la caisse n'avait été donnée qu'en 2005, tandis que les cautionnements avaient été signés en 2001 et 2002, de sorte que l'information n'ayant pas été donnée entre 2001 et 2005, la déchéance des intérêts échus était légalement encourue, la cour d'appel a violé l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
5°/ que la caisse doit faire connaître aux cautions le montant du principal, des intérêts, commissions, frais et accessoire restant à courir au 31 décembre de l'année précédente jusqu'à l'extinction de la dette garantie même si l'entreprise débitrice principale est en liquidation judiciaire ; qu'en condamnant la caution à régler les intérêts au taux conventionnel à compter du 19 février 2007, date de la liquidation judiciaire de la société garantie, ainsi que les intérêts de retard sans constater que la caisse avait persisté à accomplir son devoir d'information postérieurement à la liquidation judiciaire de la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'appréciant souverainement les éléments du débat, l'arrêt après avoir relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, que la caution était, avec son concubin, fondatrice de la société dont elle détenait 50 % du capital social et qu'elle exerçait la profession de gestionnaire, retient que compte tenu de ses relations avec le dirigeant social et de sa qualité d'associée dans une société qui ne comptait que deux associés, la caution était à même de disposer des informations nécessaires à la préservation de ses intérêts ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la caution était avertie et, dès lors qu'il n'était ni allégué ni démontré que la caisse aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses capacités de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération commerciale financée, des informations qu'elle-même aurait ignorées, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions, que la caution a invoqué devant la cour d'appel le manquement de la caisse, tant à son obligation d'information en cas d'incidents de paiement affectant la société, qu'à son obligation d'information annuelle jusqu'à l'extinction de la dette garantie même après l'ouverture de la procédure collective ; que le moyen, mélangé de fait et de droit, est donc nouveau en ses deuxième et cinquième branches ;
Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt relève que la caisse justifie, par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier, avoir adressé à la caution, à compter de l'année 2005, une information annuelle, dont le contenu satisfaisait aux exigences légales ; que de ces constatations, la cour d'appel a pu en déduire que la preuve du contenu et de la date des informations délivrées à la caution était rapportée ;
Attendu, enfin, qu'ayant retenu, au vu du décompte de la caisse, que la créance garantie, arrêtée au 24 avril 2007, intégrait, pour chacun des deux prêts, les intérêts normaux et de retard, les intérêts au taux contractuel de 10, 95 % l'an du 19 février 2007 au 24 avril 2007, ce dont il résultait que les intérêts n'étaient pas dus pour la période antérieure, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné mademoiselle X... à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et Ile de France les sommes de 18. 236, 72 euros au titre du prêt du 30 août 2001 et de 2. 787, 10 euros au titre du prêt du 15 janvier 2002, ces sommes devant produire intérêts au taux contractuel de 10, 95 % à compter du 24 avril 2007 ;
AUX MOTIFS QUE l'engagement de caution de madame X... du 30 août 2001 a été souscrit à concurrence de la somme de 330. 000 francs en principal, outre les intérêts au taux de 5, 95 % l'an et les frais et accessoires ; que celui souscrit pour la garantie du prêt du 15 janvier 2002 l'a été à concurrence de la somme de 6. 400 euros en principal, outre les intérêts au taux de 5, 95 % l'an et les frais et accessoires ; qu'il résulte du dossier de renseignements de la Caisse qu'à la date de son engagement de caution, madame X... exerçait la profession de gestionnaire et percevait des revenus salariaux annuels avoisinant 110. 000 francs ; qu'elle était également propriétaire avec son concubin, monsieur Y... Francisco, d'un appartement acquis en septembre 2000 pour un prix de 525. 000 francs ; qu'au vu de ces éléments, les engagements de caution souscrits par madame X... n'apparaissent pas disproportionnés à ses revenus et patrimoine ; qu'il sera surabondamment relevé que madame X... était la concubine de monsieur Y... Francesco, dirigeant de la société L'Hebertard dont elle détenait 50 % du capital social ; que compte tenu de ses relations avec le dirigeant social et de sa qualité d'associée dans une société qui ne comptait que deux associés, madame X... était à même de disposer des informations nécessaires à la préservation de ses intérêts ; que madame X... ne démontre pas – ni ne prétend – que la Caisse aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses capacités de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération commerciale financée, des informations qu'elle même aurait ignorées, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la Caisse ; que l'article L. 313-22 du code monétaire et financier fait obligation aux établissements de crédit de faire connaître à la caution avant le 31 mars de chaque année, le montant de la dette garantie en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires au 31 décembre de l'année précédente, en lui rappelant le terme de l'engagement ou la faculté de révocation à tout moment ainsi que les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée ; que ce texte sanctionne le manquement à cette obligation d'information par la déchéance du droit aux intérêts échus ; que la Caisse justifie par la production de procès-verbal de constat d'huissier avoir adressé à la caution, à compter de l'année 2005, une information annuelle dont le contenu satisfait aux exigences de l'article L. 313-22 précité ; que la Caisse produit un décompte de sa créance garantie par l'engagement de caution de mademoiselle X... arrêtée au 24 avril 2007 ; que ce décompte intègre à juste titre pour chacun des deux prêts, les intérêts normaux et de retard, les intérêts au taux contractuel de 10, 95 % l'an du 19 février 2007 au 24 avril 2007, ainsi que les indemnités de recouvrement de 10 % des sommes dues prévues par les contrats de prêt qui font la loi des parties, pénalités qu'il n'y a pas lieu de réduire en l'absence de caractère manifestement excessif ; qu'au vu de ce décompte, mademoiselle X... est débitrice en sa qualité de caution, d'une somme de 18. 236, 72 euros au titre du prêt du 30 août 2001 et d'une somme de 2. 787, 10 euros au titre du prêt du 15 janvier 2002, sommes qui produiront intérêts au taux contractuel de 10, 95 % à compter du 24 avril 2007 ;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés du jugement QU'au vu de ses revenus et de son patrimoine immobilier, ainsi que les espérances de gain quant à l'opération financée par les deux prêts en cause, il ne peut être valablement soutenu que l'engagement de caution solidaire d'un montant total de 56. 708, 18 euros était disproportionné, de sorte que la responsabilité de l'établissement bancaire ne peut être engagée ;
1°) ALORS QUE le banquier est tenu d'un devoir de mise en garde en cas de disproportion des revenus de la caution non avertie par rapport à l'engagement souscrit et que l'appréciation de l'existence d'une telle disproportion doit être effectuée au regard de l'ensemble des charges au jour de la souscription du prêt cautionné ; qu'en l'espèce, il résultait de la fiche de prêt dont se prévalait la Caisse, créancière, que l'appartement acquis en indivision avec monsieur Y... en septembre 2000, faisait l'objet d'un prêt en cours d'un montant de 288. 000 francs ; qu'en retenant que l'engagement de caution pour un montant de 330. 000 francs puis 6. 400 euros en principal n'était pas disproportionné aux revenus annuels de 110. 000 francs eu égard à la qualité de propriétaire d'un bien acquis pour 525. 000 francs, sans rechercher si l'ensemble de ces charges de remboursement de prêts ne rendait pas les nouveaux crédits octroyés disproportionnés par rapport aux capacités de remboursement de madame X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS QUE tout créancier doit aviser la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ; qu'en admettant que la mise en oeuvre de la caution par la Caisse régionale de crédit agricole ait pu intervenir sur simple mise en demeure postérieure à la liquidation judiciaire de la société débitrice, la cour d'appel a violé l'article 47 II alinéa 3 de la loi du 11 février 1994, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 1998 ;
3°) ALORS en tout état de cause QU'il appartient à la banque d'établir la preuve du contenu et de la date des informations données aux cautions d'un prêt consenti à une société ; qu'en estimant cette preuve rapportée par la production d'un constat d'huissier selon lequel l'information serait conforme aux exigences de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, sans que ces motifs permettent à la Cour de cassation de vérifier que ces informations ont été régulièrement fournies par la banque à la caution ni qu'elles ont répondu aux prescriptions légales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
4°) ALORS subsidiairement QUE l'information que la banque dispensatrice de crédit doit à la caution d'un prêt consenti à une société doit être délivrée annuellement et que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; qu'en constatant que l'information par la banque n'avait été donnée qu'en 2005, tandis que les cautionnements avaient été signés en 2001 et 2002, de sorte que l'information n'ayant pas été donnée entre 2001 et 2005, la déchéance des intérêts échus étaient légalement encourue, la cour d'appel a violé l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
5°) ALORS QUE le banquier doit faire connaître aux cautions le montant du principal, des intérêts, commissions, frais et accessoire restant à courir au 31 décembre de l'année précédente jusqu'à l'extinction de la dette garantie même si l'entreprise débitrice principale est en liquidation judiciaire ; qu'en condamnant mademoiselle X... à régler les intérêts au taux conventionnel à compter du 19 février 2007, date de la liquidation judiciaire de la société garantie, ainsi que les intérêts de retard sans constater que la banque avait persisté à accomplir son devoir d'information postérieurement à la liquidation judiciaire de la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-22498
Date de la décision : 13/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 09 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 nov. 2012, pourvoi n°11-22498


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22498
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award