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13/11/2012 | FRANCE | N°11-19671

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 novembre 2012, 11-19671


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Forges de Saint-Eloi (la débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 12 décembre 2005 et 27 février 2006, la date de cessation des paiements étant fixée au 14 novembre 2005 et Mme Z... étant nommée liquidateur (le liquidateur) ; que le liquidateur a assigné M. X..., dirigeant de la société jusqu'au 30 juin 2000 et M. Y..., son successeur, en paiement de l'insuffisance d'actif ;
Sur le premier moyen et le second moyen, pris e

n ses deuxième et troisième branches, réunis :
Attendu que ces griefs...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Forges de Saint-Eloi (la débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 12 décembre 2005 et 27 février 2006, la date de cessation des paiements étant fixée au 14 novembre 2005 et Mme Z... étant nommée liquidateur (le liquidateur) ; que le liquidateur a assigné M. X..., dirigeant de la société jusqu'au 30 juin 2000 et M. Y..., son successeur, en paiement de l'insuffisance d'actif ;
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, réunis :
Attendu que ces griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article L. 624-3 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que pour condamner M. X... à supporter une partie de l'insuffisance d'actif de la société, l'arrêt, après avoir constaté qu'il résulte des bilans versés aux débats qu'en 2003 la débitrice devait faire face à des dettes fiscales et sociales, fournisseurs et bancaires à moins d'un an de 303 224 euros pour un actif réalisable, créances incluses, de 271 961 euros, en 2004 à des dettes de même nature de 412 050 euros pour un actif de 115 978 euros, et en 2005 à des dettes de 733 955 euros pour un actif de 181 112 euros, puis retient que, la cessation des paiements ayant été acquise depuis la fin de l'année 2003, et en considération de la gravité des fautes commises, il est justifié de mettre une contribution à l'insuffisance d'actif de 500 000 euros à la charge de M. X... ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si l'insuffisance d'actif existait à la date à laquelle M. X... avait cessé ses fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à Mme Z..., ès qualités, à titre de contribution à l'insuffisance d'actif de la société Les Forges de Saint-Eloi, une somme de 500 000 euros, l'arrêt rendu le 24 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait, dans le cadre d'une action intentée par un mandataireliquidateur (Me Anne Z...), tendant à mettre à la charge de ses dirigeants successifs (MM. X... et Y...), l'insuffisance d'actif d'une entreprise en liquidation judiciaire, rejeté les exceptions et fins de non-recevoir soulevées,
- AUX MOTIFS QUE le liquidateur avait assigné, dans un premier temps, les dirigeants appelants sur le fondement de l'article L 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, à comparaître devant le tribunal de commerce en chambre du conseil puis, dans un second temps, au visa de l'article L 651-2 du même code issu de cette loi, en invoquant les mêmes faits et sans faire référence aux assignations précédentes, à comparaître en audience publique ; que le greffe du tribunal avait convoqué ces dirigeants, sur les premières assignations à comparaître en chambre du conseil, par application des dispositions de l'article L 624-3 ancien et de l'article 164 du décret du 27 décembre 1985 et, sur les secondes assignations, plus d'un mois avant l'audience, à comparaître en audience publique, au visa de l'article L 651-2 nouveau, ainsi que de l'article R 651-2 du même code issu du décret du 28 décembre 2005 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal de commerce n'avait statué que sur les secondes assignations et convocations, refusant de joindre la procédure distincte ouverte sur les premières assignations qui avait été évoquée le même jour et mise en délibéré, la décision n'ayant pas encore été rendue à la date des débats devant la cour ; que la procédure collective ayant été ouverte antérieurement au 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, seules étaient applicables au fond les dispositions de l'article L 624-3 ancien par application de l'article 191 de cette loi ; qu'étaient applicables cependant sur le plan procédural, conformément aux dispositions transitoires du décret du 28 décembre 2005, les articles R 651-1 et suivants issus de ce décret qui exigent une convocation un mois à l'avance et n'imposent plus l'audition en chambre du conseil ; qu'hormis le visa erroné de l'article L 651-2 nouveau, la substance des secondes convocations était conforme à la réglementation applicable ; que les secondes assignations l'étaient tout autant, abstraction faite du visa, par erreur dans le dispositif, de l'article L 651-2 nouveau, alors que dans les motifs il était mentionné sans ambiguïté que restait applicable l'article L 624-3 ancien ; que les erreurs affectant, d'une part le visa du dispositif de l'assignation, d'autre part les convocations effectuées par le greffe quant à l'application de l'article L 651-2 nouveau, étaient de pure forme et ne causaient aucun grief aux dirigeants appelants auxquels l'applicabilité de l'article L 624-3 5 ancien avait été expressément rappelée dans le corps des assignations et dans les conclusions ultérieures ; qu'en toute hypothèse, le tribunal avait le pouvoir de restituer à la demande son exact fondement ; qu'il n'y avait lieu en conséquence à annulation de ces chefs, ni des assignations ni des convocations ; que ces dernières se suffisant à elles-mêmes, il était indifférent que la décision en délibéré sur les assignations revendiquant l'application des textes de fond et de procédure anciens n'ait pas encore été rendue ; que le tribunal de commerce avait statué à l'issue d'une audience du 8 février 2010 ; que les convocations à comparaître avaient été délivrées par ministère d'huissier à M. X... le 10 novembre 2008 ; que le tribunal de commerce n'ayant pas usé de la faculté, offerte par l'article L. 6 51-4 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, de charger le juge-commissaire d'obtenir des informations sur la situation patrimoniale des dirigeants en cause, ces derniers se plaignaient en conséquence à tort de ce que le rapport de ce juge n'avait pas été mis à leur disposition dans les conditions de l'article R 651-5 du même code ; qu'en réalité, dans l'exercice de sa prérogative générale de surveillance du déroulement des procédures, le juge-commissaire qui n'était pas tenu de convoquer préalablement les dirigeants et d'entendre l'expert-comptable et le commissaire aux comptes, avait établi le 17 novembre 2008 un rapport dans lequel il avait émis un simple avis, en faisant siennes les constatations et conclusions du liquidateur, les dirigeants ayant été invités le même jour par le greffe à en prendre connaissance, et le visa erroné, dans cette invitation, de l'article R 651-5 du code de commerce n'étant de nature ni à leur causer grief, ni à entraîner la nullité de la procédure ; qu'il n'était pas nécessaire, pour que l'action en comblement de passif aboutisse, que le montant de l'insuffisance d'actif soit définitivement établi,
1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent, sans méconnaître les termes du litige, modifier le fondement des prétentions des parties ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir constaté que Me Z... avait saisi le tribunal de commerce de Fréjus de deux actions, l'une fondée sur l'article L 624-3 ancien du code de commerce et 164 du décret du 27 décembre 1985 (dispositions anciennes relatives à l'insuffisance d'actif) et l'autre sur l'article L 651-2 nouveau du code de commerce (nouvelles dispositions relatives à l'insuffisance d'actif) et qu'elle avait à connaître de cette seconde action, la première étant pendante, a refusé d'annuler le jugement qui avait été prononcé au visa des textes nouveaux inapplicables, en substituant les textes anciens à ceuxci, alors même qu'ils étaient invoqués dans une instance identique encore pendante, a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
2°) ALORS QUE si deux instances identiques sont pendantes devant des juridictions également compétentes, la seconde doit se dessaisir au profit de la première, s'il y a un risque de contrariété de décisions ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir constaté qu'une première instance identique à celle dont elle était saisie était pendante, a cependant énoncé qu'il était « indifférent que la décision en délibéré sur les assignations revendiquant l'application des textes de fond et de procédure anciens n'ait pas encore été rendue », a violé l'article 100 du code de procédure civile.
3°) ALORS QUE le rapport déposé par le juge-commissaire dans le cadre d'une action tendant à la mise à la charge d'un dirigeant d'une partie de l'insuffisance d'actif d'une société en liquidation judiciaire, doit être établi et communiqué dans les conditions de l'article R 651-5 du code de commerce ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé qu'il importait peu que le rapport déposé par le juge-commissaire n'ait pas été établi et déposé dans les conditions de l'article R 651-5 du code de commerce, a violé ce texte, ensemble l'article L 651-4 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a condamné un dirigeant (M. X...) d'une société en liquidation judiciaire (représentée par Me Z...), à régler une partie de l'insuffisance d'actif de celle-ci,-
AUX MOTIFS QUE la société LES FORGES DE SAINT ELOI avait construit l'ouvrage d'assise d'un aquarium à requins en 1987 dont des ruptures survenues en 1991 et 1994 lui avaient été imputées par un expert ; qu'elle avait été mise hors de cause par un jugement du 3 décembre 1996 et un arrêt du 17 mars 1998, ce dernier ayant cependant été cassé le 9 février 2000 ; qu'elle avait en définitive été condamnée le 21 juin 2005 par la cour d'appel de Nîmes, cour de renvoi, à payer diverses sommes à la SCI DELHON, propriétaire des aquariums, la garantie de son assureur ayant été limitée, dès lors que l'assurance souscrite excluait la garantie des dommages immatériels ; que le liquidateur reprochait pour l'essentiel aux dirigeants de ne pas avoir provisionné la dette en cause avant le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes et ne pas s'être souciés de l'étendue des garanties conférées par le contrat d'assurance ; que l'insuffisance de l'assurance ne pouvait, en toute hypothèse, être reprochée qu'à M. X..., dès lors que le sinistre était survenu avant la cession des parts et la prise de fonction de M. Y... et qu'ultérieurement, l'aléa ayant déjà été réalisé, toute modification de l'étendue de la garantie aurait été sans influence sur la prise en charge de ce sinistre par l'assureur ; que l'abstention reprochée à cet égard à Jacques Y... était en conséquence sans relation de cause à effet avec l'insuffisance d'actif invoquée ; que, postérieurement aux sinistres et avant l'intervention de la cour d'appel de Nîmes, M. X... avait reçu à plusieurs reprises des apaisements de son avocat d'alors quant aux garanties d'assurance et à l'étendue probable des obligations de la société LES FORGES DE SAINT ELOI relativement à ce sinistre, évalué à un maximum de 2 millions de francs avec possibilité de recours contre des co-condamnés ; que, la couverture d'assurance ayant dû être acquise avant la survenance des sinistres et même avant la réalisation du risque coïncidant avec l'achèvement du chantier, ces apaisements étaient sans incidence sur la faute reprochée à M. X... et ses conséquences ; qu'une entreprise de construction ne pouvant ignorer que sa responsabilité s'étend aux dommages immatériels, ni faire l'économie de la vérification de ses contrats d'assurance à cet égard, l'omission de ces dommages dont celui souscrit relevait d'une recherche d'économie coupable décidée sciemment à des fins de minoration des primes au détriment de la société et des tiers lésés et était constitutive d'une faute de gestion qui avait engendré directement la dette à l'égard de la SCI DELHON non couverte par l'assureur ; qu'il résultait des pièces versées aux débats et la cessation des paiements ayant été acquise à la fin de l'année 2003, qu'il convenait, en considération de la gravité des fautes commises, de mettre à la charge de M. X..., au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif, une somme 500. 000 € et de 200. 000 € à la charge de M. Y...,
1°) ALORS QUE le dirigeant qui a cessé ses fonctions ne peut voir mise à sa charge que l'insuffisance d'actif qui existait au jour de son départ de la société ; qu'en l'espèce, la cour, qui a mis à la charge de M. X..., ancien dirigeant de la société LES FORGES DE SAINT ELOI qui avait cessé ses fonctions en 2000, une insuffisance d'actif à hauteur de 500. 000 €, sans rechercher si, au jour du départ de ce dirigeant, la société pouvait déplorer une telle insuffisance d'actif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 624-3 du code de commerce.
2°) ALORS QUE l'insuffisance d'actif susceptible d'être mise à la charge d'un dirigeant doit être certaine et établie par le liquidateur ; qu'en l'espèce, la cour, qui a mis à la charge de M. X... une insuffisance d'actif à hauteur de 500. 000 €, à raison de la créance de la SCI DELHON déclarée à hauteur de 940. 674 €, sans rechercher si cette créance avait été vérifiée et sans rechercher non plus si la créancière n'avait pas, en tout ou en partie, été déjà désintéressée par le coresponsable in solidum des dommages subis par elle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 624-3 du code de commerce.
3°) ALORS QUE la faute de gestion susceptible d'entraîner la condamnation du dirigeant d'une entreprise en liquidation judiciaire à régler l'insuffisance d'actif ne peut être présumée ; qu'en l'espèce, la cour, qui a retenu à la charge de M. X... l'insuffisance de l'assurance qui avait été contractée pour couvrir la responsabilité de la société LES FORGES DE SAINT ELOI, sans rechercher si les professionnels (avocat, expert-comptable, commissaire aux comptes et experts) ayant assisté la société, notamment lors de la cession de ses actions à M. Y..., ne s'étaient pas eux-mêmes laissés abusés par la rédaction des contrats d'assurance de l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 624-3 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-19671
Date de la décision : 13/11/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 nov. 2012, pourvoi n°11-19671


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19671
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