LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2009), que le juge aux affaires familiales, par jugement du 2 décembre 2008, a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y... et a débouté celui-ci de sa demande de prestation compensatoire ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable au pourvoi principal :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une prestation compensatoire à son époux ;
Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que la rupture du mariage entraînerait une disparité dans les conditions de vie respectives des époux en défaveur du mari ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de limiter à 10 000 euros le montant de la prestation compensatoire qui lui a été allouée ;
Attendu que, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation des conclusions et de défaut de réponse à celles-ci, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations des juges d'appel qui ont souverainement estimé, au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, qu'il convenait de compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage au détriment de M. Y... par l'allocation à celui-ci d'une prestation compensatoire d'un montant de 10 000 euros ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à 10 000 euros le montant de la prestation compensatoire due au mari d'une femme divorcée à son profit ;
AUX MOTIFS QUE Madame X..., expert-comptable est gérante d'une société dont elle possède 80% des parts ; que Monsieur Y... fait valoir que la société de sa femme a un chiffre d'affaires de l'ordre de 100.000 € par an ; que la femme est propriétaire des 2/3 de la maison constituant le domicile conjugal et le mari 1/3 ;
ALORS QUE D'UNE PART, dans ses conclusions d'appel (signifiées le 2 novembre 2009, p.9) le mari avait souligné que son épouse détenait les 6/7èmes du bien immobilier situé à SAUCLAS constituant le domicile conjugal et en avait justifié par la production de l'acte d'acquisition de cet immeuble (pièce n° 33) de sorte qu'en retenant que la femme est propriétaire des 2/3 de la maison constituant le domicile conjugal et le mari 1/3, sans expliquer sur quel élément elle se fondait, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE D'AUTRE PART, le mari avait, dans ses conclusions délaissées par la Cour d'appel , invoqué (ibidem, p.8), justifications à l'appui, les droits de propriété de son épouse sur trois parcelles dont elle ne faisait pas état, et indiqué, qu'outre les parts de la société AMC, son épouse possédait son cabinet d'expert-comptable en son nom propre d'une valeur de 400.000 € ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, , la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QUE dans ses conclusions (ibidem, p.4), dénaturées par la Cour d'appel, le mari, loin de faire valoir que la société de sa femme a un chiffre d'affaires de l'ordre de 100.000 € par an, invoquait « un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de milliers d'euros » ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a dénaturé les conclusions et violé l'article 1134 du Code civil
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme X... à verser à M. Y... une somme de 10.000 €, sous forme de capital, à titre de prestation compensatoire ;
AUX MOTIFS QUE débouté en première instance de sa demande de prestation compensatoire de 210.000 €, M. Y... refait sa demande et réclame en appel 250.000 € ; que c'est à juste titre que le juge aux affaires familiales a estimé que la preuve n'était pas faite de ce que le couple avait fait un choix pour que le mari quitte toute carrière professionnelle pour élever l'enfant ; que ce jugement comporte une « coquille », disant que M. Y... aurait quitté un poste fixe sans consulter sa femme en « 2006 », avant que l'enfant soit né et qu'il faut lire en réalité « 1986 », Cédric étant né en juillet 1987 ; que c'est également en 1986 qu'il a créé une société, la S.A.R.L. LOGIMAT, qui a été en déficit dès 1987 et a survécu en activité très réduite jusqu'en 2002 sans procurer à M. Y... aucun revenu ; que dans le même temps, Mme X..., expert-comptable, était gérante d'une société AMC dont elle possède 80% des parts ; qu'elle fait valoir que son mari avait fait des études d'ingénieur en électronique aux Arts et Métiers et préparé un diplôme de techniques financières ; qu'il fait valoir que la société de sa femme a un chiffre d'affaires de l'ordre de 100.000 euros par an; alors que lui-même ne percevait que 980 € d'allocation chômage et n'aura que 990 €par mois de retraite ; que Mme X... lui oppose que lorsqu'elle prendra à son tour sa retraite elle ne percevra, à 60 ans, que 1.279 € par mois ; que les époux ont à ce jour, 62 ans pour le mari et 57 ans pour l'épouse ; qu'ils sont mariés depuis 27 ans, la vie commune ayant duré 24 ans et leur fils unique, âgé de 22 ans, étant dans un cycle d'études supérieurs de six années ; que la prestation compensatoire doit s'apprécier sur des données objectives, la disparité « réparable » devant être appréciée de la même façon qu'elle affecte le mari ou l'épouse ; qu'en l'espèce, la situation future·des époux est connue, M. Y... ayant atteint l'âge de la retraite et celle de Mme X... étant proche ; que sur le plan du patrimoine, Mme X... est propriétaire des deux tiers de la maison qui était le domicile conjugal, que le mari possède un tiers ; que M. Y... estime ce bien à 320.000 € alors que les agences immobilières en donnent 245.000 €, qu'il en ressort donc une part allant de 82.000 à 107.000 € ; qu'elle possède aussi 80% de sa société d'expertise comptable où elle exerce en activité libérale ; que la pension alimentaire qu'elle verse à son mari cessera avec la décision définitive sur le divorce ; qu'il existe manifestement une disparité en défaveur du mari qui sera compensée par un capital de prestation compensatoire de 10.000 € ;
ALORS QUE l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans les conditions de vie respectives est créée par la rupture du lien conjugal ; qu'elle n'est pas destinée à servir de rectificatif au régime matrimonial librement choisi par les époux pour parvenir ainsi à une communauté différée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait ressortir que l'abandon par M. Y... de toute carrière professionnelle avec les conséquences pécuniaires qui s'ensuivaient résultait de son choix personnel et non du temps consacré à sa famille ; qu'en décidant, cependant, d'allouer à M. Y... une prestation compensatoire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, à savoir que la disparité dans les conditions de vie respectives des époux avait été créée, non par la rupture du mariage, mais par le choix personnel du mari ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 270 du code civil.