LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 octobre 2010), que par jugement du 27 juin 2008, confirmé par arrêt du 19 juin 2009, le juge de l'expropriation, après fixation de l'indemnité de dépossession à la charge de la commune de Saint-Martin-d'Hères à la suite de l'expropriation de M.
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et de Mme Y..., veuve X... (les consorts
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), a dit que les frais de déménagement seront supportés par l'expropriant sur présentation d'une facture, le choix du déménageur résultant d'au moins trois devis ; qu'après versement de l'indemnité principale et de l'indemnité de remploi aux consorts
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et refus de leur part de déférer à la mise demeure de quitter les lieux au motif qu'ils n'avaient pas reçu l'indemnité de déménagement, la commune de Saint-Martin-d'Hères les a assignés pour qu'il leur soit ordonné de quitter les lieux et, à défaut, pour obtenir leur expulsion ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts
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font grief à l'arrêt de leur ordonner de laisser la commune de Saint-Martin-d'Hères prendre possession des biens expropriés sous peine d'astreinte, alors, selon le moyen :
1°/ qu'avant consignation ou paiement de l'indemnité d'expropriation, l'exproprié conserve la jouissance de ses biens et des droits qui en découlent ; qu'en ordonnant la libération des lieux tout en constatant que les indemnités de déménagement n'avaient pas été payées par l'autorité expropriante, la cour d'appel a violé l'article L. 15-1 du code de l'expropriation ;
2°/ qu'en attribuant le non-paiement des indemnités de déménagement à la carence des expropriés qui n'avaient pas présenté de facture correspondante, quand ces derniers faisaient valoir qu'ils ne pouvaient produire de factures tant qu'ils n'avaient pas déménagé et que l'arrêt fixant l'indemnité de déménagement était impossible à exécuter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation ;
3°/ qu'en retenant que les expropriés avaient refusé de procéder à l'établissement de " devis ", tout en constatant que les indemnités de déménagement étaient payables sur présentation d'une facture, justifiant ainsi leur prétendue carence par un motif inopérant, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation ;
4°/ qu'en affirmant que les expropriés n'avaient pas formulé de demandes chiffrées relatives aux indemnités de déménagement quand il résultait de l'ordonnance du 27 juin 2008 et de l'arrêt du 19 juin 2009, portant fixation des indemnités d'expropriation, qu'ils avaient sollicité en première instance une somme de 15 000 euros et, en appel, celles de 11 960 euros et de 1 776, 06 euros, la cour d'appel a dénaturé ces décisions en violation de l'article 1134 du code civil ;
5°/ que dans tous les cas d'obstacle au paiement, l'expropriant ne peut prendre possession des biens expropriés qu'en consignant le montant de l'indemnité ; qu'en ordonnant la libération des lieux tout en constatant que les expropriés, qui étaient tenus de présenter une facture, n'avaient reçu paiement de l'indemnité de déménagement qu'après libération des lieux et sans vérifier que le fait de subordonner le règlement de ladite indemnité à la production d'une facture de déménagement constituait un obstacle au paiement, la cour d'appel a violé l'article R. 13-65 du code de l'expropriation ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la méthode de détermination du montant de l'indemnité de déménagement par référence à la production d'une facture et de trois devis comparatifs avait été fixée par une décision de justice définitive, relevé que les consorts
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n'avaient pas fait établir de devis, ni présenté de facture, et retenu qu'ils avaient ainsi, par leur carence, empêché le versement de l'indemnité de déménagement, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche sur l'existence d'un obstacle au paiement de cette indemnité qui ne lui était pas demandée, et abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à l'absence de demandes chiffrées lors de la procédure d'indemnisation, a pu en déduire que les consorts
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étaient tenus de laisser la commune de Saint-Martin-d'Hères prendre possession des biens expropriés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, que le premier moyen étant rejeté, le second moyen pris en sa première branche est devenu sans objet ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par un motif non critiqué, que les consorts
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étaient à l'origine de l'absence de versement de l'indemnité de déménagement ayant motivé leur refus de quitter les lieux, la cour d'appel a pu en déduire que la procédure d'appel du jugement leur ordonnant de laisser la commune de Saint-Martin-d'Hères prendre possession des biens expropriés était abusive ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts
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et Mme Z...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts
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et Mme Z...à verser à la commune de Saint-Martin-d'Hères la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts
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et de Mme Z...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour les consorts
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et Mme Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à des expropriés (les consorts
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, les exposants) de laisser l'autorité expropriante (la commune de SAINT MARTIN D'HERES) prendre possession des biens expropriés, à peine d'astreinte ;
AUX MOTIFS propres et adoptés QUE la commune de SAINT MARTIN D'HERES justifiait avoir payé les indemnités revenant à M.
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et à Mme Y...en exécution du jugement du juge de l'expropriation du 27 juin 2008 et de l'arrêt de la cour de GRENOBLE du 11 juin 2009 ; que ces deux décisions avaient dit que les frais de déménagement seraient payés sur présentation d'une facture de déménagement, le choix du déménageur résultant d'au moins trois devis ; que les expropriés avaient déménagé le 30 avril 2010, soit peu après l'ordonnance entreprise ; que s'ils ne l'avaient pas fait plus tôt, après signification d'une sommation de quitter les lieux en date du 10 novembre 2009, c'était en raison de leur refus de rentrer en contact avec des déménageurs pour faire établir des devis ; que la situation des expropriés était le résultat de leur propre carence et ils ne pouvaient faire grief aux deux juridictions qui avaient statué de ne pas avoir fixé les indemnités de déménagement pour lesquelles ils n'avaient pas formé de demandes chiffrées ; que la facture de déménagement de Mme Y...avait été payée le 21 juin 2010 pour un montant de 3. 300, 96 €, soit après l'ordonnance déférée à la cour ; que, à ce jour, M.
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n'avait présenté aucune facture de déménagement pour lui-même mais la facture de 3. 300, 96 € était établie à son nom (arrêt attaqué, p. 3, al. 1 à 6) ; que s'il était vrai que la cour d'appel n'avait pas fixé les sommes dues au titre du déménagement en indiquant que « les frais de déménagement ser (aient) supportés par l'expropriant sur présentation d'une facture, le choix du déménageur résultant d'au moins trois devis », M.
X...
et Mme Y...n'avaient pas permis par leur propre carence à la commune de SAINT MARTIN D'HERES de leur verser l'indemnité de déménagement qui leur était due, ne produisant pas la facture correspondante ; qu'ils ne pouvaient exciper du non-paiement de l'indemnité de déménagement pour refuser de quitter les lieux, ce paiement ne pouvant intervenir que sur production d'une facture qu'ils n'avaient jamais présentée (ordonnance entreprise, p. 3, dernier alinéa ; p. 4, al. 1) ;
ALORS QUE, de première part, avant consignation ou paiement de l'indemnité d'expropriation, l'exproprié conserve la jouissance de ses biens et des droits qui en découlent ; qu'en ordonnant la libération des lieux tout en constatant que les indemnités de déménagement n'avaient pas été payées par l'autorité expropriante, la cour d'appel a violé l'article L. 15-1 du code de l'expropriation ;
ALORS QUE, de deuxième part, en attribuant le nonpaiement des indemnités de déménagement à la carence des expropriés qui n'avaient pas présenté de facture correspondante, quand ces derniers faisaient valoir qu'ils ne pouvaient produire de factures tant qu'ils n'avaient pas déménagé et que l'arrêt fixant l'indemnité de déménagement était impossible à exécuter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation ;
ALORS QUE, en outre, en retenant que les expropriés avaient refusé de procéder à l'établissement de " devis ", tout en constatant que les indemnités de déménagement étaient payables sur présentation d'une facture, justifiant ainsi leur prétendue carence par un motif inopérant, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation ;
ALORS QUE, de troisième part, en affirmant que les expropriés n'avaient pas formulé de demandes chiffrées relatives aux indemnités de déménagement quand il résultait de l'ordonnance du 27 juin 2008 et de l'arrêt du 19 juin 2009, portant fixation des indemnités d'expropriation, qu'ils avaient sollicité en première instance une somme de 15. 000 € et, en appel, celles de 11. 960 € et de 1. 776, 06 €, la cour d'appel a dénaturé ces décisions en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, enfin, dans tous les cas d'obstacle au paiement, l'expropriant ne peut prendre possession des biens expropriés qu'en consignant le montant de l'indemnité ; qu'en ordonnant la libération des lieux tout en constatant que les expropriés, qui étaient tenus de présenter une facture, n'avaient reçu paiement de l'indemnité de déménagement qu'après libération des lieux et sans vérifier que le fait de subordonner le règlement de ladite indemnité à la production d'une facture de déménagement constituait un obstacle au paiement, la cour d'appel a violé l'article R. 13-65 du code de l'expropriation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné des expropriés (les consorts
X...
, les exposants) à payer à une commune (celle de SAINT MARTIN D'HERES) une amende de 1. 000 € chacun pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS QUE la procédure d'appel de M.
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et de Mme Y...contre l'ordonnance du 11 mars 2010 était abusive dès lors qu'ils étaient à l'origine de l'absence de versement de l'indemnité de déménagement qui aurait été, selon eux, la cause de leur refus de quitter les lieux ; que M.
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et Mme Y...avaient maintenu leur procédure d'appel contre l'ordonnance du 11 mars 20 bien qu'ils aient quitté les lieux et que Mme Y...ait été indemnisée des frais de déménagement (arrêt attaqué, p. 3, al. 7 et 8) ;
ALORS QUE, d'une part, la cassation à intervenir du chef de l'expulsion des expropriés entraînera l'annulation par voie de conséquence de la disposition les condamnant pour abus du droit d'appel, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
ALORS QUE, d'autre part, en retenant que les expropriés avaient abusé de leur droit d'appel pour la raison que, postérieurement à l'ordonnance entreprise, ils avaient libéré les lieux et avaient été indemnisés de ce déménagement, quand ladite ordonnance, les déboutant de leurs prétentions, avait ordonné leur expulsion à peine d'astreinte, la cour d'appel a violé l'article 32-1 du code de procédure civile.