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07/11/2012 | FRANCE | N°10-27471

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 novembre 2012, 10-27471


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte de sa reprise d'instance à Mme Eliane X... agissant en qualité d'héritière de Gérard Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 juin 2010), que Charles Y..., exploitant agricole, est décédé le 27 septembre 2002 et a laissé pour lui succéder, d'une part, cinq enfants issus d'une première union, Rose Marie, Elisabeth, Jérôme, Daniel et Gérard et les trois petits-enfants, Dominique, Catherine et Anne venant en représentation d'un fils, prédécédé, et, d'autre part, sa seconde

épouse et leur fille, Paulette ; que des difficultés se sont élevées entre les...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte de sa reprise d'instance à Mme Eliane X... agissant en qualité d'héritière de Gérard Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 juin 2010), que Charles Y..., exploitant agricole, est décédé le 27 septembre 2002 et a laissé pour lui succéder, d'une part, cinq enfants issus d'une première union, Rose Marie, Elisabeth, Jérôme, Daniel et Gérard et les trois petits-enfants, Dominique, Catherine et Anne venant en représentation d'un fils, prédécédé, et, d'autre part, sa seconde épouse et leur fille, Paulette ; que des difficultés se sont élevées entre les héritiers quant au règlement des successions ; que Gérard Y... est décédé, le 9 janvier 2011 et a laissé, son épouse, Mme Eliane X..., comme héritière ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de débouter Gérard Y... de sa demande tendant à voir déclarer la succession de Charles Y... débitrice à son égard de la somme de 94 093 euros au titre de salaires différés ;
Attendu qu'appréciant les différents éléments de preuve produits par Gérard Y..., auquel il incombait d'établir qu'il n'avait pas perçu de contribution financière en contrepartie de sa collaboration, la cour d'appel a déduit du montant des prêts qu'il avait contractés pour acheter les biens et droits immobiliers exploités par son père et d'une lettre que ce dernier lui avait adressée qu'il avait été rétribué de sa participation à l'exploitation agricole ; que sous couvert de griefs non fondés d'une inversion de la charge de la preuve, le moyen ne fait que remettre en cause cette appréciation souveraine ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de dire que les loyers dus par Gérard Y... à partir du 4 mai 1999 doivent être rapportés à la succession de Charles Y... et que Gérard Y... est débiteur d'une indemnité d'occupation au titre des biens immobiliers donnés à bail par Charles Y... si le bail a été rompu ;
Attendu qu'ayant énoncé que les différents écrits produits, établis par Charles Y... entre 1974 et 1998 prouvaient que celui-ci avait donné en location à son fils, Gérard, selon bail verbal de 1968, des biens immobiliers agricoles et qu'il avait rédigé un testament olographe daté du 9 avril 1999 précisant que ce dernier lui restait redevable de loyers, la cour d'appel, qui n'avait pas plus à s'expliquer sur les éléments de preuve retenus lesquels n'émanaient pas de ceux qui s'en prévalaient, en a déduit, par une appréciation souveraine de ces éléments que les loyers impayés non prescrits devaient être rapportés à la succession ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X..., veuve Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur Gérard Y... de sa demande tendant voir déclarer la succession de monsieur Charles Y... débitrice à son égard de la somme de 94.093 € au titre de salaires différés ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L. 321-13 du code rural énonce que les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de 18 ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé ; qu'il appartient à celui qui revendique une créance de salaire différé de justifier qu'il remplit les conditions pour en bénéficier ; que la preuve peut être apportée par tous moyens ; que monsieur Bernard lire Gérard Y... établit par témoignages qu'il a travaillé sur l'exploitation agricole dirigée par son père dès 1951 et jusqu'en 1966, sauf pendant sa période de service militaire, par la reconstitution de carrière de la MSA du 26 mars 2009, qu'il a été aide familial non salarié agricole du 1er janvier 1961 au 31 décembre 1966, par attestation du Groupement des assureurs maladie des exploitants agricoles du 4 février 1969, qu'il a été assuré pour différents risques du chef de son père, en qualité d'aide familial majeur jusqu'au 31 décembre 1966 ; qu'il rapporte ainsi avoir participé directement et effectivement à l'exploitation de monsieur Charles Y..., ce que les autres indivisaires n'ont pas contesté ; qu'il a loué des terres hors de l'emprise de l'exploitation familiale en avril 1966, et a repris l'exploitation familiale en avril 1967 ; qu'il est devenu chef d'exploitation à cette époque ; qu'il a racheté du bétail et du matériel à son père pour la somme de 100.000 francs le 15 mars 1966, selon écrit qui émane sans conteste de monsieur Charles Y... au vu de la comparaison d'écriture faite avec les multiples autres pièces produites également établies par monsieur Charles Y..., somme qu'il a payée selon l'extrait de compte produit du 31 mars 1966, qui fait par ailleurs mention d'un prêt de 123.974 francs ; qu'il a ensuite racheté aux consorts B... en février 1969, les biens et droits immobiliers exploités jusque là à titre agricole par son père, puis par lui, pour le prix de 500.000 francs (selon attestation de maître C... du 27 février 1990, et fiche de la conservation des hypothèques), et justifie avoir bénéficié de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Est de prêts de 60.000 francs, 150.000 francs, 146.000 francs et 30.000 francs en avril 1969 ; qu'il n'est pas établi par l'ouverture d'un compte bancaire et par l'extrait de compte daté du 31 mars 1966, portant la trace d'un seul virement de 1.000 francs effectué par monsieur Charles Y... à monsieur Gérard Y..., que le premier rémunérait son fils lorsqu'il était aide familial ; qu'à l'époque de ces opérations, monsieur Gérard Y... a en effet développé une activité propre et repris l'activité de son père, ce qui a justifié l'ouverture du compte et divers actes entre le père et le fils ; qu'il n'est pas non plus établi par la demande de l'épouse de monsieur Gérard Y... à monsieur Charles Y..., du 14 décembre 1988, d'établir un certificat de travail pour son mari pour les années 1951 à 1966, sous peine d'une assignation devant le conseil des prud'hommes, et l'absence d'une telle assignation qui ne concernait d'ailleurs que l'établissement du certificat, que monsieur Charles Y... a rémunéré l'activité de son fils en qualité d'aide familial ; qu'en revanche, les prêts consentis lors du rachat des biens et droits immobiliers des consorts B... ne couvrent pas le prix d'achat, et dans un courrier que monsieur Charles Y... a adressé à monsieur Gérard Y... le 8 décembre 1988, celui-ci indique « Depuis 1974, tu n'as rien réglé des factures que je t'ai remises. Tu oublies ce que j'ai fait pour toi ? Avant, j'ai travaillé, économisé pour te donner le pouvoir d'acheter ta ferme. Une ferme remembrée en état de produire au maximum » ; qu'il convient de retirer de ces éléments que monsieur Charles Y... a, par son aide financière, permis à monsieur Gérard Y... d'acquérir les biens immobiliers à usage agricole que lui-même avait exploités précédemment dans le cadre d'un bail, et qu'il a ainsi rétribué son fils de sa participation à son exploitation agricole quand il était aide familial, de sorte que monsieur Gérard Y... n'est pas fondé à solliciter une créance de salaire différé ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il n'est pas contesté que monsieur Gérard Y... a travaillé sur l'exploitation de ses parents jusqu'en avril 1966, date à laquelle il s'est installé sur sa propre ferme ; que pour prétendre au bénéfice d'un salaire différé, il doit démontrer qu'il n'a pas été associé aux bénéfices de cette exploitation ou n'a pas reçu de rémunération de son travail ; que monsieur Y... ne produit aucune pièce comptable ou un quelconque élément susceptible de conforter ses affirmation selon lesquelles il n'aurait jamais reçu de contrepartie à son travail ; qu'il est produit diverses correspondances émanant de son père dont l'une datée du 8 décembre 1988 est libellée ainsi « avant toi j'ai travaillé, économisé pour te donner le pouvoir d'acheter ta ferme. Une ferme remembrée en état de produire au maximum » ; que monsieur Y... reste taisant quant aux conditions d'acquisition de cette ferme ; qu'en outre, il a, par son épouse, et sous la menace d'une saisine du conseil de prud'hommes, demandé à son père de lui établir un certificat de travail couvrant la période allant de 1951 à 1966, certificat qui a été établi et n'a généré aucune demande en paiement de salaires, ce qui démontre que cette demande n'avait pas lieu d'être ; qu'il est encore établi que père et fils ont travaillé ensemble et ont soutenu devant la commission des structures agricoles que le père, pour favoriser l'exploitation de son fils, avait cédé son train de culture ; qu'ainsi, monsieur Y... ne démontre pas l'absence de contrepartie à son activité et sera débouté de sa demande ;
1°) ALORS QUE nul ne pouvant se constituer un titre à soi-même, le paiement à un descendant d'une contrepartie à sa collaboration à l'exploitation de son ascendant ne peut être déduite d'un élément de preuve émanant de ce dernier ; qu'en déduisant d'un courrier du 8 décembre 1988 de monsieur Charles Y..., qu'il avait versé à son fils une aide financière en rétribution de sa collaboration à l'exploitation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé l'article 1315 du code civil ;
2°) ALORS QUE s'il appartient au demandeur de prouver qu'il remplit les conditions légales pour réclamer une créance de salaire différé, la preuve négative de l'absence de rémunération incombe, quant à elle, au défendeur ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que monsieur Gérard Y... ne rapportait pas la preuve de contrepartie à son activité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé les articles L. 321-13 du code rural et 1315 du code civil
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les loyers dus par monsieur Gérard Y... à partir du 4 mai 1999 doivent être rapportés à la succession de monsieur Charles Y..., et que monsieur Gérard Y... est débiteur d'une indemnité d'occupation au titre des biens immobiliers donnés à bail par monsieur Charles Y... si le bail a été rompu ;
AUX MOTIFS QU'il ressort clairement des divers écrits produits, établis par monsieur Charles Y... entre 1974 et 1998, que celui-ci a donné en location à son fils monsieur Gérard Y..., selon bail verbal de 1968, des hangars et des terres d'une superficie de 2ha 77a lui appartenant, et qu'il a établi à cet égard des comptes précis, et mentionné à plusieurs reprises que le loyer n'était plus payé depuis 1972 ; que monsieur Charles Y... a précisé dans un testament olographe du 9 avril 1999, que son fils Gérard restait redevable de loyers impayés d'un montant de 60.468 euros à cette date, non compris les intérêts ; que l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, énonce que se prescrivent par cinq ans les actions en répétition des loyers, des fermages et des charges locatives ; que, dès lors que la créance est, quoique exprimée en capital, une créance de loyers, la prescription applicable est celle de l'article 2277 ; que l'action visant à voir liquider la succession de monsieur Charles Y..., avec demande de rapport des fermages non réglés, a été engagée contre monsieur Gérard Y... par assignation du 4 mai 2004 ; qu'est ainsi prescrite la demande de rapport portant sur les loyers antérieurs au 4 mai 1999 ; que les loyers dus postérieurement doivent en revanche être rapportés à la succession de monsieur Charles Y... ;
1°) ALORS QUE les juges doivent préciser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en déduisant des divers écrits établis par monsieur Charles Y... la preuve d'un bail, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle a fondé sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE nul ne pouvant se constituer un titre à soi-même, l'existence d'un bail et d'une créance de loyers ne peut être déduite d'éléments de preuve émanant du seul prétendu bailleur ; qu'en déduisant l'existence d'un bail et d'une dette de loyers incombant à monsieur Gérard Y... à l'égard de la succession de monsieur Charles Y..., d'éléments de preuve émanant seulement de ce dernier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-27471
Date de la décision : 07/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 15 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 nov. 2012, pourvoi n°10-27471


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27471
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