LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954 du code de procédure civile ;
Attendu que s'il n'expose pas succinctement les prétentions des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 mai 2011), que Mme X..., propriétaire d'une maison d'habitation prise à bail par les époux Y..., a assigné ceux-ci afin de faire déclarer valable le congé qu'elle leur avait délivré le 11 mars 2008, au visa de l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, pour motif légitime et sérieux ;
Attendu que pour accueillir cette demande, la cour d'appel s'est prononcée au visa des conclusions signifiées par les époux Y... le 10 février 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les époux Y... avaient, le 23 février 2011, signifié des conclusions, complétant les précédentes et incluant de nouvelles prétentions, qu'ils avaient déposées le lendemain, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour les époux Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, au visa des conclusions signifiées par les époux Y... le 10 février 2011, validé le congé délivré le 11 mars 2008 par Mme X... aux époux Y... pour le 30 septembre 2008, ordonné leur expulsion et de les avoir condamnés à verser une indemnité d'occupation ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des conclusions signifiées le 10 février 2011, les époux Y... concluent de dire et juger que les commandements sont nuls, de dire et juger le congé nul et de réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
ALORS QUE dans la procédure d'appel avec représentation obligatoire, les prétentions des parties sont fixées par leurs écritures régulièrement déposées ; que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées ; qu'en l'espèce, il est constant que les époux Y... ont déposé des conclusions additionnelles et responsives le 23 février 2011, antérieurement à la clôture de l'instruction ; que la cour d'appel qui s'est prononcée au visa de conclusions signifiées le 10 février 2011 antérieures aux dernières conclusions, a violé l'article 954 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé délivré le 11 mars 2008 par Mme X... aux époux Y... pour le 30 septembre 2008, ordonné leur expulsion et de les avoir condamnés à verser une indemnité d'occupation ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de location signé par les parties le 22 septembre 2005 précise que le loyer est payable entre le premier et le cinq de chaque mois ; qu'il ne peut être sérieusement contesté qu'au cours de la période de 2006 à 2010, les locataires ont, à de nombreuses reprises, payé le loyer avec du retard, en tout cas après le cinq du mois, avec plusieurs jours de retard donc, et parfois même, le loyer était réglé le mois d'après ; que si l'on peut bien admettre que des locataires puissent avoir, de temps à autre, des problèmes financiers ou des problèmes de santé justifiant un retard, des paiements effectués systématiquement avec du retard d'une manière assez régulière ne sauraient s'expliquer par de telles difficultés passagères ; que, comme le souligne le premier juge, les nombreux retards ou incidents constatés dans le paiement des loyers ont contraint la bailleresse à devoir mettre en place une procédure de recouvrement par voie d'huissier ; qu'il s'agit là d'un manquement grave de la part des locataires à leurs obligations du fait de son caractère systématique ;
ET QUE par ailleurs, il ne peut non plus être contesté que les locataires ne se sont pas acquittés intégralement de la taxe des ordures ménagères des années 2006 à 2008 ; que, là encore, ils ne fournissent aucune explication sérieuse quant à cette absence de règlement de la totalité de la taxe des ordures ménagères ; qu'il s'agit là donc encore de manquements des locataires à leurs obligations qui sont suffisamment graves pour justifier, à eux seuls, la délivrance d'un congé destiné à mettre fin au contrat de location ; qu'il est certain que les retards systématiques de paiement des loyers, qui ont commencé peu de temps après le début de la location, ont eu pour conséquence de provoquer entre le bailleur et les locataires des relations déplorables qui n'ont eu de cesse que de s'aggraver avec le temps et qui ne pouvaient conduire qu'à la délivrance d'un congé ;
ET QUE les autres motifs invoqués par le bailleur dans son congé, comportement des locataires générateur de troubles de voisinage, leur opposition à l'intervention d'un électricien en octobre novembre 2005 et l'absence d'entretien du jardin, sont aussi établis au vu des pièces produites par Mme X... ; qu'ainsi, les manquements des locataires dans leurs obligations, qui sont bien contemporains du congé délivré, constituent un motif sérieux et légitime du non-renouvellement du bail au regard des dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE le motif légitime et sérieux justifiant le congé donné par le bailleur s'apprécie au jour du congé ; qu'en l'espèce, pour valider le congé donné par Mme X... aux époux Y..., la cour d'appel a retenu qu'au cours de la période de 2006 à 2010, les locataires ont, à de nombreuses reprises, payé le loyer avec du retard ; qu'en prenant en compte, pour valider le congé litigieux, le comportement des locataires postérieur au congé délivré le 11 mars 2008, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié par un motif légitime et sérieux, tel que l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant ; que ne constitue pas le motif légitime et sérieux le défaut de paiement qui a toujours été régularisé par le locataire, lorsque la défaillance de celui-ci est la conséquence de difficultés financières ou médicales passagères ; qu'en l'espèce, les exposants, dont il est établi que leurs problèmes financiers devaient aboutir à l'octroi d'une procédure de surendettement à leur profit, faisaient valoir qu'en dépit de leurs difficultés financières et médicales, ils avaient toujours intégralement réglé le loyer dans le mois en cours, et donc bien avant l'expiration du délai de deux mois imparti par le commandement de payer ; que pour valider le congé, la cour d'appel a retenu que le fait que les nombreux retards aient contraint la bailleresse à mettre en place une procédure de recouvrement par voie d'huissier constitue un manquement grave de la part des locataires à leurs obligation du fait de son caractère systématique ; qu'en retenant le caractère systématique des retards pour justifier le congé sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si ces retards n'avaient pas toujours été régularisés dans les meilleurs délais, la cour d'appel n'a pas suffisamment justifié sa décision au regard de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE sur la taxe des ordures ménagères, les époux Y... faisaient valoir, preuves à l'appui, qu'ils avaient intégralement acquitté celle de 2006, que s'agissant de celle de 2007, la bailleresse ne les avait, en dépit de leur demande, informés de son montant que lors de l'envoi du détail du calcul de la taxe ménagère de 2008 et qu'il avaient donc acquitté les taxes 2007 et 2008 en un seul règlement effectué le 24 décembre 2008 et encaissé par Mme X... le 15 janvier 2009 ;qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en affirmant péremptoirement que le comportement des locataires générateur de troubles de voisinage, leur opposition à l'intervention d'un électricien en octobre novembre 2005 et l'absence d'entretien du jardin, sont établis et qu'ils constituent autant un motif sérieux et légitime de congé, sans préciser sur quelles pièces elle fondait cette constatation globale et imprécise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE les époux Y... faisaient valoir que ne s'étant pas présenté lors du rendez vous convenu, l'électricien était venu chez eux, à l'improviste, à l'heure des repas ce qui expliquait pourquoi ils ne l'avaient pas reçu ; qu'en décidant, pour valider le congé litigieux, que l'opposition des preneurs à l'intervention d'un électricien en octobre novembre 2005, constitue un manquement des locataires à leurs obligations, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé le caractère légitime et sérieux du motif invoqué et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QUE le bail du 22 septembre 2005 stipulait que le locataire est tenu de prendre à sa charge « l'entretien courant du logement » ; qu'en décidant pour valider le congé litigieux, que l'absence d'entretien du jardin, qui est établi au vu des pièces produites par Mme X..., constitue un manquement des locataires à leurs obligations, la cour d'appel a dénaturé le bail précité et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE SEPTIEME PART, QU'en tout état de cause, l'absence d'entretien du jardin quand le bail porte sur une villa avec garage et terrasse, « le tout sur un terrain clôturé », et que l'existence d'un jardin n'est pas même mentionnée dans le contrat, ne constitue pas un motif légitime et sérieux de nature à justifier le congé donné par le bailleur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989.