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30/10/2012 | FRANCE | N°11-21826

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 octobre 2012, 11-21826


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 mai 2011), que MM. X... et Y..., dans le but d'acquérir la société Lum 33, ont fait réaliser une étude de faisabilité, laquelle a préconisé un montage financier par Leveraged Buyout (LBO) avec rachat du capital de cette société ; qu'à cet effet, MM. X... et Y... se sont rapprochés du service d'ingénierie financière de la société banque CIC Sud-Ouest (la banque), à qui ils

ont confié une lettre de mission d'organisation du financement global d'une op...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 mai 2011), que MM. X... et Y..., dans le but d'acquérir la société Lum 33, ont fait réaliser une étude de faisabilité, laquelle a préconisé un montage financier par Leveraged Buyout (LBO) avec rachat du capital de cette société ; qu'à cet effet, MM. X... et Y... se sont rapprochés du service d'ingénierie financière de la société banque CIC Sud-Ouest (la banque), à qui ils ont confié une lettre de mission d'organisation du financement global d'une opération d'acquisition des titres de la société Lum 33 puis ont créé la société financière
X...
et Y... (la société SFLS) ; que cette dernière a souscrit, auprès de la banque, un emprunt destiné à l'acquisition des parts de la société Lum 33 dont MM. X... et Y... se sont rendus cautions solidaires ; qu'à la suite du défaut de règlement d'une échéance, la banque a assigné la société SFLS en paiement du capital et des intérêts restant dus et les cautions en exécution de leur engagement ; que la société SFLS ayant été mise sous procédure de sauvegarde, bénéficié d'un plan de sauvegarde et enfin mise en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance ; que la société SFLS ainsi que M. X... ont recherché la responsabilité de la banque ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles dans le cadre de la lettre de mission à elle confiée par MM. X... et Y... le 29 mars 2002, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant la faute de la banque sans préciser pourquoi elle aurait dû refuser de se fonder sur l'étude de faisabilité qui lui était fournie comme document de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en retenant que la société emprunteuse avait pâti d'un endettement irréaliste auquel la banque aurait participé par sa passivité sans caractériser en quoi cet endettement pouvait apparaître comme tel lors de son octroi de sorte que la banque aurait dû le déconseiller, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'en retenant la faute de la banque sans caractériser que le recours à un rachat d'entreprise par effet de levier était inadapté à l'opération de rachat projetée par MM. X... et Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que la convention confiant à la banque une mission d'organisation du financement global d'une opération d'acquisition de titres stipulant que la banque devait mener des études approfondies sur l'organisation financière la plus conforme aux objectifs de rachat des titres de la société Lum 33 et qu'elle était chargée de manière exclusive de l'organisation générale du montage financier de cette opération, laquelle a donné lieu à perception d'une rémunération spécifique, l'arrêt retient que la banque, qui n'a pas été en mesure de produire le moindre document susceptible de concrétiser le travail qui lui avait été confié, s'est bornée à admettre, au vu du seul rapport de l'expert-comptable, que le LBO était adapté et que l'évaluation du besoin en financement et des capacités de remboursement était suffisante ; qu'il retient encore que, si le choix d'un recours au LBO était discuté, ce sont surtout la rentabilité de l'entreprise et le financement imposé par le prix de la reprise qui auraient mérité attention; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la banque, qui avait accepté de conseiller la société SFLS dans le choix relatif à son investissement et à ses modalités de financement, avait manqué à son devoir de conseil, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que loin de se borner à retenir que la société SFLS avait pâti d'un endettement irréaliste auquel la banque aurait participé par sa passivité, la cour d'appel, après avoir relevé que, si les annuités du prêt consenti le 19 juillet 2002 étaient de 170 019,62 euros exigibles au 30 octobre de chaque année dès la première année, il ressortait des comptes des années 1999 à 2002 un chiffre d'affaires, certes en hausse sensible, mais un résultat net moyen de 135 750 euros, le résultat au 31 juillet 2002 n'étant que de 160 000 euros, à savoir d'un montant inférieur aux annuités d'emprunt, a pu en déduire que le recours à un tel endettement avait constitué l'une des causes de la déconfiture de la société SFLS ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les première, deuxième et sixième branches du moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société banque CIC Sud-Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Sud-Ouest
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit que la SA Société Bordelaise de CIC a manqué à ses obligations contractuelles dans le cadre de la lettre de mission à elle confiée par Frédéric X... et Xavier Y... le 29 mars 2002 ;
AUX MOTIFS QUE les appelants évoquent un conflit d' intérêts résultant de ce que la SA SBCIC était à la fois conseiller financier et gestionnaire des comptes des vendeurs et des acquéreurs et qu'elle cumulait les fonctions de conseiller pour le montage financier et de prêteur de deniers, estimant que son intérêt évident était que l'opération conseillée se réalise sur la base d'un endettement maximal ; qu'en dehors du fait qu'il ne peut être reproché à un prêteur de deniers de rechercher le profit le conflit d'intérêt ne peut résulter de la seule pluralité des qualités citées par l'appelante qui se retrouve habituellement dans nombre de transactions financières ; que les appelants imputent d'autre part à la banque un rôle d'entremise entre les cédants et les cessionnaires au motif qu'ils auraient été informés du projet de cession de la SARL Lum 33 par son service d'ingénierie financière, ce qui est contesté par l'intimée et ne ressort d'aucune pièce ; que la faute imputée à la banque en sa qualité d'établissement prêteur d'avoir consenti un crédit inadapté appelle, s'agissant d'un emprunteur averti, la même réponse qu'en ce qui concerne les cautions ; que plus utilement les appelants visent la faute commise par la banque en sa qualité de conseil dans le montage financier, faute de nature contractuelle fondée sur la mission à elle confiée le 29 mars 2002 et ayant donné lieu à perception d'une rémunération spécifique (facture du 29-08-02) ; que cette "lettre de mission d'organisation du financement global d'une opération d'acquisition de titres" stipulait que la banque devait mener des études approfondies sur l'organisation financière la plus conforme aux objectifs de rachat des titres de la SARL Lum 33, étant chargée de manière exclusive de l'organisation générale du montage financier de cette opération ; qu'or, en dépit de la sommation des appelantes la banque n'a pas été en mesure de produire le moindre document susceptible de concrétiser le travail à elle confié, ce qui justifierait à tout le moins la restitution de la somme de 20 021,04 € TTC sur le fondement de l'exception d'inexécution, demandée à titre subsidiaire ; que la banque, qui ne prétend pas avoir eu sur l'opération projetée une meilleure appréciation que celle contenue dans l'étude de monsieur Z... se fonde sur les conclusions de cette étude pour justifier la parfaite validité du montage financier préconisé, considérant que le montage en LBO était approprié au regard des éléments fournis avec une entreprise cible apparaissant saine et performante ; que la mise en avant de l'expérience et de la qualité des repreneurs et un prévisionnel qualifié par elle de prudent et elle souligné que les conditions du prêt octroyé étaient conformes aux prescriptions de cette étude ; qu'elle confirme ce faisant n'avoir procédé à aucune étude approfondie de l'opération d'acquisitions de titres, admettant comme adapté le recours au LBO et comme satisfaisante l'évaluation qui en ressortait du besoin en financement et des capacités de remboursement ; qu'or si le choix d'un recours au LBO est discuté ce sont surtout la rentabilité de l'entreprise cible et le financement imposé par le prix de la reprise qui auraient mérité attention ; que le rapport de monsieur Z..., outre une présentation avantageuse de la SARL Lum 33 et des repreneurs et la préconisation d'un recours à une holding, comportait une analyse de rentabilité portant sur les quatre dernières années et un compte de résultat prévisionnel sur trois ans (2003 à 2005) ; qu'il concluait que la société pourrait distribuer 210 000€ de dividendes par an et que le financement du prix d'achat de 1 326.306€ assuré par ailleurs par financement personnel des associés et apports en compte courant devrait être complété par un emprunt de 930.000€ sur sept ans ; que si les annuités du prêt consenti le 19 juillet 2002 étaient de 170 019,62€ exigibles au 30 octobre de chaque année dès la première année il ressortait des comptes de résultat des années 1999 à 2002 un chiffre d'affaires certes en hausse sensible mais un résultat net moyen de 135 750 €, le résultat au 31 juillet 2002 n'étant que de 160 000 € ; que d'autre part si le prévisionnel tablait de manière très optimiste sur la poursuite d'une augmentation du chiffre d'affaires à 8% la première année en dépit du changement d'équipe dirigeante puis de 5% par an le résultat de l'exercice clos au 31 juillet 2003 correspondant à la première année de la reprise ne se montait qu'à 41 807 €, nécessitant un apport de fonds propres conséquent des associés, pour un prévisionnel de 269 000 € ; qu'ainsi si les causes de la déconfiture de la SARL SFLS sont plurielles ainsi que ses cogérants le reconnaissaient eux-mêmes aux termes de leur rapport du 24 mars 2004 versé à l'appui de leur demande de restructuration du prêt (réorganisation commerciale, conjoncture économique), le recours à un endettement irréaliste y figure auquel la SBCIC a concouru par sa passivité ; que les appelants ayant soumis comme document de travail à la banque l'étude de faisabilité sollicitée par eux auprès d'un expert-comptable dont la signature était gage de sérieux ont eux-mêmes concouru au dommage dans un partage de responsabilité qu'il convient de fixer à 50% ; que le préjudice n'est pas celui de la SARL SFLS qui n'a pas contracté mais celui de Frédéric X... et Xavier Y... du fait de leurs engagements de caution que, du fait de la nécessité de restructurer le prêt, il sont été amenés à porter à 45 % du montant du prêt et il s'analyse en une perte de chance de ne pas les avoir contractés ; que ce préjudice dépendant de la fixation de la créance de la banque il convient là encore de surseoir à statuer sur son montant ;
1°) ALORS QU 'en retenant que la SBCIC devait procéder à l'étude approfondie de l'opération d'acquisition des titres tandis que la convention du 29 mars 2002 donnait pour mission à la SBCIC de « définir l'organisation financière la plus conforme au rachat des titres de la société citée en référence », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, a violé l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QU 'en retenant que la rentabilité de l'entreprise aurait mérité attention tandis que la convention du 29 mars 2002 donnait pour mission à la SBCIC de « définir l'organisation financière la plus conforme au rachat des titres de la société citée en référence », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, a violé l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QU 'en retenant la faute de la banque sans préciser pourquoi elle aurait dû refuser de se fonder sur l'étude de faisabilité qui lui était fournie comme document de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°) ALORS QU 'en retenant que la société emprunteuse avait pâtit d'un endettement irréaliste auquel la SBCIC aurait participé par sa passivité sans caractériser en quoi cet endettement pouvait apparaître comme tel lors de son octroi de sorte que la banque aurait dû le déconseiller, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
5°) ALORS QU 'en retenant la faute de la banque sans caractériser que le recours à un rachat d'entreprise par effet de levier était inadapté à l'opération de rachat projetée par messieurs X... et Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
6°) ALORS QU 'en ne répondant pas au moyen soulevé par la SBCIC dans ses dernières conclusions d'appel selon lequel messieurs Y... et X... n'avaient « jamais ignoré le risque inhérent à tout montage de type LBO, risque sur lequel la banque avait attiré leur attention, notamment dans un mail en date du 19 avril 2002 adressé à monsieur Y... » (Conclusions d'appel pour la SBCIC, p.19, n°32, §4) , la banque a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-21826
Date de la décision : 30/10/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 11 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 oct. 2012, pourvoi n°11-21826


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.21826
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