LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 décembre 2010), que Louis X... et son épouse, Jeanine Y..., sont respectivement décédés le 1er avril 1987 et le 12 août 2001 en laissant pour leur succéder leurs deux enfants Lionel et Élisabeth X... ; qu'un jugement du 24 mars 2003 a ouvert les opérations de compte, liquidation et partage de leurs successions et commis un notaire ; que ce dernier n'a pas établi de projet d'état liquidatif ni de procès-verbal de difficultés ; que Mme X... a assigné devant le tribunal de grande instance M. X... aux fins de voir remplacer le notaire et d'enjoindre M. X... de communiquer sous astreinte différentes pièces ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de communication de pièces sous astreinte ;
Attendu qu'analysant la position prise en première instance par M. X..., la cour d'appel en a déduit que celui-ci avait tacitement renoncé à se prévaloir de l'inobservation des formalités prescrites par l'article 837 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, lesquelles ne sont pas d'ordre public ni ne présentent un caractère substantiel ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et sans violer l'article 6 § 1de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a ordonné la production par M. X... sous astreinte de différentes pièces ; d'où il suit que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris et ordonné la production par Monsieur Lionel X..., sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15e jour suivant sa signification de l'ensemble des documents visés à son dispositif ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 837 ancien du code civil applicable à l'espèce dispose que si dans les opérations renvoyées devant le notaire s'élèvent des contestations, celui-ci dresse un procès-verbal de difficulté et renvoie les parties devant le juge commissaire nommé pour le partage ; qu'il n'est pas contestable qu'aucun procès verbal n'a été dressé, mais M. X... ne peut cependant soulever l'irrecevabilité des demandes ; qu'en effet les dispositions de l'article visé ne sont pas d'ordre public, ne visent pas des formalités substantielles et aucune sanction n'est attachée à leur inobservations ; que de plus, n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent y renoncer choix que la cour considère avoir été le leur en se référant au mode de saisine du tribunal par Mme X... et au silence de M. X... sur ce point en première instance » ;
1°) ALORS QUE le non-respect des dispositions de l'article 837 du code civil, dans sa version antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, entraîne l'irrecevabilité de la demande en l'absence de renonciation de toutes les parties ; qu'en l'espèce, en affirmant que Monsieur X... ne pouvait pas soulever l'irrecevabilité de la demande soumise directement au tribunal par Madame X..., dès lors que les prescriptions de ce texte ne sont pas d'ordre public, ne présentent aucun caractère substantiel et ne sont assorties d'aucune sanction, la cour d'appel a violé l'article 837 ancien du Code civil ;
2°) ALORS QUE la renonciation à un droit doit être claire et dépourvue d'ambiguïté, de sorte qu'elle ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire ; qu'en l'espèce, en considérant que le silence de Monsieur X... en première instance sur le non-respect des dispositions de l'article 837 du Code civil démontrait qu'il y avait renoncé, ce qui ne suffisait pas à caractériser une renonciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 837 précité.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris et ordonné la production par Monsieur Lionel X..., sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15e jour suivant sa signification l'ensemble des documents visés à son dispositif ;
AUX MOTIFS QUE « il résulte d'un courrier de la main de M. X... adressé à sa soeur en février 2000 qu'il a assuré la gestion de l'indivision existant entre sa mère, sa soeur et lui-même au décès de son père, puis qu'il a poursuivi celle de l'indivision actuelle, aux décès de leur mère, bénéficiant en cela d'un mandat tacite conformément aux dispositions de l'article 815-3 ancien du code civil ; que même tacite le mandat impose des obligations au mandataire et notamment celle de rendre des comptes en application de l'article 1993 du Code civil ; que pour faire obstacle aux prétentions adverses, M. X... soutient avoir reçu quitus de sa gestion jusqu'au 31 décembre 2000 par l'apposition de la signature de sa soeur sur les déclarations de revenus et d'ISF qu'il avait établi en son nom ; que ce moyen a été accueilli par le tribunal qui a débouté Mme X... de ses demandes de production de documents jusqu'au 1er janvier 2001 ; que le quitus se définit comme l'acte par lequel celui qui a géré les affaires d'autrui est reconnu s'en être acquitté de manière à être déchargé de toute responsabilité dans l'accomplissement de sa mission, ne peut résulter que d'un acte positif et sans ambiguïté manifestation de la volonté clairement exprimée du mandant ; qu'il suppose en outre que celui qui donne quitus a pu disposer de toutes les informations le permettant ; qu'il n'est pas contesté que Madame X... a signé les déclarations de revenus et d'ISF que son frère a établies pour elle mais ces documents se limitent à une liste des éléments intéressant l'administration fiscale à savoir la composition et la valeur du patrimoine immobilier et mobilier ; qu'or l'obligation de rendre compte qui s'impose à tout mandataire à l'égard du mandant s'entend d'une part d'une information de suivi des diverses opérations réalisées au cours de l'année et d'autre part d'une remise des comptes, de manière transparente et complète c'est-à-dire en faisant apparaître les sommes perçues et les sommes dépensées et en y joignant les justificatifs ; que les déclarations fiscales, faute de contenir ces informations ne s'assimilent donc pas à un compte rendu de gestion et dès lors leur signature par le mandant n'engage ce dernier que vis-à-vis de l'administration fiscale et ne donne aucunement quitus de sa gestion au mandataire » ;
1°) ALORS QUE un quitus est libératoire de responsabilité pour les actes dont celui qui le donne a eu connaissance et qu'il a pu apprécier ; qu'en l'espèce, en considérant que les déclarations de revenus et d'ISF n'emportaient pas quitus de la gestion antérieure à 2001, sans exiger de Madame X... qu'elle produise lesdites déclarations comme l'exposant le réclamait et sans constater qu'elle n'avait pas été à même lors de leur signature d'apprécier la gestion par l'ensemble des éléments ayant permis leur établissement et/ ou les accompagnant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 815-3 et 1993 du Code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... soutient d'une part que sa gestion n'est pas susceptible de critiques et d'autre part qu'il appartiendra le cas échéant au notaire désigné pour procéder à la liquidation d'obtenir les pièces réclamées par sa soeur ; que cet argument ne saurait être retenu au regard de l'obligation de rendre compte et de transparence du mandataire vis-à-vis du mandant quand bien même sa gestion serait irréprochable, ce qui serait d'ailleurs une raison supplémentaire de ne pas différer la production des éléments demandés ; qu'en conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et d'ordonner la production par M. Lionel X... et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification du présent arrêt des documents suivants tels que mentionnés dans le dispositif » ;
2°) ALORS QUE le mandat tacite donné à un indivisaire peut n'être que partiel ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir que le mandat de gestion des comptes BIP FINANCES (V. p. 12, § 4) et celui des comptes BNP (V. p. 13, § 7) avaient été donnés par Madame X... elle-même ; qu'en imposant à Monsieur X... de rendre compte de leur gestion dans le cadre de son mandat tacite, sans rechercher si la gestion des comptes susvisés relevait bien de son mandat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 815-3 et 1993 du Code civil ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut assortir d'astreinte qu'une obligation dont il a constaté le bien fondé et la possibilité pour le débiteur de l'exécuter ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir que l'existence de bien des pièces sollicitées n'était qu'hypothétique ; que la cour d'appel, qui a condamné sous astreinte l'indivisaire mandataire à remettre « le cas échéant » des pièces dont l'existence n'est pas certaine, a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble les articles 33 et 36 de la loi du 9 juillet 1991 ;
4°) ALORS QU'un indivisaire, fût-il mandataire tacite de l'indivision, ne peut être condamné à produire sous astreinte des pièces et documents ayant trait aux opérations passées par le de cujus ou par lui-même qu'à la condition que ces pièces soient en sa possession, ou qu'elles puissent l'être, et que ces pièces soient utiles pour régler des difficultés nées à l'occasion des opérations de partage ; que l'arrêt attaqué, qui condamne l'exposant à produire les pièces réclamées par sa soeur, et qui, dans ses motifs, ne procède à aucune analyse des pièces réclamées, et ne se prononce pas davantage sur la possibilité pour M. Lionel X... de les obtenir, ni sur l'utilité que pouvaient présenter ces pièces pour permettre au juge de trancher le différend qui opposait les parties, prive sa décision de base légale au regard du texte précité ;
5°) ALORS QU'en statuant de la sorte, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de motif, en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile.