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24/10/2012 | FRANCE | N°11-23418;11-23419;11-23420

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 octobre 2012, 11-23418 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° H 11-23.418, G 11-23.419 et J 11-23.420 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Dijon, 23 juin 2011), que la société Kodak industrie, exploitant à Chalon-sur-Saône un site exclusivement dédié à l'imagerie argentique et appartenant au groupe Eastman Kodak Company exerçant des activités de recherche, développement, conception de produits et équipements, industrialisation, fabrication, distribution et vente de services associés, liés initialement à l'imagerie trad

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° H 11-23.418, G 11-23.419 et J 11-23.420 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Dijon, 23 juin 2011), que la société Kodak industrie, exploitant à Chalon-sur-Saône un site exclusivement dédié à l'imagerie argentique et appartenant au groupe Eastman Kodak Company exerçant des activités de recherche, développement, conception de produits et équipements, industrialisation, fabrication, distribution et vente de services associés, liés initialement à l'imagerie traditionnelle argentique et, récemment, à l'imagerie numérique, a, dans le cadre d'un programme de restructuration destiné à adapter l'outil de production au déclin de la technologie argentique, procédé à plusieurs séries de licenciements pour motif économique entre les mois d'octobre 2004 et de février 2007 ;
Sur les deuxième et troisième moyens des pourvois et sur le quatrième moyen du pourvoi n° J 11-23.420 :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
Sur le premier moyen des pourvois :
Attendu que les salariés font grief aux arrêts de dire leur licenciement fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et de les débouter de leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
Que relèvent d'un même secteur d'activité les entreprises dont l'activité économique a le même objet, quelles que soient les différences tenant aux modes de production des biens et de fournitures des services comme aux caractéristiques des produits ou des services ; que la fabrication et la commercialisation de produits liés à l'imagerie, dont les seules différences tiennent à leurs caractéristiques techniques résultant, dans un cas, de l'utilisation de la méthode dite « argentique » et, dans l'autre, de la technique dite « numérique » relèvent en conséquence d'un seul et même secteur d'activité ; qu'en affirmant que le groupe Kodak était divisé en deux secteurs d'activité, l'un composé des entreprises utilisant la technologie « numérique » et l'autre composé des entreprises utilisant la technique « argentique », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que la technologie numérique appliquée aussi bien à la prise de vue qu'au traitement de l'image (impression, visualisation sur écran, archivage) remplaçait progressivement la technologie traditionnelle argentique dans la photographie grand public, dans l'imagerie médicale et dans l'imagerie cinématographique et qu'elle était fondée sur des technologies différentes nécessitant des outils de production différents, a pu décider qu'elle constituait un secteur d'activité distinct de celui de la technologie argentique et apprécier de façon spécifique la situation de ce secteur traditionnel au sein du groupe ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les salariés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens identiques produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour les salariés, demandeurs aux pourvois n° H 11-23.418 au J 11-23.420
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de chacun des salariés fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et de les avoir déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutive, notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou à une réorganisation ; que lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que la Société KODAK INDUSTRIE appartient au groupe EASTMAN KODAK COMPANY qui était, depuis le début du XXème siècle un des leaders du marché mondial de l'imagerie ; que ses produits, commercialisés auprès du grand public, des professionnels de la photographie., des radiologues et autres professionnels de santé ainsi que des producteurs et réalisateurs de cinéma, sont regroupés au sein de trois divisions imagerie grand public (68 % de la production en 2004), imagerie médicale (20 % de la production en 2004), et imagerie commerciale (12 % de la production en 2004) ; que les documents versés aux débats établissent que le procédé de fabrication utilisé dans l'imagerie argentique se déroule en trois étapes : fabrication des matières premières que sont les produits chimiques et les supports correspondant aux bases des films et papiers, fabrication de la surface sensible (sensitizing) incluant la fabrication des émulsions nécessaires à la sensibilisation du film, l'enduction, le couchage, et le séchage des émulsions sur des bandes de films et finition des produits : découpes, perforations, assemblages ; que l'introduction de la technologie numérique et son application, à l'imagerie ont transformé le marché, les procédés de numérisation affectant aussi bien la prise de vue que le traitement de l'image (impression, visualisation sur écran, archivage), ce qui a mis en évidence l'existence de deux secteurs d'activité distincts, fondés sur des technologies totalement différentes, nécessitant des outils de production différents, dont l'évolution, en terme de marché, a été opposée, la technologie numérique remplaçant progressivement la technologie argentique que ce soit dans la photographie grand public, dans l'imagerie médicale et dans l'imagerie cinématographique ; qu'il est justifié qu'entre 2002, et 2006 les volumes de production de papier traditionnel pour le groupe EASTMAN KODAK COMPANY a diminué de 40 % et que les volumes de production de films traditionnels a diminué de 63 % alors que le marché des appareils photos numériques était en pleine expansion ; que notamment les ventes d'appareils photos numériques sont passées de 10,3 millions à 30,5 millions entre 2002 et 2005 aux Etats-Unis ; qu'en 2005, en France, les appareils numériques ont représenté 94 % des ventes en volume et 99 % en valeur ; qu'en Chine, à compter de 2004 ou le volume de ventes des appareils photos argentiques et des appareils photos numériques était d'égale importance, le nombre de ventes d'appareils photos numériques était, en 2005, le double de celui des appareils photos argentiques ; que parallèlement, dans le domaine de l'imagerie médicale l'évolution technologique s'est traduite, dans un premier temps, par la substitution de la prise de vue et de l'impression sur film argentique traditionnel par une prise de vue assistée par ordinateur et une impression laser sur Dry View et, dans un second temps, par l'utilisation d'équipements numériques intégrés permettant une prise de vue numérique, une visualisation sur écran, un archivage et une transmission des images sous format numérique ce qui rendait inutile l'utilisation d'un film argentique ; qu'entre 2002 et 2006, au niveau mondial, les ventes de films radios traditionnels ont baissé de 24 % et l'impression laser sur Dry View (technologie hybride), d'abord en augmentation entre 2002 et 2005, est à compter de cette date, en repli du fait de son remplacement par l'essor du CD et les technologies de stockage et de transmission numérique des images ; qu'en ce qui concerne l'imagerie cinématographique, qui regroupe d'une part les filins projetés dans les salles de cinéma (ECP) et les produits de prise de vue utilisés par les réalisateurs et producteurs de films cinématographiques, publicitaires ou télévisés (ECN 16 mm et 35 mm) selon les documents produits, en 2004 la part des films traditionnels, en ce qui concerne le segment ECN n'était plus que de 10 % en ce qui concerne les films publicitaires et de 5 % en ce qui concerne les films télévisés et à compter de 2005, s'est confirmée la pénétration de la technologie numérique en ce qui concerne le segment ECP, 50 % des films sortis des studios étant passés par une étape de post-production numérique, cette évolution s'accompagnant d'une pression forte des réalisateurs pour les filins "tout numérique" ce qui conduisit les acteurs de l'industrie cinématographique à intensifier la transition vers la technologie numérique applicable à l'ensemble de la chaîne ; qu'à la fin de l'année 2005, la production ECP a été arrêtée ; que les documents versés aux débats établissent que, dans ce contexte de modification du marché, le chiffre d'affaires du groupe, sur les produits traditionnels, a baissé de 34 % entre 2001 et 2005, qu'entre 2000 et 2004 le résultat d'exploitation a baissé, que le résultat opérationnel est devenu négatif au premier trimestre 2005 avec une perte opérationnelle de 196 millions de dollars, qu'au 4ème trimestre 2004 et au 1er trimestre 2005, le groupe a enregistré des pertes nettes ayant conduit, fin avril 2005, à un abaissement de sa notation de dette au rang "d'investissement à risque" ; que c'est dans ces conditions que le groupe EASTMAN KODAK COMPANY a décidé, à l'instar de ses concurrents, de redéployer ses activités vers le numérique, de réduire sa capacité de production mondiale en produits argentiques et de restructurer le secteur argentique pour adapter son outil de production à la baisse de ce marché ; qu'il est en effet justifié qu'en 2005-2006 Fuji a poursuivi un plan de restructuration portant sur la réduction de 30 % de ses capacités mondiales de surfaces sensibles et la consolidation de ses activités de surfaces sensibles sur le site de Fujinomig ; qu'Agfa a fermé dix sites de productions argentiques, principalement aux Etats-Unis et en Allemagne ; que Konica a prévu l'arrêt de sa division imagerie photo et la concentration de ses activités de fabrication de surfaces sensibles au Japon ; que, commencée avant l'année 2000, la réduction de ses effectifs par le groupe EASTMAN KODAK COMPANY (moins 11 000 salariés entre 1999 et fin 2002) s'est amplifiée à compter de 2004 en raison de l'accélération, plus rapide que prévu, du déclin du marché argentique ; que le programme de restructuration, annoncé par le groupe en 2004, entraînant la suppression de 12 à 15 000 emplois à travers le monde, sur trois ans, a été encore revu à la hausse en 2005, 45 500 emplois ayant finalement été supprimés entre 1995 et 2005 ; qu'il résulte des pièces du dossier dans le cadre de cette politique de restructuration du secteur argentique ont été décidés la fermeture du site de Cobourg en Australie en décembre 2004, du site d'Amnesley (Royaume-Uni), spécialisé dans des activités de finition, au 2ème trimestre 2005, de l'activité "sensitizing" du site du Mexique, en octobre 2005. la fermeture du site de San-José-Dos-Campos, au Brésil, spécialisé dans le "sensitizing" de papier couleur et de film radiologique ainsi que la fabrication de produits photochimiques, l'arrêt de la fabrication du papier jet d'encre du site de Toronto au Canada, la réduction de la capacité de production du site de Rochester (Etats-Unis) dont les effectifs, entre 2001 et 2005 sont passés de 24 000 à 16 000, avec réduction du temps de travail, l'arrêt en mai 2005 de la fabrication des produits arts graphiques au Mexique entraînant l'arrêt de ces activités à Harrow (Grande-Bretagne), ce que ne contestent pas les salariés ; qu'en outre, le déclin du marché des produits traditionnels, notamment des produits Ektacolor et Kodacolor, qui s'est accompagné d'une baisse des besoins en produits chimiques organiques utilisés dans le processus de fabrication des surfaces sensibles, s'est traduit par une surcapacité de production en chimie de synthèse ayant entraîné une suppression de postes sur le site de Rochester ; que c'est dans ce contexte de déclin du marché de l'argentique et de nécessité de restructurer ce secteur afin de sauvegarder sa compétitivité et donc sa pérennité et de préserver des emplois que la Société KODAK INDUSTRIE a établi, en juin 2004 un premier plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant la suppression de 269 postes sur le site de Chalon-sur-Saône, à la suite de l'arrêt de la fabrication de films grand public (Kodacolor), de la finition des produits Ektacolor et de la finition des films ECN 16 mm transférés sur le site du Colorado déjà en charge de la finition de ces films pour l'ensemble du marché, hors région Europe,, Afrique, Moyen-Orient ; qu'en juin 2005, un second plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, prévoyant la suppression de 370 postes dans le cadre de la réorganisation des activités de "sensitizing" et finition de films de projection cinématographiques (ECP), la consolidation de ces activités s'effectuant sur un seul site, Rochester (Royaume-Uni), fabriquant déjà la totalité du support et concentrant 80 % des volumes de surfaces sensibles produites par le groupe, dédiées au cinéma ; qu'il est soutenu par les salariés que les suppressions d'emploi intervenues dans le cadre de la mise en oeuvre de ce plan social n'étaient pas nécessaires pour assurer la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe ; qu'il a été établi que l'application à l'imagerie, dans son ensemble, de la technologie numérique, a été à l'origine de l'émergence de deux secteurs d'activités distincts, argentiques et numériques, chacun des secteurs regroupant les trois divisions, photographie, imagerie médicale, imagerie cinématographique et industrielle ; qu'il en résulte que c'est au regard du secteur d'activité auquel appartient chacune des divisions concernées par les suppressions d'emploi que doit être apprécié le motif économique de celles-ci . qu'il est constant que l'activité cinématographique du site de Chalon-sur-Saône relevait exclusivement de la technologie argentique. Qu'il est justifié qu'à compter de 2005 l'équipement des salles de cinéma en numérique s'est accéléré. que notamment trois partenaires de l'association Digital Cinéma Initiative (Disney, Warner, Sony) envisageaient la conversion de 3000 salles de cinéma au numérique le monde, que Digital Cinéma Limited annonçait l'installation de 515 nouveaux projecteurs numériques sur 105 sites en Mande, sur une période de 12 mois ; qu'en Grande-Bretagne la mise en place de 250 écrans numériques était annoncée ; qu'en Belgique XCD décidait d'équiper 500 salles de cinéma en numérique sur deux ans ; qu'en Chine 150 salies de cinéma devaient équipées en numérique à la fin de l'année 2005. qu'il est ainsi établi qu'en 2005 le Groupe EASTMAN KODAK INDUSTRIE était confronté à une baisse de son activité sensitizing dédiée aux produits ECP ; que cette baisse s'inscrivait dans un contexte de chute du marché argentique dans la division photographique et imagerie médicale ; que, par suite, la décision prise de consolider les activités "sensitizing" et finitions de films de projection cinématographique (ECP) sur un seul site à Rochester, prévue par le plan social de juin 2005, justifiée par la nécessité d'adapter l'outil de production à la baisse du marché et à son accélération prévisible, déjà constatée en ce qui concerne les films Kodacolor, les produits Ektacolor et les films ECN dont la finition avait déjà été transférée à Colorado en 2004 ; qu'aucune critique n'a d'ailleurs été formulée par les partenaires sociaux à rencontre de ce plan, tant sur la réalité et l'ampleur du déclin du marché de l'argentique dans l'ensemble du groupe, telles que rapportés dans la note économique à laquelle il se réfère, que sur la nécessité d'adapter l'outil industriel à cette évolution ; qu'il est établi, par l'ensemble de ces éléments que la chute du marché de l'imagerie argentique qui s'est amorcée vers les années 1995-1999, s'est accélérée à compter des années 2004-2005 ; que dans ces conditions, la preuve est rapportée que la décision prise par le groupe EASTMAN KODAK COMPANY et la Société KODAK INDUSTRIE dans le cadre de leur pouvoir de gestion, de restructurer l'outil industriel argentique, et notamment sa division cinématographique, était indispensable pour sauvegarder la compétitivité du secteur argentique d'autant plus menacée que la concurrence s' engageait, elle aussi, dans des programmes drastiques de restructuration pour sauvegarder sa propre compétitivité » ;
ALORS QUE relèvent d'un même secteur d'activité les entreprises dont l'activité économique a le même objet, quelles que soient les différences tenant aux modes de production des biens et de fournitures des services comme aux caractéristiques des produits ou des services ; que la fabrication et la commercialisation de produits liés à l'imagerie, dont les seules différences tiennent à leurs caractéristiques techniques résultant, dans un cas, de l'utilisation de la méthode dite « argentique » et, dans l'autre, de la technique dite « numérique » relèvent en conséquence d'un seul et même secteur d'activité ; qu'en affirmant que le groupe KODAK était divisé en deux secteurs d'activité, l'un composé des entreprises utilisant la technologie « numérique » et l'autre composé des entreprises utilisant la technique « argentique », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de chacun des salariés était fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et de les avoir déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « par application des dispositions de l'article L 1233-4 du code du travail, l'employeur est tenu, avant tout licenciement économique, d'une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer des permutations de personnel, d'autre part de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou à défaut d'une catégorie inférieure ; qu'il appartient à la Société EASTMAN KODAK COMPANY de justifier qu'elle a satisfait à cette obligation ; que le critère de la permutabilité du personnel délimitant le périmètre du reclassement doit être apprécié au regard de l'activité pratiquée par l'entreprise qui licencie ; que l'usine KODAK de Chalon-sur-Saône était spécialisée dans la recherche, la fabrication et la distribution de produits associés à l'imagerie traditionnelle argentique destinés aux marchés de l'imagerie médicale (photos radiologiques), de l'industrie cinématographique et du grand public (pellicules Kodacolor) ; que cette activité requérait de la part de ses salariés des compétences en matière de techniques et procédés de traitement argentiques, de technologie des matériaux argentiques et de chimie, sans lien avec celles induites par la technologie numérique laquelle, appliquée à l'imagerie, fait appel à des convertisseurs analogiques ou numériques situés dans des dispositifs (scanners, appareils photo... ), l'image étant crée par des programmes informatiques, traitée grâce aux outils informatiques et stockée sur des supports informatiques ; que cette différence fondamentale entre l'imagerie numérique et l'imagerie argentique tenant à la technologie utilisée, à la nature des produits fabriqués et à l'outil de production nécessaire, ne permettait pas la permutation du personnel affecté à la production, entre les deux secteurs d'activité, sauf à dispenser une formation longue aux salariés concernés, à laquelle la Société KODAK INDUSTRIE n'était pas tenue et qui n'est d'ailleurs pas revendiquée par ceux-ci ; qu'il en résulte que le périmètre de reclassement des salariés intimés était limité au secteur argentique dont les sites de production, ainsi que l'établissent les pièces versées aux débats, étaient en 2005-2006 situés à Chalon-sur-Saône (seul site de production français existant que le reconnaissent les salariés en page 7 de leurs écritures), en Angleterre (Harrow, Kirkby), aux Etats-Unis (Denver, Colorado, Rochester, Gakdale, White City, Windsor), au Mexique (Guadalajara), au Brésil (Manaus), en Chine (Shanghaï, Waxi, Xîamen) et en Inde (Bengalore, Goa et Mulanpur) ; qu'il est reproché à la Société KODAK INDUSTRIE, par les salariés, de n'avoir effectué aucune recherche de reclassement et de ne leur avoir fait aucune proposition précise, concrète et personnalisée de postes ; que dans le respect des dispositions du plan social, relatives aux mesures destinées à favoriser le reclassement interne au sein des diverses entités du groupe, prévoyant une première phase, initiée avant le début de la consultation des instances représentatives du personnel, d'identification des postes disponibles en France et à l'étranger pouvant être proposés aux salariés, la Société KODAK INDUSTRIE a établi deux listes de ces postes dont elle a donné connaissance, personnellement, à chaque salarié licenciable, ces listes ayant été, en outre, annexées au plan social ; qu'après l'adoption du plan, aucune remarque n'a été formulée par la commission paritaire de suivi du plan, mise en place en concertation avec les représentants du personnel, composée de représentants du personnel, de membres du CHSCT, d'un représentant de la DDTE, de l'ANPE, d'intervenants du centre emploi, chargés de veiller à la bonne mise en oeuvre des dispositions du plan, sur l'insuffisance de recherche de postes de reclassement internes, notamment sur le site de Chalon-sur-Saône, ou l'éventuelle existence de postes disponibles, susceptibles d'être proposés au reclassement, mais non retenus par la Société KODAK INDUSTRIE, aurait nécessairement, et ajuste titre, suscité de lapait des partenaires sociaux des observations critiques dont les salariés, qui se limitent à relever que le maintien de postes de production sur le site de Chalon-sur-Saône, à l'issue du plan, établit que la recherche de reclassement n'a pas été complète sur ce site, se prévaudraient ; que dans ces conditions, alors qu'il ne peut être contesté qu'une recherche de postes de reclassement a été effectuée en France et en Europe, ayant abouti à l'établissement de deux listes distinctes, l'ensemble de ces éléments établit que cette recherche a été faite loyalement ; qu'il résulte de l'examen de ces listes qu'aucun des postes proposés ne correspondait à la qualification des salariés intimés ou à une qualification inférieure qu'ils auraient pu accepter ou même à une qualification qu'ils auraient pu obtenir après une formation d'adaptation ; qu'aucun des salariés intimés ne prétend, d'ailleurs, à titre personnel, dans le cadre de la présente procédure, que son reclassement aurait pu intervenir sur l'un de ces postes ; quand ces conditions, alors qu'aucune offre loyale ou de foi ne pouvait être personnellement à l'un ou Faute des salariés de le reclasser dans l'un des emplois figurant sur ces listes, il ne peut être reproché à la Société KODAK INDUSTRIE de ne pas leur avoir fait de proposition écrite, personnalisée, de reclassement sur ces postes ; que s'agissant du reclassement à l'étranger, hors Europe, que la Société KODAK INDUSTRIE était tenue de faire des offres sérieuses de reclassement, ainsi qu'elle s'y était engagée aux termes du plan social, et conformément à l'instruction DGEFP du 23 janvier 2006 précisant que "la proposition d'une entreprise concernant des postes au sein du groupe dans des unités de production à l'étranger, pour des salaires très inférieurs au SMIC, ne peut être considérée comme sérieuse" ; que sont produits aux débats par l'employeur les documents justifiant des conditions d'embauché des salariés au Mexique, au Brésil, en Inde et en Chine, pays lesquels étaient localisés les sites de production argentique où le reclassement pouvait être envisagé ; que dans chacun de ces pays, ni la législation en matière de droit du travail et, notamment, de durée quotidienne, hebdomadaire et annuelle du travail, ni les rémunérations versées, ne permettaient d'offrir aux salariés des conditions de travail en adéquation avec celles auxquelles ils étaient en droit de prétendre ; que par ailleurs les conditions extrêmement strictes d'embauché des salariés aux Etats-Unis tenant d'une part à la sélection visant à donner priorité aux candidats justifiant, dans leur domaine d'expertise, d'une reconnaissance nationale ou internationale, aux travailleurs qualifiés dans un domaine dans lequel aucun américain ne peut effectuer le travail et d'autre part, à la longueur des délais d'instruction des dossiers de candidature, n'ouvraient pas, eu égard à leur qualification, de possibilité de reclassement aux salariés intimés ; que dans ces conditions aucune proposition sérieuse de postes de reclassement ne pouvait être faite aux salariés, à l'étranger, hors Europe ; que l'ensemble de ces éléments établit que la Société KODAK INDUSTRIE a exécuté loyalement son obligation de recherche de reclassement interne mais qu'aucune offre sérieuse ne pouvait être faite à chacun des salariés intimés, en l'absence de postes proposables dans les conditions légales et de bonne foi, eu égard, au surplus, au fait que le programme de restructuration, entraînant à l'échelon mondial des suppressions d'emplois s'est poursuivi, conformément à l'annonce faite en 2004 par la direction générale du groupe, postérieurement aux plans sociaux de 2005 et 2006 et que, notamment, le site de production du Chalon-sur-Saône a été fermé et les locaux vendus après le dernier plan social de 2007, que le site d'activité "sensitizing" de fabrication des surfaces sensibles d'Harrow a été fermé, que l'effectif du site de Rochester, de 10 208 salariés en 2006 n'était plus que de 3 600 en 2009, que celui de Denver, de 1518 salariés en 2005 n'était plus que de 590 en 2009, que le site de San-José-Dos-Canipos, au Brésil, a été fermé en 2006, que le site de Manaus, au Brésil, qui comptait 608 salariés en 2005 n'en comprenait plus que 127 en 2009 et que sur le site de Guadalajara, au Mexique, il ne restait plus que 768 salariés en 2009 contre 2 193 en 2005, et qu'ainsi en 2005 la Société KODAK INDUSTRIE n'aurait pas même été, sauf à faire preuve de mauvaise foi, en mesure de garantir la pérennité de postes qu'elle aurait pu proposer, chaque site de production étranger se trouvant, en outre, confronté au problème du reclassement de ses propres salariés nationaux » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur, qui est tenu de faire tous les efforts de formation et d'adaptation des salariés propres à favoriser leur reclassement, ne peut tirer prétexte de l'absence de maîtrise, par ces derniers, d'une technique nouvelle à laquelle ils n'ont pas été formés pour exclure les entreprises du groupe utilisant cette technique du périmètre de l'obligation de reclassement ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en statuant de la sorte sans préciser en quoi il aurait été impossible de former et d'adapter les salariés à la technologie numérique, afin de permettre leur reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la seule application, par l'employeur, des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi ne suffit pas à justifier du respect, par celui-ci, de son obligation de reclassement, laquelle n'est satisfaite que s'il a également recherché toutes les possibilités de reclassement existant dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient qui n'auraient pas été prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en se bornant à examiner le respect, par l'employeur, des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi relatives au reclassement des salariés licenciés sans rechercher quelles démarches celui-ci avait effectuées, en dehors des mesures prévues par le plan pour tenter de reclasser les salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE l'employeur, qui est tenu d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement, doit démontrer qu'il a fait tout ce qui est possible afin d'éviter le licenciement des salariés ; qu'en affirmant que la société KODAK avait satisfait à son obligation de reclassement quand il résulte seulement de son arrêt qu'en exécution du plan de sauvegarde de l'emploi, celle-ci a dressé deux listes de postes disponibles qu'elle a ensuite d'adressées à chacun des salariés dont le licenciement était envisagé, la Cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à caractériser une recherche loyale et sérieuse de reclassement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE les recherches de reclassement doivent être individualisées et prendre en considération la situation personnelle de chaque salarié ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la société KODAK s'est bornée à remettre à chaque salarié deux listes de postes vacants, lesquelles étaient par ailleurs annexées au plan de sauvegarde de l'emploi ; que la Cour d'appel, qui a ainsi constaté que l'employeur n'avait pas effectué de recherches individualisées de reclassement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QU'il appartient à l'employeur, auquel incombe la preuve du respect de l'obligation de reclassement, de justifier des démarches qu'il a entreprises en vue d'éviter le licenciement des salariés ; qu'en déduisant le respect par l'employeur de son obligation de reclassement du fait qu'aucune remarque n'avait été effectuée par la commission de suivi du plan social quand il lui appartenait de vérifier par elle-même, sur le fondement des pièces produites par l'employeur au débats, les démarches que celui-ci avait effectuées en vue du reclassement des salariés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS, DE SEPTIEME PART, QUE manque nécessairement à son obligation de reclassement l'employeur qui ne respecte pas une des mesures prévues à cet effet par le plan de sauvegarde de l'emploi ; que dans leurs conclusions d'appel (p. 34 § 1 à 8), les salariés soutenaient que la société KODAK s'était engagée, dans le plan social, à les interroger sur le périmètre de leur mobilité géographique en Europe avant de rechercher une éventuelle solution de reclassement à l'étranger, ce qui n'avait jamais été fait ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que l'employeur justifiait de l'impossibilité de reclasser les salariés à l'étranger sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, s'il avait exécuté les engagements qu'il avait pris à cet égard dans le plan de sauvegarde de l'emploi, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leur demande de dommages-intérêts pour perte d'une chance d'éviter leur licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « les salariés ne sont pas fondés à reprocher à la société KODAK INDUSTRIE un manquement à son obligation résultant des dispositions de l'accord sur l'emploi du 15 janvier 1991 en l'absence de lien direct et certain établi entre l'absence de négociation sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et les licenciements intervenus dans le contexte mondial de mutation technologique non prévisible dans toute son ampleur et dans sa rapidité, requérant de la part des salariés d'autres compétences ne pouvant être acquises par de simples mesures d'adaptation à l'emploi ; que les salariés doivent être déboutés de leur demande indemnitaire au titre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » ;
ALORS QUE le non-respect, par l'employeur, d'une obligation de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences prive nécessairement les salariés d'une chance d'être maintenus dans leur emploi et leur cause à cet égard un préjudice qu'il appartient aux juges de réparer ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 2242-15 du code du travail, ensemble les articles 1382 du code civil et 1 et 2 de l'accord national sur l'emploi du 15 janvier 1991.

Quatrième moyen produit pour M. X..., demandeur au pourvoi n° J 11-23.420
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de complément d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... se prévaut d'une attestation établie le 20 décembre 2005 par Madame Y..., directrice des ressources humaines de la Société KODAK INDUSTRIE, pour soutenir que son employeur s'est à lui procurer un avantage en ce qui concerne le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement et qu'il est tenu de lui verser la somme de 8 592 € nets correspondant à la différence entre le montant de cette indemnité au paiement duquel il s'était et le montant de l'indemnité versée ; qu'aux termes de l'attestation du 20 décembre 2005, Madame Y... indiquait que Monsieur X... percevrait., au plus tard le 31 janvier 20065 une somme supérieure à 57 500 € "au titre du versement des indemnités de licenciement économique" ; qu'au titre de ces indemnités il est établi que Monsieur X... a perçu la somme de 48 908 € au titre de l'indemnité de licenciement et celle de 5 257,53 € au titre de l'indemnité de préavis, soit, au total, une somme de 54.165,53€ ; qu'il n'est pas contesté, non plus, que attestation était destinée à faciliter l'attribution d'un prêt à Monsieur X... ; qu'il n'est pas contesté, non plus, que les sommes versées à Monsieur X..., au titre de l'indemnité de licenciement et de préavis, ont été calculées conformément aux dispositions légales, conventionnelles et contractuelles applicables ; que Monsieur X... n'est, dans ce contexte, pas fondé à se prévaloir d'un document qui n'avait pas valeur d'engagement sur un montant précis, et ne constituant pas, de ce fait, un engagement unilatéral à le faire bénéficier d'un avantage personnel » ;
ALORS QUE l'employeur est tenu par les engagements unilatéraux qu'il prend à l'égard de ses salariés ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que par une attestation du 20 décembre 2005, la directrice des ressources humaines de l'entreprise s'était engagée à verser à M. X... une somme d'un montant supérieur à 57.500 € au titre du versement des indemnités de licenciement économique et que n'avait finalement été versée à ce dernier, au titre de l'indemnité de licenciement, qu'une somme de 48.908 € ; qu'en refusant de condamner l'employeur à payer la différence entre ces sommes, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, AU SURPLUS, QUE constitue un engagement unilatéral créateur d'obligations, toute manifestation de volonté de l'employeur de faire bénéficier ses salariés d'un avantage déterminé ; qu'en l'espèce, il résulte des termes clairs et précis de l'attestation du 20 décembre 2005 que la directrice des ressources humaines s'était engagée à verser à M. X... une somme d'un minimum de 57.500 € au titre de son indemnité de licenciement ; qu'en affirmant que ce document ne comportait pas d'engagement unilatéral dont aurait pu se prévaloir le salarié, la cour d'appel, qui l'a dénaturé, a derechef violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-23418;11-23419;11-23420
Date de la décision : 24/10/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 23 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 oct. 2012, pourvoi n°11-23418;11-23419;11-23420


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.23418
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