LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 5 mai 2011 et 14 décembre 2010), que M. Roger X... et Mme Y... se sont mariés le 19 mars 1988 ; que trois enfants sont nés durant leur union : Mathieu, le 16 novembre 1991, Guillaume, le 8 novembre 1997 et Baptiste le 16 septembre 2001 ; que le divorce des époux X... a été prononcé le 13 janvier 2004 et confirmé en appel le 7 juin 2005 ; que M. Z... a assigné Mme Y... et M. X... en contestation de la paternité de celui-ci à l'égard de Baptiste et en reconnaissance de sa paternité ;
Attendu que M. X... fait grief aux arrêts d'accueillir cette demande ;
Attendu qu'ayant pris en considération, après avoir entendu Baptiste, l'intérêt supérieur de l'enfant qui justifie de mettre fin à une situation d'insécurité psychologique et juridique et constaté qu'aucun motif légitime ne venait au soutien du refus de l'enfant de se soumettre à l'expertise biologique ordonnée, la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments produits notamment des premières déclarations de Mme Y... confirmant la réalité de ses relations intimes avec M. Z..., des photographies et des déclarations mêmes de Baptiste qui confirmait voir régulièrement M. Z... qu'il savait être son père et qui l'avait accueilli chez lui dès la séparation des époux X..., a estimé que ces éléments étaient suffisants pour établir la paternité de M. Z... à l'égard de Baptiste ; que le moyen, qui vise dans ses troisième et quatrième branches un motif surabondant, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. Roger X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris et dit que l'action en contestation de paternité formée par M. Z... à l'égard de M. X... était recevable et bien fondée et d'AVOIR, en conséquence, dit que M. X... n'était pas le père de l'enfant Baptiste né le 16 décembre 2001 et dit que M. Z... était le père de l'enfant Baptiste né le 16 décembre 2001, dit que l'enfant Baptiste, né de la relation de Nathalie Y... et de Jean-Luc Z..., portera le nom patronymique de Y..., ordonné la transcription par les services de l'état du dispositif du présent arrêt en marge de l'acte de naissance de l'enfant Baptiste.
AUX MOTIFS QUE : « Par arrêt avant dire droit du 10 décembre 2010, la cour a constaté l'impossibilité de procéder à l'expertise sanguine aux fins d'établissement de la filiation paternelle de l'enfant Baptiste X..., né le 16 septembre 2001. L'examen des pièces produites aux débats, dont la plupart résultent des précédentes procédures judiciaires ayant opposé les époux X... dans le cadre d'un divorce particulièrement conflictuel, et de la procédure d'assistance éducative ouverte chez le juge des enfants à l'égard de Guillaume et Baptiste dont les conditions d'éducation et la stabilité psychologique étaient gravement compromises, révèle que le divorce des époux X..., qui ont été autorisés à résider séparément par ordonnance de non conciliation du 8 novembre 2002, a été prononcé par le tribunal de grande instance de Dragignan le 13 janvier 2004 aux torts partagés des époux, eu égard aux relations extra-conjugales qu'entretenaient chacun de leur côté les exépoux, et dont tous deux avaient parfaitement et respectivement connaissance. Par arrêt en date du 7 juin 1995, la cour d'appel a d'ailleurs confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Dragignan en date du 13 janvier 2004 sur ce point. M. Z... a assigné M. X... et Mme Y... devant le TGI de Toulon en juillet 2006 aux fins d'établissement de sa filiation paternelle à l'égard de Guillaume et Baptiste. Depuis, celui-ci n'a jamais varié dans ses demandes et a toujours soutenu avoir entretenu des relations intimes suivies avec Mme Y... pendant la période de conception des deux enfants. Si Madame Y... conteste aujourd'hui la validité de ses conclusions du 2 janvier 2009 devant la cour d'appel, elle ne remet nullement en cause les conclusions déposées par son avocat, Maître A..., en avril 2007 devant le TGI de Toulon, selon lesquelles elle a alors acquiescé à la demande d'expertise biologique de M. Z... et précisé à la juridiction que selon elle, les enfants Guillaume et Baptiste avaient pour père M. Z..., mais tente de les expliquer de manière fort peu convaincante par le harcèlement qu'elle subissait de la part de M. X.... Mme Y... a en effet, à plusieurs reprises, et auprès d'interlocuteurs très différents, confirmé la réalité de ses relations intimes avec M. Z... et de la paternité de celui-ci à l'égard de Baptiste, avant de changer de position au cours de la présente procédure d'appel. Elle a ainsi, à l'occasion d'un constat d'huissier de la SCP E... établi le 2 novembre 2003, indiqué à M. X..., en présence de l'huissier, qu'elle allait faire un désaveu de paternité, que les enfants n'étaient pas de lui, qu'elle avait faire un test de paternité en Allemagne, et que les enfants le savaient, proposant à M. X... de faire un test ADN et une procédure de désaveu. Interpellée par l'huissier, Mme Y... a souhaité que celui-ci note que le vrai père des enfants allait les reconnaître, et que ceux-ci le voyaient régulièrement. En 2003, les rapports d'examen médico-psychologiques établis par Mme B..., désignée en qualité d'expert dans le cadre de la procédure devant la chambre des affaires familiales, évoquaient la confusion, évoquait la confusion des rôles paternels entretenus par la mère entre son conjoint et son compagnon actuel prénommé Jean-Luc, et les difficultés psychologiques qu'une telle situation entraînait pour les enfants, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance du conseiller de la mise en état de la chambre des affaires familiales de la Cour en date du 23 juin 2003. Le rapport social rédigé dans le cadre de la mesure d'investigation et d'orientation éducative ordonnée par le juge des enfants de Toulon à l'égard des enfants souligne la relation de longue date entretenue par Mme Y... avec son mari pendant la vie maritale, les révélations faites par elle sur la filiation de Guillaume et Baptiste, et l'intensité du conflit entre Y... et X..., dont les deux enfants ont été alors l'enjeu. Lors de l'expertise psychiatrique de Baptiste ordonnée le 31 août 2004 par le juge des enfants de Toulon, et réalisée par le Docteur C..., psychiatre au centre départemental d'évaluation et d'observation de l'enfance et de l'adolescence à l'hôpital Chalucet de Toulon en octobre 2004, elle a indiqué à l'expert psychiatre qu'elle aurait voulu se séparer depuis longtemps de son mari, mais que devant la réticence de ses propres parents, elle était restée avec celui-ci, tout en ayant une liaison adultère pendant de nombreuses années avec un autre homme avec lequel elle déclarait avoir conçu Guillaume et Baptiste, précisant d'ailleurs qu'elle avait fait pratiquer un test de paternité avant même sa séparation avec M. X..., afin d'être certaine de ce qu'elle avait toujours pensé. Elle ajoutait en outre : « pour Baptiste, je suis sûre qu'il n'est pas de mon mari puisque je n'avais plus de relations avec lui. Les résultats des tests ADN comparatifs pratiqués à sa demande en Allemagne en octobre et novembre 2002 et établissant une forte probabilité de paternité à hauteur de plus de 99, 9999 % entre M. Z... et Baptiste, lesquels ont été versé aux débats de la Cour, confirment ces déclarations, même si ces tests ont été effectués hors toute procédure judiciaire contradictoire. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour a constaté que l'enfant n'avait pas bénéficié d'une possession d'état conforme à son titre pendant 5 ans à compter de sa naissance au sens de l'article 333 du code civil et que la preuve de relations intimes entre M. Z... et la mère de Baptiste pendant la période légale de conception de l'enfant était établie, et a ordonné, comme le proposait M. Z..., une expertise biologique. Les obstacles opposés, au cours de la procédure d'appel, par les défendeurs à la réalisation de cette expertise en sauraient mettre en échec le droit du demandeur de voir établie la réalité de la filiation biologique de Baptiste, lequel est soumis depuis trop longtemps aux revirements de position de sa mère, aux pressions et à l'ambiguïté des relations entre adultes autour de lui, qui ont mis l'enfant en danger et ont créé une véritable insécurité chez celui-ci, ayant nécessité l'ouverture d'une procédure de protection judiciaire de l'enfance, et un suivi au plan psychologique et éducatif. L'audition de Baptiste par un Conseiller de la Cour a permis à l'enfant d'expliquer qu'il ne souhaitait pas se rendre chez l'expert pour faire un examen de sang, parce qu'il connaissait depuis toujours la réalité de sa filiation, savait que X... n'était pas son père, et qu'il redoutait de devoir changer de nom, mais surtout de ne plus vivre, comme aujourd'hui, avec son frère Guillaume, chez sa mère, comme celle-ci lui en avait expliqué le risque. Les craintes exprimées par Baptiste viennent confirmer la peur de Y... de voir remis en cause le maintien de Guillaume à son domicile en cas d'établissement de la paternité de M. Z... sur Baptiste, et expliquer son changement d'attitude au cours de la procédure d'appel, ainsi que son absence aux diverses convocations du Professeur D..., chargé de l'expertise biologique, et de l'administrateur ad hoc de l'enfant désigné par la Cour. Il ressort des photographies versées aux débats, et des explications mêmes de Madame Y..., que Baptiste voyait auparavant régulièrement M. Z... qu'il savait être son père, ce que confirme l'audition de l'enfant. M. Z... a toujours manifesté de l'intérêt à l'égard de Baptiste qu'il a accueilli chez lui dès que sa mère s'est séparée de X..., et n'a jamais renoncé à faire établir sa paternité à l'égard de l'enfant, même lorsqu'il s'est heurté au revirement de position de Y... qui l'a empêché d'entretenir des relations régulières avec lui. Il apparaît en conséquence qu'aucun motif légitime ne justifie le refus des défendeurs comme de l'enfant de se soumettre au test scientifique qui a été ordonné par la Cour, et n'explique l'absence de volonté de M. X... de faire la preuve par le moyen d'un test ADN de sa prétendue paternité, sinon la certitude qu'à chacun d'eux que X... n'est pas le père de Baptiste, et la crainte de voir établir par un moyen scientifique irréfutable la paternité de M. Z... à l'égard de l'enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant justifie de mettre fin à cette situation d'insécurité psychologique et juridique, qui le prive du droit d'entretenir des relations avec chacun de ses parents, étant précisé qu'en application de l'article 337 du code civil, il pourra cependant être maintenu des relations entre Baptiste et X... et sa famille, avec lesquels il a noué des liens d'affection. Au vu de ce qui précède, la cour estime devoir accueillir l'action en contestation de paternité légitime de X... formée par l'appelant, et déclarer la paternité de Z... à l'égard de l'enfant Baptiste né le 16 septembre 2001à Manosque de sa relation avec Y.... Concernant le nom de l'enfant, la Cour considère qu'en vertu des dispositions de l'article 311-23 du code civil, applicables en cas d'établissement non simultané de la filiation d'un enfant, Baptiste prendra le nom patronymique de sa mère, Nathalie Y..., à l'égard de laquelle sa filiation a été établie en premier. »
1. ALORS QUE l'intérêt supérieur de l'enfant interdit que l'on puisse détruire une filiation juridique confortée par une possession d'état de plusieurs années sur la base des seules déclarations de la mère et du père prétendu ; que seule une expertise biologique diligentée sous le contrôle du juge judiciaire français et avec l'accord de l'enfant autorise à détruire la filiation juridique ; qu'en l'absence d'expertise biologique refusée par l'enfant au terme d'une audition judiciaire hors la présence de ses parents, le juge a l'obligation de rejeter l'action en contestation de paternité exercée par le père prétendu ; qu'en l'espèce, l'expertise biologique a été refusée par l'enfant Baptiste qui s'est exprimé librement chez le juge, hors la présence de ses parents et a manifesté sa volonté de conforter sa filiation juridique ; qu'en décidant, contre l'avis de l'enfant et sans qu'une expertise biologique régulière ait établi une paternité biologique différente de la paternité juridique que Monsieur X... n'était pas le père de Baptiste et que cette qualité devait être reconnue à Monsieur Z..., la Cour d'appel a violé les article 16-11, 310-2, 312, 332 du Code Civil et les dispositions de la Conventions Internationale de New-York.
2. ALORS QUE les seules déclarations de la mère de l'enfant et du père prétendu ne suffisent pas à renverser la présomption de paternité de l'article 312 du code civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour accueillir l'action en contestation de paternité légitime de M. Z... à propos de l'enfant Baptiste, s'est bornée à relever que M. Z... « n'avait jamais varié dans ses demandes et a vait toujours soutenu avoir entretenu des relations intimes suivies avec Mme Y... pendant la période de conception des deux enfants » (arrêt attaqué, p. 6, § 2) et que Mme Y... avait elle-même déclaré qu'elle avait conçu Baptiste avec un autre homme que son époux (arrêt attaqué, p. 6, § 5, p. 7, § 1) ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 310-2 du code civil, ensemble l'article 312 du même code.
3. ALORS QUE l'expertise officieuse, réalisée en dehors de toute procédure judiciaire, ne peut être prise en compte par le juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour accueillir l'action en contestation de paternité légitime de M. Z... à propos de l'enfant Baptiste, a cependant considéré que l'expertise officieusement réalisée en Allemagne à la demande de Mme Y..., qui « établissa it une probabilité de paternité à hauteur de plus de 99, 9999 % entre M. Z... et Baptiste confirm ait les déclarations de la mère, même si ces tests ont été effectués en dehors de toute procédure contradictoire » (arrêt attaqué, p. 7, § 2) ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 16-11 du code civil.
4. ALORS, en tout état de cause, QUE, le juge doit en toutes circonstances faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en accueillant l'action en contestation de paternité légitime de M. Z... sur la base de l'expertise officieuse réalisée en Allemagne à la demande de Mme Y..., qui « établissa it une probabilité de paternité de paternité à hauteur de plus de 99, 9999 % entre M. Z... et Baptiste et confirm ait les déclarations de la mère, même si ces tests ont été effectués en dehors de toute procédure contradictoire » (arrêt attaqué, p. 7, § 2), la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
5. ALORS QUE l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder, les juges déterminant si la paternité ou la non paternité de l'intéressé peut s'inférer de son refus de s'y soumettre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour accueillir l'action en contestation de paternité de M. Z..., a considéré qu'il convenait de déduire du refus de l'enfant Baptiste d'y participer que M. X... n'était pas le père ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 16-11 du code civil.
6. ALORS QUE les juges doivent répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir participé à l'expertise biologique qui avait été ordonnée par la cour d'appel et, du reste, refusée par l'enfant Baptiste, dans la mesure où l'arrêt l'ordonnant ne lui avait pas été signifié ; que la cour d'appel, pour accueillir l'action en contestation de paternité de M. Z..., a néanmoins tiré les conséquences d'un prétendu refus de M. X... de participer à l'expertise biologique précitée, sans répondre à ce chef de conclusion décisif, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.